Bernard de Menthon
Chanoine, Fondateur, Saint
ca. 1020-ca. 1081

15

JUIN

Avertissement préalable

En ce qui concerne les dates liées à la vie de saint Bernard de Menthon, les imprécisions sont nombreuses. Pour les uns il serait né en 923, pour les autres vers 1020 ou 1021. Ou encore 1008. Il en est de même pour les dates de sa mort. Par contre, ce qui est sûr, c'est qu'il fut le fondateur des hospices du Grand-Saint-Bernard et du Petit-Saint-Bernard. En ce qui nous concerne nous retiendrons pour la naissance de Bernard de Menthon, la date de 1020. Un biographe de Bernard, un chanoine du Grand-Saint-Bernard retint la date de 923, qui semble erronée. Ce document sera pourtant publié en 1862, avec l'approbation de Mgr Pierre-Joseph de Preux, évêque de Sion. 

Autre avertissement: il ne faut pas confondre saint Bernard de Menthon et saint Bernard de Clairvaux qui vécut de 1090 à 1153, donc après la mort de Bernard de Menthon. 

Bernard de Menthon naquit vers 1020, en Savoie, probablement non loin d'Annecy. Son père, le baron Richard était à la fois noble et riche. Sa mère, Bernoline, appartenait à l'illustre famille de Duin, seigneurs du Val d'Isère, descendants du comte Olivier de Genève, pair de France. Dès son enfance, Bernard se distinguait pas sa piété et son intelligence. Quand il eut neuf ans, il fut envoyé à Paris pour y faire des études approfondies dans la meilleure école alors connue, probablement celle qui avait été fondée par Charlemagne. Puis il revint à Menthon. En même temps, son désir de se consacrer totalement à Dieu augmentait de plus en plus. 

Cependant, comme Bernard était l'unique héritier de sa famille, ses parents avaient décidé de le marier, malgré ses réticences. Pendant la nuit, veille du jour de son mariage, Bernard s'enfuit et se réfugia à Aoste pour devenir chanoine régulier. À Aoste, Bernard sera ordonné diacre puis prêtre. Il deviendra ensuite chanoine et membre du chapitre de la cathédrale d'Aoste où il exercera la fonction d'archidiacre, c'est-à-dire premier collaborateur de l'évêque. Bientôt il devint prédicateur itinérant dans son diocèse et les régions voisines, y compris sa terre natale, invitant toutes les populations à se convertir. On raconte qu'il était lui-même un exemple de vie sainte, de sobriété et de vertus. Des miracles auraient authentifié ses prédications, d'où ses succès populaires. 

Il faut savoir qu'aux 10ème et 11ème siècles, depuis la fin de la dynastie carolingienne, la société souffrait beaucoup en raison des invasions de plusieurs territoires par les Barbares puis par les Normands, et enfin de la multiplication des brigandages. L'insécurité était partout, surtout dans les Alpes, au niveau du passage des cols souvent occupés par les Sarrazins qui s'y étaient établis après avoir dévasté l'Espagne et le sud de la France. De plus, dans toutes les régions alpines, l'ignorance, les guerres féodales, la corruption et la misère avaient ranimé les superstitions. Aussi l'apostolat de Bernard, dans le diocèse de Novare, était-il très apprécié par son évêque. 

Le biographe de Bernard a écrit: "Dans le vaste diocèse de Novare, Bernard de Menthon poursuivait le démon jusqu'en ses derniers retranchements, n'y laissant pas un hameau, pas une chaumière sans les visiter... Il pénétre jusqu'au fond des vallées escarpées de l'Ossola, qui confinent au diocèse de Sion sur les Alpes lépontiennes. Descendu dans la plaine, l'homme de Dieu entre dans les palais des grands où souvent la foi est assoupie à l'ombre des jouissances terrestres; il y prêche librement Jésus crucifié. Il sollicite ses auditeurs, les conjure de tourner leurs regards vers le ciel. Se faisant tout à tous, pour les gagner tous à Jésus-Christ, avec une force divine il prêche l'importance du salut aux habitants des châteaux, leur faisant comprendre la nécessité de donner au peuple l'exemple d'une soumission entière à la doctrine et aux lois de l'Église. 

Sa charité, sa douceur, ses exhortations pathétiques, ses larmes font partout une impression salutaire; le monde perd de nombreux adorateurs, qui rentrent sincèrement dans le bercail du bon pasteur et se remettent, courageux et convertis, à la suite du Maître des âmes." On comprend alors combien Bernard était très soucieux de l'instruction et de l'éducation des enfants; c'est pourquoi il insistait tellement auprès des pasteurs pour qu'ils remplissent leurs devoirs d'évangélisateurs et d'enseignants. 

Grand voyageur, Bernard connaissaient les problèmes liés au passage des cols alpins. En particulier, le plus célèbre passage et le plus fréquenté, le Mont-Joux, vit passer nombre d'armées: carthaginoises, celtes, romaines ainsi que de nombreux rois et empereurs. Le culte de Jupiter y avait même, autrefois, été établi. Certains vieux manuscrits indiquent que saint Bernard  se serait rendu redoutable aux démons, "ayant un grand empire sur eux, il les chassa et en purgea le Mont-Joux." Il aurait même, selon une légende, renversé sur le Mont-Joux la statue de Jupiter, "dans laquelle les démons s'étaient renfermés pour donner leurs réponses et  rendre, comme on le croyait, la santé aux malades."  

Témoin des dangers qu'offrait ce passage des Alpes, après avoir chassé les démons et les brigands qui occupaient le Mont-Joux, Bernard de Menthon fit construire, vers 1045 ou 1050, sur le sommet de deux hauts passages montagnards, aidé par neuf pèlerins français, les hospices des cols du Grand-Saint-Bernard et du Petit-Saint-Bernard pour subvenir aux besoins des voyageurs et des pèlerins qui franchissaient les Alpes. L'exemple des neuf français suscita des vocations chez de nombreux jeunes que Bernard installa comme chanoines réguliers suivant la règle de saint Augustin: c'est l'origine de la congrégation hospitalière du Grand-Saint-Bernard. Ce premier monastère sera placé sous la protection de saint Nicolas de Myre, patron des marchands. C'est l'actuel Grand-Saint-Bernard. Un hospice fut également construit sur le sommet du col de Colonne-Joux: c'est l'actuel Petit-Saint-Bernard. Ces généreux hospitaliers se faisaient aider dans leurs recherches par des chiens intelligents dressés à ce service: le Saint-Bernard, qui est une race de chiens particulièrement bien adaptés à la montagne. 

Vers 1080, Bernard de Menthon dut se rendre à Pavie où se trouvait alors l’empereur Henri IV, mort en 1106, qui préparait une expédition contre le pape Grégoire VII (mort en 1085). Bernard rencontra l'empereur et tenta, mais en vain, de le détourner de son projet. Sur le chemin du retour, épuisé et malade, Bernard s’arrêta au monastère de saint Laurent-hors-les-murs, à Novare, où il mourut le 12 juin 1081 (ou 1086). Il sera enseveli le 15 juin, jour retenu pour sa fête. 

Compte tenu des nombreux miracles qui s'étaient produits sur la tombe de Bernard, Mgr Richard, évêque de Novare, le canonisa en 1123. Il fut inscrit sur le calendrier des saints de l’Église universelle en 1681 par le bienheureux Innocent XI, ancien évêque de Novare. Le pape Pie XI le déclara patron des alpinistes, des habitants et des voyageurs des Alpes en 1923. 

Et maintenant voici la prière que Bernard de Menthon récita, à genoux, aux pieds du Crucifix, la veille du mariage qu'il refusait: 

Mon adorable Créateur, prêtez une oreille favorable à mon humble prière. Mon adorable Créateur, Vous qui éclairez de votre céleste Lumière ceux qui Vous invoquent avec foi et confiance, et Vous mon doux Jésus, divin Rédempteur des hommes et Sauveur des âmes, prêtez une oreille favorable à mon humble prière, répandez sur votre serviteur les trésors de votre Miséricorde infinie. Je sais que Vous n'abandonnez jamais celui qui met en Vous son espérance; délivrez-moi, je vous en supplie, des pièges que le monde m'a tendus, rompez ces filets dans lesquels il veut me prendre, ne permettez pas que l'ennemi prévale sur votre serviteur, que l'adulation affaiblisse mon cœur; je m'abandonne entièrement à Vous, je me jette entre les bras de votre infinie Bonté, espérant que Vous m'exaucerez et que Vous ne rejetterez pas ma demande. Amen. 

Comme nous l'avons dit précédemment, Bernard put alors se sauver et s'enfuir jusqu'à Aoste.

Paulette Leblanc

 

 

pour toute suggestion ou demande d'informations