Le Cœur de Jésus, c’est le Cœur du Père
Le Père chérit le Fils
d’un amour tout particulier: souverain. Il aime son égal ; éternel, son
coéternel ; unique, son Fils unique.
Celui qui deviendra Saint
Bernard est né en 1090, à Fontaine-les-Dijon, d’une famille noble, riche et
puissante. Il fait des études très poussées pour
l’époque.
Il pourrait être chevalier, ou maître des écoles urbaines. Mais Bernard veut
trouver Dieu dans le silence. L’abbaye bénédictine de Cluny est trop riche et
trop puissante. Bernard recherche un monastère pauvre qui applique la règle
bénédictine dans sa pureté primitive. Avec son oncle, ses cinq frères et
plusieurs amis, en 1112, Bernard se présente à Cîteaux, jeune abbaye
cistercienne où les règles monastiques sont appliquées dans toute leur rigueur.
Trois ans plus tard, l’abbé de Cîteaux demande à Bernard, âgé de vingt cinq ans,
de partir avec douze autres moines, pour créer une nouvelle abbaye à Clairvaux.
Il est alors ordonné prêtre et investi de sa charge d’abbé par l’évêque de
Châlons-sur-Marne.
Bernard avait choisi la vie
cistercienne pour trouver Dieu dans la solitude. En fait il sera constamment
obligé de quitter sa chère solitude pour intervenir dans les nombreuses affaires
de son époque: schisme entre Innocent II et Anaclet, Concile de Sens en 1140, et
les nombreux prêches pour lancer les croisades ou lutter contre les hérétiques,
dont les Cathares. Sans compter ses interventions auprès des politiques: Comte
de Champagne, Louis VI et Louis VII, ou l’arbitrage des conflits entre
Clunisiens et Cisterciens, etc... Vers la fin de sa vie il interviendra en
faveur des juifs allemands victimes de pogroms. Les juifs, très sensibles à
l’intervention de Bernard lui en seront longuement reconnaissants.
Cette vie débordante
d’activités ne l’empêcha pas de laisser une oeuvre écrite considérable dont de
nombreux ouvrages mystiques, les plus connus étant le traité de l’Amour de Dieu
et le Commentaire du Cantique des cantiques. Ce poème d’amour permit à Bernard
de Clairvaux de présenter, et d’expliquer, en quatre vingt six sermons, la
rencontre entre Dieu et l’homme.
Saint Bernard revint à
Clairvaux en 1148, après l’échec de la croisade voulue par le roi Louis VII. Sa
santé, longtemps mise à rude épreuve, était de plus en plus mauvaise. Il a connu
l’expérience de l’extase et est prêt à rejoindre l’Époux, ce qu’il fera le 20
août 1153, à l’âge de soixante trois ans.
La raison pour laquelle on
aime Dieu, c’est Dieu lui-même, et la mesure d’aimer Dieu, c’est de l’aimer sans
mesure.
Pour découvrir l’Amour de
Dieu contenu dans son Cœur, tel que l’a découvert Saint Bernard, nous nous
inspirerons d’abord de son Traité de l’Amour de Dieu, puis nous puiserons
largement dans les Sermons consacrés au Cantique des cantiques.
Le traité de l’Amour de Dieu
traite de considérations d’ordre général sur l’amour de Dieu pour les hommes, et
sur la nécessité, pour les hommes, d’aimer Dieu en retour. Comme son nom
l’indique, le Traité de l’Amour de Dieu ne traite que de l’Amour de Dieu,
considéré dans ses manifestations extérieures, car le moment n’était pas encore
venu de parler explicitement du Cœur de Dieu, et plus particulièrement du Cœur
de Jésus. Seules quelques phrases disséminées dans l’ouvrage permettent de
détecter la richesse du Cœur de Dieu.
Saint Bernard a rédigé quatre
vingt six sermons sur le Cantique des cantiques. L’ensemble constitue un énorme
ouvrage qui, à propos des mots ou des idées abordées dans ce chant d’amour,
traite de nombreux sujets liés, d’abord à la vie monastique et à la vie
mystique, mais également à la vie chrétienne, à l’Évangile, à la vie de tous les
jours ou à la vie spirituelle, en fonction des besoins ou des circonstances.
Pourtant le fil conducteur c’est essentiellement l’Amour du Père pour le Fils,
et l’Amour du Fils pour le Père. “ Le Père et Moi, nous sommes UN,” avait dit
Jésus.
Avec Saint Bernard, nous
contemplerons longuement l’Amour de Dieu pour nous, en nous attardant cependant
davantage sur tout ce qui nous fera découvrir les richesses insondables de Dieu
enfermées dans son Cœur, son Cœur de Dieu.
Il a été dit ci-dessus: “Cœur
de Dieu” car, le plus souvent, Saint Bernard parle de Dieu dans son aspect
général, sans faire de distinction entre le Cœur de Jésus, le Fils, et le Cœur
du Père. Dieu, il faut L’aimer, et “la raison pour laquelle on aime Dieu,
c’est Dieu Lui-même; et la mesure de cet amour, c’est de L’aimer sans mesure.”
Quant à l’amour de Dieu, c’est le sujet le plus doux à méditer, le moins
périlleux à traiter, et pour les auditeurs, le plus utile.”
“La
raison pour laquelle on aime Dieu, c’est Dieu Lui-même ; et la mesure de cet
amour, c’est de L’aimer sans mesure. Quant à l’amour de Dieu, c’est le sujet le
plus doux à méditer, le moins périlleux à traiter, et pour les auditeurs, le
plus utile.”
Ces deux phrases sont
particulièrement claires et sans équivoque: “Étant donné ce qu’est Dieu, que
pouvait-Il nous donner de meilleur que Lui-même ?... Il nous a aimés le premier:
Il est donc digne d’être aimé en retour, surtout si l’on comprend bien qui est
Celui qui aime, qui sont ceux qu’Il aime et combien Il les aime... Dieu nous
prévient par sa bonté, se fait aimer en retour par sa justice, et rien n’est
plus doux que de l’attendre. Dieu a aimé ses ennemis (c’est-à-dire nous tous) et
les a aimés gratuitement... et Dieu a de quoi confondre l’ingratitude des
infidèles en invoquant le nombre infini de ses bienfaits dont l’homme fait un
constant usage: les aliments, la lumière, l’air, etc.”
Et les fidèles ? “Eux,
savent quel immense besoin ils ont de Jésus, et de Jésus crucifié... ils sont
confus de ne pas offrir au moins, en retour d’un si grand amour et de tant de
bonté, le peu qu’ils ont... L’Église sent la morsure de l’aiguillon d’amour
lorsqu’elle s’écrie: “Je suis blessée d’amour,” et encore “Soutenez-moi avec des
fleurs, environnez-moi de fruits, car l’amour me fait languir.” L’Église, en
effet, sait que le Christ, mort pour expier nos péchés, est ressuscité pour nous
justifier... Sa mort témoigne de sa miséricorde. L’Église “voit le Fils unique
du Père portant sa Croix; elle voit le Dieu de majesté couvert de plaies et
souillé de crachats, l’auteur de la Vie et de la Gloire cloué au bois, percé
d’un coup de lance, saturé d’opprobres, et qui donne enfin pour ses amis son âme
tant aimée. Elle voit tout cela, et le glaive de l’Amour lui transperce le coeur
si profondément qu’elle s’écrie: soutenez-moi avec des fleurs, environnez-moi de
fruits car je me meurs d’amour...”
Dieu s’est donné à nous et Il
sera Lui-même notre récompense: “Il est la nourriture servie aux âmes
saintes, la victime livrée pour le rachat des âmes captives. Le Seigneur est bon
pour quiconque est en quête de Lui, et le sera bien davantage pour celui qui Le
trouve. Mais il y a ceci d’admirable que nul ne peut Le chercher qui ne L’ait
d’abord trouvé.”
Dieu s’est donné à nous et Il
sera Lui-même notre récompense: “Il est la nourriture servie aux âmes
saintes, la victime livrée pour le rachat des âmes captives. Le Seigneur est bon
pour quiconque est en quête de Lui, et le sera bien davantage pour celui qui Le
trouve. Mais il y a ceci d’admirable que nul ne peut Le chercher qui ne L’ait
d’abord trouvé.” Dieu s’est donné à nous. Il nous aime et Il veut que nous, qui
l’aimons, nous l’aimions d’un amour pur et désintéressé, en pensant à
Jésus-Christ: “Celui qui aime Jésus ne cherche pas son avantage, mais celui de
Jésus-Christ, comme Jésus-Christ n’a pas songé à ses intérêts, mais aux nôtres,
ou plutôt à nous-mêmes.”
L’Époux céleste prend plaisir
aux dons de l’Église, à ses fleurs et à ses fruits et : “séduit par ces doux
parfums, entre fréquemment et avec joie dans le lit nuptial d’un coeur qu’il
trouve rempli de ces fruits et jonché de ces fleurs. Il accourt avec
empressement et réside avec délices en un lieu où la grâce de sa Passion et la
Gloire de sa Résurrection sont l’objet d’une constante méditation.”
Le Fils est dans le Père
comme le Père est dans le Fils :
leur unité est donc sans faille, et ils sont vraiment deux en un...
Entre le Père et le Fils,
la nature, l’essence, la volonté, ne sont pas simplement accordées :elles ne
font qu’un.
La fraîcheur nouvelle des
fleurs et des fruits offerts par l’Église réjouissent “le Père dans son Fils,
auteur de ces miracles et Il s’écrie: voici que l’odeur de mon Fils est
semblable à celle d’un champ fertile.” Dieu nous a aimés d’un Amour infini
et gratuit. “C’est l’immensité qui aime, et l’éternité, et la charité
suréminente de la science. C’est Dieu qui aime, Lui dont la grandeur n’a pas de
fin, dont la sagesse est sans limite, dont la paix surpasse toute intelligence.”
“Qu’Il me baise d’un
baiser de sa bouche” est-il dit dès le début du Cantique des cantiques. Ce
baiser, c’est le Verbe qui le reçoit du Père : “Un seul a reçu le baiser par
lequel la plénitude divine fut corporellement insinuée dans la chair. Heureux
baiser, baiser qui fut le plus généreux des dons, puisque ce n’est pas une
bouche qui se posa sur une autre bouche, mais Dieu Lui-même qui s’unit à
l’homme... C’est la paix conclue entre la terre et le Ciel. Car Il est notre
paix, Lui qui a réuni toutes choses en une... Les plaintes de nos ancêtres
exigeaient le saint baiser, c’est-à-dire la mystérieuse Incarnation du Verbe.”
(2e
Sermon)
L’Amour du Père et du Fils,
nous le trouvons dans l’Évangile de Saint Matthieu (XI, 27) “Nul ne connaît
le Fils sinon le Père; et nul ne connaît le Père sinon le Fils ou celui à qui le
Fils l’aura révélé. “Car, dit Saint Bernard, le Père chérit le Fils d’un amour
tout particulier: souverain, Il aime son égal; éternel, son coéternel; unique,
son Fils unique. Mais Il est aimé par son Fils d’un amour qui n’est pas moindre,
puisque le Fils meurt par amour du Père ainsi qu’Il l’atteste Lui-même: afin que
le monde sache que J’aime mon Père... (Jean XIV, 31) Cette connaissance mutuelle
du Père et du Fils, cet amour réciproque, n’est pas autre chose que le baiser le
plus doux, mais aussi le plus secret... C’est pourquoi le Père baisant le Fils,
lui communique, dans leur plénitude, les mystères de sa divinité et lui insuffle
la douceur de son amour... Mais à cet embrassement éternel et d’une
extraordinaire félicité, aucune créature ne peut assister.” (8e
Sermon)
“Il n’est qu’un seul
témoin de tant d’amour mutuel et d’une si parfaite connaissance, c’est le
Saint-Esprit qui procède de l’un et de l’autre... On ne connaît ni le Père sans
le Fils, ni le Fils sans le Père... La connaissance du Saint-Esprit est
évidemment nécessaire; mais quand on connaît parfaitement le Père et le Fils,
comment ignorerait-on la bonté de l’un et de l’autre, cette bonté qui est
justement le Saint-Esprit... la bonne volonté du Père envoyant son Fils, et la
bonne volonté du Fils qui lui obéit, cette générosité du Père et du Fils, cet
amour, cette bonté de l’un et de l’autre, c’est le Saint-Esprit lui-même.”
(8e
Sermon)
Par ailleurs Jésus affirme,
parlant de la vie éternelle : “La vie éternelle, c’est de Te connaître, Toi
qui es le vrai Dieu, et de connaître Jésus-Christ que Tu as envoyé.” Ceux
qui connaissent le Père et le Fils et suivent l’Agneau portent gravés sur leurs
fronts son Nom et le Nom de son Père: “le Fils se révèle à qui Il veut, et de
même, Il révèle le Père. Mais Il le fait par un baiser, c’est-à-dire par le
Saint-Esprit.” (8e
Sermon)
Le 8ème Sermon est d’une
extraordinaire richesse concernant la connaissance de l’Amour qui lie le Père et
le Fils. “C’est là, dit Saint Bernard, le baiser pris de bouche à bouche...
L’existence du Fils dans le Père et du Père dans le Fils, tel est le baiser de
la bouche.”
Saint Bernard va plus loin :
“Quelle âme, parmi vous, a entendu parfois, dans le secret de sa conscience,
l’Esprit du Fils appelant: Abba, Père ? Cette âme-là, qu’elle ose se dire aimée
de l’amour paternel, puisqu’elle est touchée du même Esprit que le Fils... Dans
l’esprit du Fils, elle peut se considérer comme la fille du Père, comme l’épouse
ou la soeur du Fils...”
En effet, comme il est dit
dans le Cantique des cantiques : “Je suis venu de mon jardin, ma sœur, mon
épouse.”“Elle est sa sœur puisqu’ils ont le même Père ; son épouse puisqu’ils
sont du même Esprit.” (8e
Sermon)
Le Cœur de Jésus, c’est le
Cœur du Père, contenu dans le baiser: “Le Père donne et le Fils reçoit le
baiser, ce baiser qui est le Saint-Esprit lui-même, c’est-à-dire celui qui est
entre le Père et le Fils la paix inaltérable, le ciment solide, l’amour indivis,
l’unité inséparable... Cette révélation qui se fait par le Saint-Esprit ne nous
communique pas seulement la lumière de la connaissance, elle nous donne en même
temps le feu de l’amour.” (8e
Sermon)
“Le Fils est dans le Père
comme le Père est dans le Fils : leur unité est donc sans faille, et ils sont
vraiment deux en un... Entre le Père et le Fils, la nature, l’essence, la
volonté, ne sont pas simplement accordées: elles ne font qu’un. Leur nature est
identique à leur être, et leur volonté est leur essence même ou leur nature...
Leur unité n’est pas obtenue, elle est native. D’une manière non seulement
ineffable, mais incompréhensible, le Père et le Fils sont l’un en l’autre,
chacun contenant l’autre et contenu par lui... ils se contiennent mutuellement,
sans participation... Oui, le Père est dans le Fils où il s’est toujours plu à
résider; et le Fils est dans le Père par qui il ne cesse d’être engendré, sans
jamais en être séparé... Le Père et le Fils ne font qu’un parce que leur essence
est la même... Ils ne font qu’un seul Dieu, ou un seul Seigneur... Il n’existe
qu’une essence, qu’une volonté.” (71e
Sermon)
On le voit, dans ses oeuvres
mystiques, Saint Bernard insiste beaucoup sur l’unicité et l’égalité du Père et
du Fils: ils sont un seul et même Dieu. Curieusement Sainte Trinité est peu
souvent nommée. Pourtant l’Esprit-Saint, qui est l’Amour du Père et du Fils, est
constamment présent, mais implicitement, d’une manière voilée. Ce n’est
qu’incidemment qu’il est nommé: “L’Esprit de l’Époux insuffla aux esprits des
hommes un je ne sais quoi qui les prépara à recevoir l’Évangile de paix.”
(78e
Sermon)
Ou encore, à propos de la
Vierge Marie : “Marie fut trouvée enceinte par le fait du Saint-esprit. Je
pense que sur ce point il y a une ressemblance entre l’épouse du Seigneur
(celle du Cantique) et sa Mère. Si l’épouse n’avait été trouvée enceinte du fait
du Saint-Esprit, elle n’eût pas osé s’enquérir aussi familièrement de Celui dont
il est l’Esprit.” (78e
Sermon)
La grâce et la miséricorde de
Dieu sont sur les saints : “Dieu le Père a donné à son Fils le pouvoir de
juger, non parce qu’il est son Fils, mais parce qu’il est le Fils de l’homme.
Vrai Père des miséricordes, il a voulu que les hommes fussent jugés par un
homme... La nature du Seigneur exclut toute infériorité, tandis que
l’abaissement s’explique: il s’est abaissé parce qu’il l’a voulu, et pour
répondre à nos besoins, par compassion...” (73e
Sermon) Mais l’Époux, le Verbe, assis à la droite du Père, est l’égal du Père,
puisque de condition divine: “C’est là que doit résider le Fils unique,
désormais à l’abri de tous les outrages. Il ne sera pas au-dessous du Père, mais
à ses côtés... Car le Fils n’est ni inférieur au Père, ni venu après lui.... Le
Fils glorifie le Père comme le Père glorifie le Fils... Le Fils a reçu de son
Père une gloire sans pareille, même au Ciel...” (76e
Sermon)
Parlant à l’Époux, Saint
Bernard interprète les sentiments de l’épouse bien-aimée: “Elle a raison de
vouloir être entraînée, car personne ne vient à ton Père si Lui-même ne
l’attire. Or, ceux que ton Père attire, tu les attires aussi, car les oeuvres
que fait le Père, le Fils les fait pareillement.” (21e
Sermon)
Une remarque s’impose : dans
tout ce qui suit, présenté par Saint Bernard, “le Père et le Fils sont
constamment mêlés, voire confondus. Véritablement, ils ne font qu’UN”.
Commençons par la prière que
Saint Bernard adresse au Seigneur : “Tu es bon, Seigneur, pour l’âme qui est
en quête de toi. Tu viens à elle, tu l’étreins, tu te comportes en Époux, Toi
qui es pourtant son Seigneur, notre Dieu, béni dans les siècles des siècles.”
(69e
Sermon)
L’Amour de Dieu pour nous est
extraordinaire : “Il nous a aimés lorsque nous n’existions pas encore, et, de
plus il nous a aimés lorsque nous Lui résistions... Nous avons été réconciliés
avec Dieu par le sang de son Fils...” (20e
Sermon) Car, “le Pasteur de toute créature s’est anéanti pour nous. Il est
devenu “le Bien-Aimé de l’épouse à cause de la ressemblance de leur condition,
mais aussi à cause de sa vérité, de sa justice, de sa bonté... Il a accompli les
promesses, remis les péchés et condamné les démons.” (70e
Sermon) Et encore: “La Parole de Dieu est Vérité; elle est l’Époux
lui-même... et l’Époux reçoit, dans son corps qui est l’Église, les pécheurs
repentants, et, pour se les incorporer, il s’est fait pécheur sans commettre le
péché, afin que fût détruit le corps du péché.” (71e
Sermon)
Dieu aime chaque âme
individuellement : “Le Verbe a tant de bonté, le Père du Verbe tant de
bienveillance pour une âme à la fois sensible au bien et intérieurement ordonnée
(ce qui est déjà en soi un présent du Père et une opération de Verbe), qu’après
l’avoir prévenue et préparée ils la favorisent de leur présence. Non contents de
venir la visiter, ils établissent en elle leur demeure... ils s’offrent sans
réserve. La venue du Verbe dans une âme, c’est l’initiation à la sagesse; et la
venue du Père, c’est l’éveil de l’amour de la sagesse, si bien que la venue du
Père se reconnaît à l’infusion de l’amour... L’amour de l’âme est réellement
créé par l’Amour divin, et l’attention que l’Époux lui prête devance l’attention
qu’elle rend à l’Époux... Sans amour, toute science ne serait qu’enflure; et
sans science, l’amour serait égarement.” (69e
Sermon)
Aussi ne convient-il pas que
l’épouse cède à l’orgueil, sinon le Père ne tarderait pas à l’humilier. “Car
le Père aime son Fils, et lorsqu’il voit l’orgueil dresser une âme contre la
science du Verbe, il s’empresse, ou de la ramener à la modestie, ou d’abattre sa
jactance en la frappant... Car tout orgueil est brisé par le Père qui soutient
la cause de son Fils... Nul n’est semblable à Dieu, sinon celui qui est la
splendide image de son essence, le Fils du Très-Haut, qui peut seul, sans abus,
se dire l’égal de Dieu. Il ne fait qu’un avec le Père, il est assis à sa droite
et non sous ses pieds.” (69e
Sermon)
“Pour moi, dit Saint
Bernard, je souhaite que sa douceur et non sa souveraine vengeance m’apprenne
l’humilité... Pour échapper à sa fureur, je chercherai refuge dans son Amour qui
est une flamme douce et qui expie avec efficacité. Car la charité est une
puissance expiatrice... La charité appartient éminemment au Père, et c’est
pourquoi il ne s’appelle pas seulement le Père du Verbe, mais aussi le Père des
miséricordes : il est dans son essence de compatir et de pardonner... Si je sens
s’insinuer en moi comme une secrète ondée d’amour et une piété à la fois humble
et délicieuse, si en même temps l’amour de la vérité découverte m’inspire
irrésistiblement l’horreur et le mépris de la vanité pour m’interdire de tirer
orgueil de mon savoir,.. je comprendrai qu’on agit paternellement avec moi et je
n’hésiterai pas à dire que le Père est présent... Et si je persévère dans la
mesure de mes forces à répondre à ces grâces...alors le Père et le Verbe
s’établiront à demeure en moi, l’un pour nourrir mon âme, l’autre pour instruire
mon esprit...” (69e
Sermon)
Alors qu’il pleurait la mort
de son frère, Saint Bernard eut des paroles sublimes sur le Cœur du Père :
“Que Dieu est bon d’avoir voulu être le Père des hommes ! Et que les hommes sont
heureux d’être les fils et les héritiers de Dieu! Car, étant ses enfants, ils
ont part à son héritage. Ainsi chantait celui que nous pleurons, et j’avoue
qu’il transforme presque mon deuil en allégresse...” Pourtant, pleurer
n’est pas un mal, mais le signe de notre condition et de notre foi débile. Le
Seigneur aussi a pleuré. “Si je pleure sous le coup reçu, dit St Bernard, je
n’accuse pas pour autant la main d’où il est parti ; j’implore sa pitié et je
cherche à fléchir sa sévérité.” (26e
Sermon)
L’âme qui souffre se tourne
vers le Seigneur : “Tournée vers le Seigneur elle sera consolée parce qu’Il
est le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation... Ce n’est pas une
médiocre expérience que de voir Dieu bon et accessible à nos prières, comme Il
l’est en vérité dans sa grande compassion toujours prêt à renoncer à sa colère.
Car sa nature est la bonté ; Il a en propre la pitié et le pardon.” (36e
Sermon) Dieu n’est ni dur et implacable, mais seulement miséricorde, ni violent
et terrible, mais adorable. (38e
Sermon)
“Quelle infinie douceur
de voir homme le Créateur de l’homme !... En acceptant la mort, Il a obéi à son
Père. C’est un ami tendre, un bon conseiller, un auxiliateur puissant. Pour nous
réconcilier avec son Père, Il a subi et subjugué la mort, versant son sang pour
prix de notre rachat... A l’amour Il joignit... la patience pour apaiser le Père
que nous avions offensé... Pour n’être pas vaincus par l’adversité, prenons
notre appui en Jésus-Christ qui est la force de Dieu... Le Dieu invisible voulut
être vu dans la chair et prit visage humain pour parler aux hommes... Le Christ
est pour nous sagesse, justice, sanctification et rédemption,” (20e
Sermon) et, dans sa prière, Il demandera que tous soient unis comme Lui-même et
son Père ne font qu’un.” (29e
Sermon)
Parlant des âmes qui, grâce à
l’espérance ont retrouvé la joie, Saint Bernard s’écrie: “Comment ne
verrait-on pas Dieu dès qu’on voit et qu’on sent à quel point elle est douce ?
Le Seigneur Jésus paraît bien doux à celui qui reçoit de Lui non seulement la
rémission de ses fautes, mais encore le don de sainteté...” (37e
Sermon)
Car “le Cœur de l’Époux,
c’est le Coeur de son Père: Soyez miséricordieux comme mon Père est
miséricordieux” (62e
Sermon) Et personne ne vient au Père si l’Époux ne l’attire: “Ceux que ton
Père attire, tu les attires aussi, car les oeuvres que fait le Père, le Fils les
fait pareillement...” (21e
Sermon)
Le Verbe de Dieu, qui est
Dieu même est aussi l’Époux de l’âme... “Procédant du Père, doux et bon, Il
ne dédaigne pas d’être appelé et d’être, en effet, l’Époux de l’âme en quête de
lui, alors qu’Il est le Dieu souverain béni dans les siècles des siècles.”
(74e
Sermon) “Il est vraiment Époux, aimant et aimable. Je dis qu’il est le
véritable Époux, comme sa chair est vraie nourriture, et son sang vrai breuvage.
Tout ce qu’Il est, Il l’est en vérité, puisque Lui-même n’est autre chose que la
vérité.” (75e
Sermon)
La parole de Dieu est une
flèche plus pénétrante qu’une épée à double tranchant. “Et c’est une autre
flèche de choix que l’Amour du Christ, qui ne se borna pas à atteindre l’âme de
Marie mais la perça de part en part... elle la transperça aussi pour parvenir
jusqu’à nous, afin que nous eussions tous notre part de cette plénitude, et
qu’elle-même devint la Mère de la Charité dont le Père est le Dieu d’Amour.” (29e
Sermon)
Le Père aime Celui qui obéit
et donne avec joie. Et qui plus que Jésus a obéit au Père, avec joie, pour notre
salut ? “Le Seigneur de toutes les vertus connaissait la vertu d’obéissance,
et pourtant, selon l’Apôtre, ses souffrances lui apprirent à obéir. De même Il
apprit la miséricorde, bien que la miséricorde du Seigneur soit éternelle... Il
devint ce qu’Il était, Il apprit ce qu’Il savait et Il cherche en nous ces
fenêtres et ces ouvertures à travers lesquelles Il peut mieux scruter nos
misères.” (56e
Sermon) “Il nous a aimés avec tendresse, se revêtant de notre chair; avec
prudence, nous gardant du péché ; avec courage, endurant la mort.... Il a obéi à
son Père. Il nous a aimés avec toute la sagesse de l’esprit...” (20e
Sermon) “Il s’est assujetti à ceux qui habitent un corps d’argile et surpassé
en humilité l’humble condition d’homme. À l’âge de douze ans, à Nazareth, Il
obéit à Marie et à Joseph; au bord du Jourdain, Il s’incline sous les mains de
Jean.” (53e
Sermon)
Jésus n’est pas venu pour
être servi, mais pour servir: “personne n’a jamais rien fait de pareil; et sa
fidèle obéissance a surpassé tout ce qu’ont pu accomplir ceux qui, avant Lui,
ont assumé un service. Serviteur parfait, Il a offert sa chair pour nourriture,
son sang pour breuvage, sa vie pour prix du rachat. Serviteur à l’esprit alerte,
à la charité fervente, à la compassion généreuse... Il est celui que Dieu a
oint plus que tous ses compagnons de l’huile de joie.” (54e
Sermon)
Saint Bernard profite de ce
qu’il présente le modèle d’obéissance que fut Jésus pour mettre ses moines en
garde : “Ne croyez pas que par amour de votre propre tranquillité vous ayez
le droit de manquer à aucun acte d’obéissance ou d’être infidèles aux traditions
de vos prédécesseurs... insoumis, vous n’obtiendrez rien de Celui qui aima tant
l’obéissance qu’Il mourut plutôt que d’y manquer... Et que veux-tu que nous
fassions ? direz-vous. Mais que d’abord vous débarrassiez votre conscience de
tout levain de colère et de dispute, de murmure et d’envie ; que vous chassiez
bien vite de vos cœurs tout ce qui, vous le savez bien, est contraire à la paix
entre les frères ou à l’obéissance envers vos supérieurs.” (46e
Sermon)
L’Époux du Cantique c’est le
Seigneur Jésus, et “l’Époux a deux mamelles correspondant à deux aspects de
sa mansuétude naturelle: la patience avec laquelle il attend le pécheur, et la
clémence qu’il témoigne au pénitent. C’est comme une double suavité qui coule du
sein de notre Seigneur Jésus.” (9e
Sermon)
“Il est vrai qu’aucun
homme n’est capable de se rappeler tous les bienfaits que la miséricorde de Dieu
ne cesse de dispenser aux mortels... Mais que le principal de ces bienfaits,
c’est-à-dire l’oeuvre de notre rédemption ne quitte jamais la mémoire des hommes
rachetés... Car Dieu s’est anéanti Lui-même jusqu’à la chair, à la mort et à la
croix... Il a pris sur Lui la plus lourde peine, afin que l’homme Lui fût
redevable du plus grand amour... Il est manifeste que Dieu a payé pour l’homme
un prix énorme: maître, Il s’est fait esclave; riche, Il est devenu pauvre;
Verbe, Il s’est fait chair; et Fils de Dieu, Il n’a pas dédaigné d’être le fils
de l’homme. Souvenez-vous que, si vous avez été faits de rien, vous n’avez pas
été rachetés de rien.” (11e
Sermon)
D’abord, il convient de
préciser: qui est l’épouse, et qui est cet Époux ? “Lui, c’est notre Dieu ;
elle, si je puis dire, c’est nous-mêmes parmi l’immense foule des captifs dont
Il connaît l’existence. Soyons heureux ! C’est notre titre de gloire : nous
sommes ceux à qui Dieu prête attention...” (68e
Sermon)
Dieu prête attention à
l’épouse! “elle, cette brebis égarée dont le Bon pasteur s’est montré plus
soucieux que même des célestes cohortes, puisqu’Il les laissa exposées au péril
pour descendre à sa recherche...” Et Dieu prend soin de l’épouse. En effet,
“les yeux du Seigneur se posent sur les justes. Or l’épouse n’est autre que
l’assemblée de tous les justes., la génération qui est en quête du Seigneur, en
quête de la vue de l’Époux...” (68e
Sermon)
L’Époux est le Verbe de Dieu,
sa Parole, et l’Époux aime ardemment l’épouse. Jésus, le Christ Sauveur
“juste et bon, Rédempteur et juge, parce qu’Il aime les hommes, veut que tous
soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité.” (55e
Sermon)
Quand l’épouse, ici il s’agit
de l’âme, a été infidèle, repentante elle veut revenir vers l’Époux, mais pour
ce faire, elle doit d‘abord le chercher. “L’âme cherche le Verbe pour se
soumettre à ses réprimandes, pour en recevoir la lumière des connaissances et un
appui pour ses vertus ; elle désire être réformée par sa sagesse, conformée à sa
beauté, s’unir à Lui pour être féconde, tirer une joie de sa présence. C’est
pour toutes ces raisons ensemble que l’âme cherche le Verbe... Nos tristesses
sont multiples, notre âme a des besoins divers, et nos motifs d’angoisse sont
innombrables. Mais le Verbe est encore plus riche de biens, car il est la
Sagesse qui l’emporte sur tout... Le Verbe est force, le Verbe est Sagesse.”
(85e
Sermon)
L’Époux ne repousse pas l’âme
qui le cherche, même si, auparavant, lui, l’Époux l’a longuement cherchée tandis
qu’elle le méprisait. “Le Verbe est indulgent, et ses propos sont pleins de
bonté ; ils me parlent de son désir et d’une affection qui ne saurait Lui rester
cachée. Car Il pénètre les secrets de Dieu et sait qu’on y trouve des pensées de
paix et non d’affliction. J’ai trop fait l’expérience de sa clémence et je
connais trop bien son coeur pacifique pour hésiter à me mettre en quête de Lui.”
(84e
Sermon)
L’Amour de Jésus est un feu:
“L’Époux est pressé de pénétrer en nous. Car ce n’est pas nous, c’est Lui qui
nous a aimés le premier. Et si, de plus, vous sentez déjà la brûlure de sa
parole, si son feu ravage votre conscience au souvenir de vos fautes,
souvenez-vous que l’Écriture dit que le feu le précèdera, et soyez sûrs qu’il
n’est plus bien loin. Car le Seigneur est tout proche de ceux qui ont le coeur
troublé.... Le feu de Dieu consume sans causer de brûlure douloureuse; il brûle
doucement, il ravage agréablement. C’est vraiment un feu destructeur, mais dont
l’action dévorante s’exerce sur les vices en comblant de douceur. Dans cette
force qui vous transforme et dans cet amour qui vous enflamme, sachez voir les
signes de la présence de Dieu... La transformation opérée par la main du
Très-Haut ne peut se produire que dans la ferveur spirituelle et la charité
sincère.” (57e
Sermon)
Une fois que le regard du
Seigneur s’est posé sur nous, sa voix “se fait entendre qui insinue très
doucement dans l’âme la volonté divine, et qui n’est autre que l’amour même ;
car l’amour n’est jamais las de nous redire les décrets de Dieu, dans l’espoir
de nous y rendre conformes...” (57e Sermon)
Le Cantique des cantiques est
un chant d’amour. L’Époux céleste a des liens très forts avec la terre où se
trouve l’épouse qu’Il lui a plu de choisir parmi les créatures. Il veut être
l’un de nous, et son langage est le langage de l’amour. “Dieu aime, et son
amour n’a de source qu’en Lui-même. Il aime avec d’autant plus de véhémence que
l’Amour n’est pas quelque chose qu’iI “a”, mais quelque chose qu’Il “est”...
Maître, Il se fait ami.... L’amour n’exalte personne, mais aussi ne déprécie
personne... Il met d’accord les grands et les humbles; non content de les rendre
égaux, Il les rassemble si bien qu’ils ne font plus qu’un... Celui qui s’attache
à Dieu ne fait avec Lui qu’un seul esprit... Il est devenu l’un de nous... Comme
Fils de l’homme, Il hérite de la terre; comme Seigneur, Il règne sur elle; comme
créateur, Il la gouverne; comme Époux, Il la partage. En disant “notre terre”,
il renonce à en être le seul propriétaire et Il consent à la posséder en
association avec l’épouse.” (59e
Sermon)
L’Époux a tant d’amour pour
l’épouse qu’il veut la rendre sainte. Saint Bernard reprend dans le Cantique des
cantiques l’exemple des vignes (qui représentent les âmes et l’Église) qu’il
faut tailler, examiner, corriger, instruire pour les sauver. (58e
Sermon) “Quand l’épouse aura atteint la perfection, il conclura avec elle des
noces spirituelles : ils seront deux, non pas en une seule chair, mais en un
seul esprit.” (61e Sermon)
Et voici un hymne à l’Amour :
“O grâce! ô force de l’Amour ! Notre souverain à tous s’est fait l’un de
nous. C’est l’Amour qui opère ce miracle, l’Amour miséricordieux, oubliant sa
dignité, mais usant de sa puissance et de sa force de persuasion. Rien n’est
plus violent que l’amour puisqu’il triomphe de Dieu même. Rien n’est moins
violent, puisqu’il est l’Amour. Quelle est donc cette force, assez violente pour
vaincre, assez vaincue pour souffrir violence ? Il s’est anéanti lui-même afin
que vous sachiez que tout provient de l’amour: la plénitude dans son effusion,
la grandeur descendue à notre niveau, l’Unique entré en alliance avec nous.
Époux admirable, avec qui as-tu donc contracté une alliance si étroite ?...
Est-ce pour l’Église des gentils ? Elle est composée d’hommes mortels et
pécheurs. Nous savons bien qui elle est, mais Toi, qui es-tu pour te prendre
d’un amour aussi vif, aussi exigeant envers cette Éthiopienne ? Tu n’es pas un
autre Moïse, mais plus que Moïse. N’es-tu pas celui qui es beau entre tous les
enfants des hommes ? Ce n’est pas assez dire: tu es la clarté de la vie
éternelle, le resplendissement de la gloire de Dieu, l’effigie de sa substance.
Tu es enfin le Dieu béni dans tous les siècles.” (64e
Sermon)
Le Seigneur est plein de
compassion. Parmi les parfums de l’Époux, “Il faut donner la préférence, entre
tous les onguents, à celui de la compassion, le seul que Notre Seigneur n’ait
pas voulu laisser perdre... Composé de pitié envers les malheureux, il (ce
parfum) se répand sur tout le corps du Christ ... qui a montré sa prédilection
pour cet onguent, lorsqu’il a dit: Je veux la miséricorde et non le sacrifice...
Tel est bien le parfum qui s’exhale, avant toute autre vertu, du sein de
l’Épouse qui cherche à se conformer en tout à la volonté de l’Époux” (12e
Sermon)
Dieu s’est fait homme pour se
manifester à nous dans son immense bonté et dans son amour. “Se faisant plus
humble que les anges, il a posé une tente pour le soleil et s’est fait pareil au
fiancé quittant son pavillon. Doux, plus que splendide, aimable plutôt que
sublime, tel que l’Esprit de Dieu l’a consacré avant de l’envoyer évangéliser
les pauvres, guérir les cœurs affligés, prêcher le pardon aux captifs et la
délivrance aux prisonniers, annoncer l’année de la paix avec le Seigneur.”
(22e
Sermon) “Grâce à ta compassion l’âme peut trouver un secours qui l’aide à
vivre quand elle est attristée ou inquiète.” (33e
Sermon)
Il y a la noirceur de la
compassion, lorsqu’on partage la peine d’un affligé. Sachons que Dieu n’a pas en
mépris un coeur brisé et humilié : “il faut laisser la douleur de nos frères
nous ternir ainsi, car notre Roi de Paix ne saurait nous interdire cette
tristesse dont Il a daigné se revêtir lui-même lorsqu’Il a porté nos péchés dans
son corps jusqu’au sommet de la Croix.” (28e Sermon)
Le Seigneur est Miséricorde
pour tous les hommes. Dieu n’appartient pas seulement au peuple juif. Il est
aussi le Dieu des gentils. (Rom III, 29) Saint Bernard ajoute: “Si je suis
sans mérite, Lui n’est pas sans pitié. N’est-Il que justice ? Il est aussi
miséricorde.” (14e
Sermon)
Le Seigneur Dieu (le Père)
possède la puissance, et la bonté est à Jésus. “Sous le rapport de la majesté,
son Nom est terrible; mais sous le rapport de la miséricorde, il n’est dans le
Ciel aucun autre nom révélé aux hommes, par lequel nous devrions être sauvés.”
(15e
Sermon)
Et Saint Bernard, contemplant
l’Époux debout dans l’épreuve suprême de la Passion, debout dans l’accablement,
ira jusqu’à dire : “Je ne connais personne qui en fût capable, hors Notre
Seigneur Jésus-Christ. Il était vivant dans sa mort même, et son corps brisé sur
la Croix, se tenait dans sa divinité aux côtés de son Père, d’une part en priant
avec nous, de l’autre nous prenant en compassion avec son Père.” (56e
Sermon) Saint Bernard ajoute : “Isaïe à son tour m’a fait sentir la
délectable odeur de la miséricorde dans ces mots: Il s’est livré lui-même à la
mort; il a été mis au rang des scélérats; il a porté les fautes de plusieurs et
il a intercédé pour les pécheurs, afin qu’ils ne périssent pas. Aucune autre
parole ne respire mieux la miséricorde.” (67e
Sermon)
Plus tard Bernard complétera
sa pensée et révélera le Cœur du Seigneur, ce qui est tout à fait exceptionnel à
l’époque où il vivait: “Ce qui me manque par ma faute, je le tire hardiment
des miséricordieuses entrailles du Seigneur, et elles sont percées d’assez de
plaies pour que l’effusion se produise. Ils ont percé ses mains, ses pieds et
d’un coup de lance, son flanc; par ces trous béants, je puis humer le miel de ce
roc, et l’huile qui coule de sa pierre très dure, c’est-à-dire voir et goûter la
douceur du Seigneur... Les clous et les plaies crient qu’en la personne du
Christ, Dieu se réconcilie avec le monde. Le fer a transpercé son âme et touché
son Cœur, afin qu’il sût compatir à ma nature vulnérable. Le secret de son Cœur
paraît à nu dans les plaies de son corps; on voit à découvert ce mystère
d’infinie bonté, cette miséricorde de notre Seigneur. Rien mieux que ces plaies
ne pouvait faire éclater en pleine lumière la douce pitié de notre Seigneur. Car
il n’y a pas de plus grande compassion que de donner sa vie pour les créatures
condamnées et vouées à la mort. Tout mon mérite, conclut Saint Bernard,
c’est donc la pitié du Seigneur.” (61e
Sermon)
Saint Bernard, dans le 15e
Sermon, compare l’Époux à de l’huile : “L’huile a trois qualités : elle
éclaire, elle nourrit, elle sert d’onguent. Elle alimente le feu; elle fortifie
le corps, elle apaise la douleur. On peut en dire autant du nom de l’Époux. Il
éclaire quand on le prêche; il nourrit quand on le médite; il est un baume
apaisant quand on l’invoque... Jésus est du miel dans notre bouche, une mélodie
à nos oreilles, un chant de joie pour notre cœur. Et enfin, ce nom est un
remède.”
Suit une longue série
d’exemples sur les bienfaits du nom de Jésus : il est la lumière pour celui qui
est triste, le retour à la vie pour le pécheur, le courage pour celui qui
désespère, le remède à toutes les maladies de l’âme, car il suffit d’évoquer le
nom de Jésus pour se représenter un homme doux et humble, bon, sobre, chaste,
compatissant, paré de toutes les vertus et de toutes les formes de sainteté. (15e
Sermon)
La présence de Jésus ne se
fait pas sentir à l’extérieur, mais au-dedans et doucement : “Le Verbe ne
s’entend pas, mais pénètre ; Il ne parle pas, Il agit; Il ne frappe pas les
oreilles, mais enchante le coeur de sa caresse. Son visage ne prend pas figure,
mais donne figure à l’âme ; sa lumière n’éblouit pas les yeux du corps, elle
inonde de joie la face du coeur; on ne jouit pas de sa beauté sensible, mais du
don de son amour... C’est un compagnon disert dont les propos et les manières
sont si aimables que tout le monde se met à le suivre, comme à la trace de
parfums exquis...”
D’autres fois encore, “Il
se présente comme un roi magnifique et puissant que l’on voit encourager sa
pauvre et timide épouse, l’exhorter à concevoir des désirs... et l’introduire
enfin dans ses appartements réservés. Car le Coeur de l’Époux lui fait toute
confiance, Il ne pense pas qu’Il doive rien cacher à celle qu’Il a tirée de la
misère, dont il a mis la fidélité à l’épreuve et connu la tendresse. C’est ainsi
qu’Il ne cesse de se révéler intérieurement sous des formes changeantes à ceux
qui le cherchent... Sous ces apparences, d’ailleurs, Il est également doux et
miséricordieux. Les baisers expriment sa tendresse, les onguents et les parfums
sa clémence et son coeur compatissant; sur la route Il est gai, affable,
généreux. S’Il montre ses richesses et ses domaines, et s’Il distribue des
récompenses, c’est en vertu de sa largesse royale.” (31e
Sermon)
“Notre Seigneur
Jésus-Christ est la fleur du jardin, le surgeon vierge issu d’une vierge. Il est
la fleur des champs, le martyr parfait, la couronne des martyrs...” (47e
Sermon) “Il est aussi le lis des vallées, c’est-à-dire la couronne des
humbles, la gloire qui leur est réservée et que symbolise cette fleur éminente
entre les fleurs.” (47e
Sermon) Cette fleur symbolise l’humilité: “Le juste est humble, le juste est
une vallée.” (47e
Sermon) Et l’épouse, quand elle célèbre l’Époux: “ ne célèbre pas sa
grandeur, mais son humilité... Pour l’épouse, l’abaissement de l’Époux est sa
plus douce saveur; elle louera donc de préférence sa grâce, sa miséricorde et sa
condescendance.” (48e
Sermon)
Pour obéir au Père, le Verbe,
le Fils unique s’est fait chair. Il s’est chargé de nos péchés, Il s’est fait
péché pour que son Peuple ne périsse pas. L’Époux est devenu noir, mais pourtant
sa beauté est réelle : “Il vaut mieux qu’un seul, en prenant la ressemblance
de la chair pécheresse devienne noir pour tous, et non pas que toute la nation
soit condamnée pour la noirceur de son péché. La forme et l’éclat de l’essence
divine s’obscurciront donc, prenant l’apparence de l’esclave, pour sauver la vie
de l’esclave. La blancheur de la vie éternelle se ternira dans la chair afin de
purifier la chair. Celui qui, en beauté, surpasse tous les enfants des hommes
sera caché dans sa Passion, soumis à l’ignominie de la Croix et aux affres de la
mort, afin de rendre la lumière aux enfants des hommes. Il se dépouillera de
toute beauté et gagnera ainsi, pour Épouse admirable, une Église sans tache et
sans ride.” (28e
Sermon)
L’Époux a la peau noire, mais
“à l’intérieur, il y a la blancheur divine, la beauté des vertus, la pureté,
de l’innocence, mais cachées sous la couleur de la faiblesse; et son visage est
comme voilé sous un masque méprisable, tant que, s’étant assimilé la chair
faillible, Il s’expose à toutes les tentations....” (28e
Sermon)
Mais “sous la peau de bouc
qui représente le péché, je discerne la main qui ne pèche jamais, la nuque par
où ne passe jamais une pensée mauvaise, la bouche qui fut trouvée sans ruse. Je
sais qu’Il est doux et humble de coeur, aimable à voir, d’esprit délicieux et
plus que quiconque baigné à l’huile de joie... Il a dû devenir en tout semblable
à ses frères afin de leur être miséricordieux.” (28e
Sermon)
On peut, avec Saint Bernard,
se poser la question : “Comment donc le soldat comprit-il la beauté du
crucifié et reconnut-il le Fils de Dieu dans cet homme mis au rang des
criminels ? ... C’est à la voix qu’il crut, et non à la face qu’il reconnut le
Fils de Dieu. Il était sans doute de ces brebis dont le Bon pasteur dit qu’elles
écoutent sa voix.” (28e
Sermon)
Pour Bernard de Clairvaux, le
Seigneur est beau dans sa gloire, “mais, lorsqu’Il s’est anéanti, lorsqu’Il a
quitté pour la lumière naturelle son éclat impérissable, sa bonté m’apparaît
plus rayonnante encore, sa charité plus expansive, et plus vaste le domaine où
se répand sa grâce. Pour moi, Il se lève brillant comme l’Étoile de Jacob, Il
surgit lumineux comme la Fleur de Jessé, Il est un astre joyeux qui me visite
dans mes ténèbres, Soleil apparu dans les cieux.... Après son couchant, Il
ressuscite du sein de la terre, Soleil étincelant de la justice, et finalement
Roi de gloire vêtu de pourpre, Il se retire dans ses hautes demeures... Ce sont
toutes ces beautés, et d’autres pareilles que l’épouse voit dans son
bien-aimé...” (45e
Sermon)
L’Épouse, elle aussi, saura,
grâce à sa foi, reconnaître Celui qu’elle aime et qui lui dit: “Tu me
toucheras avec les mains de la foi, les doigts de l’amour, l’étreinte de la
piété, les yeux de l’esprit. Je ne serai plus noir, alors. Ton Bien-Aimé sera
blanc et vermeil. Il sera beau, ceint de roses et de lis des vallées, je veux
dire de martyrs et de vierges et je me tiendrai au milieu de leur choeur,
semblable à eux, vierge et martyr... Sois donc pareille à eux, pareille à Moi,
pour me toucher pareillement et pour dire à ton tour: mon Bien-Aimé est blanc et
vermeil, et Il se reconnaît entre dix mille... ne crains pas en cherchant Celui
que tu aimes... tu distingueras d’emblée l’élu entre mille, qui diffère de tous
les autres et tu diras: C’est Celui qui est beau sous la splendeur de ses
vêtements et qui s’avance, éclatant de force.” (28e
Sermon)
De son côté l’âme pourra
dire : “Quand me combleras-tu de joie en me montrant ta face ? C’est ta face,
Seigneur, que je demande. Ta face est mon midi.” (33e
sermon) Et Saint Bernard complète plus loin sa pensée: “Afin que ton bonheur
s’accomplisse, Il se montrera tel qu’Il est, et son visage te comblera.” (41e
Sermon)
L’humilité, nous dit Saint
Bernard, “c’est une sublime vertu qui mérite d’apprendre ce qui ne s’enseigne
pas, d’acquérir ce qui ne s’apprend pas, de concevoir du Verbe même et pour le
Verbe ce que toute parole est impuissante à exprimer.” (85e
Sermon)
L’Époux donne l’humilité,
source de toutes les vertus. L’humilité est un des plus grands dons de l’Époux,
car l’humilité nous justifie, et Dieu accorde ses faveurs aux humbles :
“Voyez-vous comment l’humilité nous justifie ? Je dis bien l’humilité et non
l’humiliation. Tant de gens sont humiliés sans être humbles... La consommation
de la justice n’appartient qu’aux humbles, à ceux là qui peuvent dire: il est
bon que tu m’aies humilié... Sa grâce, Dieu la donne aux humbles, non pas aux
humiliés. Est humble alors qui change son humiliation en humilité et qui dit: il
est bon que je sois humilié... La grâce promise par Dieu ne l’est qu’à la seule
humilité joyeuse et absolue.” (34e
Sermon)
Et Bernard dira plus tard, à
l’attention de ceux qui tentent de chasser leurs inclinations mauvaises, qui n’y
arrivent pas mais ne s’en montrent que plus doux et plus humbles envers
eux-mêmes : “Comment jeter la pierre à un homme qui a appris du Seigneur la
douceur et l’humilité de cœur ? N’allons pas croire banni du salut celui qui
imite le Sauveur, Notre Seigneur Jésus-Christ, Époux de l’Église.” (49e
Sermon) Car, “l’Époux qui habite dans les hauteurs regarde tout ce qui est
humble au ciel et sur la terre.” (54e
Sermon)
La Source de vie - L’Aqueduc
Jésus-Christ Notre Seigneur
est la source de Vie. Cette source a été détournée jusqu’à nous pour que nous
puissions y boire. Mais “le filet d’eau céleste descend par un aqueduc qui ne
nous déverse pas toute l’eau de la source, mais instille la grâce goutte à
goutte, dans nos cœurs desséchés, aux uns plus, aux autres moins. L’aqueduc
lui-même est plein, de sorte que tous s’alimentent à sa plénitude, sans la
recevoir tout entière...” Cet aqueduc, qui tient toute sa plénitude de la
source jaillie du Coeur du Père, c’est Marie, pleine de grâces donnée au genre
humain pour nous donner Jésus, “ le Saint, le Seigneur des armées, la source
de Sagesse, le Verbe du Père.” (Œuvres Mariales. L’aqueduc)
L’Époux, fontaine jaillissant
au milieu du paradis, “irrigue la terre entière et répand ses bienfaits sur
tous les animaux. Heureux ceux qui méritent de s’y désaltérer... L’eau de
sapience, la source de Vie, ne coule pas en eux sans interruption, mais elle y
jaillit par moments, afin que naisse aussi d’eux-mêmes cette source d’eau vive
qui monte jusqu’à la vie éternelle. Les flots intarissables de ce fleuve
impétueux apportent dans la cité de Dieu une joie de tous les instants.” (54e
Sermon)
L’Époux donne la grâce et
l’amour: “Il appartient au Verbe de dire à l’âme: tu es belle, et de
l’appeler son amie; en le faisant, Il lui donne la faculté d’aimer et de se
croire aimée... Elle s’étonne de tant de condescendance et de générosité. La
beauté de l’Époux, c’est l’amour qu’elle a pour lui, et il est d’autant plus
grand qu’il a en lui sa source. Le langage du Verbe, c’est donc l’infusion de
sa grâce.” (45e
Sermon) L’Époux est le don suprême: “Rien n’est meilleur, en effet, que de se
reposer et d’être avec le Christ. Mais il lui faut aller à ses affaires et
sortir pour sauver les âmes...” (46e
Sermon)
Que l’épouse ne s’inquiète
pas, l’Époux reviendra car il ne peut supporter de voir son amie se tourmenter :
“A ses appels ardents, il accourt, incapable de tarder davantage...” Et
comme il l’a trouvée fidèle, “il passe un de ses bras sous la tête lasse, et
de l’autre s’apprête à l’embrasser, pour la réconforter en la serrant contre
lui. Heureuse l’âme qui repose sur le Cœur du Christ et s’abandonne entre les
bras du Verbe!... le Verbe qui est Dieu... qui est Celui qui est, et qui est la
Sagesse de Dieu... Étonnante bonté de l’Époux qui laisse reposer sur son Cœur
l’âme contemplative, et va jusqu’à écarter d’elle les soucis qui l’assiègent,
les inquiétudes de la vie active et le souvenir des affaires où elle est
engagée.” (51e
Sermon)
Il n’est pas mauvais de
s’attarder un peu pour contempler la bonté, la douceur et la condescendance de
la nature divine. Les hommes “n’ont jamais connu dans les affections humaines
rien qui ait la tendresse manifestée par le Cœur du Très-Haut, tendresse
exprimée ici par celui qui pénètre les secrets de Dieu et ne peut rien ignorer
de ce qui est en lui, puisque c’est son propre Esprit... Le Seigneur ne dédaigne
pas de se pencher tendrement sur notre faiblesse, ni de contracter un mariage
avec l’âme en exil, lui témoignant tous les sentiments d’un époux très épris.”
(52e
Sermon)
Le don des dons, c’est
l’Amour. Les pages qui suivent, extraites du 83e
Sermon, doivent être l’occasion d’une profonde adoration de Celui qui est Amour.
“Nous voici parvenus au retour de l’âme qui se convertit au Verbe, se corrige
grâce à Lui, et se conforme à Lui. Par quel moyen ? Par l’amour... Cette
conformité marie l’âme au Verbe ; déjà semblable à Lui par sa nature, elle le
devient aussi par sa volonté, lorsqu’elle l’aime comme elle en est aimée.
Et si cet amour est
parfait, ce sont les noces spirituelles. Pas de joie plus grande que cette
conformité. Pas de bien plus désirable que cet amour grâce auquel l’âme, ne se
contentant plus d’écouter les enseignements des hommes, ose s’adresser au Verbe
Lui-même, s’attacher directement à Lui, Le questionner, L’interroger sur toutes
choses, et montrer d’autant plus d’audace dans ses désirs qu’elle sent son
intelligence plus capable de comprendre. C’est vraiment là un mariage spirituel
qui est saintement contracté. Mais c’est trop peu de dire encore: il y a plus
qu’un contrat, une étreinte, une union totale où le même vouloir, les mêmes
refus confondent deux esprits en un seul...” (83e
Sermon)
“...
L’amour est à lui-même suffisant: lorsqu’il survient, il attire à lui et absorbe
toutes les autres passions. Il aime parce qu’Il aime, et ne sait rien de plus...
C’est l’Époux et l’épouse...”
“Ajoutez que cet Époux
n’est pas seulement un amant: il est l’Amour...Dieu est Amour... Il exige d’être
craint comme Seigneur, honoré comme Père, aimé comme Époux... C’est une grande
chose que l’amour, si du moins il remonte à son principe, retourne à son origine
et s’en revient toujours puiser à sa propre source les eaux dont il fait son
courant. De tous les mouvements de l’âme, de ses sentiments et de ses
affections, l’amour est le seul qui permette à la créature de répondre à son
Créateur... Lorsque Dieu aime, Il ne veut rien d’autre qu’être aimé, car Il
n’aime que pour qu’on L’aime, sachant que ceux qui L’aimeront accéderont par là
même à la béatitude...” (83e
Sermon)
“L’amour pur n’est pas
mercenaire. Il ne tire pas sa force d’une espérance, et n’est pas atteint par le
doute de la voir comblée. L’amour pur, c’est celui de l’épouse, parce que
l’épouse est tout amour. Sa seule fortune, son seul espoir est l’amour. De cet
amour, l’épouse est toute pleine, et l’Époux en est content, il n’en demande pas
plus, comme elle n’a rien d’autre à donner...” L’amour de l’Époux, ou plutôt
l’Époux qui est Amour, ne demande qu’amour réciproque et fidélité ?.. Comment
l’Amour ne serait-il pas aimé ?” (83e
Sermon)
L’épouse a donc raison de
renoncer à tout autre amour pour répondre à l’Amour. Et même si elle se fond
tout entière dans cet amour, que sera-ce proportionnellement au torrent d’amour
éternel qui jaillit de la source même et se déverse en elle, et jamais l’épouse
ne pourra rivaliser avec ces flots d’amour. “Faudra-t-il pour autant que
soient formés en vain les souhaits de l’épouse désirant les noces
spirituelles ?.. Non. Car, s’il est vrai que la créature, dans la mesure où elle
est inférieure au créateur, aime moins que Lui, elle peut encore L’aimer de tout
son être, et rien ne manque là où il y a totalité. C’est pourquoi, comme je vous
l’ai dit, aimer ainsi équivaut à un mariage ; il n’est pas possible qu’un amour
aussi fort n’appelle pas en retour un amour égal, et la rencontre de ces deux
amours constitue l’entière perfection des noces... Heureuse celle qui a mérité
d’être ainsi prévenue et comblée d’une telle tendresse! Heureuse, si elle a reçu
cette grâce de connaître de si merveilleuses douceurs. C’est là l’amour pur et
chaste, l’amour le plus délicat, aussi paisible que sincère, mutuel, intime,
fort, qui réunit deux amants non pas en une seule chair mais en un seul esprit,
de sorte qu’ils ne soient plus deux, mais un.” (83e
Sermon)
Revenons encore sur les noces
spirituelles. L’âme a enfin trouvé le Verbe qui l’a accueillie et qui lui a
pardonné ses infidélités. Désormais, soutenue par le Verbe, l’âme est établie
dans le bien. L’âme a changé sa volonté et retrouvé la vie. Elle est devenue
belle, de la beauté qui plaît à l’Époux, et “elle est soucieuse de préserver
ensemble une conscience pure et une réputation inentamée... Heureuse l’âme
revêtue de cette parure de chasteté et portant, si l’on peut dire, la robe
blanche d’une innocence céleste qui l’autorise à s’estimer conforme, non point
au monde, mais au Verbe dont il est écrit qu’il est la blancheur de la vie
éternelle, la splendeur et la figure de la substance de Dieu.
Parvenue à ce degré, l’âme
peut songer aux noces spirituelles. Elle a le droit de penser qu’elle peut
s’unir au Verbe, puisqu’elle se voit faite à son image. La hautesse (sic) du
Verbe ne saurait l’intimider, maintenant que la ressemblance les associe, que
l’amour les rapproche, que la foi crée entre eux un lien... Il est doux de
sauver des âmes nombreuses, mais sortir de soi pour s’unir au Verbe est
infiniment plus doux. Mais quand viendra cette joie, et combien de temps
durera-t-elle ? C’est un commerce délicieux mais qui n’est l’affaire que d’un
bref instant, et dont l’expérience est rare.” (85e
Sermon)
Quand on vient d’achever la
lecture, difficile, des oeuvres mystiques de Saint Bernard, on est émerveillé et
ébloui par l’amour que le Verbe (l’Époux) nous porte. Certes, le Cœur de Jésus
n’est pas expressément nommé, mais on le sent constamment présent. Et on ne peut
s’empêcher de penser que c’est le Cœur de Jésus Lui-même qui a inspiré Saint
Bernard pour se faire déjà découvrir à travers l’Amour qui imprègne constamment
ses oeuvres mystiques. Et de faire découvrir sa joie qui est aussi la joie de
Saint Bernard.
C’est pourquoi nous avons
essayé de dire cette joie, telle que Saint Bernard aurait pu la chanter.
Ma joie
Ma joie, à moi, c’est de
T’aimer Jésus, c’est de T’adorer, de Te contempler, c’est de Te dire “je
T’aime”. Ma joie, Jésus, c’est de T’aimer.
Ma joie, Jésus, c’est de Te
chercher quand Tu Te caches, c’est surtout de Te retrouver... Ma Joie, Jésus,
c’est de m’abandonner et de me perdre en Toi, de me réfugier dans ton Cœur, ton
Cœur de Dieu qui nous aime tant, ton Cœur qui s’est ouvert pour nous donner ton
Amour, ces fleuves d’eau vive qui nous vivifient, ces sources d’eau vive qui
nous fécondent, ces fontaines de joie qui éclaboussent ta joie...
Ma joie, Jésus, c’est de
m’approcher de tes fontaines de joie pour y recueillir ta joie, pour happer tes
éclaboussures de joie et les garder dans mon coeur pour, un jour, les donner à
mes frères.
Ma joie Jésus, c’est d’être
près de Toi et de Te contempler. Ma joie Jésus, c’est de Te parler et de
T’écouter, d’écouter les merveilles que Tu nous dis, ces merveilles d’Amour, ces
merveilles de joie, ces merveilles de Toi ! Ma joie Jésus, c’est de
m’émerveiller, m’émerveiller de Toi. Ma joie, Jésus, c’est de T’écouter, même si
je ne Te comprends pas toujours, et c’est de Te redire ce que Tu m’as confié. Et
c’est de Te chanter, de louer tes merveilles, de crier ta bonté, et surtout de
T’aimer !
Ma joie Jésus, c’est de
m’émerveiller, m’émerveiller de Toi, m’émerveiller en Toi. C’est de
m’émerveiller devant les oeuvres de tes mains, ces oeuvres merveilleuses que Tu
nous as confiées pour les faire fructifier et pour nous rendre heureux, mais
heureux de Toi, mon Dieu. Ma joie Jésus, c’est de m’émerveiller devant la grâce
d’un tout petit enfant, d’un enfant pur dont le regard révèle ta pureté. C’est
de m’émerveiller devant la bonté de tes enfants les hommes, de ces hommes qui
savent souvent être si bons, de ta bonté, Seigneur !
Ma joie Jésus, c’est de
m’émerveiller devant ta beauté, cette beauté qui me ravit, mais c’est surtout de
contempler ta bonté et ta douceur, ta tendresse et ta miséricorde... Oh! Jésus,
ta bonté m’étonne, ta douceur me séduit, ta Miséricorde me confond, et ta
tendresse me fait fondre d’amour et de reconnaissance. Ma joie Jésus, c’est de
savoir que Tu m’as tant aimé, moi qui ne le méritais pas, moi qui étais
pécheur...
Ma joie Jésus, c’est de
T’aimer et de me perdre en Toi. Ma joie Jésus, c’est de Te dire oui! oui, du
plus profond de mon être, car je n’ai plus d’autre crainte que celle de Te faire
de la peine, de ne pas répondre à l’Amour, ton Amour, de ne pas Te donner
l’Amour que Tu mendies de moi. Ma joie Jésus, c’est de T’aimer tout en
m’émerveillant de ton Amour, puis de me perdre en Toi, de m’unir à Toi, de
devenir Toi tout en restant moi-même...
Ma joie Jésus, c’est de
T’aimer, c’est de Te laisser faire en moi pour réaliser ta volonté qui n’est que
ton désir infini de faire de nous des êtres heureux. Ma joie Jésus, c’est d’être
heureux, oui, mais heureux de Toi.
Ma joie Jésus, c’est de
T’aimer, et de Te redonner l’Amour qui vient de Toi. Ma joie Jésus, c’est de
T’aimer et de Te redonner ce qui est déjà Toi, l’Amour infini, l’Amour incréé
que Tu es, l’Amour qui nous façonne, l’Amour qui nous donne la vie simplement en
nous disant: car ta parole est Création.
Ma joie, Jésus, c’est Toi !
Je T’aime Jésus, Tu es toute ma vie, Tu es toute ma joie, Tu es tout mon Amour,
ô mon Maître que j’aime et qui me rends heureux !
Car Tu me rends heureux,
Jésus, d’un bonheur sans pareil, d’un bonheur sans partage et qui pourtant se
donne et se partage, du bonheur qui es Toi, du bonheur que Tu as préparé pour
nous de toute éternité, du bonheur auquel Tu nous as prédestinés, du bonheur qui
es Toi... Car mon Dieu, Tu es Amour et bonheur ! Tu nous as faits pour Toi et,
d’avance, dans ton Coeur de Père, dans ton Amour de Créateur, Tu nous as tous
prédestinés au bonheur, dans ton Amour.
Ma joie, Jésus, c’est de Te
dire je T’aime... Ma joie, Jésus, c’est d’être heureux, heureux en Toi, heureux
de Toi, heureux de Ta Vie, heureux de Te connaître et de T’aimer, heureux d’être
à Toi.
Prédestiné à être heureux,
comme chacun de tous mes frères, de tous tes enfants. Prédestiné à Ton Bonheur.
Ma joie, Jésus, c’est de
savoir cela ! Ma joie Jésus, c’est de T’aimer et d’aimer ton Bonheur ! Ma joie,
Jésus, c’est Toi !
Paulette Leblanc
|