La
bienheureuse Eugénie Joubert était une contemporaine de
sainte Thérèse de Lisieux. Comme Thérèse de Lisieux, sa
vie fut courte et sa spiritualité était orientée vers
l'amour du Seigneur, une grande confiance en Jésus son
bien-aimé, et la grande simplicité des petits enfants.
Eugénie Joubert naquit le 11 février 1876, à
Yssingeaux,
petite ville d'Auvergne, dans le département de la Haute
Loire, dans l'est du Velay. Ce 11 février 1876 était le
jour du 18ème anniversaire de la première
apparition de la Sainte Vierge à Lourdes. La famille
Joubert étant nombreuse: huit enfants, Eugénie, et sa
sœur aînée furent placées, encore jeunes, dans le
pensionnat des Ursulines, à Ministrel, où elles seront
heureuses. Eugénie . sera fortement attirée par la
Vierge Marie, et, quand elle en parlait, comme le
racontera plus tard une de ses compagnes, "elle avait
comme quelque chose du ciel dans son regard."
Eugénie était toujours très gaie. Elle écrivit un jour à
sa sœur: "Le bon Dieu ne défend pas de rire et de
s'amuser, pourvu qu'on l'aime de tout son cœur et que
l'on garde son âme bien blanche, c'est-à-dire sans
péché..." Elle écrivit aussi: "Le secret pour
rester l'enfant du bon Dieu, c'est de rester l'enfant de
la Très Sainte Vierge. Il faut beaucoup aimer la Très
Sainte Vierge et lui demander tous les jours de mourir
plutôt que de commettre un seul péché mortel."
Le
6 octobre 1895, Eugénie entrait chez les Religieuses de
la Sainte Famille du Sacré-Cœur, au Puy-en-Velay. Ce
jeune Institut avait été fondé par le Père Rabussier,
jésuite, en vue d'enseigner le catéchisme aux plus
pauvres et aux plus abandonnés. Eugénie n'avait pas
vingt ans. Au moment des adieux familiaux, Madame
Joubert dit à sa fille: "Je te donne au bon Dieu. Ne
regarde plus en arrière, mais deviens une sainte!"
C'était bien l'intention d'Eugénie. En effet, depuis son
enfance, son cœur voulait aimer, "mais seulement un
Époux beau, parfait, immortel, dont l'amour soit pur et
immuable..." La Vierge Marie, la confia au plus beau
des enfants des hommes: son divin Fils Jésus. Le 13 août
1896, Eugénie reçut l'habit religieux des mains du Père
Rabussier. Elle prononça ses vœux religieux le 8
septembre 1897.
Sœur Eugénie fut catéchiste de 1897 à 1901, dans la
banlieue parisienne, d’abord à Aubervilliers, puis à
Saint-Denis, où elle s’occupa entre autres des enfants
des bateliers et des forains. Elle fortifiait sa mission
en étudiant les vérités de la foi grâce à saint Thomas
d’Aquin et aux Pères de l’Église. Ainsi le voulait la
fondatrice pour ses sœurs appelées à ce service.
Cependant, Sœur Eugénie conservait une vie de prière
intense, vie de prière orientée vers la Sainte
Eucharistie et la Très Sainte Vierge Marie: Sœur Eugénie
eut une grande influence sur les enfants qu'elle
catéchisait, car elle vivait ce qu’elle enseignait. On a
dit d'elle qu'elle "prenait tout de suite les enfants
par sa foi communicative, qu'elle savait les intéresser
en rendant vivantes les vérités qu’elle enseignait. Elle
priait la Sainte Vierge de l’aider, et la faisait prier
par les enfants pour qu’elle les aide à comprendre et à
retenir ses leçons." Sœur Eugénie savait aussi se
faire des alliés: les anges gardiens de ces enfants
qu’elle priait tout particulièrement.
Contemporaine de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de
la bienheureuse Élisabeth de la Trinité, Eugénie vivait
comme elles de l’esprit d’enfance évangélique dans une
union intime avec la Sainte Trinité. De plus, Sœur
Eugénie ne reculait jamais devant aucune fatigue;
appelée à enseigner le catéchisme aux nombreux jeunes de
Saint-Denis, elle continuait cependant à aider les sœurs
d’Aubervilliers. Pendant l'été de 1902, épuisée, elle
dut s'arrêter: elle était atteinte par la tuberculose.
Commença alors pour elle un douloureux calvaire qui
durera deux ans.
Mais Sœur Eugénie restait constamment unie à Jésus
crucifié. Elle trouvait un grand réconfort à méditer la
Passion. Et Jésus lui fit comprendre que pour lui rester
fidèle au milieu des souffrances, elle devait
"embrasser la pratique de l'enfance spirituelle, et être
petite enfant avec lui dans la peine, l'oraison, le
combat et l'obéissance". Sœur Eugénie resta
abandonnée dans les bras de Jésus sans jamais cesser de
sourire. C'est avec une grande paix qu'elle accueillit
l'annonce de son départ pour le ciel. On lui administra
le sacrement des malades et elle communia. Sœur Eugénie
mourut à Liège en Belgique, le 2 juillet 1904, à l’âge
de 28 ans, après avoir deux fois murmuré le nom de Jésus
et baisé le crucifix.
Nous allons maintenant nous arrêter un peu sur la
spiritualité de Sœur Eugénie. Pour elle, l'humilité
était le meilleur moyen d'attirer les regards de Jésus.
Un jour, elle fut vertement reprise pour un travail de
couture mal fait. Or, ce n'était pas elle la
responsable. Cependant, Sœur Eugénie se tut: elle aurait
pu se justifier, mais elle préféra s'unir au silence de
Jésus qui fut, lui aussi, faussement accusé. De plus,
pour Sœur Eugénie, être humble consistait à ne pas se
décourager devant ses faiblesses ou ses défauts, mais à
les offrir à la miséricorde divine, spécialement dans le
sacrement de Pénitence.
L'humilité allant de pair avec l'obéissance, Sœur
Eugénie voyait dans l'obéissance "le fruit de
l'humilité et sa forme la plus vraie", et elle
écrivit: "Je veux obéir pour m'humilier et m'humilier
pour aimer davantage." Car, obéir à Dieu, à ses
commandements, à son Église et à ceux qui tiennent sa
place, c'est aimer Dieu en vérité.
Le
Pape Jean-Paul II la proclama “Bienheureuse” le 20
novembre 1994. Il nous donnait ainsi un nouveau modèle
de pratique de la voie d'enfance.
Paulette Leblanc |