Hilaire de Poitiers
Évêque de Poitiers, Docteur de l'Église, Saint
(Vers 310 ou 315-367)

13

JANVIER

Aujourd'hui 13 janvier, nous allons parler de saint Hilaire de Poitiers. Mais avant de découvrir sa vie, nous voulons connaître la signification de ce nom bizarre. Hilaire, on s'en doute un peu, vient du mot "hilarité", parce que saint Hilaire aurait servi Dieu avec un cœur plein de joie. Hilaire pourrait venir aussi de altus, qui signifie: haut, ou élevé, et d'arès qui veut dire: vertu. En effet, Hilaire aurait été élevé en science et en vertu, durant toute sa vie. Hilaire pourrait aussi être un dérivé de hylè, qui veut dire qui fut obscur; en effet, dans les œuvres si profondes de saint Hilaire, il y a parfois de grandes obscurités pour les non initiés.

Hilaire est issu de l'aristocratie gallo-romaine. Il naquit vers les années 310 ou 315, à Lemonum, chef-lieu de la cité des Pictons. Lemonum est l'ancien nom de Poitiers. La famille, païenne, riche et noble, donna une excellente éducation à Hilaire, jeune homme très doué pour les études. Cependant Hilaire, vivant dans des milieux païens, était très tourmenté par des questions, devenues très cou-rantes aujourd'hui: quel sens donner à la vie? Et encore: où se trouve le bonheur pour l'homme? D'où la question fondamentale: à quoi sert-il d'exister si l'on doit mourir? Question qui aboutit inévitablement sur le mystère: y a-t-il un dieu?

Hilaire lisait beaucoup afin de trouver, chez les philosophes anciens, la réponse à ses angoisses. Mais ses lectures le décevaient toujours, jusqu'au jour où il découvrit cette phrase de la Bible: "Je suis celui qui est." Hilaire s'enthou-siasma, mais la mort restait toujours pour lui une idée insupportable. Il découvrit enfin l'Évangile de Saint Jean qui lui révéla l'Incarnation et la Résurrection. Hilaire avait trente ans; il demanda le baptême. Nous sommes aux alentours de 345.

Hilaire était marié et il avait une fille, Apia ou Afra. Cependant il était devenu un très bon théologien, et sa famille, au cœur de Poitiers, était le refuge de ceux qui se trouvaient dans l'affliction. Vers 351-352, l'évêque Paixent de l'Église de Poitiers mourut. Hilaire qui jouissait d'un grand prestige, car on le savait remarquable théologien, fut choisi par acclamations comme son successeur. Hilaire accepta dans un esprit de service ses nouvelles responsabilités. Et il appliquera durant toute sa vie ses propres paroles: "L'évêque est placé à la tête de la maison pour veiller aux besoins et aux intérêts du peuple qui lui est confié" et "L'évêque ne remplit son ministère que s'il fortifie ce qui est faible par un enseignement à la fois authentique et adapté, s'il consolide ce qui tombe en ruine, s'il redresse celui qui s'égare, s'il dispense le verbe de vie à la famille qu'il a à nourrir de la nourriture éternelle". D'ailleurs saint Paul, parlant de l'évêque, n'avait-il pas écrit, dans sa première lettre à Tite (1 Ti 1, 1 à 9): "Il doit être sobre, fuir les querelles, être un bon époux, un bon père de famille. S'il ne présente pas de telles qualités dans son ménage il est probable qu'il ne les présentera pas non plus dans l'administration de l'Église."

Dès lors la vie d'Hilaire va basculer. Son épiscopat commence dans une période de grand trouble pour l'Église: le développement de l'arianisme dans tout l'Occident. Niant la divinité de Jésus-Christ les disciples d'Arius faisaient de plus en plus de prosélytisme. Par ailleurs, la santé du pape Jules 1er déclinait. Après sa mort, Jules 1er sera remplacé par des papes ariens; puis, en 366 il y au-ra deux papes: Ursinus, continuant l'hérésie arienne et Damase 1er, catholique-orthodoxe.

Hilaire, devenu évêque de Poitiers, rencontra très rapidement saint Athanase d'Alexandrie, alors exilé en Gaule à cause de l'hérésie arienne. Hilaire, combattant à son tour cette hérésie, sera, sur ordre de l'empereur Constance, exilé en Phrygie, en Turquie, où il découvrira la théologie grecque et deviendra de tous les Pères latins de l'Église, celui dont la pensée sera la plus proche des Pères Grecs. Curieusement, le Commentaire sur l'Évangile de Matthieu, pre-mière œuvre d'Hilaire, évêque soucieux de l'instruction de son peuple, montre toutefois que son auteur ne connaissait pas la tradition orientale, et même qu'il ignorait les textes du Concile de Nicée qu'il ne découvrit qu'en 354. Dès 355, alors que l'arianisme s'étendait dans toute la Gaule, Hilaire s’opposa à cette théologie  et écrivit son œuvre magistrale, son "Traité sur la Trinité."

Parlons un peu des œuvres de saint Hilaire de Poitiers

Presque tous les écrits d'Hilaire ont été conservés: écrits exégétiques, traités théologiques et compositions liturgiques, en particulier des hymnes. Nous venons d'entendre que saint Hilaire avait rédigé un Commentaire sur l’évangile de Matthieu. Ce document est la première œuvre exégétique latine qui nous soit parvenue.

Abordons maintenant la principale œuvre écrite de saint Hilaire De Trinitate. Ce traité, comprenant douze livres, fut composé pendant son exil en Phrygie. Hilaire y défend la consubstantialité du Fils avec le Père, contre les ariens qui niaient la divinité du Christ, et contre la doctrine professée par Sabellius, originaire de Lybie. La doctrine de Sabellius, le modalisme, ne distinguait pas le Père du Fils. La théologie d'Hilaire, première synthèse doctrinale écrite en latin, eut une influence profonde durant tout le siècle suivant. Saint augustin reprendra cette théologie de saint Hilaire, mais la complétera en définissant la divinité du Saint-Esprit.

S'appuyant sur les écrits d'Origène dont il tirera des conclusions simples, et sur le texte grec des Écritures, appelé la Septante, Hilaire rédigera de précieux commentaires bibliques. Dans son Traité des Mystères, Hilaire montre comment les événements rapportés dans la Bible concernent le Christ. Enfin, ses Hymnes, récemment redécouvertes, nous font entrer dans une poésie inspirée à la fois des modèles classiques (latins et grecs) et bibliques (psaumes alphabétiques).

Hilaire revint de son exil en d'Orient vers 361 et rentré à Poitiers, il put y finir ses jours et y mourir vers 367, soit le 1er novembre 367, soit le 1er janvier 368. Il a été élevé au rang de docteur de l'Église en 1851, par le pape Pie IX. Il est fêté le 13 janvier.

Voici maintenant quelques petits compléments, pour édifier, et nous distraire. Saint Hilaire fit plusieurs miracles qui enthousiasmèrent le peuple. En voici un: en l'an 360, lorsqu'Hilaire revint dans les Gaules, à Poitiers, la population lui fit un triomphe. Un jour, on lui apporta un enfant mort sans baptême. Hilaire se mit à genoux et dit qu'il ne se relèverait qu'après l'enfant... L'enfant revint à la vie et fut baptisé au nom du Père et du Fils et de l'Esprit-Saint.

On raconte une autre chose, digne d'admiration: Apia, la fille d'Hilaire, voulait se marier. Son père Hilaire l’instruisit longuement et l’affermit dans le dessein de sauvegarder sa virginité. Au moment où il la vit bien résolue, craignant qu'elle ne variât dans sa conduite, Hilaire pria le Seigneur avec grande instance de la retirer de la vie de ce monde: et il en fut ainsi, car peu de jours après, elle trépassa dans le Seigneur. Son père, l'évêque, l’ensevelit de ses propres mains; en voyant cela, la mère d'Apia pria l’évêque de lui obtenir ce qu'il avait obtenu pour sa fille; et Hilaire le fit encore, et, par sa prière, il l’envoya par avance dans le royaume du ciel.

Saint Hilaire, surnommé par saint Jérôme, le "Rhône de l'éloquence latine et la trompette des Latins face aux Ariens" est un des plus grands théologiens du haut Moyen-Âge. Contemporain de Saint Athanase et de Saint Basile, Saint Hilaire mena le même combat qu'eux pour la défense de la vraie Foi. On l'a surnommé "l'Athanase d'occident".

À Poitiers, malgré son épuisement, Hilaire rédigea son ouvrage, "contre Auxen-ce" dans lequel il dénonçait avec force les empiétements du pouvoir impérial sur les affaires religieuses et où il précisait les conditions réelles de l'unité des chrétiens; il aimait dire: "Les oreilles du peuple chrétien sont plus saintes que le cœur de leurs évêques".

Voici maintenant un texte dans lequel Hilaire essaie d'expliquer la Sainte Trinité. Il prie Dieu et dit: "Je t’en prie, conserve intacte la ferveur de ma foi et jusqu’à mon dernier souffle donne-moi de conformer ma voix à ma conviction profonde. Oui, que je garde toujours ce que j’ai affirmé dans le symbole proclamé lors de ma nouvelle naissance, lorsque j’ai été baptisé dans le Père, le Fils et l’Esprit Saint!"

Il écrivit aussi, s'adressant au Père: "Quant à moi, j'en ai conscience: le devoir principal de ma vie est de m'offrir à Toi, Dieu, Père Tout-Puissant, pour que tout en moi, paroles et pensées, parlent de Toi. Oui, la plus grande récom-pense que puisse m'apporter l'usage de la parole dont tu m'as gratifié, c'est de l'employer à te servir, en proclamant ce que Tu es, c'est-à-dire le Père de l'Unique-Engendré, et en le démontrant à un monde qu'il ignore et à l'hérétique qui le nie. Oui, vraiment, c'est là, je le déclare, mon seul désir! Toutefois j'ai grand besoin d'implorer dans la prière la grâce de ton secours et de la miséricorde, pour que le souffle de ton Esprit gonfle les voiles de notre foi, tendues pour Toi; qu'il nous fasse avancer dans ce voyage qu'est l'en-seignement que nous commençons de donner ici. Accorde-nous donc de don-ner aux mots leur véritable sens, prodigue la lumière à notre esprit, la beauté de l'expression à notre style et établis note foi dans la vérité. Accorde-nous de dire ce que nous croyons. Selon le devoir qui nous incombe, après avoir appris des prophètes et des apôtres que Tu es un seul Dieu et qu'il y a un seul Sei-gneur Jésus-Christ, donne-nous de Te célébrer, et, contre les négations héré-tiques, donne-nous de le proclamer, Lui, Jésus-Christ, Dieu et non faux Dieu." (Extrait de DE TRINITATÉ, l, 6)

Mais Hilaire voulait aussi montrer combien la Trinité et l'Eucharistie sont unies. Il écrivit, au sujet du mystère Trinitaire et de l'union Eucharistique:

"Eucharistie nourriture céleste et lien d'unité de la communauté chrétienne avec le Christ! Nier l'unité naturelle du Père et du Fils c'est nier la réalité de la communion eucharistique au Christ. La communion Eucharistique pour saint Hilaire, débouche dans le mystère de l'intimité trinitaire à laquelle l'Eucha-ristie nous fait participer, dont elle nous révèle la vérité et dont elle permet la confession. Si donc le Christ a vraiment assumé la chair de notre corps, si cet homme, né de Marie, est vraiment le Christ, nous mangeons la chair de son corps dans le sacrement, et par-là, nous sommes un, puisque le Père est en lui et que lui est en nous." (DE TRINITATE,  8/16 6)

Paulette Leblanc

 

 

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