Jerzy Popieluszko naquit le 14 septembre 1947 à Okopy,
petit village situé au nord-est de la Pologne, près de
Suchowola en Podlasie. Ses parents, Marianne et Ladislas
dirigeaient une exploitation agricole. Très pieux dès
son plus jeune âge, Jerzy fut enfant de chœur dans son
village. Il fera, à partir de 1961, au Lycée de
Suchowola des études assez médiocres, avant d'entrer, à
l'âge de 18 ans, au séminaire de Varsovie. Ses études
furent interrompues pendant deux ans, de 1966 à 1968, à
cause de son service militaire. Il fut placé dans une
unité
spéciale
où étaient réunis les séminaristes, à Bartoszyce, petite
ville du Nord-Est de la Pologne. À plusieurs reprises,
la Pologne était déjà sous régime communiste, et quoique
très bon soldat, Jerzy fut soumis, comme tous les jeunes
de son pays, à cette époque, à des pressions terribles
pour le faire abjurer de sa foi chrétienne. Il fallait
en effet, et cela grâce à un astucieux système
d'endoctrinement, effectué par un personnel sélectionné,
persuader les séminaristes d’abandonner leurs études
cléricales. Mais Jerzy sut résister, et il fut placé
dans un cachot, pendant un mois.
À
la fin de son service militaire Jerzy tomba malade, mais
il put reprendre ses études normalement, et fut ordonné
prêtre à Varsovie en 1972, par le Cardinal Wyszynski. Il
fut d'abord affecté, comme vicaire, à la paroisse de la
Sainte Trinity Zabkach, puis à Notre-Dame Reine de
Pologne, à Aninie. Vers la fin de l'année 1978, il fut
nommé pasteur de l'équipe médicale: il devait s'occuper
des jeunes et du personnel de santé. Là, dans ses
sermons, il condamnait régulièrement la pratique de
l'avortement. Malheureusement ses propres problèmes de
santé s'aggravèrent et, à la fin du mois de janvier
1979, il s'évanouit pendant qu'il célébrait la messe.
Après quelques semaines de séjour à l'hôpital, ne
pouvant plus assurer ses anciennes fonctions de vicaire,
il devint l'aumônier de l'église universitaire Sainte
Anne, de 1979 à 1980.
Petit rappel:
c'est en octobre 1978 que Karol Wojtyła, Archevêque de
Cracovie fut élu pape et prit le nom de Jean-Paul II, à
l'âge de 58 ans.
Le
14 août 1980, les employés des chantiers navals de
Gdansk, ville portuaire située sur la mer Baltique, se
mirent en grève sous la conduite de Lech Walesa. Après
les accords de Gdansk, ces employés demandèrent à leur
Archevêque, le Cardinal Wyszynski, un prêtre pour
célébrer la messe. C'est le Père Popieluszko qui fut
choisi. C’est ainsi que le jeune abbé Popieluszko devint
un ardent défenseur de l’idéal du syndicat de
Solidarité, ou Solidarnosc, fondé par Lech Walesa.
Petite remarque :
Le syndicat Solidarnosc avait été fondé dans
l'illégalité. Ami de Lech Walesa, Jerzy Popieluszko
défendit les partisans du syndicat, s'inspirant de la
spiritualité du bienheureux Maximilien Kolbe.
Malheureusement, toujours aux ordres de l'URSS, donc du
parti communiste, le gouvernement polonais réagit et
proclama l'état de siège le 13 décembre 1981: toutes les
réunions furent interdites, à l'exception des messes. Le
Père Popieluszko continuera donc son ministère en
célébrant, tous les mois, une "messe pour la patrie"
dans la paroisse où il avait été affecté,
Saint-Stanislas-Kotska, dans la banlieue de Varsovie.
Jerzy Popiełuszko, au cours de ses messes mensuelles,
condamnait vigoureusement, dans ses homélies, le régime
en place. Ces célébrations mensuelles, qui attiraient
des milliers de fidèles, étaient très surveillées par la
police. Ces célébrations, diffusés dans tout le pays,
via Radio free Europe, se terminaient parfois par des
échauffourées car les policiers en civil n'hésitaient
pas à jouer les provocateurs. Pourtant, pratiquant
l'amour pour ses ennemis, le Père Popieluszko servait du
café chaud aux policiers chargés de le surveiller, lui
et les grévistes. Car le Père Popieluszko était
surveillé en permanence, et la presse communiste parlait
de lui comme d'un "prêtre qui célébrait des messes de
la haine".
En
automne 1983, une liste de 69 prêtres "extrémistes", sur
laquelle figurait le Père Popieluszko, liste établie par
le gouvernement du général Jaruzelski fut remise à
l'archevêque de Varsovie. Prière était faite au nouveau
Primat de Pologne de faire taire ces gêneurs en soutane.
La même année, Jerzy accusé de détention d'armes fut
arrêté par le service de sécurité, mais il est vite
relâché grâce à l'intervention du clergé. La nuit
suivante, quelqu'un déposa une grenade dans son
vestibule. Le Père échappa à cet attentat de justesse.
De janvier à avril 1984, le prêtre, "accusé d'abus de
sacerdoce" fut convoqué 13 fois par la milice. En
mars 1984, le Pape lui envoya un cadeau pour le
féliciter d'avoir osé critiquer une décision du
gouvernement communiste polonais qui interdisait les
crucifix dans les écoles. En conséquence, la police
politique organisa le 13 octobre 1984, un accident de
voiture pour le tuer mais Jerzy y échappa encore.
Cependant, les événements allaient se précipiter. Le 19
octobre 1984, au retour d'une visite pastorale à
Bydgoszcz, la voiture de l'ecclésiastique fut arrêtée
par un véhicule banalisé de la police en rase campagne,
à 160 km au nord-ouest de Varsovie, sous prétexte d’un
contrôle d’alcoolémie. Le père Popieluszko fut battu,
ligoté et jeté dans le coffre de la voiture de police.
Son chauffeur, Waldemar Chrostowski, ancien
parachutiste, menotté et obligé de prendre place à
l'intérieur, avec les trois policiers, profita d'un
moment d'inattention de ses ravisseurs pour sauter de la
voiture en marche. Ses menottes se brisèrent sous le
choc. Paniqués, les policiers décidèrent de poursuivre
la route avec Popieluszko dans le coffre.
Chrostowski arriva bientôt dans un presbytère et donna
l'alerte. Le soir même, la télévision officielle faisait
état de l'enlèvement du père Popieluszko par des
inconnus. Pendant plusieurs jours, aucune nouvelle ne
fut donnée sur le sort du père Popieluszko. Que
s'était-il passé ? Après avoir longtemps roulé, les
policiers sortirent du coffre de la voiture
l'ecclésiastique à moitié étouffé par son bâillon, et
ils le torturèrent jusqu'à ce que mort s'ensuive; puis
le corps de Jerzy Popieluszko fut lesté et jeté dans un
réservoir d'eau de la Vistule. Le corps du Père
Popieluszko fut retrouvé dans un lac artificiel formé
par le barrage de Wloclawek, sur la Vistule à une
centaine de kilomètres au nord de Varsovie. Le Père
Jerzy Popieluszko avait 37 ans.
C'est le 27 octobre 1984, que le capitaine Grzegorz
Piotrowski déclara:
— C’est moi qui l’ai tué, de mes propres mains.
En
effet, pour sauver les apparences et faire croire qu'il
ne s'agissait pas d'un meurtre politique, les trois
officiers qui avaient dû commettre le crime: le
capitaine et chef du commando Grzegorz Piotrowski et les
lieutenants Leszek Pękala et Waldemar Chmielewski,
furent condamnés le 7 février 1985 à des peines de
prison, mais, dès le 14 décembre 1986, ils bénéficièrent
de remises de peine. Pourtant ils ne retrouvèrent la
liberté qu'entre 1990 et 2001. En effet, un doute
subsistait sur les commanditaires de cet assassinat: on
voulut faire croire qu'il ne s'agissait que d'une
tentative d'intimidation qui aurait mal tourné.
Certes, le soutien public de Jerzy Popiełuszko au
syndicat Solidarność lui coûta la vie. Mais Popiełuszko
symbolise désormais aux yeux des Polonais la lutte
commune de l'opposition démocratique et de l'Église
catholique contre le régime totalitaire communiste. Le
martyre du jeune prêtre entraîna de nombreuses
conversions, et même l'éclosion de vocations
sacerdotales.
En
novembre 1984, plus de 500 000 personnes se déplacèrent
pour les funérailles de Jerzy Popiełuszko. Jerzy
Popieluszko a été béatifié le 6 juin 2010. Le pape
Benoît XVI demanda que la célébration liturgique en
l'honneur du Père Popieluszko ait lieu le 19 octobre,
jour de son arrestation. Dans certains endroits sa fête
est le 27 octobre.
Et
voici quelques paroles du Père Popieluszko:
Le
31 octobre 1982, le Père Pupieluszko déclarait: "Pour
rester un être libre intérieurement, il faut vivre dans
la vérité. La vie dans la vérité, c'est de témoigner
autour de soi, de reconnaître la vérité, la réclamer
dans chaque situation. Nous ne sommes pas directement
persécutés, nous ne sommes pas menacés de mort.
Sommes-nous libres pour autant? Le chemin de la liberté
s'ouvre devant celui qui témoigne avec courage."
Deux ans avant sa mort, il terminait ainsi un de ses
sermons: "Nous prions Dieu de nous donner
l'espérance, car seulement ceux qui sont forts par
l'espérance sont capables de surmonter toutes les
difficultés."
Paulette Leblanc |