Émilie Tavernier naquit à Montréal, au Canada, le 19
février 1800. Elle était la quinzième, et dernière
enfant de la famille Tavernier. Incontestablement,
compte tenu de sa vie dès son plus jeune âge, Dieu la
préparait à une grande mission; en effet, dès son
enfance, elle fut frappée par de nombreuses épreuves.
Ainsi, sa mère mourut
en
1804, alors qu'Émilie n'avait que quatre ans. Puis ce
furent son père, son unique sœur et deux de ses frères.
Heureusement, sa mère lui avait appris que, Dieu étant
Providence, nous devions, nous aussi, nous faire
providence pour ceux qui avaient besoin de nous.
Après la mort de sa mère, Émilie fut recueillie par une
tante maternelle qui l'éduqua avec ses propres enfants,
puis la confia aux religieuses de la Congrégation
Notre-Dame. Émilie fut ainsi bien initiée à la vie
chrétienne, sociale et culturelle. Les deuils qui se
multipliaient autour d'elle, éprouvèrent beaucoup son
adolescence tout en fortifiant sa volonté et lui
montrant le chemin que Dieu préparait pour elle.
Lorsqu'elle eut dix-huit ans, Emilie dut venir en aide à
son frère devenu veuf. Cependant elle continuait à
accueillir les pauvres qui venaient frapper à sa porte.
Puis quand elle eut vingt ans, elle dut, pendant près de
deux ans, soigner et aider une parente de Québec. Le
Seigneur la préparait…
Quand Émilie eut 23 ans, un célibataire âgé de 50 ans,
Jean-Baptiste Gamelin, la demanda en mariage. D'abord
cordonnier, il était devenu pomiculteur, c'est-à-dire
producteur de fruits à pépins: pommes et poires
notamment. Son amour des pauvres était bien connu et il
avait une très bonne réputation. Émilie accepta l'offre
de Jean-Baptiste et devint Madame Gamelin. Elle fut
d'abord très heureuse, mais les épreuves revinrent vite:
ses deux premiers enfants moururent en bas âge, puis son
époux décéda; et enfin, ce fut le tour de son troisième
et dernier enfant. Seul un jeune garçon handicapé
mental, qu'elle et son mari avaient recueilli, restait
avec elle.
Il
convient de savoir ici, que cet adolescent, handicapé
intellectuel, avait, un jour, sauvé la vie de Mr
Gamelin. Émilie garda donc près d'elle cet adolescent
ainsi que sa vieille maman, car, avant de mourir, Mr
Gamelin lui avait demandé de continuer à s’occuper
d’eux.
Émilie avait 27 ans. Dans sa douleur, elle se tourna
vers la Vierge des Douleurs et poursuivit sa vie
charitable. Sur les conseils de son confesseur, le Père
Jean-Baptiste Bréguier-Saint-Pierre, et de Mgr
Jean-Jacques Lartigue, auxiliaire de l’archevêque du
Québec à Montréal, elle ouvrit sa porte aux vieillards,
aux orphelins, aux malades, et même aux anciens
prisonniers; car, ces prisonniers, non coupables,
étaient en réalité des patriotes emprisonnés, voire
condamnés à mort, au cours des luttes religieuses et
politiques, qui, pendant plusieurs années avaient ravagé
le pays. C'est à l’époque de cette rébellion, que
Mme Gamelin obtint des autorités la permission de
visiter ces patriotes emprisonnés et condamnés à mort.
Peu à peu Émilie se créait une nouvelle famille. Sa
maison fut rapidement appelée "Maison de la
Providence". Des parentes et des amies vinrent la
seconder. Il faut savoir aussi qu'Émilie avait décidé de
consacrer les fonds dont elle avait hérité de son mari,
pour ouvrir des asiles destinés aux vieillards et aux
infirmes.
Mais
inévitablement, des critiques commencèrent; en effet,
certaines personnes ne comprenaient pas le dévouement
d'Émilie et de ses amies. Heureusement, en 1843,
l'évêque du lieu, Mgr Ignace Bourget, demanda à Émilie
de l'aider à fonder la congrégation des "Sœurs de la
Providence". En effet, dans cette société du Québec
en plein développement, les besoins des pauvres, des
malades, des immigrés, grandissaient sans cesse. La
première profession religieuse de la jeune congrégation
eut lieu le 29 mars 1844. Tout semblait bien aller,
mais, bientôt, de nombreux décès dus à des épidémies,
diminuèrent les effectifs. De plus, Mgr Bourget,
influencé par une religieuse jalouse, mit en doute,
pendant quelques mois, la bonne volonté d'Émilie. Mais
Émile restait solide, à l'exemple de la Vierge des
Douleurs, son modèle. Et rapidement Mgr Bourget reconnut
ses erreurs et la générosité d'Émilie. Et les vocations
affluèrent: les Sœurs de la Providence étaient déjà 51,
au moment de la mort d'Émilie, victime du choléra, le 23
septembre 1851.
Revenons un peu en arrière. Vers la fin de 1827, Émilie
collabora avec des associations de secours ouvertes par
les Sulpiciens: d'abord la Confrérie du Bien public,
afin de procurer du travail aux nombreux chômeurs, puis
l’Association des Dames de la charité, qui venaient en
aide aux victimes de la misère alors très répandue à
Montréal à cette époque. En 1828, Mme Gamelin entra dans
la Confrérie de la Sainte-Famille pour avancer
spirituellement.
Émilie fonda le premier refuge pour les pauvres en 1830.
En quelques années, tout le monde connut Émilie, femme
active et à forte personnalité. Émilie n’hésitait pas à
solliciter les autorités pour obtenir de l’aide pour les
pauvres et les plus démunis, ainsi que pour protéger les
malades. On l’appelait "Dame
providence des pauvres".
Émilie, ou Madame Gamelin, découvrit aussi la détresse
physique et morale des femmes âgées, malades ou
infirmes, dépourvues de toutes ressources. Pour les
secourir, elle ouvrit le 4 mars 1830 un premier refuge,
dans un immeuble mis à sa disposition par le curé de la
paroisse Notre-Dame de Montréal. Le refuge devint vite
trop petit: aussi, en 1831, loua-t-elle un nouveau
refuge, dont elle prit la direction: il y eut rapidement
15 pensionnaires. En 1832 et 1834, pendant de graves
épidémies de choléra Émilie Gamelin se dévoua corps et
âme, pour soigner les cholériques, malgré les risques de
contagion.
En
1840, Mgr Ignace Bourget devint évêque de Montréal. Les
Filles de la charité de Saint-Vincent-de-Paul ne pouvant
venir à Montréal, c'est alors que Mgr Bourget décida de
fonder une nouvelle congrégation religieuse qu'il confia
à Émilie. Le 29 mars 1844, la congrégation des Sœurs de
la charité de la Providence, était créée. Et Mère
Gamelin était élue supérieure de l’institut des Sœurs de
la charité de la Providence.
En
1845, les Sœurs de la charité de la Providence ouvrirent
l’hospice Saint-Joseph, destiné à loger des prêtres âgés
ou infirmes, et elles commencèrent aussi à s’occuper des
malades mentaux. En 1847, mère Gamelin se porta au
secours des victimes de l’épidémie de typhus. Puis, en
1850, Mère Gamelin fit un second voyage aux États-Unis
où elle visita les établissements des Sisters of
Charity et en particulier leurs asiles d’aliénés. En
1851, une nouvelle épidémie de choléra sévit à Montréal.
Contaminée par ce choléra, Mère Gamelin décéda le
23 septembre 1851. À sa mort, l’institut des Sœurs de la
charité de la Providence comptait 51 sœurs professes, 19
novices, 5 postulantes et 7 maisons où étaient hébergés
110 femmes pauvres et âgées, certaines mentalement
atteintes, 95 orphelins, 6 prêtres infirmes, 16 dames
pensionnaires et 700 jeunes élèves.
Aujourd'hui, les
Sœurs de la
Providence
continuent leurs œuvres de bienfaisance dans plus de 120
établissements au Québec et dans tout le Canada. De
plus, elles
sont
présentes aux États-Unis, au Chili, en Argentine, en
Haïti, au Cameroun, en Égypte, aux Philippines et au
Salvador.
Émilie Tavernier fut béatifiée le 7 octobre 2001 par le
pape Jean Paul II. Sa
fête
est le 23 septembre.
Contemplons maintenant la bienheureuse Émilie Tavernier,
la Providence des pauvres ou l’Ange des
Prisonniers. Elle est la première Montréalaise
d’origine à avoir été déclarée Bienheureuse par
l’Église. Sa vie, sa prière et sa contemplation de la
Vierge Marie au pied de la croix rendirent son cœur
compatissant envers tous ceux qui souffraient, quels
qu'ils fussent. Sa Congrégation grandira sans cesse
malgré les persécutions.
Le
Pape Jean-Paul II la proposa au peuple de Dieu comme un
modèle de sainteté, en raison de sa vie vouée au service
des plus démunis. Dans son homélie prononcée au cours de
la cérémonie de béatification, le pape Jean-Paul II
déclara: "Ce sont les justes qui, en raison de leur
Foi, vivent aux côtés de Dieu pour l'éternité."
Notons aussi que, depuis le mois de mai 2000, une statue
la représentant se trouve à la station de métro
Berri-UQAM, située sur la place qui porte son nom, en
hommage à ses grandes œuvres de charité à Montréal.
Paulette Leblanc |