GREGOIRE DE NAREK
Moine, Mystique, Saint
(940/950-1003/1010)

27

FEVRIER

Narek est le nom ancien d'un village kurde et musulman, qui se nomme aujourd'hui Yemislik. C'est le village arménien où vécut saint Grégoire de Narek, moine et prêtre arménien du Xe siècle. Saint Grégoire de Narek a écrit une œuvre théologique, littéraire et spirituelle extraordinaire qui a traversé les siècles et les frontières. Le 12 avril 2015, le pape François qui assistait à un office dans le rite arménien catholique, profita de cette occasion, pour le déclarer 36e Docteur de l’Église.

Cette proclamation effectuée par le pape François, eut lieu le dimanche 12 avril 2015 dans la basilique Saint-Pierre de Rome, devant les fidèles de rite arménien réunis pour la commémoration du centenaire du génocide des Arméniens, en 1915. Jean-Pierre Mahé, membre de l’Institut et traducteur de l’œuvre de saint Grégoire de Narek, rappelle la communion qui exista entre l’Église catholique et la civilisation chrétienne orientale décimée au cours des siècles. Il écrit: "Des 36 docteurs de l’Église, Grégoire de Narek est le deuxième Oriental après saint Éphrem de Nisibe. Il ne parlait ni le grec ni le latin et vivait hors des limites de l’Empire byzantin. Il était très important, dans l’état actuel de cette prise de conscience hélas tardive pour les chrétiens d’Orient, que durant cette année 2015, un autre Oriental devienne docteur de l’Église."

Parlons maintenant de saint Grégoire de Narek. Né vers 940 ou 950, en Arménie près du lac de Van, le jeune Grégoire, qui avait deux frères aînés,  perdit rapidement sa mère. Notons ici que le lac de Van, ou mer de Bznunik en arménien classique, est le plus grand lac de Turquie; il est situé à l’est du pays, sur le haut-plateau arménien.

Mais revenons à notre Grégoire. Son père commença l'éducation de Grégoire, mais, bientôt, ce veuf décida d'entrer au couvent et devint plus tard l'évêque Khosrov Andzévatsi (le Grand) qui composa d'importants ouvrages théologiques. Grégoire de Narek fut ensuite pris en charge par son oncle, Anania Narékatsi, qui dirigeait le monastère de Narek. Très vite, Grégoire se passionna pour les études; il lisait notamment les Pères de l'Église arménienne ainsi que les traductions des Pères grecs. Il devint prêtre et peut-être higoumène de son monastère et son influence devint grande. Il chercha à réformer son monastère, ce qui lui valut bien des ennuis. On l'accusa même d'hérésie.

Voici une petite légende qui vous amusera. À Saint Grégoire de Narek, accusé d'hérésie, les évêques envoyèrent une délégation chargée de lui tendre un piège afin de pouvoir, ensuite, le conduire devant un tribunal pour l'interroger sur sa foi. Mais Grégoire ayant compris leurs intentions, invita ces délégués à un repas. Un plat contenant des oiseaux cuits fut présenté. Or c'était un vendredi, jour de jeûne. Naturellement, les délégués furent scandalisés et convaincus que ce qu’on disait de Grégoire était vrai. Alors, notre Grégoire se tournant vers les pigeons cuits s'écria: -Levez-vous, retournez à votre volière, car aujourd’hui c’est jour d’abstinence. »
Et les oiseaux, retrouvèrent la vie et leurs plumes, puis s’envolèrent. Devant ce miracle, les délégués tombèrent aux pieds du saint pour lui demander pardon. Et ils s’en furent raconter le prodige à ceux qui les avaient délégués…

Dès lors la renommée de Grégoire grandit de plus en plus, et on lui demanda de nombreux écrits. Actuellement encore, ses 'Élégies sacrées' où s'exprime son expérience mystique, constituent le principal livre de prière de l'Église arménienne. L’œuvre complète de saint Grégoire de Narek a été éditée à Venise en 1840 par les Pères Mékhitaristes, ordre monastique catholique arménien fondé par Mékhitar de Sébaste en 1700.

Voici le titre de quelques œuvres de saint Grégoire de Narek. Il y a tout d'abord, les Élégies Sacrées, composées en 1002. Puis, il faut citer les hymnes destinées aux fêtes liturgiques, un commentaire sur le Cantique des cantiques et l'Histoire de la Croix d’Aparanq qui raconte le transfert de la relique de la Vraie Croix de Constantinople en Arménie en 983. Il y a également des Panégyriques consacrés aux saints apôtres et aux 70 disciples, et le Panégyrique de Saint Jacques de Nisibe, et enfin, Le Livre des lamentations.

Parlons maintenant de la doctrine de saint Grégoire de Narek. Grégoire passa toute sa vie dans le monastère de Narek qui suivait la règle de saint Basile. Très savant, et mystique, Grégoire, qui enseignait beaucoup, fut impliqué dans les disputes doctrinales de son époque. Il défendait les racines bibliques de l’Église, "l'épouse" purifiée par les sacrements. Grégoire de Narek a inspiré le monachisme arménien, et il joua aussi un rôle essentiel dans la poésie, la littérature et la musique arméniennes.

Pour Grégoire de Narek, la liturgie était un chemin qui initiait la conversion du cœur et jouait un rôle important vers l’intériorité dans laquelle on pénètre par les "discours à Dieu dans les profondeurs du cœur." Grégoire nous a laissé plusieurs textes mystiques et spirituels, généralement écrits à la demande expresse de ses supérieurs. Les thèmes principaux de cette œuvre sont la solidarité dans le péché et le combat spirituel, la confiance en la Miséricorde divine, et l’amour de la vie mystique. La spiritualité de saint Grégoire de Narek a fortement influencé les Églises arméniennes.  Mais Grégoire de Narek s’adressait également "à la multitude innombrable des chrétiens assemblés dans tout l’univers". Son œuvre embrasse toutes les époques et rejoint les grands saints spirituels et mystiques de l’Église universelle.

Grégoire de Narek fut proclamé docteur de l'Église le 12 avril 2015, par le pape François, à Rome, à l'occasion du centième anniversaire du génocide arménien.

Voici d'autres informations glanées dans des documents publiés sur Internet. Grégoire mourut à Narek où il fut inhumé. De ce grand monastère où l’on enseignait également les sciences, la philosophie et la musique, il ne reste rien. En effet, le monastère fut pillé en 1895 pendant la période dite des massacres hamidiens ordonnés par le sultan Abdülhamid II. Lors du génocide en 1915, les 123 familles arméniennes du village ont été massacrées. Enfin, ce qui restait du monastère de Narek a été totalement rasé en 1951 sur ordre des autorités préfectorales. À sa place une mosquée a été construite.

Saint Grégoire de Narek, est le plus grand poète et le plus grand mystique et théologien de l’histoire de l’Arménie. En conséquence, voici, pour terminer, quelques traductions de ses œuvres.

Tout d'abord une sorte d'aveu de ses fautes, notamment de son manque d'humilité. Saint Grégoire de Narek écrit: "J'ai été orgueilleux, moi, poudre vivante, et fier, moi, argile parlante, et hautain, moi, terreau vil. Je me suis exalté, moi, cendre sordide; j'ai brandi le poing, moi, coupe fragile. Je me suis accru plus qu'un roi.

Puis comme l'homme qu'on expulse je me suis reclus à nouveau en moi. J'ai reflété l'incendie de la fureur, moi, boue intelligente; ma présomption m'enfla comme étant immortel, moi, de mort encloué comme les bêtes; j'ai étendu les bras vers la passion de vivre, n'ai pas tourné ma face mais mon dos; l'esprit ailé je me ruais vers de noirs mystères; j'ai dégradé mon âme pure en flattant mon corps." (Traduit par Vahé Godel).

Mais Grégoire sait que malgré ses erreurs, Dieu le sauvera, et il s'adresse au Christ: "Rayon béni, soleil de justice, Désir ardent, figure de lumière, Insondable et très-haut, ineffable et puissant, Allégresse du bien, vision de l’espérance, Dieu loué dans les cieux, glorieuse royauté, Christ qui nous créas, vie partout célébrée, Daigne emplir à présent, de ta souveraine éloquence, Le défaut de ma voix, les multiples erreurs de ma misère: Présente mes prières en agréable offrande à la majesté de ton Père…" (Hymne traduit par Annie et Jean-Pierre Mahé)

La mystique de saint Grégoire de Narek veut combler l’abîme qui le sépare de Dieu. Aussi cherche-t-il à exprimer, pour le croyant, la nécessité de ressentir la proximité immédiate de Dieu, et son cheminement personnel avec Dieu fondé sur l’humilité. Vers la fin de sa vie, ce grand mystique écrira, en langue arménienne classique, un long poème,  Le Livre des Lamentations, chef-d'œuvre de la poésie arménienne médiévale. Il écrira, à propos de son œuvre maîtresse de cinq cents pages, le Livre des Lamentations: "Je l'ai fondé, construit, meublé, poli, ornementé, conclu, parachevé en une œuvre bellement homogène; j'ai rassemblé tous mes écrits, moi, Grégoire, moine cloîtré, poète dérisoire, savant de peu de poids, avec l'appui de mon saint frère Jean, moine lui-même du très honorable et très glorieux Monastère de Narek…" 

Grégoire avait deux frères aînés, tous les deux moines à Narek. Jean, moine copiste, l'aida à parachever son œuvre. Godel, son autre frère, voulut faire comprendre que Grégoire aimait particulièrement la Vierge Marie, qui remplaça sa mère défunte. Godel estimait, en effet, que orphelin de mère, très jeune, il exprimait sa peine dans sa Prière à la Sainte Vierge qu'il louait en ces termes: "Toi la seule bénie par les lèvres chastes des bouches bienheureuses, une seule goutte du lait de ta virginité, pleuvant en moi, me donnerait la vie..."

Paulette Leblanc

 

 

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