Heinrich von Berg Seuse ou
Henri Suso en français, naquit en 1295 ou 1296, au bord
du lac de Constance, en suisse, dans une famille de
drapiers. Son Père était particulièrement violent,
tandis que sa mère était très douce
et pieuse. À l'âge
de 13 ans, il entra chez les Dominicains de Constance et
prit le nom de famille de sa mère: Suso; d'où Henri
Suso. Pour des raisons évidentes, ses premières années
de vie religieuse furent assez hésitantes voire
relâchées, mais quand il eut atteint l'âge de dix-huit
ans, les choses changèrent. En effet, il entendit lire
un jour, les paroles de Salomon:
“La Sagesse est plus
éclatante que le soleil, Elle est plus belle que
l'harmonie des Cieux. Aussi L'ai-je aimée dès mon
enfance, je suis l'adorateur de Ses charmes.”
Dès lors, Henri fut
amoureux de la divine Sagesse dont il disait: “Mon
cœur est jeune et ardent, il est porté à l'amour; il
m'est impossible de vivre sans aimer; les créatures ne
sauraient me plaire et ne peuvent me donner la paix;
oui, je veux tenter fortune et gagner les bonnes grâces
de cette divine et sainte Amie, dont on raconte des
choses si admirables et si sublimes!” Il se livra
alors à de très grandes austérités qui le conduisirent
au seuil de la mort alors qu'il n'avait que 40 ans. Il
comprit que ses pénitences devaient devenir intérieures.
Et il jeta les instruments dont il se servait pour
s'infliger ses pénitences.
En 1323, âgé seulement de
28 ans, Henri Suso fut envoyé à Cologne où il suivit
avec avidité l'enseignement de Maître Eckart dont il
appréciait particulièrement la théologie négative dont
nous devons dire ici quelques mots pour comprendre la
suite de la vie d'Henri Suso. La théologie négative
dérive de l'apophatisme qui est une approche
philosophique fondée sur la négation. La théologie
négative, consiste à insister plus sur ce que Dieu n'est
pas que sur ce que Dieu est. Pour ceux qui appartiennent
à une tradition monothéiste basée sur la Bible, cette
théologie peut sembler paradoxale puisque Dieu, dit de
lui-même: “Je suis celui qui est”. (Ex 3-14) Nous sommes
ici dans une théologie positive.
Nous devons ajouter que la
tradition apophatique serait partie de Saint Clément
d'Alexandrie (né vers 150-décédé vers 220) donc IIe
moitié du IIe siècle et début du IIIe
siècle, pour aboutir aux mystiques espagnols du XVIe
siècle: Louis de Grenade, Jean d'Avila, Luis de
Léon et Jean de la Croix. Revenons à Henri Suso.
Henri Suso est surtout
connu pour avoir répandu, avec Jean Tauler, la mystique
germanique de Maître Eckart. Il fut extrêmement choqué
quand son maître spirituel, Maître Eckart, fut déclaré
hérétique par la bulle du 27 mars 1329 du pape Jean
XXII. Il faut savoir que, en 1326, plusieurs
propositions de Maître Eckart avaient été dénoncées à
l'Inquisition par deux dominicains. Henri Suso écrivit
alors le Livre de l'éternelle Sagesse, qui lui valut
aussi des démêlés avec son Ordre.
Il faut signaler qu'en
1992, le chapitre général des Dominicains demanda la
réhabilitation de Maître Eckart; cette réhabilitation ne
fut pas accordée: en effet, le Vatican répondit à
Timothy Radcliffe, Maître de l’Ordre en 1992, “que ce
n'était pas nécessaire car Maître Eckart n’avait jamais
été condamné en son nom propre, mais seulement certaines
de ses propositions.” Par conséquent, déclara le
supérieur des dominicains,
“nous sommes parfaitement
libres de dire que Maître Eckart est un bon théologien
orthodoxe.”
Henri Suso décéda à Ulm,
le 25 janvier 1366, à l'âge de 70 ans. Sa vie fut écrite
par une de ses filles spirituelles, Elsbet Stagel,
religieuse dans un couvent où il exerçait son ministère.
Il fut proclamé bienheureux en 1831. Il est fêté le 25
janvier.
Nous arrivons maintenant à
la spiritualité d'Henri Suso, l'une des figures de la
spiritualité de la fin du Moyen-Âge, spiritualité
couramment appelée “mystique rhénane”. Proche de la
théologie de saint Thomas d'Aquin, Henri Suso exalte le
retrait progressif du monde sensible. Il contemple les
souffrances du Christ pour mieux se diriger vers la
perfection. Il estimait qu'il était comme le Serviteur
de la Sagesse éternelle. Son livre, l’“Horloge de la
Sagesse” fut le livre le plus lu en Allemagne au XVe
siècle, devant l'Imitation se Jésus-Christ.
On a dit de Henri Suso que
peu de Saints avaient eu pour Jésus un amour aussi vif
et aussi tendre. Un jour, il prit un couteau et
inscrivit sur sa poitrine le nom de Jésus. Alors il
s'écria: “Ô
amour unique de mon cœur et de mon âme! Ô mon Jésus!
Voyez donc l'ardeur de ma passion pour Vous; je Vous ai
imprimé dans ma chair, mais je voudrais aller jusqu'au
centre de mon cœur; gravez-y Vous-même Votre saint nom
avec des lettres éternelles qui ne s'effacent jamais!”
Henri Suso savait adoucir
la rigueur eckhartienne en contemplant l'humanité du
Christ et ses souffrances. Son langage était plus doux
que celui de Maître Eckart, ce qui ne l'empêchait pas de
décrire le monde comme une ville en ruines où errent les
âmes en quête de Dieu. Pour lui, seule l'âme détachée
des contingences sensuelles et mentales, pouvait
remonter à Dieu, et participer à l'effusion de son
Amour.
Henri Suso ayant été
chargé par son Ordre de visiter les couvents de moniales
où il enseignait et guidait les consciences dont il
avait la charge sur les voies de la sagesse éternelle
fut violemment calomnié. Ses supérieurs l'envoyèrent à
Ulm, ou il mourut le 25 janvier 1366.
Paulette Leblanc |