Henri Suso
Dominicain, Bienheureux
(1295 ou 96-1366)

25

JANVIER

Heinrich von Berg Seuse ou Henri Suso en français, naquit en 1295 ou 1296, au bord du lac de Constance, en suisse, dans une famille de drapiers. Son Père était particulièrement violent, tandis que sa mère était très douce et pieuse. À l'âge de 13 ans, il entra chez les Dominicains de Constance et prit le nom de famille de sa mère: Suso; d'où Henri Suso. Pour des raisons évidentes, ses premières années de vie religieuse furent assez hésitantes voire relâchées, mais quand il eut atteint l'âge de dix-huit ans, les choses changèrent. En effet, il entendit lire un jour, les paroles de Salomon: “La Sagesse est plus éclatante que le soleil, Elle est plus belle que l'harmonie des Cieux. Aussi L'ai-je aimée dès mon enfance, je suis l'adorateur de Ses charmes.”

Dès lors, Henri fut amoureux de la divine Sagesse dont il disait: “Mon cœur est jeune et ardent, il est porté à l'amour; il m'est impossible de vivre sans aimer; les créatures ne sauraient me plaire et ne peuvent me donner la paix; oui, je veux tenter fortune et gagner les bonnes grâces de cette divine et sainte Amie, dont on raconte des choses si admirables et si sublimes!” Il se livra alors à de très grandes austérités qui le conduisirent au seuil de la mort alors qu'il n'avait que 40 ans. Il comprit que ses pénitences devaient devenir intérieures. Et il jeta les instruments dont il se servait pour s'infliger ses pénitences.

En 1323, âgé seulement de 28 ans, Henri Suso fut envoyé à Cologne où il suivit avec avidité l'enseignement de Maître Eckart dont il appréciait particulièrement la théologie négative dont nous devons dire ici quelques  mots pour comprendre la suite de la vie d'Henri Suso. La théologie négative dérive de l'apophatisme qui est une approche philosophique fondée sur la négation. La  théologie négative, consiste à insister plus sur ce que Dieu n'est pas que sur ce que Dieu est. Pour ceux qui appartiennent à une tradition monothéiste basée sur la Bible, cette théologie peut sembler paradoxale puisque Dieu, dit de lui-même: “Je suis celui qui est”. (Ex 3-14) Nous sommes ici dans une théologie positive.

Nous devons ajouter que la tradition apophatique serait partie de Saint Clément d'Alexandrie (né vers 150-décédé vers 220) donc IIe moitié du IIe siècle et début du IIIe siècle, pour aboutir aux mystiques espagnols du XVIe siècle: Louis de Grenade, Jean d'Avila, Luis de Léon et Jean de la Croix. Revenons à Henri Suso.

Henri Suso est surtout connu pour avoir répandu, avec Jean Tauler, la mystique germanique de Maître Eckart. Il fut extrêmement choqué quand son maître spirituel, Maître Eckart, fut déclaré hérétique par la bulle du 27 mars 1329 du pape Jean XXII. Il faut savoir que, en 1326, plusieurs propositions de Maître Eckart avaient été dénoncées à l'Inquisition par deux dominicains. Henri Suso écrivit alors le Livre de l'éternelle Sagesse, qui lui valut aussi des démêlés avec son Ordre.

Il faut signaler qu'en 1992, le chapitre général des Dominicains demanda la réhabilitation de Maître Eckart; cette réhabilitation ne fut pas accordée: en effet, le Vatican répondit à Timothy Radcliffe, Maître de l’Ordre en 1992, “que ce n'était pas nécessaire car Maître Eckart n’avait jamais été condamné en son nom propre, mais seulement certaines de ses propositions.” Par conséquent, déclara le supérieur des dominicains, “nous sommes parfaitement libres de dire que Maître Eckart est un bon théologien orthodoxe.”

Henri Suso décéda à Ulm, le 25 janvier 1366, à l'âge de 70 ans. Sa vie fut écrite par une de ses filles spirituelles, Elsbet Stagel, religieuse dans un couvent où il exerçait son ministère. Il fut proclamé bienheureux en 1831. Il est fêté le 25 janvier.

Nous arrivons maintenant à la spiritualité d'Henri Suso, l'une des figures de la spiritualité de la fin du Moyen-Âge, spiritualité couramment appelée “mystique rhénane”. Proche de la théologie de saint Thomas d'Aquin, Henri Suso exalte le retrait progressif du monde sensible. Il contemple les souffrances du Christ pour mieux se diriger vers la perfection. Il estimait qu'il était comme le Serviteur de la Sagesse éternelle. Son livre, l’“Horloge de la Sagesse” fut le livre le plus lu en Allemagne au XVe siècle, devant l'Imitation se Jésus-Christ.

On a dit de Henri Suso que peu de Saints avaient eu pour Jésus un amour aussi vif et aussi tendre. Un jour, il prit un couteau et inscrivit sur sa poitrine le nom de Jésus. Alors il s'écria: “Ô amour unique de mon cœur et de mon âme! Ô mon Jésus! Voyez donc l'ardeur de ma passion pour Vous; je Vous ai imprimé dans ma chair, mais je voudrais aller jusqu'au centre de mon cœur; gravez-y Vous-même Votre saint nom avec des lettres éternelles qui ne s'effacent jamais!”

Henri Suso savait adoucir la rigueur eckhartienne en contemplant l'humanité du Christ et ses souffrances. Son langage était plus doux que celui de Maître Eckart, ce qui ne l'empêchait pas de décrire le monde comme une ville en ruines où errent les âmes en quête de Dieu. Pour lui, seule l'âme détachée des contingences sensuelles et mentales, pouvait remonter à Dieu, et participer à l'effusion de son Amour.

Henri Suso ayant été chargé par son Ordre de visiter les couvents de moniales où il enseignait et guidait les consciences dont il avait la charge sur les voies de la sagesse éternelle fut violemment calomnié. Ses supérieurs l'envoyèrent à Ulm, ou il mourut le 25 janvier 1366.

Paulette Leblanc

 

 

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