Récemment, lorsque nous avons parlé de saint Basile,
nous avons mentionné un de ses amis, saint Grégoire de
Nazianze. Aujourd'hui c’est Grégoire de Nazian-ze, l’ami
et l’émule de Basile qui va nous intéresser.
Saint Grégoire de Nazianze serait né vers 329 ou 330, à
Nazianze en Cappadoce, en Turquie, là où son père,
Grégoire l'Ancien, fut évêque pendant quarante cinq ans.
Grégoire l'Ancien est mort centenaire en 374. La mère de
Grégoire, Nonna, appartenait à une famille très
chrétienne. Il avait une sœur aînée, Gorgonie et un
frère cadet, Césaire qui deviendra le médecin de trois
empereurs: Constance II, Julien et Jovien, puis questeur
en Bithynie, c'est-à-dire magistrat romain chargé de la
comptabilité de l'empire. Grégoire, contem-porain de
saint Basile, né, lui aussi, vers 329 ou 330), bénéficia
d'une formation scolaire tout aussi remarquable que
celle de Basile le Grand, d'abord à Césarée de
Cappadoce, puis à Césarée de Palestine, à Alexandrie et
à l'Académie d'Athènes. À Athènes, Grégoire de Nazianze
fit la connaissance du futur empereur Julien et c'est
là qu'il se lia d'amitié avec Basile de Césarée. Il
apprit la rhétorique ainsi que la mythologie grecque en
étudiant Homère, Euripide et Sophocle.
Ici, quelques précisions sont indispensables. Certains
documents consultés, indiquent que, vers l'âge de
dix-huit ans, donc aux alen-tours de 348, Grégoire aurait
voyagé et visité Antioche et Jérusalem avant de se
rendre à Alexandrie pour poursuivre ses études
supérieu-res à Athènes. Lors d'un voyage
entre Alexandrie et Athènes, son bateau aurait été pris
dans une tempête au cours de laquelle il pensa mourir.
Cet événement marqua un tournant dans la vie de
Grégoire. Le baptême se pratiquait tardivement à cette
époque; Grégoire, redoutant de mourir non baptisé, fit
alors la promesse de se consacrer à Dieu s'il survivait
comme il en fit plus tard le récit, rapportant sa prière
au Seigneur: "À toi j'étais
auparavant, tien je suis maintenant. Pour toi je vivrai
si j'échappe à ce danger! Ton disciple est tombé dans la
tempête: dissipe ce songe, ou viens marchant sur l'eau
et que cette horreur cesse."
Après une solide formation de près de huit années, d'une
longueur inhabituelle pour des étudiants de l'époque,
Grégoire, alors âgé de 30 ans, resta encore quelque
temps à Athènes où il fut intronisé professeur de
rhétorique. Bientôt, ses études terminées, Grégoire de
Nazianze retourna dans sa patrie, vers 356, et, il
enseigna la rhétorique. Mais bientôt sa vie va être
bouleversée par une suite d'événements totalement
imprévisibles, dont les dates sont à prendre avec
beaucoup de précautions. Ainsi, Saint Grégoire de
Nazianze reçut le baptême puis, en 361, l'ordination
sacerdotale des mains de son père qui avait besoin
d'être aidé dans l'administration de son diocèse de
Nazianze. Mais parce que Grégoire le fils avait
l'impression qu'on lui avait fait "violence" en lui
imposant l'ordination, il refusa d'entrer en fonction et
ne revint qu'en 362, pour la fête de Pâques, où, dans un
sermon, il s'excusa pour ses hésitations. Nous sommes
vers 362. Cette période est marquée par l'avènement de
l'empereur Julien l'apostat qui, en 362, promulgue un
édit interdisant aux chrétiens d'enseigner la grammaire,
la rhétorique et la philosophie. Grégoire de Nazianze
s'opposa alors avec virulence à l'empereur Julien par
deux discours célèbres Discours contre Julien.
Mais, entre temps, sous l'influence de son ami Basile,
Grégoire s'était tourné vers la vie ascétique et avait
passé quelque temps avec lui dans sa communauté
monastique à Annisi, au bord du fleuve Iris, dans la
province du Pont. C'est là que tous les deux auraient
travaillé ensemble à ce qui fut appelé la Philocalie,
c'est-à-dire une anthologie extraite des œuvres
d'Origène. Ils vivaient une vie d'ascètes et
priaient beaucoup. Et Grégoire assistait Basile de
Césarée dans la rédaction des règles morales et
ascétiques qui seront à la base de la législation
monastique de l'Église orthodoxe. Puis Basile
convainquit son ami Grégoire d'accepter son presbytérat
et d'aller aider son père évêque.
Les sièges épiscopaux se multipliaient. Les adeptes du
Concile de Nicée, les nicéens, se renforçaient. En 372,
Grégoire fut ordonné évêque de Sasimes, en Turquie,
contre son gré, par Basile de Césarée; mais, ne pouvant
s'établir à Sasimes, il resta chez son père, jusqu'à la
mort de ce dernier en 374, devenant le premier évêque
auxiliaire de l'Église. Grégoire se retira ensuite à
Séleucie, en Isaurie, d'où il fut appelé, après la mort
de l'empereur Valens, le 9 août 378, à diriger la petite
communauté nicéenne de la capitale.
Les choses continuent à se compliquer. En plein
arianisme, Grégoire de Nazian-ze veut réaffirmer le
mystère de l'Incarnation du Verbe; et il nomme Marie
"Mère du Roi de tout l’univers", la "Mère Vierge,
(qui) a enfanté le Roi du monde entier"...
Le premier janvier 379, Basile de Césarée mourut, ce qui
peina considérable-ment Grégoire. Il écrivit alors une
lettre célèbre au frère de son ami, Grégoire de Nysse,
dans laquelle il disait son émotion. Il produira plus
tard un éloge funè-bre dans lequel il donna une
description détaillée de Basile, son vieil
ami.
Au début de l'année 380, l'empereur Théodose le Grand
tomba gravement malade. Il décida de se faire baptiser
et choisit lors de son baptême la profession de foi
issue du premier concile de Nicée. Son baptême allait
contribuer à changer radicalement le rapport de force
entre les partisans de l'arianisme et ceux du concile de
Nicée. Théodose dès février 380, ordonna qu'on suive la
foi de Nicée en publiant l'Édit de Thessalonique qui fit
du christianisme et du credo du premier Concile de Nicée
la religion officielle de l'Empire romain. Grégoire est
alors de plus en plus écouté.
Cependant, la grande majorité des chrétiens de la
capitale Constantinople, relevant de la confession
arienne, sous la direction de l'évêque Démophile,
Grégoire de Nazianze résida dans une maison privée (la
future église Anastasia), où il donna en 380 les
célèbres "Cinq Discours théologiques", dans lesquels il
expliquait la doctrine trinitaire nicéenne, ce qui lui
valut le titre honorifique de Théologien.
Le 24 novembre 380, l'empereur Théodose installait
Grégoire de Nazianze évêque de Constantinople,
contraignant l'évêque Démophile à l'exil. Le Concile de
Constantinople, en 381, confia sa présidence à Grégoire
après la mort de l'arien, Mélèce d'Antioche. Saint
Grégoire ne réussit pas cependant à parvenir à un accord
acceptable entre les différents partis et il
démissionna. Il revint à Nazianze avant même la fin du
Concile et administra le diocèse jusqu'à la consécration
épiscopale de son cousin Eulalius, en 383. Grégoire put
alors se consacrer entièrement à son activité
littéraire. C'est à cette époque que nous devons la
moitié des 44 sermons conservés, la plupart des 249
lettres et la plus grande partie de ses poèmes. Dans ses
lettres et discours, il développe la théologie
chrétienne, et principalement la nature divine de
l'Esprit-Saint comme personne de la Trinité.
La nomination de Grégoire de Nazianze au siège de
Constantinople n'était pas sans poser problème, dans la
mesure où Grégoire de Nazianze avait été consa-cré
évêque de Sasimes, et qu'il n'avait donc pas le droit
d'être évêque d'un autre lieu, conformément à l'un des
canons du Concile de Nicée. Sa nomination par l'empereur
fut considérée par beaucoup comme non légitime.
Remarques:
Nous avons, depuis longtemps, oublié les luttes parfois
violentes, qui ont existé entre les partisans de
l'arianisme et les partisans de Nicée, et qui ont
meurtri la chrétienté. Grégoire de Nazianze, qui lutta
beaucoup contre l'arianisme, demanda, dans ses écrits,
que l'on se souvienne des lapidations qu'il avait dû
souffrir. Il écrit, entre autres:
"Je fus reçu avec des
pierres, comme d'autres sont reçus avec des fleurs."
Il fut même accusé d'assassinat, mais fut acquitté
devant le tribunal. Il voulait fuir Constantinople, mais
ses fidèles le retinrent en disant: "Ô,
Père, en nous abandonnant, vous chassez la Trinité."
À partir de 389, Grégoire se retira de toute vie active
à Arianze. Il écrivit ses discours 44 et 45 et mourut le
25 janvier 390.
La richesse de ses écrits théologiques conduisit très
vite l'Église à une reconnaissance de Grégoire de
Nazianze dans toute la chrétienté. Ses écrits ont été
traduits en latin, puis dans différentes langues. Ils
influencèrent significa-tivement la théologie de la
Trinité, tant des pères grecs que latins. Grégoire de
Nazianze est reconnu comme théologien trinitaire. Il est
considéré avec Basile de Césarée et Grégoire de Nysse
comme l'un des trois "pères
cappadociens."
Le pape Pie V déclara Grégoire de Nazianze "Docteur de
l'Église en 1578. Il est vénéré tant par les catholiques
que par les orthodoxes.
Ses reliques, transférées à Rome au VIIIe
siècle pour éviter leur destruction lors de la querelle
iconoclaste, ont été données par le pape Jean-Paul II au
patriar-che Bartholomée 1er
de Constantinople, en 2004, dans une volonté de
réconci-liation entre catholiques et orthodoxes.
Paulette Leblanc |