Gérard de Clairvaux
(frère de S. Bernard)
Moine,
Bienheureux
(+ 1138)

13

JUIN

Du bienheureux Gérard, frère aîné de saint Bernard, nous ne savons que peu de choses. Il appartenait à la noblesse, mais on ignore la date et le lieu de sa naissance. On sait seulement qu'il devint un militaire passionné, peu enclin à la piété. Aussi, lorsqu'il apprit, au printemps de 1112, la décision de son jeune frère Bernard d'entrer, avec trente membres ou des proches de sa famille, comme cisterciens dans l'abbaye de Cîteaux, en Côte d'Or, fut-il très perplexe. Quelle curieuse idée, en effet, de vouloir quitter le monde pour s'emprisonner dans un monastère! Lui, Gérard, il ne le ferait jamais. "Pourquoi, en effet, quitter le monde pour le cloître, quand la gloire et la richesse étaient à portée d'épée sur les champs de bataille?" Cette perplexité de Gérard ne faisait qu'empirer, d'autant plus que Bernard le sollicitait constamment pour qu'il le rejoigne à Cîteaux. Mais Gérard, qui était fasciné par sa carrière militaire, ne pouvait accepter un tel avenir, jusqu'au jour où… jusqu'au jour où Bernard lui prédit qu'un jour "la douleur éclairerait son esprit." 

Les jours passèrent… et bientôt, comme son frère Bernard le lui avait prédit, Gérard fut blessé au cours d'un combat, et fait prisonnier. Gérard vit dans cette blessure et dans cette captivité un signe de Dieu, et, en même temps, il se sentit appelé à changer de vie et à se convertir. Aussi, dès qu'il fut délivré, miraculeusement dit-on, rejoignit-il Bernard à Cîteaux. Nous sommes toujours en 1112. 

Les deux frères s'estimaient beaucoup. Aussi, en 1115, avec Bernard et Étienne Harding, un moine anglais qui fut abbé de Cîteaux de 1099 à 1133, et quelques compagnons, Gérard, devenu un modèle de la vie religieuse, participa-t-il à la fondation de l'abbaye de Clairvaux dont il devint le cellérier. Il s'occupait également des affaires courantes du monastère afin de permettre à son frère Bernard de se livrer davantage à sa contemplation et à la préparation de ses conférences.  

Donc, à Clairvaux, saint Bernard avait confié à son frère Gérard, la lourde tâche de cellérier, c'est-à-dire de l'administration de l'abbaye, de l'approvisionnement de la nourriture, et des dépenses de la communauté. Gérard, homme très pratique, excella dans cette fonction, libérant son frère Bernard de très nombreux soucis. Cela dura plus de vingt ans, car les deux frères, frères  "par le sang, mais plus encore par la vocation religieuse" formaient un duo complémentaire. Bernard, le lettré impulsif, avait tellement confiance dans la sagesse intuitive de son frère aîné, Gérard, qu'il lui demandait également de l'accompagner dans ses missions les plus délicates. 

Malheureusement, en 1138, de retour d'un voyage à Viterbe, en Italie, Gérard tomba malade et s'éteignit, le 13 juin 1138, dans l'abbaye de Clairvaux, où il avait pu retourner. Voici les dernières paroles du Bienheureux Gérard, que saint Bernard avait soigneusement recueillies: "Seigneur, vous savez que j'ai toujours souhaité le repos pour veiller à mon âme et m'occuper de vous. Mais j'ai toujours été pris dans les affaires par votre amour et par mon zèle d'obéissance, surtout par ma tendresse pour mon abbé et frère". Dans la nuit qui précéda sa mort, Gérard chanta allègrement le psaume 148, Laudate Dominum de cælis. Puis, Bernard étant venu près de son frère, Gérard lui dit: "Père, entre vos mains je remets mon esprit" (Luc., 23, 46). Il répétait ces mots en disant: "Père, père." Puis, se tournant vers le Père abbé: "Comme Dieu est bon d'être Père des hommes! Quelle gloire pour les hommes d'être les fils de Dieu, ses héritiers!" 

Saint Bernard fut très affecté par la mort de son frère Gérard. Peu de temps après les funérailles de Gérard, il reconnut l'immensité de sa détresse et, tandis qu'il prononçait, pour ses moines, son Commentaire du Cantique des cantiques, il interrompit soudain sa conférence et déclara, entre autres, à ses moines: "Vous savez, mes enfants, combien juste est ma douleur, combien pitoyable ma blessure. Vous voyez, n'est-ce pas, quel compagnon m'a abandonné dans la voie où je marchais! Quelle énergie au travail, et quelle suavité dans ses manières! Qui donc m'était aussi indispensable? Qui donc avait pour moi autant d'amour? Il était mon frère par le sang, mais plus fraternellement par la religion. Plaignez-moi, je vous en prie, vous qui comprenez cela. J'étais infirme, il me portait; je perdais cœur, il me confortait; j'étais paresseux et négligent, il me stimulait; imprévoyant, oublieux, il était ma mémoire. Pourquoi m'as-tu été arraché, homme uni à mon âme, homme selon mon cœur... Il eût mieux valu pour moi perdre la vie que ta présence, Gérard, toi qui étais l'instigateur zélé de mes études, mon secours vigoureux, mon examinateur prudent. Dis, pourquoi nous sommes-nous tant aimés, pourquoi nous sommes-nous perdus?... À tout ce qui arrive, je regarde vers Gérard comme j'avais l'habitude,  mais il n'est pas là… Alors je gémis, malheureux, comme un homme sans secours… N'est-il pas vrai, Gérard, que tu prenais à cœur plus que moi-même mes soucis… Le Seigneur avait instruit sa langue, en sorte qu'il savait quand il devait parler. Ainsi la prudence de ses réponses et leur bonne grâce… donnaient satisfaction à ceux de la maison comme à ceux du dehors, et personne presque ne me demandait quand on avait déjà vu Gérard… Ah! L'ami fidèle! Il ménageait l'amitié sans manquer aux devoirs de charité. Le riche emportait un conseil; le pauvre, une aumône. Il ne cherchait pas son intérêt, il se plongeait dans les ennuis pour que j'eusse la paix… Ce n'est pas seulement dans les très grandes circonstances, mais dans les plus petites, qu'il était très grand...”

L'Église le fête le 13 juin, mais il est fêté le 14 juin dans l'Ordre Cistercien de la Stricte Observance.

Paulette Leblanc

 

 

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