Julienne de
Cornillon, ou Julienne du Mont-Cornillon, naquit vers
1192, à Rétinne, près de Liège, en Belgique. Ses
parents, Henri et Frescende étaient des agriculteurs
fortunés qui, malheureusement décédèrent alors que
Julienne n'avait encore que cinq ans. Julienne fut alors
confiée, avec sa sœur Agnès, au couvent des sœurs
augustiniennes du Mont Cornillon, à Liège, pour y être
élevée par les religieuses. Le couvent dirigeait une
léproserie bénéficiant d'une véritable vie économique et
communautaire, imposée en 1175, par les bourgeois de
Liège. Le couvent-léproserie se composait de quatre
communautés: les hommes malades et les hommes sains, les
femmes malades et les femmes saines. Les quatre
communautés vivaient sous la direction de deux prieurs,
un prêtre et une femme, dirigeant des religieux et des
religieuses astreints à l'observance du célibat, au
partage des biens et de la prière, sans cependant
bénéficier d'une vraie règle religieuse.
Dès
qu'elle eut 14 ans, Julienne fut admise au nombre des
sœurs. Exceptionnellement intelligente, elle étudia le
latin et le français, ce qui lui permit de lire les
écrits des Pères de l'Église, dont Saint Augustin et
Saint Bernard. Julienne aimait beaucoup saint Bernard et
ses écrits. Sur le plan spirituel, Julienne était
particulièrement orientée vers la dévotion
eucharistique. Elle aurait eu, dès 1208, quelques
visions mystiques, dont l'une, qui revenait souvent, la
troubla beaucoup car elle n'en comprenait pas la
signification: elle voyait une lune rayonnante de
lumière, mais coupée en deux, car une bande noire la
divisait en deux parties égales. Cependant elle n'en
parla à personne.
En 1222,
âgée de trente ans, Julienne fut élue prieure des sœurs
augustiniennes du monastère de Cornillon. Cette charge
sera une dure épreuve pour elle, car elle aura à subir
de nombreuses oppositions, venant, soit des membres de
sa communauté, soit des bourgeois de Liège qui
souhaitaient augmenter leur pouvoir sur la léproserie et
en accaparer les charges. Malgré tout, Julienne
s’efforcera de faire évoluer la communauté des sœurs de
la léproserie vers une forme de vie plus religieuse.
Quant aux bourgeois de Liège, ils iront même jusqu'à
saccager le lieu où elle habitait dans la léproserie.
Par ailleurs, la vision de la lune coupée en deux
continuait à se présenter à ses regards. Craignant
d'être victime d'une illusion diabolique, Julienne
supplia le divin Maître de l'éclairer. C'est
Notre-Seigneur qui lui en donnera la signification. Il
lui aurait dit un jour:
– La
lune représente l'Église, et l'échancrure signifie le
manque d'une solennité dont Je désire l'institution.
Pour réveiller la foi des populations et pour le bien
spirituel de Mes élus, Je veux qu'une fête spéciale soit
établie en l'honneur du sacrement de Mon Corps et de Mon
Sang. Cette fête aura une solennité que ne peut avoir le
Jeudi-Saint déjà occupé par la mémoire de Ma Passion.
C'est toi que Je charge de t'occuper la première de
cette fête et de faire connaître la nécessité de
l'établir. C'est toi qui commenceras, et des personnes
humbles continueront.
Après de
longues hésitations, Julienne accepta finalement sa
mission. Elle se recommanda à Ève, recluse à Saint
Martin, et qui allait devenir la Bienheureuse Ève de
Liège, et à Isabelle, une vierge de Huy, près de Liège.
Ève et Isabelle soutinrent Julienne par leurs prières et
lui firent rencontrer des clercs savants et influents
dont Jean de Lausanne, chanoine de Saint Martin, Jacques
de Troyes, alors archidiacre de Campine qui deviendra
pape sous le nom d’Urbain IV et Hugues de Saint-Cher,
prieur des Dominicains de Liège. Leurs avis sur ses
révélations et la nouvelle fête à instituer lui furent
favorables: rien ne s'opposait à l'instauration d'une
fête consacrée à l'Eucharistie: la Fête-Dieu.
La
Fête-Dieu (ou fête du Corpus Christi),
qui célèbre la
présence réelle du Christ dans le Saint-Sacrement de
l’Eucharistie,
fut introduite en Europe,
d'abord en 1246, dans le diocèse de Liège. Immédiatement
les bourgeois de Liège s'opposèrent à cette fête.
L'opposition à la fête devint encore plus forte après la
mort de son protecteur le Prince-Évêque Robert de
Thourotte. Il avait recommandé l'institution de la fête
au clergé qui l'entourait et en fit célébrer l'office en
sa présence, à Fosses même. Il y mourut, le 16 octobre
1246 sans avoir pu tenir un synode général pour
l'instituer officiellement.
L'opposition devint alors une persécution telle que
Julienne et quelques compagnes quittèrent leur couvent.
Elles trouvèrent asile dans plusieurs abbayes
cisterciennes hors de la Principauté de Liège, et
notamment à Salzinnes. Malheureusement, en 1254 la
guerre civile désola la principauté et menaça aussi
Salzinnes. Julienne dut quitter l’abbaye pour se
réfugier dans une récluserie à Fosses-la-Ville. Elle y
mourut suite à une maladie de gorge le 5 avril 1258.
Après la
mort de Julienne, son amie, Ève, continua les démarches,
et obtint l'institution de la fête pour l'Église
universelle grâce à sa bonne relation avec Jacques
Pantaléon. Jacques Pantaléon de Troyes, archidiacre de
Liège, futur pape Urbain IV, institua la Fête Dieu pour
l'Église universelle par la bulle Transiturus de hoc
mundo le 11 août 1264. La Fête-Dieu ne fut cependant
reçue dans l'ensemble de l'Église latine que sous
Clément V lors du Concile œcuménique de Vienne, en 1311.
Remarquons
que la décision du pape Urbain IV d'instituer la
Fête-Dieu fut facilitée par le surprenant miracle
eucharistique, qui, en 1263, eut lieu à Bolsena, en
Italie, dans le diocèse d'Orvieto, en Ombrie, ou
résidait le pape Urbain IV. Le "Miracle eucharistique de
Bolsena" eut lieu dans l'Église sainte Christine où
célébrait un prêtre allemand, le père Pedro de Praga
(Pierre de Prague) très fidèle à Dieu, mais qui
cependant avait des doutes sur la présence réelle de
Jésus dans l'Eucharistie. Ce prêtre allemand avait
décidé d'aller à Rome, visiter les tombeaux des apôtres
saint Pierre et saint Paul et d'implorer le pardon de
ses péchés. Arrivé au château de Bolsena, dans le
diocèse d’Orvieto, il fit une halte pour célébrer la
Messe en l’Église Sainte-Christine. Au moment de la
consécration, l’hostie qu'il tenait dans ses mains
au-dessus du calice, se transforma en chair maculée de
sang. De plus, une bande d’étoffe, qui servait à la
purification du calice fut maculée par l’effusion du
sang.
En voyant
cela le prêtre, atterré, cessa de célébrer n’osant pas
poursuivre la messe. Il replaça le vénérable Sacrement
dans le tabernacle et courut rencontrer le Souverain
Pontife, alors présent à Orvieto. En entendant le récit
du prêtre allemand, le Pape lui donna l’absolution et
une saine pénitence. Puis il demanda que le Vénéré Corps
du Christ fût porté dans l’Église d’Orvieto. Le
transfert se fit au cours d'une très grande solennité.
En nous
souvenant de sainte Julienne de Cornillon renouvelons
nous aussi notre foi dans la présence réelle du Christ
dans l'Eucharistie.
Paulette
Leblanc |