Jerzy Popieluszko
Prêtre, Martyr, Bienheureux
1947-1984

19

OCTOBRE

Jerzy Popieluszko naquit le 14 septembre 1947 à Okopy, petit village situé au nord-est de la Pologne, près de Suchowola en Podlasie. Ses parents, Marianne et Ladislas dirigeaient une exploitation agricole. Très pieux dès son plus jeune âge, Jerzy fut enfant de chœur dans son village. Il fera, à partir de 1961, au Lycée de Suchowola des études assez médiocres, avant d'entrer, à l'âge de 18 ans,  au séminaire de Varsovie. Ses études furent interrompues pendant deux ans, de 1966 à 1968, à cause de son service militaire. Il fut placé dans une unité spéciale où étaient réunis les séminaristes, à Bartoszyce, petite ville du Nord-Est de la Pologne. À plusieurs reprises, la Pologne était déjà sous régime communiste, et quoique très bon soldat, Jerzy fut soumis, comme tous les jeunes de son pays, à cette époque, à des pressions terribles pour le faire abjurer de sa foi chrétienne. Il fallait en effet, et cela grâce à un astucieux système d'endoctrinement, effectué par un personnel sélectionné, persuader les séminaristes d’abandonner leurs études cléricales. Mais Jerzy sut résister, et il fut placé dans un cachot, pendant un mois.

À la fin de son service militaire Jerzy tomba malade, mais il put reprendre ses études normalement, et fut ordonné prêtre à Varsovie en 1972, par le Cardinal Wyszynski. Il fut d'abord affecté, comme vicaire,  à la paroisse de la Sainte Trinity Zabkach, puis à Notre-Dame Reine de Pologne, à Aninie. Vers la fin de l'année 1978, il fut nommé pasteur de l'équipe médicale: il devait s'occuper des jeunes et du personnel de santé. Là, dans ses sermons, il condamnait régulièrement la pratique de l'avortement. Malheureusement ses propres problèmes de santé s'aggravèrent et, à la fin du mois de janvier 1979, il s'évanouit pendant qu'il célébrait la messe. Après quelques semaines de séjour à l'hôpital, ne pouvant plus assurer ses anciennes fonctions de vicaire, il devint l'aumônier de l'église universitaire Sainte Anne, de 1979 à 1980.

Petit rappel: c'est en octobre 1978 que Karol Wojtyła, Archevêque de Cracovie fut élu pape et prit le nom de Jean-Paul II, à l'âge de 58 ans.

Le 14 août 1980, les employés des chantiers navals de Gdansk, ville portuaire située sur la mer Baltique, se mirent en grève sous la conduite de Lech Walesa. Après les accords de Gdansk, ces employés demandèrent à leur Archevêque, le Cardinal Wyszynski, un prêtre pour célébrer la messe. C'est le Père Popieluszko qui fut choisi. C’est ainsi que le jeune abbé Popieluszko devint un ardent défenseur de l’idéal du syndicat de Solidarité, ou Solidarnosc, fondé par Lech Walesa.

Petite remarque : Le syndicat Solidarnosc avait été fondé dans l'illégalité. Ami de Lech Walesa, Jerzy Popieluszko défendit les partisans du syndicat, s'inspirant de la spiritualité du bienheureux Maximilien Kolbe. Malheureusement, toujours aux ordres de l'URSS, donc du parti communiste, le gouvernement polonais réagit et proclama l'état de siège le 13 décembre 1981: toutes les réunions furent interdites, à l'exception des messes. Le Père Popieluszko continuera donc son ministère en célébrant, tous les mois, une "messe pour la patrie" dans la paroisse où il avait été affecté, Saint-Stanislas-Kotska, dans la banlieue de Varsovie. Jerzy Popiełuszko, au cours de ses messes mensuelles, condamnait vigoureusement, dans ses homélies, le régime en place. Ces célébrations mensuelles, qui attiraient des milliers de fidèles, étaient très surveillées par la police. Ces célébrations, diffusés dans tout le pays, via Radio free Europe, se terminaient parfois par des échauffourées car les policiers en civil n'hésitaient pas à jouer les provocateurs. Pourtant, pratiquant l'amour pour ses ennemis, le Père Popieluszko servait du café chaud aux policiers chargés de le surveiller, lui et les grévistes. Car le Père Popieluszko était surveillé en permanence, et la presse communiste parlait de lui comme d'un "prêtre qui célébrait des messes de la haine".

En automne 1983, une liste de 69 prêtres "extrémistes", sur laquelle figurait le Père Popieluszko, liste établie par le gouvernement du général Jaruzelski fut remise à l'archevêque de Varsovie. Prière était faite au nouveau Primat de Pologne de faire taire ces gêneurs en soutane. La même année, Jerzy accusé de détention d'armes fut arrêté par le service de sécurité, mais il est vite relâché grâce à l'intervention du clergé. La nuit suivante, quelqu'un déposa une grenade dans son vestibule. Le Père échappa à cet attentat de justesse. De janvier à avril 1984, le prêtre, "accusé d'abus de sacerdoce" fut convoqué 13 fois par la milice. En mars 1984, le Pape lui envoya un cadeau pour le féliciter d'avoir osé critiquer une décision du gouvernement communiste polonais qui interdisait les crucifix dans les écoles. En conséquence, la police politique organisa le 13 octobre 1984, un accident de voiture pour le tuer mais Jerzy y échappa encore.

Cependant, les événements allaient se précipiter. Le 19 octobre 1984, au retour d'une visite pastorale à Bydgoszcz, la voiture de l'ecclésiastique fut arrêtée par un véhicule banalisé de la police en rase campagne, à 160 km au nord-ouest de Varsovie, sous prétexte d’un contrôle d’alcoolémie. Le père Popieluszko fut battu, ligoté et jeté dans le coffre de la voiture de police. Son chauffeur, Waldemar Chrostowski, ancien parachutiste,  menotté et obligé de prendre place à l'intérieur, avec les trois policiers, profita d'un moment d'inattention de ses ravisseurs pour sauter de la voiture en marche. Ses menottes se brisèrent sous le choc. Paniqués, les policiers décidèrent de poursuivre la route avec Popieluszko dans le coffre.

Chrostowski arriva bientôt dans un presbytère et donna l'alerte. Le soir même, la télévision officielle faisait état de l'enlèvement du père Popieluszko par des inconnus. Pendant plusieurs jours, aucune nouvelle ne fut donnée sur le sort du père Popieluszko. Que s'était-il passé ? Après avoir longtemps roulé, les policiers sortirent du coffre de la voiture l'ecclésiastique à moitié étouffé par son bâillon, et ils le torturèrent jusqu'à ce que mort s'ensuive; puis le corps de Jerzy Popieluszko fut lesté et jeté dans un réservoir d'eau de la Vistule. Le corps du Père Popieluszko fut retrouvé dans un lac artificiel formé par le barrage de Wloclawek, sur la Vistule à une centaine de kilomètres au nord de Varsovie. Le Père Jerzy Popieluszko avait 37 ans.

C'est le 27 octobre 1984, que le capitaine Grzegorz Piotrowski déclara:

— C’est moi qui l’ai tué, de mes propres mains.

En effet, pour sauver les apparences et faire croire qu'il ne s'agissait pas d'un meurtre politique, les trois officiers qui avaient dû commettre le crime: le capitaine et chef du commando Grzegorz Piotrowski et les lieutenants Leszek Pękala et Waldemar Chmielewski, furent condamnés le 7 février 1985 à des peines de prison, mais, dès le 14 décembre 1986, ils bénéficièrent de remises de peine. Pourtant ils ne retrouvèrent la liberté qu'entre 1990 et 2001. En effet, un doute subsistait sur les commanditaires de cet assassinat: on voulut faire croire qu'il ne s'agissait que d'une tentative d'intimidation qui aurait mal tourné.

Certes, le soutien public de Jerzy Popiełuszko au syndicat Solidarność lui coûta la vie. Mais Popiełuszko symbolise désormais aux yeux des Polonais la lutte commune de l'opposition démocratique et de l'Église catholique contre le régime totalitaire communiste. Le martyre du jeune prêtre entraîna de nombreuses conversions, et même l'éclosion de vocations sacerdotales.

En novembre 1984, plus de 500 000 personnes se déplacèrent pour les funérailles de Jerzy Popiełuszko. Jerzy Popieluszko a été béatifié le 6 juin 2010. Le pape Benoît XVI demanda que la célébration liturgique en l'honneur du Père Popieluszko ait lieu le 19 octobre, jour de son arrestation. Dans certains endroits sa fête est le 27 octobre.

Et voici quelques paroles du Père Popieluszko:

Le 31 octobre 1982, le Père Pupieluszko déclarait: "Pour rester un être libre intérieurement, il faut vivre dans la vérité. La vie dans la vérité, c'est de témoigner autour de soi, de reconnaître la vérité, la réclamer dans chaque situation. Nous ne sommes pas directement persécutés, nous ne sommes pas menacés de mort. Sommes-nous libres pour autant? Le chemin de la liberté s'ouvre devant celui qui témoigne avec courage." Deux ans avant sa mort, il terminait ainsi un de ses sermons: "Nous prions Dieu de nous donner l'espérance, car seulement ceux qui sont forts par l'espérance sont capables de surmonter toutes les difficultés."

Paulette Leblanc

 

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