Avertissement préalable
En ce qui concerne les dates liées à la vie de saint
Bernard de Menthon, les imprécisions sont nombreuses.
Pour les uns il serait né en 923, pour les autres vers
1020 ou 1021. Ou encore 1008. Il en est de même pour les
dates de sa mort. Par contre, ce qui est sûr, c'est
qu'il fut le fondateur des hospices du Grand-Saint-Bernard
et du
Petit-Saint-Bernard.
En ce qui nous concerne nous retiendrons pour la
naissance de Bernard de Menthon, la date de 1020. Un
biographe de Bernard, un chanoine du Grand-Saint-Bernard
retint la date de 923, qui semble erronée. Ce document
sera pourtant publié en 1862, avec l'approbation de Mgr
Pierre-Joseph de Preux, évêque de Sion.
Autre avertissement: il ne faut pas confondre saint
Bernard de Menthon et saint Bernard de Clairvaux qui
vécut de 1090 à 1153, donc après la mort de Bernard de
Menthon.
Bernard de Menthon naquit vers 1020, en Savoie,
probablement non loin d'Annecy. Son père, le baron
Richard était à la fois noble et riche. Sa mère,
Bernoline, appartenait à l'illustre famille de Duin,
seigneurs du Val d'Isère, descendants du comte Olivier
de Genève, pair de France. Dès son enfance, Bernard se
distinguait pas sa piété et son intelligence. Quand il
eut neuf ans, il fut envoyé à Paris pour y faire des
études approfondies dans la meilleure école alors
connue, probablement celle qui avait été fondée par
Charlemagne. Puis il revint à Menthon. En même temps,
son désir de se consacrer totalement à Dieu augmentait
de plus en plus.
Cependant, comme Bernard était l'unique héritier de sa
famille, ses parents avaient décidé de le marier, malgré
ses réticences. Pendant la nuit, veille du jour de son
mariage, Bernard s'enfuit et se réfugia à Aoste pour
devenir chanoine régulier. À Aoste, Bernard sera ordonné
diacre puis prêtre. Il deviendra ensuite chanoine et
membre du chapitre de la cathédrale d'Aoste où il
exercera la fonction d'archidiacre, c'est-à-dire premier
collaborateur de l'évêque. Bientôt il devint prédicateur
itinérant dans son diocèse et les régions voisines, y
compris sa terre natale, invitant toutes les populations
à se convertir. On raconte qu'il était lui-même un
exemple de vie sainte, de sobriété et de vertus. Des
miracles auraient authentifié ses prédications, d'où ses
succès populaires.
Il
faut savoir qu'aux 10ème et 11ème
siècles, depuis la fin de la dynastie carolingienne, la
société souffrait beaucoup en raison des invasions de
plusieurs territoires par les Barbares puis par les
Normands, et enfin de la multiplication des brigandages.
L'insécurité était partout, surtout dans les Alpes, au
niveau du passage des cols souvent occupés par les
Sarrazins qui s'y étaient établis après avoir dévasté
l'Espagne et le sud de la France. De plus, dans toutes
les régions alpines, l'ignorance, les guerres féodales,
la corruption et la misère avaient ranimé les
superstitions. Aussi l'apostolat de Bernard, dans le
diocèse de Novare, était-il très apprécié par son
évêque.
Le biographe de Bernard a
écrit: "Dans le
vaste diocèse de Novare, Bernard de Menthon poursuivait
le démon jusqu'en ses derniers retranchements, n'y
laissant pas un hameau, pas une chaumière sans les
visiter... Il pénétre jusqu'au fond des vallées
escarpées de l'Ossola, qui confinent au diocèse de Sion
sur les Alpes lépontiennes. Descendu dans la plaine,
l'homme de Dieu entre dans les palais des grands où
souvent la foi est assoupie à l'ombre des jouissances
terrestres; il y prêche librement Jésus crucifié. Il
sollicite ses auditeurs, les conjure de tourner leurs
regards vers le ciel. Se faisant tout à tous, pour les
gagner tous à Jésus-Christ, avec une force divine il
prêche l'importance du salut aux habitants des châteaux,
leur faisant comprendre la nécessité de donner au peuple
l'exemple d'une soumission entière à la doctrine et aux
lois de l'Église.
Sa charité, sa douceur, ses exhortations pathétiques,
ses larmes font partout une impression salutaire; le
monde perd de nombreux adorateurs, qui rentrent
sincèrement dans le bercail du bon pasteur et se
remettent, courageux et convertis, à la suite du Maître
des âmes."
On comprend alors combien Bernard était très soucieux de
l'instruction et de l'éducation des enfants; c'est
pourquoi il insistait tellement auprès des pasteurs pour
qu'ils remplissent leurs devoirs d'évangélisateurs et
d'enseignants.
Grand voyageur, Bernard connaissaient les problèmes liés
au passage des cols alpins. En particulier, le plus
célèbre passage et le plus fréquenté, le Mont-Joux, vit
passer nombre d'armées: carthaginoises, celtes, romaines
ainsi que de nombreux rois et empereurs. Le culte de
Jupiter y avait même, autrefois, été établi. Certains
vieux manuscrits indiquent que saint Bernard se serait
rendu redoutable aux démons, "ayant un grand empire
sur eux, il les chassa et en purgea le Mont-Joux."
Il aurait même, selon une légende, renversé sur le
Mont-Joux la statue de Jupiter, "dans laquelle les
démons s'étaient renfermés pour donner leurs réponses
et rendre, comme on le croyait, la santé aux malades."
Témoin des dangers qu'offrait ce passage des Alpes,
après avoir chassé les démons et les brigands qui
occupaient le Mont-Joux, Bernard de Menthon fit
construire, vers 1045 ou 1050, sur le sommet de deux
hauts passages montagnards, aidé par neuf pèlerins
français, les hospices des cols du Grand-Saint-Bernard
et du Petit-Saint-Bernard pour subvenir aux besoins des
voyageurs et des pèlerins qui franchissaient les Alpes.
L'exemple des neuf français suscita des vocations chez
de nombreux jeunes que Bernard installa comme chanoines
réguliers suivant la règle de saint Augustin: c'est
l'origine de la congrégation hospitalière du Grand-Saint-Bernard.
Ce premier monastère sera placé sous la protection de
saint Nicolas de Myre, patron des marchands. C'est
l'actuel Grand-Saint-Bernard. Un hospice fut également
construit sur le sommet du col de Colonne-Joux: c'est
l'actuel Petit-Saint-Bernard. Ces généreux hospitaliers
se faisaient aider dans leurs recherches par des chiens
intelligents dressés à ce service: le Saint-Bernard, qui
est une race de chiens particulièrement bien adaptés à
la montagne.
Vers
1080, Bernard de Menthon dut se rendre à Pavie où se
trouvait alors l’empereur Henri IV, mort en 1106, qui
préparait une expédition contre le pape Grégoire VII
(mort en 1085). Bernard rencontra l'empereur et tenta,
mais en vain, de le détourner de son projet. Sur le
chemin du retour, épuisé et malade, Bernard s’arrêta au
monastère de saint Laurent-hors-les-murs, à Novare, où
il mourut le 12 juin 1081 (ou 1086). Il sera enseveli le
15 juin, jour retenu pour sa fête.
Compte tenu des nombreux miracles qui s'étaient produits
sur la tombe de Bernard, Mgr Richard, évêque de Novare,
le canonisa en 1123. Il fut inscrit sur le calendrier
des saints de l’Église universelle en 1681 par le
bienheureux Innocent XI, ancien évêque de Novare. Le
pape Pie XI le déclara patron des alpinistes, des
habitants et des voyageurs des Alpes en 1923.
Et
maintenant voici la prière que Bernard de Menthon
récita, à genoux, aux pieds du Crucifix, la veille du
mariage qu'il refusait:
Mon
adorable Créateur, prêtez une oreille favorable à mon
humble prière.
Mon adorable Créateur, Vous qui éclairez de votre
céleste Lumière ceux qui Vous invoquent avec foi et
confiance, et Vous mon doux Jésus, divin Rédempteur des
hommes et Sauveur des âmes, prêtez une oreille favorable
à mon humble prière, répandez sur votre serviteur les
trésors de votre Miséricorde infinie. Je sais que Vous
n'abandonnez jamais celui qui met en Vous son espérance;
délivrez-moi, je vous en supplie, des pièges que le
monde m'a tendus, rompez ces filets dans lesquels il
veut me prendre, ne permettez pas que l'ennemi prévale
sur votre serviteur, que l'adulation affaiblisse mon
cœur; je m'abandonne entièrement à Vous, je me jette
entre les bras de votre infinie Bonté, espérant que Vous
m'exaucerez et que Vous ne rejetterez pas ma demande.
Amen.
Comme nous l'avons dit précédemment, Bernard put alors
se sauver et s'enfuir jusqu'à Aoste.
Paulette Leblanc |