Tout
d'abord, nous devons savoir que ce qui est aujourd'hui
connu de la vie de saint Bède le Vénérable vient du
dernier chapitre de son Historia Ecclesiastica,
qui rapporte l'histoire de l'Église en Angleterre. Ce
livre de Bède fut achevé aux environs de 731. Bède, dont
le nom, en vieil anglais, signifiait "prière", devait
avoir à peu près 59
ans.
D'après ce document, nous apprenons que Bède serait né
sur les terres du monastère de Wearmouth-Jarrow, deux
monastères jumelés situés près de Sunderland (port situé
sur la mer du Nord au Nord-Est de l'Angleterre) et de
Newcastle upon Tyne (ville proche de Sunderland, donc
elle aussi dans le Northumberland). On pense que Bède
appartenait à une famille aisée compte tenu de ses liens
avec des familles nobles.
À
l'âge de sept ans, Bède fut envoyé au monastère de
Wearmouth par sa famille pour recevoir l'enseignement de
Benoît Biscop, moine de Lérins et fondateur de l'abbaye
de Wearmouth, puis de Jarrow. En effet, Benoît Biscop,
avec Ceolfrith fonda aussi, en 682, l'Abbaye de Jarrow,
jumelle de Wearmouth. On pense que Bède, âgé de 10 ans
aurait suivi Ceolfrith à Jarrow. Quatre ans plus tard,
en 686, la peste éclatait à Jarrow. Il n'y aurait eu que
très peu de survivants, dont Ceolfrith et Bède.
Vers
692, Bède fut ordonné diacre par l'évêque de Hexham,
John. Bède n'avait que 19 ans. On peut expliquer cette
ordination précoce de Bède en raison de la qualité
remarquable de sa vie de moine et de ses performances
intellectuelles exceptionnelles. Mais il semble que son
ordination comme prêtre n'ait été faite qu'en 702, alors
qu'il avait trente ans, par le même évêque. Cependant
aucun document ne permet de connaître les dates exactes
concernant la vie de Bède.
Moine bénédictin, Bède demeura toute sa vie à Jarrow,
réalisant en sa personne le modèle du moine bénédictin,
partageant son temps entre le travail manuel -on dit de
lui qu'il exerçait l'office de boulanger- l'étude et la
prière. La bibliothèque de Jarrow était très riche et
rassemblait des œuvres patristiques, exégétiques,
historiques, liturgiques et même poétiques. Bède, qui
connaissait tous ces livres, devint le premier historien
de l'Angleterre, des origines à 731. On dit que Bède fut
le premier auteur à avoir utilisé la langue anglaise.
C'est lui qui fit connaître les Pères latins aux
anglais. Son livre le plus connu, The ecclesiastical
History of the English people lui valut le titre de
Père de l'Histoire anglaise. Il convient
d'ajouter ici qu'aucun historien européen ne peut se
passer de l'œuvre de Bède. Son œuvre, gigantesque lui
valut également le surnom de Vénérable.
Vers
701, Bède écrivit ses deux premiers ouvrages destinés à
servir de support à l'enseignement, le
De Arte
Metrica,
et le
De
Schematibus et Tropis.
Bède qui était un moine enseignant, continua à écrire
jusqu'à sa mort; on compte environ une soixantaine de
livres qui sont tous arrivés jusqu'à nous.
Et
voici une anecdote qui vous fera sourire. En 708, Bède
fut accusé d'hérésie par des moines de l'abbaye de
Hexham, située dans le Northumberland, à cause de son
ouvrage De Temporibus. Cette accusation fut
faite, au cours d'un banquet, devant Wilfrid, l'évêque
de Hexham, par des moines ivres… À l'époque, au 8ème
siècle, les sciences étaient encore très rudimentaires
et, pour ce qui concernait la vie sur la terre, la
théorie généralement adoptée par les théologiens était
celle des six âges du monde qui estimait que le
Christ serait né plus de 5000 ans après la Création.
Bède, au contraire, qui connaissait aussi l'histoire du
monde et l'astronomie de son époque, avait calculé que
le Christ serait né 3952 ans après la création. L'évêque
Wilfrid ne répondit rien à l'accusation portée contre
Bède, mais un moine présent rapporta la chose à Bède.
Bède répondit à ce moine pour se justifier et il lui
demanda de transmettre sa lettre à l'évêque Wilfrid pour
qui il avait peu d'estime. Nous n'insisterons pas.
Les
lettres de Bède envoyées à des correspondants de toute
la Grande Bretagne, laissent entendre qu'il aurait
voyagé et aurait rencontré l'évêque d'York. Il se serait
rendu également au monastère de Lindisfarne et dans
d'autres endroits demeurés inconnus, notamment à Rome.
Bède espérait pouvoir rendre visite à Egbert, l'évêque
de York, mais il tomba malade en 734, et ne put faire le
voyage. Toutefois, comme à l'ordinaire, il suivait tous
les offices avec ses frères moines, tout en poursuivant
ses enseignements. Il continuait également, et cela
jusqu'à la veille de sa mort, à dicter à un jeune
scribe, la traduction anglaise de l'Évangile de saint
Jean. Mais le mardi veille de l'Ascension, Bède se
sentit plus mal et resta éveillé toute la nuit pour
prier et être prêt à continuer à dicter le lendemain,
mercredi 26 mai. Mais ce jour-là, mercredi 26 mai, à
l'heure de None, il demanda qu'on lui apporte une boîte
et il en distribua aux moines du monastère les
"quelques trésors" qu'elle
contenait: un
peu de poivre, des napperons et un peu d'encens.
Puis Bède dicta une dernière phrase à son jeune scribe,
et mourut peu après. C'était le mercredi 26 mai 735.
Bède fut enterré à Jarrow.
La mort de Bède, serviteur
de Dieu doit aussi être un enseignement pour nous. Le
mardi avant l'Ascension du Seigneur, il redisait avec
des larmes de joie l'Antienne de la fête: "Ô Roi de
gloire qui êtes monté triomphant par delà tous les
cieux, ne nous laissez pas orphelins, mais envoyez-nous
l'Esprit de vérité selon la promesse du Père." Et,
revenant à sa traduction de l'Évangile de saint Jean et
à un travail qu'il avait entrepris sur saint Isidore il
affirmait: "Je
ne veux pas que mes disciples après ma mort s'attardent
à des faussetés et que leurs études soient sans fruit."
À
son jeune secrétaire, qui lui disait peu de temps avant
sa mort: "Bien-aimé Maître, il n'y a plus à dicter
qu'un chapitre; en aurez-vous la force?" il répondit
en souriant: "C'est facile: prends ta plume,
taille-la, et puis écris; mais hâte-toi." Et la
traduction fut achevée le soir même, juste avant que
Bède s'en aille vers le Seigneur.
Saint Bède le Vénérable est vénéré par les Églises
catholique, orthodoxe, anglicane et luthérienne. Il fut
nommé Docteur de l'Église en 1899, par le pape Léon
XIII.
Saint Bède est
considéré comme un des principaux érudits du haut
Moyen-Âge. Son œuvre, considérable, concerne tout
d'abord l'histoire de l'Église de Grande Bretagne.
Outre les livres de son monastère dans lesquels il
puisait sa science, il avait des correspondants, surtout
les abbés des autres monastères qui lui procurèrent des
informations sur l'Église du Kent, du Wessex, de l'est
de l'Angleterre. Bède était aussi considéré comme le
meilleur latiniste des Îles anglo-Saxonnes.
Outre ses travaux historiques, Bède le Vénérable rédigea
de nombreux commentaires bibliques et théologiques. Il
se référait aux saints Jérôme, Augustin, au pape
Grégoire 1er le Grand et à saint Ambroise.
Enfin nous devons signaler que Bède, ayant des
connaissances astronomiques, voulut inclure une
chronologie du monde dans ses travaux, pour mieux
expliquer les connaissances du Moyen-Âge concernant le
cosmos, dont la sphéricité de la terre, les raisons des
changements de saisons, de la longueur des jours, ainsi
que les phases de la lune et le mouvement du soleil dans
le zodiaque. Il travailla aussi sur l'âge du monde
depuis la création. Enfin nous ne devons pas oublier
tous ses travaux d'ordre pédagogique, car, enseignant
dans son monastère, il fit de nombreux travaux
concernant l'enseignement du latin, de la grammaire et
de l'orthographe.
Bède
le Vénérable mourut le jour de la fête de saint Augustin
de Cantorbéry, un 26 mai. Aussi fut-il fêté en
Angleterre soit le 25 mai, soit le 27. Cependant son
culte ne fut pas célébré sur le continent malgré les
efforts de ses compatriotes, notamment ses anciens
élèves: Boniface et Alcuin qui le présentaient comme un
exemple pour tous les moines.
Maintenant quelques commentaires s'imposent tant Bède le
Vénérable est un saint d'une actualité étonnante. Des
documents anciens rapportent que Bède fut un modèle du
moine bénédictin sachant associer le travail, la
connaissance et la prière. Et Saint Bède le
Vénérable laissa de nombreux écrits fort intéressants
bien que très peu connus du grand public.
On a
écrit de lui que, sa réputation de piété et de science
était telle "que le Pape saint Serge 1er
(pape de 687 à 701) l'appela à Rome pour y travailler à
la solution d'épineuses difficultés qui s'étaient
élevées dans l'Église. Bède aussi écrivit beaucoup
d'ouvrages pour réformer les mœurs des fidèles et
pour soutenir et défendre la foi. Grande fut
l'estime universelle qu'il s'acquit ainsi: saint
Boniface, évêque et martyr, le proclamait la lumière de
l'Église; Lanfranc, (Archevêque
de Cantorbéry et réformateur de l'Église d'angleterre de
1070 à 1089) lui donna le titre de docteur des Anglais
et le Concile d'Aix-la-Chapelle celui de docteur
admirable. Il arriva que, même de son vivant, on lut
publiquement ses écrits dans les églises, et comme alors
on ne pouvait lui attribuer le titre de saint, on lui
donna celui de vénérable qui lui resta toujours
attaché…"
Et voici qui est très important: les homélies de Bède
habituèrent les fidèles à célébrer dans la joie les
mystères de la foi et de la vivre de manière cohérente
en attendant le retour du Seigneur... Selon
l'enseignement de Bède, les pasteurs "devaient se
consacrer avant tout à la prédication, qui ne doit pas
se limiter aux sermons mais recourir à la vie des saints
et aux images religieuses, aux processions et aux
pèlerinages". Les personnes consacrées doivent
s'occuper de l'apostolat, "en collaborant à l'action
pastorale des évêques en faveur des jeunes communautés
et en s'engageant dans l'évangélisation". Selon
Bède le Vénérable, "le Christ attend une Église
active... qui défriche de nouveaux terrains de
culture..., qui insère l'Evangile dans le tissu social
et dans les institutions culturelles". Il
encourageait aussi "les laïcs à l'assiduité dans la
formation religieuse... et leur expliquait comment prier
de manière constante... en faisant de leurs actions une
offrande spirituelle en union avec le Christ".
Incontestablement, tout cela se passe de commentaires…
Paulette
Leblanc |