Jeanne de Lestonnac, naquit le 27 décembre 1556 à
Bordeaux. Nous vous rappelons que 1556 fut également
l'année de la mort d’Ignace de Loyola. Nièce du
philosophe Michel de Montaigne, Jeanne de Lestonnac
vécut sa jeunesse à une époque où sévissaient en France
les guerres de religion. Sa mère, Jeanne Eyquem de
Montaigne,
fille
de Pierre Eyquem et d'Antoinette de Louppes, sœur de
Montaigne était une fervente calviniste, contrairement à
son père, Richard de Lestonnac, demeuré très attaché à
sa foi catholique. Toute la vie de Jeanne sera marquée
par les divergences de spiritualité de la vie de sa
famille. Cela n'empêcha pas Jeanne, aînée d'une famille
de six enfants, d'être une élève studieuse, vive et
gaie.
Voici maintenant un fait divers concernant Jeanne de
Lestonnac. La mère de Jeanne voulait la faire devenir
calviniste: c'est la raison pour laquelle, prétextant
des raisons de santé, elle envoya sa fille se reposer
dans une famille calviniste. Mais Montaigne, oncle de
Jeanne, s'en aperçut et avertit son beau-frère, Richard
de Lestonnac, le père de Jeanne, qui, lui, était resté
catholique. Richard rappela sa fille et se fâcha
tellement contre sa femme que celle-ci ne recommença
pas.
En
1572, Jeanne avait 16 ans lorsqu'elle dut épouser Gaston
de Montferrand, marquis de Landiras, de Lamothe. La
famille de Gaston était alliée aux Maisons de France, de
Navarre et d'Aragon; autrement dit, la famille de Gaston
de Montferrand était une des familles les plus illustres
de France. Jeanne devint donc Marquise et cousine du
gouverneur de Bordeaux. Nous ne pouvons nous empêcher de
citer ici une phrase de Montaigne, l'oncle de Jeanne. Il
écrivit pensant à elle: "Très
pieuse, d'humeur joyeuse, intelligente et belle, la
nature en avait fait un chef d'œuvre, alliant une si
belle âme à un si beau corps et logeant une princesse en
un magnifique palais."
De
son mariage Jeanne de Lestonnac aura sept enfants, dont
deux décèderont en bas âge. Puis, en quelques années,
elle perdit son oncle, Michel de Montaigne, puis son
père. Après 24 ans de mariage, elle perdit son mari,
puis son fils aîné. Alors, sans négliger l'éducation de
ses enfants, elle se mit au service des plus démunis:
elle faisait des vêtements pour les enfants pauvres,
accueillait, nourrissait et soignait des infirmes et des
vieillards.
Ses
filles, Madeleine et Marthe, entrèrent chez les
religieuses des l'Annonciades de Bordeaux. François, son
unique fils, se maria. Seule sa fille Jehanne était
encore avec elle. Aussi, désirant se donner à Dieu,
Jeanne confia-t-elle Jehanne à son fils François. En
effet, depuis longtemps déjà, Jeanne entendait Dieu lui
parler. Elle décida alors de confier sa fille à son fils
François, et de lui laisser ses terres, sa fortune et sa
maison. Ensuite, elle se retira dans le couvent des
Feuillantines de Toulouse. Mais, au bout de dix mois,
Jeanne fut obligée, pour des raisons de santé, de
quitter le couvent. Elle rentra à Bordeaux et se mit au
service des malades dans tous les lieux marqués d'une
croix rouge: car la peste sévissait. Le terrible hiver
de 1604 et la canicule de l'été 1605 augmentèrent encore
la misère, et surtout la peur de la peste. Partout,
Jeanne était là, soulageant les mourants, soignant les
malades, apaisant les colères, et ensevelissant
dignement les morts. À la fin du mois d'août 1605, la
maladie recula et Jeanne put se reposer un peu,
mais...
Mais, en septembre 1605, deux religieux du collège de
Bordeaux eurent ensemble "la vision de la Vierge
Marie à la tête d'un cortège de jeunes filles." Ils
décidèrent alors de créer à Bordeaux, une école
Catholique de jeunes filles, car, à Bordeaux il n'y
avait pour elles qu'une école Calviniste. Les deux
religieux parlèrent de leur projet à Jeanne de Lestonnac
qui, consciente du rôle croissant de la femme dans la
société, pensait à ce genre d'apostolat. Avec joie elle
accepta la proposition des deux religieux. Jeanne soumit
le projet à Monseigneur François de Sourdis, Cardinal de
Bordeaux qui, conquis par cette idée ambitieuse, surtout
dans une ville où les calvinistes dominaient, décida
d'en parler au Saint Père. Le 7 avril 1607, Sa Sainteté
le Pape Paul V approuvait la constitution de la
Compagnie des filles de Notre Dame.
La
Compagnie de Notre Dame s'installa dans un petit
prieuré. Le premier Mai 1607, Jeanne de Lestonnac et
quatre de ses sœurs prirent le voile, noir pour Jeanne,
qui reçut le titre de "Mère" et blanc pour ses compagnes
qui seront désormais les "sœurs". Dès lors, Jeanne
accueillit toutes les nombreuses fillettes qui se
présentaient; elle les prenait dans son cœur et aurait
voulu pouvoir se donner toute entière à chacune.
Deux
ans et demi plus tard, le 8 décembre 1610, la Compagnie
des Filles de Notre-Dame était définitivement créée. De
nombreux évêques désirèrent ouvrirent des écoles
dirigées par les sœurs de Jeanne de Lestonnac dont la
spiritualité était proche de celle des jésuites. Alors
Jeanne partit sur les routes de France, pour fonder de
nouvelles maisons. Des écoles furent ouvertes, d'abord
dans la région bordelaise, puis dans ce que nous
appelons maintenant le Languedoc-Roussillon et dans les
Cévennes. Au moment de la mort de sa fondatrice, la
Congrégation comptait 30 maisons en France. Après la
mort de Jeanne, son œuvre traversa les océans et arriva
jusqu’en Amérique Latine, en Amérique du Nord, puis en
Afrique et en Asie…
Les
sœurs de Notre-Dame répondaient vraiment à l'appel du 14e
Chapitre Général de la Congrégation: "Pour
nous, ce monde est un appel que le Seigneur nous lance.
Les jeunes, la femme, la famille prennent un visage dans
la couleur et les traits de toutes les cultures. Ils
nous poussent à nous offrir, comme disciples de Jésus
pauvre et humble, pour être porteuses d’humanité et
découvrir la force salvatrice de l’Évangile enfouie en
chaque personne. Tendre la main de manière éducative
nous conduit à croire en l’homme de chaque époque, donc
la nôtre, à entrer dans sa propre culture, à contempler
avec tendresse ses possibilités et à accompagner dans
l’Espérance la croissance des semences de Résurrection."
Ce texte devrait être connu aujourd'hui, de tous les
éducateurs du XXIe
siècle.
Jeanne avait 84 ans. Son œuvre était immense. Ses
maisons se multipliaient. Le Cardinal de Bordeaux et
celui de Toulouse, et même le Pape Paul V
l'encourageaient. Mais, le 2 février 1640, à Bordeaux,
Jeanne de Lestonnac entourée de ses filles, partit vers
la maison du Père.
Jeanne de Lestonnac fut béatifiée en 1900 par le pape
Léon XIII et canonisée le 15 mai 1949 par le pape Pie
XII. À l'occasion de sa béatification, le pape Léon XIII
déclara:
"Jeanne de Lestonnac se situe parmi les grandes âmes qui
ont voulu trouver une solution à l'éducation de la
jeunesse, dans une époque de recherche, et promouvoir
l'apostolat des femmes en un temps où il avait disparu."
Et
plus tard, après la mort de Jeanne de Lestonnac que
devint la Congrégation de Notre-Dame?
Une
maison fut ouverte à Barcelone en 1650. Au XVIIIe
siècle, la congrégation se développa rapidement en
Espagne et en Amérique latine.
Par
contre, lors de la Révolution française, à partir de
1792, un grand nombre de maisons furent fermées et les
religieuses expulsées, mais le travail continua en
Espagne et ailleurs. Au 19ème siècle, les
sœurs purent revenir en France, mais au 20ème
siècle, elles furent de nouveau chassées. Heureusement,
les fondations se multiplièrent en Amérique du Nord, en
Afrique et en Asie.
Paulette
Leblanc |