Il y
a plusieurs saint Hubert; celui dont je vais vous parler
est celui qui fut évêque de Liège et qui est devenu le
saint patron de cette ville et de tous les chasseurs. De
ce que fut la vie de saint Hubert avant son épiscopat,
on connaît ce qui suit, et qui est absolument certain:
Hubert appartenait à la haute noblesse franque et fut le
contemporain
de Pépin de Herstal et de Charles Martel dont il était
proche. Il se maria aves Floribanne, fille du roi
Dagobert, et eut un fils nommé Floribert. Après sa
conversion puis son veuvage il devint prêtre; vers 705,
il succéda à saint Lambert, évêque du diocèse de
Tongres-Maastricht. Quant au reste, réalité et légende
se mélangent. Par contre, après sa nomination à
l'épiscopat, les faits retrouvés de sa vie sont
authentiques.
Nous
savons donc que Saint Hubert était probablement le fils
d’un duc d’Aquitaine lié aux rois mérovingiens.
Sa mère se serait appelée Hugberne ou Afre. Bien qu'il
ait reçu une éducation chrétienne, Hubert aurait vécu,
selon les chroniqueurs de l'époque, "les folles joies
de la vie mondaine". Il faut préciser qu'Hubert
vivait à la cour, au temps des rois fainéants. De plus,
il aimait passionnément la chasse. Cela dura jusqu'au
jour où, raconte la légende, étant parti seul à la
chasse, un Vendredi Saint, il se trouva soudain face à
un cerf blanc portant une croix lumineuse entre ses
bois. Hubert pourchassa le cerf pendant très longtemps,
jusqu'au moment où l'animal s'arrêta tandis qu'une voix
venue du ciel disait:
– Hubert!
Hubert! Jusques à quand poursuivras-tu les bêtes dans
les forêts? Jusques à quand cette vaine passion te
fera-t-elle oublier le salut de ton âme?
Épouvanté, Hubert se prosterna à terre et demanda:
– Seigneur!
Que faut-il que je fasse?
La
voix reprit :
– Va
donc auprès de Lambert, mon évêque, à Maastricht.
Convertis-toi. Fais pénitence de tes péchés, ainsi qu'il
te sera enseigné. Voilà ce à quoi tu dois te résoudre
pour n'être point damné dans l'éternité. Je te fais
confiance, afin que mon Église, en ces régions sauvages,
soit par toi grandement fortifiée.
Et
Hubert de répondre, avec force et enthousiasme :
– Merci,
ô Seigneur. Vous avez ma promesse.
Je ferai pénitence, puisque vous le voulez.
Je saurai en toutes choses me montrer digne de vous!
Et
Hubert devint le disciple de saint Lambert. Il renonça
aux honneurs militaires ainsi qu’à la succession de son
père, et commença une vie exemplaire. Ceci se passait
aux alentours de 688. Puis,
revêtu d'un simple
costume de pèlerin il alla jusqu'à Rome. Or, le pape
Serge 1er,
pape de 687 à 701, venait d'apprendre,
dans une vision, l'assassinat de l'évêque Lambert,
victime de son zèle pour la défense de la sainteté
conjugale. Le pape reçut en même temps l'ordre de
remplacer Lambert par le pèlerin qui arrivait juste à ce
moment dans la basilique de Saint-Pierre pour y prier.
Le Pontife trouva l'humble pèlerin et lui fit connaître
les ordres du Ciel. Hubert, malgré sa frayeur et ses
larmes, dut se soumettre à la volonté de Dieu. Nous
sommes aux alentours de l'an 700.
Voici, pour nous détendre un peu, quelques autres
détails légendaires concernant la consécration de saint
Hubert comme évêque. Les nombreux hagiographes de saint
Hubert racontent, comme il refusait
d'accepter le siège
épiscopal proposé, que "des anges lui apportèrent
tous les ornements pontificaux de saint Lambert. Il n'y
manquait que l'étole. La Sainte Vierge, patronne de
l'église de Tongres, envoya, par un ange, une étole de
soie blanche dans le tissu de laquelle il y avait un fil
d'or. Ce fut avec ces ornements que saint Hubert fut
sacré évêque." Comme ces détails ne devaient pas
suffire à nos auteurs, l'un d'eux ajouta: "Un jour,
pendant qu'il célébrait la Sainte Messe, saint Pierre
lui apparut et lui donna une clef quasi d'or, qu'il
porterait comme symbole de son pouvoir spirituel et avec
laquelle il guérirait les lunatiques et les furieux.
Cette clef se conserve encore aujourd'hui dans l'église
de saint Pierre à Liège." Enfin, pour être complet,
l'auteur qui serait Mathias de Lewis, ajouta:
"On rapporte que, pendant que les obsèques de saint
Lambert se célébraient à Maastricht, les assistants
entendirent une voix du ciel qui leur disait que le Pape
venait de conférer le siège épiscopal au prêtre Hubert.
Celui-ci partit de Rome avec la bénédiction du Pape et
fut reçu avec enthousiasme par le clergé et le peuple à
Maastricht, où il apporta la crosse, les ornements et
l'étole de saint Lambert avec la clef de saint Pierre."
Les
légendes sont belles; mais revenons maintenant à la
réalité.
Saint Hubert fut véritablement le père des pauvres et
des orphelins, le soutien des veuves et l’appui des
opprimés. Il se dévouait aussi pour développer la
spiritualité de ses diocésains. Il les instruisait et
les aidait, par ses générosités, à construire de
nombreuses églises. Car le zèle de saint Hubert pour
instruire son peuple était infatigable. De plus, comme
il y avait encore dans son diocèse un culte d'idoles,
notamment dans la Taxandrie, les Ardennes et le Brabant,
Saint Hubert s'y rendit plusieurs fois et réussit à
convertir les habitants qui brûlèrent leurs idoles.
Est-ce pour tout ce que je viens de rappeler que la
popularité de saint Hubert fut si grande parmi les
grands de son temps et les gens du peuple?
Peut-être, mais il ne faut
pas oublier que son éloquence captivait les foules: il
parlait parfois pendant trois heures consécutives, sans
qu'on se lassât de l'entendre. De plus, à la puissance
de la parole il joignait celle des miracles. Ainsi, il
chassait les démons, éteignait les incendies, et faisait
cesser des sécheresses désastreuses en faisant venir des
pluies fécondes. Il disait:
"Le Dieu d'Élie est le
nôtre, implorons-le dans la prière et le jeûne; la
miséricorde fera le reste."
Entre 712 et 722, (les documents connus indiquent des
dates différentes; mais heureusement les faits sont
authentiques) Hubert posa l'acte le plus important de
son épiscopat: la translation du corps de saint Lambert
de la ville de Maastricht au village de Liège, où ce
saint avait été martyrisé; Hubert y transféra
également, avec l’approbation du Pape, le siège de
l’évêché, jetant ainsi les fondements de la future ville
de Liège. Liège, alors n'était que le tout petit bourg
de Leodium arrosé par la Légia, un simple ruisseau d'une
longueur d'environ 5 kilomètres, confluant avec la
Meuse. Aujourd'hui la Légia est presque entièrement
couverte et canalisée. Liège devint donc la ville de
saint Lambert. La cérémonie du transfert des restes de
Saint Lambert à Liège fut solennelle, et Hubert y invita
plusieurs évêques dont saint Willebrord. C'est à partir
de ce moment, que la cité liégeoise devint une grande
ville.
Parmi les miracles de saint Hubert, il faut citer celui
qui fut lié à la croissance de la ville de Liège. À
cette époque, la Meuse était constamment chargée de
bateaux apportant les matériaux de construction de la
ville nouvelle. Les eaux ayant baissé considérablement
par suite d'une grande sécheresse, les transports durent
être interrompus. Saint Hubert invoqua le ciel et, à sa
prière, selon la légende, les nuages se formèrent en
abondance et des torrents de pluie vinrent grossir le
lit du fleuve. Les bateaux purent de nouveau arriver
jusqu'à Liège.
Saint Hubert eut le pressentiment de sa fin prochaine.
Après avoir consacré une église du Brabant, il
retournait à Liège, quand, pris d'un accès de fièvre, il
dut s'arrêter à Tervueren, dans les environs de Louvain.
C'est là qu'il comprit, au cours d'une vision, que sa
mort était proche. Le 30 mai 727 il récita le Credo et
le Pater et expira. Le clergé transporta son corps à
Liège, au milieu d'une immense foule en larmes.
Saint Hubert est fêté le 3 novembre en Belgique, jour où
Floribert, l'évêque qui lui succéda à Liège, porta, le 3
novembre 743, ses reliques "sur les autels", manifestant
ainsi sa canonisation par l'église. En France saint
Hubert est fêté le 30 mai. Saint Hubert est le grand
patron de Liège et des chasseurs. Il est invoqué contre
la rage et la peur.
Dernière remarque concernant saint Hubert: lorsqu'on fit
l'exaltation de ses reliques, en 743, on trouva son
corps intact, ne portant pas de trace d'une
putréfaction.
Paulette
Leblanc |