Jourdain de Saxe
Dominicain - Bienheureux
(1190-1237)

13

FÉVRIER

Jourdain de Saxe naquit vers 1190, à Burgsberg, en Saxe, en Allemagne, dans une famille noble, les comtes d'Eberstein. Dès sa jeunesse, il avait pris l'habitude de donner chaque jour une aumône au premier pauvre qu'il rencontrait. Envoyé à Paris pour faire ses études de théologie, Jourdain continua à mener une vie pieuse: ainsi, chaque nuit, il se rendait à Notre-Dame pour suivre l'office des matines. En 1219, bachelier en théologie, il devint sous-diacre. Or, les frères prêcheurs venaient de s'installer rue Saint Jacques, à Paris, dans un dénuement extrême.

Saint Dominique, le fondateur des Frères prêcheurs, de retour d'Espagne, vint visiter ses frères de Paris. Sa parole suscita un grand enthousiasme dans le monde universitaire, et Jourdain désira le rencontrer. Il vint l'entendre, se confessa à lui, et le choisit comme directeur de conscience. Cependant il n'entra pas tout de suite dans l'Ordre fondé par saint Dominique. Ce n'est que le mercredi des Cendres de l'année 1220 qu'il fut  reçu, avec deux autres futurs frères, par le bienheureux Réginald, doyen de la collégiale Saint-Aignan d'Orléans.

Deux mois plus tard, saint Dominique organisa, à Bologne, en Italie, le premier chapitre général de l'Ordre. Jourdain n'était encore qu'un jeune dominicain, mais ses qualités humaines et spirituelles étaient si évidentes que, deux mois seulement après son entrée au couvent parisien de Saint-Jacques, il fut envoyé à Bologne, avec trois autres frères de Paris, afin de représenter sa communauté au premier chapitre général de l'ordre. Puis, revenu à Paris, Jourdain fut désigné comme professeur d'Écriture sainte, tâche qu'il accomplira jusqu'en 1221, lorsque saint Dominique le nommera provincial de Lombardie, en Italie.

Mais le 6 août 1221, saint Dominique décédait à Bologne, et quelques mois plus tard, Jourdain de Saxe était élu par le chapitre général pour lui succéder. Il avait trente ans. Il restera Maître Général de l'Ordre jusqu'à sa mort en 1237. Premier successeur de saint Dominique, Jourdain de Saxe sut donner à l'Ordre une impulsion décisive et attira de nombreuses vocations d'étudiants, ou de professeurs séduits par sa parole. Ainsi, un jour, à Paris rue Saint Jacques, il donna l'habit des prêcheurs à 20 novices en même temps. Une autre fois, à Verceil, en Italie, il attira à lui, donc à l'Ordre des Dominicains, treize clercs très savants et renommés.  Vraiment, trop de gens venaient à Jourdain de Saxe… et on commença à le critiquer, lui reprochant de recevoir de trop jeunes novices. Mais Jourdain répondit au cours d'un chapitre général: "Laissez ces enfants. Vous verrez qu'ils étendront leur action sur des hommes plus instruits."

Jourdain de Saxe consolida l'Ordre des Dominicains, encore jeune, grâce à son zèle et à son intelligente sagesse: il acheva de lui donner ses bases juridiques et multiplia les voyages et les prédications à Paris, à Bologne, à Oxford, à Trente, à Magdebourg, et dans beaucoup d'autres villes, afin d'attirer de nouveaux disciples. Pendant le généralat de Jourdain de Saxe, quatre nouvelles provinces furent ouvertes, et 240 nouveaux couvents de frères ou de religieuses furent créés. Il travailla beaucoup à la mise au point des Constitutions de l'Ordre.

Jourdain assista aux fêtes de la canonisation de saint Dominique, le 3 juillet 1234 par le pape Grégoire IX. Nous devons savoir aussi que c'est à Jourdain de Saxe que nous devons le "Salve Regina" qui est chanté chaque jour après l'office des Complies. D'abord chanté à Bologne, ce chant se répandit en Lombardie puis dans tout l'Ordre des Dominicains. Doux et compatissant, Jourdain de Saxe aimait beaucoup ses frères infirmes qu'il aidait de tout son pouvoir. Pourtant il savait aussi être très ferme. Cette fermeté se manifesta particulièrement dans ses relations avec les autorités de son époque; ainsi, au niveau politique, Jourdain de Saxe fut conduit à jouer un rôle très important dans la lutte qui existait entre les membres de l'Église et l'empire. En effet, pacifique par tempérament, il savait être intrépide quand il le fallait; c'est ainsi qu'il n'hésita pas à reprocher à l'empereur Frédéric II sa conduite et ses scandales.

Enfin, nous ne devons pas oublier que c'est Jourdain de Saxe qui  rédigea le Libellus de principiis Ordinis Praedicatorum, texte qui est à la fois un récit documenté de la vie de Dominique de Guzmán, saint Dominique, et des débuts de l'ordre des Prêcheurs. Un écrivain, Paul Vicaire, devenu le Père Marie-Humbert, écrivit au sujet de ce Libellus qu'il "était la base de l'historiographie dominicaine primitive. Il l'est par sa date: aucune relation écrite de la vie de saint Dominique ne l'a précédé et toutes les autres dérivent de lui. Il l'est par sa valeur: de tous les récits qu'il inspire, il est le plus autorisé… Jourdain de Saxe est maître de sa plume et sait conter avec agrément, brièveté, précision, bonhomie et humour. Des réflexions spirituelles pleines de saveur émaillent sans lourdeur un récit qui marche avec rapidité."

En 1236, Jourdain de Saxe alla en Terre Sainte pour visiter les couvents de l'Ordre, qui s'y étaient établis. Au retour, le navire dans lequel se trouvait Jourdain de Saxe chavira, à cause d'une redoutable tempête, près des côtes de Syrie. Heureusement, la mer rejeta son corps, qui fut enseveli dans un couvent copte, le couvent de Ptolémaïs, ou couvent Blanc qui deviendra le couvent dominicain d'Acre. C'était le 13 février 1237. Jourdain avait à peine 50 ans. Il fut béatifié en 1865, par le pape Léon XII. Sa fête est le 13 février.

Voici maintenant quelques petits compléments:

– Jourdain de Saxe fut remplacé comme Maître Général des Dominicains par saint Raymond de Peñafort, élu le jour de la Pentecôte 1238. Jourdain de Saxe est aujourd'hui vénéré comme le patron des vocations dominicaines.

– Jourdain de Saxe eut une vaste correspondance avec la Bienheureuse Diane d'Andalo, une moniale dominicaine de Bologne, première abbesse du couvent dominicain de Sainte-Agnès de Bologne. Jourdain lui écrivit: "Tes progrès et tes joies en Dieu sont la douce nourriture de mon esprit."

– Nous savons que Jourdain de Saxe, doux pour ses frères, les aidait de tout son pouvoir. Mais il savait aussi se montrer très ferme avec eux, mais avec humour.  Ainsi, un jour, un frère prêcheur lui ayant demandé d'être relevé de sa charge, Jourdain lui répondit: "Mon fils, cette charge a quatre annexes: la négligence, l'impatience, le travail et le mérite; je vous décharge des deux premières, la négligence et l'impatience, et je vous laisse les deux autres, le travail et le mérite."

– Voici deux autres citations de Jourdain:

            Tout d'abord concernant la Vierge Marie: "Tous les saints exercent leur droit de patronage plutôt sur ceux qui leur sont spécialement confiés… tandis que la Mère de Dieu, Reine de tous les hommes, est également la protectrice de tous et s'emploie au salut de tous."

– Et sur l'importance, dans la vie spirituelle, de l'oraison et de la Sainte Écriture: "De même que la vie du corps se soutient par le mélange de la boisson et de la nourriture, ainsi pour que se développe la vie de l'âme, il faut alternativement passer de l'oraison à l'étude des saintes Écritures."

Pour conclure je dois dire que le souvenir du Bienheureux Jourdain de Saxe mérite d'être rappelé, d'autant plus que la famille dominicaine a récemment célébré le huitième centenaire de sa fondation par saint Dominique en 1215.

Paulette Leblanc

 

 

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