Jean-Baptiste de La Salle
Fondateur, Saint
(1651-1719)

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AVRIL

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La vie de saint Jean-Baptiste de la Salle

L’enfance

Jean-Baptiste De La Salle[1] naquit à Reims le 30 avril 1651 d’une famille très aisée et très pieuse. Il sera l’aîné de sept enfants, cinq garçons et deux filles. Très jeune il voulut se consacrer au Seigneur; à peine âgé de 11 ans, il reçut la tonsure, le 11 mars 1662. Quatre ans plus tard, un cousin germain de son grand-père paternel, démissionna de sa charge de chanoine au profit de Jean-Baptiste, qui en prit possession le 7 janvier 1667. Jean-Baptiste, nouveau chanoine de la cathédrale de Reims, n’avait pas 16 ans.

L’adolescence

Doté d’un canonicat, matériellement pourvu, Jean-Baptiste reçut les ordres mineurs à Reims, le 17 mars 1668, puis partit à Paris pour y poursuivre ses études. Il séjourna quelque temps au séminaire de Saint-Sulpice.

Le 19 juillet 1671, la maman de Jean-Baptiste décédait; le 9 avril 1672, ce fut le père qui mourut... Jean-Baptiste, âgé de 20 ans, dut assumer la tutelle de ses frères et sœurs, surtout de Jacques-Joseph âgé de 13 ans, de Jean-Louis, son filleul âgé de 8 ans, et de Pierre, 6 ans. Marie-Rose, l’aînée des filles, étant dé-jà entrée au Monastère à Reims, la grand’mère logea Marie âgée de 18 ans, et élèva le petit dernier, Jean-Rémy qui n’avait que deux ans.

La jeunesse

Malgré ses responsabilités familiales, Jean-Baptiste, ne renonçant pas à sa vocation, se rapprocha de son cousin, Nicolas Durand (30 ans), chanoine et théologal de la cathédrale de Reims. Sur le conseil de Nicolas, Jean-Baptiste reprit ses études de théologie.  Le 11 juin 1672, il recevait le sous-diaconat, à Cambrai.

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La vocation de Jean-Baptiste

Le jeune prêtre

De 1672 à 1676, tout en vivant vis-à-vis de ses frères une précieuse expérience éducative, Jean-Baptiste poursuivait ses études. Déchargé de sa tutelle envers ses frères, le 21 mars 1676, il fut reçu diacre; le 9 avril 1678, un Samedi Saint, Jean-Baptiste De la Sal-le était ordonné prêtre dans la cathédrale de Reims. Il avait 27 ans.

Les épreuves vont poursuivre le jeune prêtre: en effet, quelques jours plus tard, le 27 avril 1678 son cousin et directeur de conscience, le chanoine Nicolas Roland meurt en faisant de Jean-Baptiste son exécuteur testamentaire, et lui confiant ses œuvres: assurer l’établissement légal de l’école qu’il a ouverte à l’hôpital des orphelins, et obtenir les lettres de reconnaissance de la congrégation qu’il a fondée: les Sœurs de l’Enfant-Jésus, consacrées à l’éducation des petites filles.

Bientôt, en mars 1679, Jean-Baptiste de La Salle rencontrera Adrien Nyel, alors âgé de 58 ans.

Qui est Adrien Nyel?

En 1679, il y avait déjà 22 ans qu’Adrien Nyel se consacrait aux enfants pauvres de l’Hôpital général de Rouen. Le contrat qui le liait au Bureau des Pauvres de l’Hôpital général de Rouen précisait qu’il devait contrôler l’enseignement élémentaire donné aux enfants, les travaux auxquels ils étaient astreints[2], et les catéchiser. Dans le même temps, Adrien ouvrait, à Rouen et dans ses faubourgs, des écoles gratuites pour les garçons et les filles. Afin de les financer, il entra en relation avec des familles riches de la région, dont la famille Maillefer. Or Madame Maillefer était originaire de Reims et parente des De La Salle.

Madame Maillefer

Nous savons qu’à Reims, Nicolas Roland avait ouvert, lui aussi, des écoles pour les pauvres. Il s’était mis d’accord avec Madame Maillefer pour le financement de ses écoles de garçons. Hélas! Nicolas Roland mourut trop vite. Cependant, Jeanne Maillefer ne renonça pas au projet, et, après s’être mise d’accord avec le Bureau des Pauvres de Rouen, elle obtint qu’Adrien Nyel fût envoyé à Reims. C’est ainsi que ce dernier rencontra Jean-Baptiste De La Salle.

Origine de l’œuvre de Jean-Baptiste

Adrien Nyel ouvrit plusieurs écoles à Reims, mais trop pris par les soucis de ses fondations, il négligeait quelque peu leur direction et même la formation des maîtres. Jean-Baptiste tenta alors de suppléer ces carences. C’est ainsi que peu à peu il remplaça Mr Nyel, et en décembre 1679, louait une maison pour y loger les maîtres. Bientôt il leur fixa un règlement. À partir du 24 juin 1681 il les installa chez lui, dans sa maison. Cela ne se fit pas sans bruit dans le voisinage: son beau-frère lui intenta un procès pour le partage de l’héritage, et Jean-Baptiste fut condamné à vendre aux enchères tous ses biens fonciers.

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Fondation d’un Institut

Les premières tentatives

En juin 1680 Jean-Baptiste De La Salle était devenu Docteur en théologie. En octobre, une troisième école s’ouvrait à Reims, sur la paroisse de Saint-Symphorien. Les villes voisines demandaient des écoles, et c’est Adrien Nyel qui devait s’occuper de ces fondations, tandis que Jean-Baptiste, obligé de rester à Reims, se chargeait de la conduite des maîtres. Très vite il s’aperçut que ces maîtres d’école, non seulement n’avaient pas de ressources, mais que leurs formations humaine, intellectuelle et spirituelle étaient très déficientes. Il fallait les rendre aptes et surtout dignes de leur mission. Il rassembla donc sous un même toit ces êtres frustes, leur donna un règlement, et leur conseilla un confesseur et directeur de conscience: le curé de Saint Symphorien. Mais le règlement était trop dur, et le résultat ne se fit pas attendre: ils s’en allèrent presque tous...

Quant aux enfants, nous avons vu que la plupart étaient laissés à l’abandon par des parents qui, pour gagner peu d’argent, subsister et faire vivre leur famille, devaient travailler dur et très longtemps: ils n’avaient donc aucun moyen de s’occuper des enfants avant que ces derniers puissent commencer à travailler eux-mêmes.

Jean-Baptiste, issu d’un milieu aisé et “bien élevé”, prit soudain  conscience d’une réalité qu’il ignorait, la réalité de la misère qui, non seulement obérait la formation humaine des pauvres ainsi que leur avenir, mais mettait leur salut éternel en grand péril. Que faire?

Deuxième étape

Au commencement de 1682, de nouveaux futurs maîtres se présentèrent: ils semblaient être doués pour l’enseignement, ils étaient pieux, et paraissaient capables de vivre en communauté. Aussi Jean-Baptiste loua-t-il deux maisons contigües et le 24 juin 1682, il s’y installa avec dix maîtres, trois ecclésiastiques et Jean-Louis son frère.

Dès lors les choses allèrent aller vite. Une nouvelle école fut ouverte à Rethel, une autre à Guise, et une sixième à Château-Porcien. Nous sommes au mois de juin 1682. En octobre, une septième est établie à Laon. Jean-Baptiste De La Salle prend enfin conscience de la volonté de Dieu sur lui: s’occuper des écoles et de leurs maîtres. D’ailleurs, ce sont les maîtres eux-mêmes qui lui demandèrent d’être leur confesseur. Des “exercices spirituels” quotidiens furent adoptés, et bientôt ils se choisirent un nom: “Les Frères”. Une première orientation était donnée: “Frères entre eux, ils se doivent des témoignages réciproques d’une amitié tendre mais spirituelle, et, devant se regarder comme les frères aînés de ceux qui viennent recevoir leurs leçons, ils doivent exercer ce ministère de charité avec un cœur charitable.” [3] (CL 7)

D’où le rôle des frères

“Les artisans [4] et les pauvres qui sont peu instruits et occupés tout le jour à gagner leur vie à eux et à leurs enfants” ne peuvent pas s’occuper d’eux. Il faut donc qu’il y ait des personnes pour les instruire et les ouvrir aux mystères de la religion et de la vie chrétienne. En conséquence Dieu confie aux Frères le devoir de suppléer aux lacunes familiales et sociales, et “de tenir la place des pères et des pasteurs des âmes.”

La fondation-Les premières obligations

Le 24 juin 1682 est considéré comme la date officielle de la fondation de l’Institut des Frères des Écoles Chrétiennes. Avec ses nouveaux maîtres d’école, Jean-Baptiste va reprendre ses premières idées: règlement quotidien, vie en communauté, pauvreté.

Le règlement n’est, au début, qu’une sorte d’emploi du temps afin de rendre la vie commune possible:

            - lever 4h30, prière commune, oraison

            - messe à la paroisse à 7h15 puis les frères se rendent à leur travail en disant le chapelet à l’aller et au retour.

            - Prière du soir à 8h30

            - coucher à 9 heures.

Dans la maison le silence est obligatoire, et tous les exercices se font en commun.

Toute la vie est rythmée, ponctuée, vouée au travail et à la prière, et à la pauvreté comme nous le verrons plus loin. On retrouve l’ambiance spirituelle austère de l’époque marquée par le jansénisme et l’École Française. Les frères vivent chez eux comme dans un monastère, mais, et il est important de le noter,  ce n’est pas un monastère et les frères ne se considéraient pas comme des religieux.

Les hommes

Curieuse vocation que celle qui se dessine déjà chez les premiers frères: laïcs ils sont, laïcs ils resteront. Presque tous ont connu une vie difficile, et voici qu’ils découvrent une misère encore plus grande, celle des enfants pauvres dont les parents n’ont pas le temps de s’occuper, car ils doivent travailler jusqu’à 14 ou 15 heures par jour, et pour un salaire qui leur permet à peine de se nourrir. Dès lors les frères acceptent de vivre ensemble et de s’entraider pour donner à leur élèves l’amour dont ils ont besoin, et en faire de vrais chrétiens.

Ces frères ne se marieront pas et vivront dans la chasteté. Ils seront pas prêtres non plus. Leur communauté sera une communauté de laïcs entièrement consacrés aux enfants pauvres. Les frères seront des maîtres d’école entièrement dédiés à leur tâche. Le projet que Jean-Baptiste a dans son cœur, mais qu’il ne découvre que peu à peu, est, au sein de l’Église, une véritable innovation.

Un article des exigences de Jean-Baptiste De La Salle nous semble, aujourd’hui, très étonnant: les frères, maîtres d’école, ne doivent plus étudier, parce que, écrit Jean-Baptiste: “l’étude ne leur serait pas nécessaire, elle leur serait dans la suite une occasion de quitter leur état[5], et parce que les exercices de la communauté et l’emploi des écoles demandent un homme tout entier.”

D’où venaient les Frères?

Les écoles des Frères ont connu dès leur création, un immense succès. C’est que les Frères étaient, eux aussi, souvent de souche paysanne comme les parents de leurs élèves, donc austères, et rudes, un peu rustres, comme l’étaient les artisans de l’époque, mais pleins de piété. Ils avaient été marqués par la dureté des temps, avaient eu faim lors des disettes ou même des famines nombreuses; et ils connaissaient le froid, la misère, les difficultés de toutes sortes. Aussi les enfants du peuple n’étaient-ils pas intimidés avec eux.

Les contestations

Nous sommes en 1682. Jean-Baptiste De La Salle commençait à prendre conscience de son rôle de supérieur et sa vision de l’éducation chrétienne des enfants se précisait. Mais, dans la communauté, une sourde inquiétude commençait à se faire jour: quel avenir pour les maîtres? Que deviendraient-ils si “Monsieur De La Salle venait à mourir”? Et que deviendraient les écoles que sa générosité soutenait? Jean-Baptiste essaya de leur faire comprendre qu’ils manquaient de foi, mais les maîtres répliquèrent [6]: “Vous, vous ne manquez de rien, vous êtes établis honorablement, vous avez du bien, vous avez de plus un canonicat: tout cela vous met à couvert de la misère dans laquelle nous tomberons infailliblement si les écoles se détruisent.”

La contestation était justifiée, et Jean-Baptiste consulta le Père Nicolas Barré, qui, lui aussi, au cours de plusieurs missions, avait été touché par la misère et l'abandon moral dans lequel se trouvaient les enfants et les jeunes des quartiers populaires. En effet, religieux de l’Ordre des Minimes, il avait été à l’origine, dans la ville de Rouen, de la fondation d’un petit groupe de femmes destinées à se consacrer à la création d’écoles gratuites, d’ateliers d’alphabétisation et de la formation chrétienne des jeunes filles. Ces femmes avaient formé une communauté laïque, sans vœux religieux, dans une vie risquée pour l'Evangile. Cette communauté avait essaimé et avait formé à Reims, avec Nicolas Roland, les Sœurs de l'Enfant Jésus.

Nicolas Barré séjournait à Paris depuis 1675. Il y restera jusqu'à sa mort en 1686. C’est là qu’il fut consulté, à plusieurs reprises, par Jean Baptiste De La Salle à qui il conseilla de faire lui-même des choix radicaux: renoncer à tous ses biens, renoncer à son canonicat, et partager la vie de ces pauvres maîtres d'école que le jeune prêtre de Reims considérait alors "bien au-dessous de ses valets".

La leçon était rude; elle fut retenue.

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La conversion de Jean-Baptiste

Le dépouillement

Jean-Baptiste va se faire pauvre pour être vraiment un frère. Il renonce d’abord à son canonicat. Mais que faire de ses autres biens? Comment connaître la volonté de Dieu?

La volonté de Dieu se manifesta rapidement: l’hiver 1683-1684 fut très froid, et Jean-Baptiste commença à vendre ses biens pour nourrir et vêtir les miséreux. L’hiver suivant, encore plus terrible, ce fut une famine atroce, et Jean-Baptiste continua à secourir les miséreux et les familles de ses trois écoles de garçons et des quatre écoles de filles des Sœurs de l’Enfant Jésus. Il ne conserva que deux cents livres de rente...[7]

Jean-Baptiste De La Salle était maintenant l’égal de ses frères: il s’était fait pauvre pour être un frère. Il pouvait avancer. En septembre 1684, les “Frères” décidèrent de s’appeler dorénavant “Frères des Écoles Chrétiennes”, et ils se donnèrent un  habit.

La pauvreté

Jean-Baptiste et ses frères doivent être de vrais pauvres car leur mission est de vivre avec des pauvres pour les évangéliser. Ils doivent se considérer comme des ministres de Dieu et être reconnus tels par ceux vers qui ils sont envoyés. Leur pauvreté réelle et vécue au milieu de leurs élèves n’est pas subie mais choisie comme une valeur évangélique. Plus tard, Jean-Baptiste De La Salle écrira à un Frère [8]: “Souvenez-vous que vous n’êtes pas venu en communauté pour avoir toutes vos commodités et contentements, mais bien pour embrasser la pauvreté et ses suites; je dis ses suites, parce qu’il ne vous servirait de rien d’aimer la Vertu si vous n’aimez point tout ce qui en dépend et qui vous peut donner matière de la pratiquer. Vous êtes pauvre, dites-vous: que cette parole me plaît! Car dire que vous êtes pauvre, c’est dire que vous êtes heureux!”

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La consolidation de l’œuvre

1685. Jean-Baptiste De La Salle est directeur de 5 des 7 écoles tenues par des Frères. Les deux autres, de Guise et de Laon, dépendaient d’Adrien Nyel. Le métier d’enseignant dans des classes surchargées (d’au moins 60 élèves, parfois jusqu’à 100) exténuait des organismes mal nourris, exposés aux maladies. Plusieurs Frères, tous jeunes, moururent. En attendant de trouver le personnel nécessaire, Jean-Baptiste les remplaçait... Puis Adrien Nyel, âgé de 64 ans et affaibli voulut retourner à Rouen... Et puis, il y avait aussi la formation des maîtres “qu’il fallait instruire à chanter, lire et écrire parfaitement...”

Enfin, il fallait renforcer la cohésion de l’œuvre.

La première assemblée-Les premiers vœux

Au début de juin 1686, Jean-Baptiste convoqua à Reims les directeurs de ses écoles. Après une retraite et de libres débats, une question importante fut soulevée: leur consécration à Dieu par des vœux religieux. Dans un premier temps seul le vœu d’obéissance fut proposé, et, le 9 juin 1686, après la messe qu’il présidait, Jean-Baptiste De La Salle prononça le premier vœu d’obéissance, et tous les Frères présents firent le même vœu.

Et chacun retourna chez soi.

Nota: On apprit au cours de cette première assemblée que le Père Nicolas Barré était décédé le 31 mai 1686.

Les premières bases

Pendant l’été de 1686, une ébauche de noviciat se forma. Puis le Seigneur, pour fortifier son œuvre, se plut à lui envoyer de multiples épreuves: décès, maladies, incompréhensions, départs, et même un procès,  etc...

Ainsi le 6 septembre 1686 décédait le Frère Nicolas Bourdette, de Laon, âgé de 24 ans. Le 1er mai 1687, ce fut la mort, à Reims, du Frère Jean Morice, âgé de 17 ans. Puis en 1688, le Frère Louis et un autre Frère en 1689 trépassèrent. Et l’année 1691 commençait par un nouveau deuil: la mort du Frère Henri Lheureux. C’est à ce moment que Jean-Baptiste De la Salle déclara à ses Frères que “Dieu lui faisait connaître par cette mort précipitée qu’il ne voulait pas qu’il y eût de prêtres dans son institut." [9]

Jean-Baptiste, lui aussi, fut de nouveau malade et à l’article de la mort. Le médecin lui proposa un traitement “qui pouvait tout autant le tuer que le sauver...” Jean-Baptiste reçut les derniers sacrements, prit le remède “qui eut tout l’effet qu’on en pouvait désirer.” Il guérit, mais une longue convalescence s’imposait...”

Des décisions importantes

Jean-Baptiste confirma, pour les Frères, l’interdiction de faire des études conduisant au sacerdoce. Puis, il fut décidé que les Frères porteraient un nom religieux. Enfin, Jean-Baptiste et deux de ses plus anciens compagnons: Nicolas Vuyard et Gabriel Drolin, le 21 novembre 1691, firent le vœu suivant:

“Très sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, prosternés dans un profond respect devant votre infinie et adorable majesté, nous nous consacrons entièrement à vous pour procurer de tout notre pouvoir et de tous nos soins l’établissement de la Société des Écoles chrétiennes en la manière qui nous paraîtra vous être la plus agréable et la plus avantageuse à la dite société. Et pour cet effet, moi Jean-Baptiste De La Salle, prêtre, moi Nicolas Vuyard et moi Gabriel Drolin, nous dès à présent et pour toujours jusqu’au dernier vivant ou jusqu’à l’entière consommation de l’établissement de la dite société, faisons vœu d’association et d’union pour procurer et maintenir ledit établissement, sans nous en pouvoir départir quand même nous ne resterions que trois dans la dite société et que nous serions obligés de demander l’aumône et de vivre de pain seulement. En vue de quoi nous promettons de faire unaniment et d’un commun consentement tout ce que nous croirons en conscience et sans aucune considération humaine être pour le plus grand bien de la dite société. Fait ce 21 novembre, jour de la Présentation de la Très Sainte Vierge." (CL 7, 313) Désormais les décisions seront prises à trois, conformément à ce vœu trine. L’Institut des Frères des Écoles Chrétiennes destiné à tenir les écoles gratuitement naissait vraiment.

Les grands évènements de 1694

Le dénuement de certaines maisons, dont celle de Vaigirard, était grand: “Ceux qui l’habitaient n’étaient pas à l’abri du vent, ni de la neige, ni de la pluie.” Il était impossible de réparer cette maison en très mauvais état. L’hiver 1693 fut une catastrophe pour toute la France et les Frères, qui manquaient de tout, même de pain, souffrirent beaucoup, d’autant plus “que l’usage du feu était interdit.”  La disette qui sévit en  janvier 1694 fut atroce...

Rédaction d’une première Règle

En avril 1694 les novices qui avaient été déplacés revinrent à Vaugirard. Jean-Baptiste y commença une retraite d’un mois au cours de laquelle il rédigea une Règle en quinze chapitres qu’il envoya à douze Frères pour avis. Le premier chapître général se tint du 30 mai au 6 juin 1694, avec ces douze frères.

Les vœux perpétuels

Le dimanche 6 juin 1694, en la fête de la Très sainte Trinité, Jean-Baptiste De La Salle et les douze frères réunis pour ce premier chapître, émirent les premiers vœux perpétuels. Les termes du vœu de 1691 étaient en partie repris, avec toutefois quelques compléments très importants. Ainsi::

            “… je, Frère X, promets et fais vœu de m’unir et demeurer en société avec les Frères, pour tenir ensemble et par association les écoles gratuites, en quelque lieu que ce soit, quand même je serais obligé, pour le faire, de demander l’aumône et de vivre de pain seulement...

            “je promets et fais vœu d’obéissance, tant au corps de cette société qu’aux supérieurs, lesquels vœux tant d’association que de stabilité dans ladite société, je promets de garder inviolablement pendant toute ma vie.

Le 7 juin 1694, Jean-Baptiste De La Salle était élu à l’unanimité. À cette occasion il fut nettement établi qu’après lui aucun prêtre ne pourrait devenir supérieur des Frères des Écoles Chrétiennes. 

Les écoles chrétiennes gratuites

Nous nous souvenons que le Chanoine Nicolas Roland, mort le 27 avril 1678, avait désigné Jean-Baptiste De La Salle comme son exécuteur testamentaire, ce qui signifiait que ce dernier:

- devait assurer la reconnaissance légale de l’école qui avait été instituée à l’hôpital des orphelins, et

- était chargé d’obtenir des lettres patentes pour les Sœurs de l’Enfant-Jésus que Nicolas Roland avait fondées en 1670, en vue d’assurer l’éducation des filles. C’est chez les Sœurs de l’Enfant-Jésus que Jean-Baptiste rencontra Adrien Nyel, en 1679.

À la demande de sa cousine, Madame Jeanne Maillefer, Jean-Baptiste accepta d’ouvrir quelques écoles à Reims, mais sous l’autorité des curés de Saint Maurice et de Saint Jacques, à Reims, en 1679. Et il laissait faire Mr Nyel. Mais ce dernier, trop occupé, laissait les maîtres livrés à eux-mêmes et semblait négliger l’éducation chrétienne des enfants scolarisés. Alors Jean-Baptiste s’investit de plus en plus, et s’installa rue Neuve, à Reims.

Les écoles se multiplient

Dès lors les fondations se multiplient: à Rethel, à Guise, à Château-Porcien, et à Laon, en 1679. Peu à peu Jean-Baptiste découvre “que la misère maintient ses victimes dans une situation qui les éloigne du salut, quand elle ne les met pas directement en danger.“ La charge devient vite écrasante pour Jean-Baptiste: plusieurs jeunes frères meurent, et Mr Nyel retourne à Rouen. C’est alors que Jean-Baptiste va commencer la véritable structuration de son œuvre.

À Paris, où les ouvertures d’écoles continuaient, dans des conditions parfois ambigües compte tenu des exigences de certains curés, les épreuves ne manquaient pas non plus, et la misère était souvent présente. Mais en même temps l’Institut se développait en Province: Chartres, en 1699, Calais en1700, etc... Rouen et ses environs bénéficièrent aussi du dévouement des Frères: dans chaque classe le nombre des élèves excédait la centaine!

Les demandes affluent venons-nous de dire, tant à Paris qu’en province. Des écoles s’ouvrent, mais elles sont surchargées: ainsi dans l’École Dominicale destinée “à tous les garçons qui ne passaient pas l’âge de vingt ans... deux cents écoliers, distribués par classe, recevaient les instructions convenables à leur âge et selon leur portée...”

Les écoles chrétiennes gratuites

À partir de 1694, la Société des Frères des Écoles Chrétiennes apparaît à peu près structurée, du moins pour ce qui concerne sa vie intérieure et communautaire. Mais son véritable but, cétait la création et le développement d’écoles gratuites pour les enfants pauvres. Dans leurs paroisses, les curés avaient parfois mis en place quelques petites classes gratuites, mais les enfants devaient obligatoirement travailler en dehors des heures de cours. D’autres très bonnes écoles existaient, mais, payantes, elles étaient réservées aux classes privilégiées de la société. Par ailleurs, presque toutes les écoles étaient tenues et dirigées par des prêtres ou des consacrés appartenant à des congrégations. De plus, elles étaient officiellement reconnues.

Les Frères des Écoles Chrétiennes ne seront pas des ecclésiastiques: cela leur est interdit. Leurs écoles ne sont pas encore reconnues officiellement, ni par l’état, ni par l’Église; elles s’ouvrent à la demande d’un évêque ou d’une paroisse, et certaines, peuvent n’exister qu’en fonction de la tolérance de l’évêque ou de l’accord du curé si ce n’est pas lui qui en a fait la demande. Situation instable entre toutes qui doit rapidement être clarifiée, d’autant plus que les demandes affluent, et que les persécutions contre les Frères ont déjà commencé. Situation étrange que celle des œuvres de Dieu qui, sans aucune exception, sont toujours persécutées!

Très rapidement il fut établi que les Frères refuseraient toute rétribution, quelle que soit la situation financière des parents. Pour Jean-Baptiste, le salut qui nous vient de Dieu est gratuit, que les hommes soient pauvres ou riches. L’école chrétienne est orientée vers le salut des enfants: elle doit donc être gratuite. Dans la Règle de l’Institut, Jean-Baptiste insiste sur le fait que “l’Institut est une société dans laquelle on fait profession de tenir les écoles gratuitement.” (CL 25, 16) Évidemment, cela peut ne pas plaire à ceux qui dirigent des écoles payantes. Il n’est pas normal d’accepter gratuitement des enfants de familles aisées, voire riches. Alors que faire? Et comment choisir les bons pauvres?

Le pensionnat

En janvier 1705 Jean-Baptiste De La Salle avait loué une maison à Saint-Yon et en juillet 1705 il y installait ses novices. Puis, en octobre, il ouvrait sa maison à quelques jeunes de Rouen et des environs. Certes ce pensionnat était payant, mais Jean-Baptiste envisageait l’éducation des garçons plus favorisés financièrement comme celle des pauvres et des artisans: assurer aux jeunes une instruction humaine et religieuse convenable, qui leur donnera, plus tard,  les moyens de vivre et de faire leur salut. Le collège d’enseignement secondaire naissait.

Les familles aisées de la région commencèrent alors à y inscrire leurs enfants “difficiles”. Une section spéciale fut créée pour eux en 1706. Bientôt, un troisième établissement, nommé “pension de force”, allait recevoir les jeunes délinquants. Saint-Yon devenait comme un centre d’expérimentation pédagogique. Dorénavant, les enfants et les jeunes de tous les milieux allaient pouvoir bénéficier du savoir-faire des Frères. Mais d’une façon telle que les riches aideraient les pauvres.

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Quel milieu “abandonné” atteindre?

Les enfants

Jean-Baptiste De La Salle estime que tous les enfants doivent être reçus, sans distinction. Pour lui, les enfants pauvres ne sont pas tous des enfants qui meurent de faim. Le contexte face auquel il se trouvait était plutôt l’abandon, la misère morale. Nous savons que la plupart des parents obligés de travailler de 12 à 15 ou 16 heures par jour ne pouvaient pas s’occuper de leurs enfants qui traînaient dans les rues, livrés à tous les dangers et à tous les vices. Il n’y avait plus aucune éducation religieuse, aucune moralité, et cette misère s’étalait dans presque tous les milieux. Ces enfants “abandonnés” étaient aussi des pauvres chers au cœur de Jean-Baptiste. N’écrivit-il pas dans sa Règle: “Tous les désordres, surtout des artisans et des pauvres, viennent ordinairement de ce qu’ils ont été abandonnés à leur propre conduite et très mal élevés dans leur bas âge.” (Règle 1,6)

Au hasard de la lecture de ses œuvres, on découvre que Jean-Baptiste De La Salle remarque, pour les enfants des artisans et du peuple en général:

            - une absence totale de formation morale et religieuse [10],

            - des carences graves au niveau de l’instruction: ils sont presque tous analphabètes, car “les parents négligent de les envoyer à l’école”.

            - la présence de mauvaises habitudes: “ordinairement les enfants des pauvres ne font que ce qu’ils veulent.”

            - leurs mauvaises fréquentations qui leur apprennent “à commettre beaucoup de péchés qu’il leur est ensuite fort difficile de quitter.”

Curieusement, Jean-Baptiste De La Salle a sur les pauvres des opinions comparables à celles que n’hésitaient pas à émettre saint Vincent  de Paul quelques dizaines d’années plus tôt. Mr Vincent disait que les pauvres étaient sales, qu’ils sentaient mauvais, qu’ils étaient méchants, etc...

Les enfants de ces pauvres, ”vivant dans le dénuement, souvent profondément déstabilisés, en difficulté de se construire au sortir d’un vécu fréquemment traumatique” sont ceux qui seront accueillis par les Frères. À ces êtres “physiquement marqués de manques divers, de ruptures successives, de drames répétés, de survie aléatoire, à tous ces êtres déboussolés... l’école (des Frères) va offrir un lieu de vie où respect et tendresse ne manqueront pas.” [11]

Il convient d’ajouter ici que de plus en plus souvent ces enfants sont issus de milieux paysans en voie d’urbanisation. En effet, pour fuir les calamités climatiques, les parents appauvris étaient venus à la ville pour chercher un emploi et avoir de quoi manger. Le provisoire devint vite définitif.

Pourtant ces enfants avaient une âme et Jean-Baptiste De la Salle  comprit que la solution de leurs besoins devait être reliée à l’œuvre de Dieu et de l’Église. Dieu est aussi présent dans l’âme et le cœur de ces pauvres déshérités. C’est ainsi que les Frères ajouteront à un minimum d’instruction, une éducation chrétienne appropriée: les Frères seront aussi des missionnaires pour les enfants des villes. Leurs écoles seront sans prétention, semblables aux maisons d’alentour: une ou deux pièces aménagées avec une entrée surmontée d’une enseigne: “École Chrétienne gratuite”.

Même le matériel scolaire sera gratuit...

Les parents

Les parents des enfants que Jean-Baptiste De La Salle appelle “abandonnés” sont tous, qu’ils soient riches ou pauvres matériellement, accaparés par leurs affaires. À cela il faut ajouter l’ignorance religieuse. Les parents sont donc incapables d’enseigner leurs enfants, et encore moins de leur donner l’éducation honnête et chrétienne nécessaire pour vivre normalement.  et il y a encore les mauvaises habitudes transmises aux enfants, et les mauvaises compagnies.

D’une manière générale les parents laissent leurs enfants faire ce qu’ils veulent. Aussi Jean-Baptiste n’est-il pas dupe et sait-il parfaitement ce que les Frères devront subir:

“Attendez-vous à souffrir des injures, des outrages et des calomnies pour tout le bien que vous aurez tâché de faire au prochain: c’est la principale récompense que Dieu promet en ce monde et souvent la seule qu’on reçoit des pauvres pour tout le bien qu’on leur a fait.” (MF 155, 3) [12]

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Les persécutions

Il pouvait y avoir plusieurs écoles dans un même quartier, mais le soir les Frères se regroupaient dans leur “maison” proche de leur lieu de travail, et semblable à toutes les maisons avoisinantes. Et les élèves affluaient au grand dam des autres écoles qui multiplièrent les procès pour retrouver leur clientèle. Les classes étaient surchargées: entre soixante et cent élèves, et de nompbreuses demandes ne pouvaient être acceptées. De plus, chez les frères, les élèves pauvres étaient respectés, considérés comme des enfants de Dieu, et aimés. Comment les Frères n’auraient-ils pas été persécutés?

Les défections

Nous nous souvenons du départ des premiers frères qui trouvaient  trop rude la vie communautaire demandée par Jean-Baptiste De La Salle. Tout au long de sa vie il fut affronté à ce problème. Parfois ces défections eurent des conséquences beaucoup plus graves. Nous avons déjà mentionné l’École Dominicale chère au cœur de Mr de la Chétardie. Malheureusement les deux Frères qui devaient en assurer le développement, ambitionnant des situations plus rémunératrices, quittèrent l’Institut en 1702, entraînant la chute de cette œuvre. Mr de la Chétardie rendit Jean-Baptiste responsable de cet échec. On voulut destituer Jean-Baptiste de sa charge, mais les Frères liés par vœu à Jean-Baptiste De La Salle, refusèrent à l’unanimité et l’Association fut sauvée.

Les jalousies

Jean-Baptiste De La Salle avait souvent rencontré des difficultés avec ceux que l’on appelait alors les maîtres-écrivains. À Paris, en octobre 1705, les actions des maîtres-écrivains reprenaient contre les Frères qui, en mai 1706 furent contraints d’abandonner leurs classes. À Rouen, à l’Hôpital Général, la situation devenait intenable. C’est alors que les Frères, excédés, épuisés, rédigèrent, à l’attention de Jean-Baptiste, un mémoire résumant leurs plaintes et leurs revendications: il fallait sortir “du Bureau”[13], car:

            - les Frères étaient trop peu nombreux face à la multitude des écoliers.

            - Les maîtres s’épuisaient et les élèves étaient mal enseignés,

            - L’excès de travail ruinait les santés, la discipline, l’ordre, etc...

            - Les Frères n’avaient plus le temps de vaquer ni à leurs exercices, ni à l’oraison.

            - Le fruit des écoles en souffrait, car ”l’école sans les exercices ne va pas bien.” Et pour J.B. De La Salle, “une école va bien quand son bon fonctionnement lui permet d’atteinde sa finalité pastorale: ‘faire des élèves de bons chrétiens.’”

Jean-Baptiste comprit le désarroi de ses Frères qui quittèrent l’Hôpital Général; les anciens maîtres reprirent leur travail. Les Frères furent logés dans une petite maison de Rouen où ils vécurent pendant cinq ans dans un dénuement extrême.

De son côté Jean-Baptiste, jamais épargné, fut accusé de perdre l’esprit, d’avoir “la tête démontée”. Mais Dieu n’a-t-Il pas sauvé le monde par la folie de la Croix. C’est curieux comme bien peu de personnes le comprennent!

Les procès

Le 20 juillet 1703 Jean-Baptiste logeait son noviciat rue de Charonne, à Paris, sur le faubourg saint Antoine, et en novembre il y installa l’École Dominicale qu’il avait réussi à réouvrir. Son succès déclencha la jalousie des maîtres des autres écoles, et mobilier et matériel pédagogique furent mis sous séquestre. Après bien des péripéties, Jean-Baptiste fut condamné à n’enseigner “que les pauvres reconnus comme tels.” Jean-Baptiste fit appel, mais lui et dix frères furent condamnés à payer une amende qu’ils ne pouvaient pas payer. La condamnation, dûment confirmée, fut affichée à la porte de l’école, mais les parents l’arrachèrent. Pourtant les Frères ne pouvaient plus rester à Paris; ils furent dispersés en province.

L’affaire Jean-Charles Clément

Depuis 1703 des écoles s’étaient ouvertes en Avignon, à Marseille, Mende, Valréas, Alès, Grenoble... Jean-Baptiste s’efforçait de répondre aux demandes des évêques. L’institut était également à Rome, mais si petitement, si pauvrement... Bientôt des Frères visiteurs furent envoyés régulièrement dans les écoles: l’institut se consolidait.

Nous sommes en 1707, et Jean-Baptiste rencontre Jean-Charles Clément. Ce jeune homme de 23 ans est clerc. Plein d’admiration pour les Frères, il voudrait intéresser Mr De La Salle à un projet qui lui tient à cœur: redonner vie au séminaire de maîtres pour la campagne. Mais mineur et sans argent, il réussit à obtenir que Jean-Baptiste avance l’argent nécessaire. Après des épisodes étonnants: Jean-Charles est devenu archiprêtre de Saint Calais et chanoine du Mans. Sa juridiction couvre 4 prieurés, 19 cures du diocèse du Mans, 2 prieurés et 5 cures du diocèse de Chartres. Il est devenu puissant. Son père, chirurgien à la cour du roi,  est anobli. Que se passa-t-il ensuite? La justice royale va s’acharner contre Jean-Baptiste De La Salle jusqu’à le faire accuser de subornation de mineur et d’extorsion de fonds!!! Les Clément n’auront plus à rembourser Jean-Baptiste qui devra, en outre, rembourser les frais engagés par le jeune clerc pour l’entretien des élèves maîtres. Finalement le séminaire de maîtres pour la campagne sera fermé. On croit rêver.

La cabale de 1713

Nous sommes en 1712. Jean-Baptiste est à Marseille pour fonder de nouvelles écoles. C’est alors que les jansénistes, qui ne l’aimaient pas à cause de sa fidélité au pape, lancèrent une série de calomnies, lesquelles malheureusement furent accueillies favorablement. Quelques Frères douloureusement ébranlés quittèrent l’Institut. Jean-Baptiste s’était réfugié à la Sainte-Baume, puis à Saint Maximin, et c’est là que Frère Timothée lui apporta des nouvelles terribles: le noviciat de Marseille avait fermé ses portes après le départ des Frères, et le Frère Ponce, visiteur pour le Midi, s’était enfui en emportant la caisse...

Jean-Baptiste se mit à douter; il quitta Marseille et se retira à Mende pendant plusieurs mois. Qu’est-ce que Dieu voulait faire de lui?

Avril 1714. Les Frères des écoles chrétiennes exigent le retour de Jean-Baptiste à la tête de l’Institut, au nom de son vœu d’obéissance: c’était donc un ordre. Jean-Baptiste dut s’incliner. Il sera de retour à Paris le 10 août 1714. Curieusement, ses principaux ennemis décédèrent durant cette période, et Jean-Charles Clément, accusé d’entreprises contre l’état sera envoyé enchaîné loin de Paris.

Les miracles

Les persécutions accompagnèrent Jean-Baptiste tout au long de sa vie. Mais il faut noter que, parfois, le Seigneur permettait de vrais miracles, comme pour l’encourager à pousuivre sa mission.

- Ainsi, en juillet 1687, il est appelé d’urgence auprès du Frère Directeur de l’école de Guise, très malade. Jean-Baptiste part à pied de Reims [14]; la chaleur lui provoque des hémorragies nasales... La nuit venue Jean-Baptiste se repose un peu, passe plusieurs heures en prière, puis repart dès trois heures du matin. Il célèbre la messe à Laon et atteint Guise, monté sur un cheval. Arrivé à Guise il embrasse le Frère directeur qui guérit et peut reprendre sa classe.

- En septembre 1702, Frère Timothée fut envoyé à Chartres. Il souffrait d’une grave loupe au genou. Avant de se mettre en route [15] il demanda à Jean-Baptiste de le bénir, et constata, à son arrivée, qu’il était guéri.”

8
Les dernières années

Le deuxième chapitre général

1715: mort de Louis XIV. Jean-Baptiste De La Salle perdait l’un de ses principaux soutiens. Il partit s’installer à Saint-Yon. Il se voyait vieillir et devait impérativement se trouver un successeur. Il réussit non sans mal, à convaincre les Frères, et le deuxième Chapître général s’ouvrit le 16 mai 1716. Le Frère Barthélémy fut élu supérieur. D’autres Frères furent élus et nommés Assistants du Frère Supérieur. Les Règles furent révisées.

Les structures étaient désormais en place; il ne restait plus quà attendre la reconnaissance officielle de l’Institut. Cela se fera  en 1725. Quant à Jean-Baptiste De La Salle, installé à Saint-Yon, il rédigea deux œuvres fondamentales:

- Explication de la Méthode d’oraison,

- Méditations pour le temps de la Retraite [16]

Tout était maintenant consommé. Jean-Baptiste pouvait rejoindre son Seigneur. Cela se fit le 7 avril 1719, un Vendredi-Saint.

La mort d’un saint Fondateur

En février 1719, Jean-Baptiste De La Salle s’alita. Le 19 mars il célébra sa dernière messe en l’honneur de saint Joseph et dicta son testament qui renferme une orientation essentielle: “la source du zèle lasallien n’est rien d’autre que l’amour du Christ, amour nourri d’Eucharistie et d’oraison.” Le 5 avril, Jean-Baptiste reçut le saint viatique puis l’Extrême onction, le 6 avril. Le 7 au matin, le Vendredi-Saint, il expira en disant: “J’adore en toutes choses la conduite de Dieu à mon égard.”

Jean-Baptiste De La Salle fut canonisé par Léon XII le 24 mai 1900, et proclamé par Pie XII patron spécial au Ciel, près de Dieu de tous les éducateurs de l’enfance et de la jeunesse, de l’un et l’autre sexe, ecclésiastiques et laïcs, le 15 mai 1950.

Paulette Leblanc


[1] Fondateur des Frères des Écoles Chrétiennes.

[2] Les enfants devaient alors travailler en dehors des heures de classe, pour aider ceux qui s’occupaient d’eux.

[3] Cahiers Lassalliens.

[4] Au sens donné à ce mot au XVIIème siècle.

[5] Quelques personnes qui avaient étudié ou avaient déjà reçu la tonsure avant d’entrer chez les frères, n’y étaient pas restées.

[6] Cahiers Lassaliens CL 6, 57.

[7] Soit un montant équivalent à la pension annuelle d’un pauvre curé de campagne.

[8] Lettre au Frère Robert, écrite en 1705.

[9] Cahiers Lassaliens (CL 6, 99).

[10] D’où l’importance qui sera donnée à l’œuvre des catéchismes qui mettra en jeu le combiné question-réponse.

[11] “Les enfants pauvres à l’école” de Michel Fiévet - Éditions IMAGO

[12] MF Méditations pour les Fêtes.

[13] De l’Hôpital Général

[14] Les Frères accomplissaient alors tous leurs voyages à pied.

[15] Ainsi que nous l'avons dit ci-dessus, les Frères accomplissaient alors tous leurs voyages à pied.

[16] Le titre est complété comme suit: À l’usage de toutes les personnes qui s’emploient à l’éducation de la jeunesse et particulièrement pour la retraite que font les Frères des Écoles Chrétiennes pendant les vacances.
 

 

 

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