Aphraate le Syrien
Persan, Anachorète à Antioche de Syrie, Saint
(début du IV siècle-345)

29

JANVIER

Nous ne connaissons que très peu de choses d'Aphraate le Syrien, parfois dénommé "le Sage persan". C'est grâce aux œuvres écrites qu'il a laissées, dont les Démonstrations, que nous le connaissons. Le pape Benoît XVI, dans l'une de ses catéchèses, parla des églises syriaques du IVe siècle, églises du Moyen-Orient et de langue sémitique. Il précisa que ces églises, où l'ascétisme et la vie communautaire régnaient, avaient exercé un rôle important dans le développement de la pensée théologique et spirituelle. C'est ainsi qu'il fut conduit à parler de saint Aphraate.

Il est possible qu'il y ait eu, vers la même époque, deux sages persans nommés Aphraate. Les documents utilisés par les historiens ne concordant pas, nous vous parlerons du saint ascète dont la vie nous semble la plus authentique. Aphraate, dit le Syrien, ou le Sage, serait né de parents païens et il serait peut-être mort vers 345, lors de la persécution des chrétiens sous SHAPUR II, roi des Sassanides, ou de PERSE. Converti au Christianisme, Aphraate serait devenu ascète puis peut-être évêque. Il vécut probablement dans la région de NINIVE-MOSSOUL aujourd'hui l'Irak. Aphraate est, avec Éphrem de Nisibe, le plus ancien auteur de la littérature chrétienne syriaque. Il est l'auteur de vingt-trois lettres, intitulées Démonstrations ou Exposés, documents destinés à l'instruction des chrétiens. Leur rédaction s'échelonnerait de 336 ou 337, à 354.

Nous venons de voir qu'Aphraate est surtout connu grâce à 22 exposés que nous avons de lui et qui sont connus sous le nom de "Démonstrations", ou d'"exposés". Dans ces documents, Aphraate traite de divers thèmes de la vie chrétienne, comme la foi, l'amour, le jeûne, l'humilité, la prière, la vie ascétique elle-même, et également le rapport entre judaïsme et christianisme, entre Ancien et Nouveau Testament. Ce dernier thème était adressé aux "Fils de l'Alliance",  les chrétiens qui, le jour de leur baptême s'engageaient, par une promesse, à suivre le Christ dans l'ascèse et le célibat. Ces chrétiens vivaient en groupes informels au milieu de la communauté ecclésiale, et ils assuraient, entre autres, les fonctions de portiers, de catéchistes, d'enseignants, de lecteurs et de chantres. La langue des écrits d'Aphraate est la langue syriaque, une langue sémitique comme l'araméen parlé par Jésus lui-même. Un 23ème exposé raconte l’histoire des générations jusqu’au Messie.

La communauté ecclésiale dans laquelle vivait Aphraate cherchait à rester fidèle à la tradition judéo-chrétienne. Elle conservait un lien étroit avec le monde juif et avec ses Livres sacrés. Ainsi, Aphraate peut être considéré comme "disciple de l'Écriture Sainte", de l'Ancien et du Nouveau Testament qu'il considère comme son unique source d'inspiration.  Aphraate développe plusieurs arguments dans ses Démonstrations. Fidèle à la tradition syriaque, il présente souvent le salut accompli par le Christ comme une guérison et, donc, le Christ lui-même comme un médecin. En revanche, il considère le péché comme une blessure que seule la pénitence peut guérir: ainsi, je cite: "celui qui a été blessé par Satan ne doit pas avoir honte de reconnaître sa faute et de s'éloigner d'elle, en demandant le remède de la pénitence." (Démonstrations 7, 3)

Un autre aspect de l'œuvre d'Aphraate est son enseignement sur la prière, et en particulier sur le Christ; il écrivit: "Notre Sauveur nous a enseigné à prier, en disant: 'Prie dans le secret Celui qui est caché, mais qui voit tout'.” Et encore: “Entre dans ta chambre et prie ton Père dans le secret, et le Père qui voit dans le secret te récompensera” (Mt 6, 6)... "Ce que notre Sauveur veut montrer est que Dieu connaît les désirs et les pensées du cœur." (Démonstrations 4, 10)

Pour être plus précis, disons que, selon la catéchèse de Benoît XVI, pour Aphraate, la vie chrétienne est centrée sur l'imitation du Christ, sur le fait de prendre son joug et de le suivre sur la voie de l'Évangile. Une des vertus qui s'adapte le mieux au disciple du Christ est l'humilité. Celle-ci n'est pas un aspect secondaire dans la vie spirituelle du chrétien, c'est Dieu qui l'exalte pour sa propre gloire. Aphraate estimait que l'humilité n'était pas une valeur négative; il écrivit: "Si la racine de l'homme est plantée dans la terre, ses fruits croissent devant le Seigneur de la grandeur." (Démonstrations 9, 14) De plus, restant humble, même dans la réalité terrestre dans laquelle il vit, le chrétien peut entrer en relation avec le Seigneur: Aphraate ajoute: "L'humble est humble, mais son cœur s'élève à des hauteurs éminentes. Les yeux de son visage observent la terre et les yeux de l'esprit, les hauteurs éminentes." (Démonstr 9, 2)

Benoît XVI peut alors préciser, dans sa catéchèse, que la vision qu'Aphraate a de l'homme et de sa réalité corporelle est très positive. Ainsi, le corps de l'homme, à l'exemple du Christ humble, est appelé à la beauté, à la joie, à la lumière. Et Benoît XVI de citer: "Dieu s'approche de l'homme qu'il aime, et il est juste d'aimer l'humilité et de rester dans la condition d'humilité. Les humbles sont simples, patients, aimés, intègres, droits, experts dans le bien, prudents, sereins, sages, calmes, pacifiques, miséricordieux, prêts à se convertir, bienveillants, profonds, pondérés, beaux et désirables." (Démonstrations 9, 14). De plus, toujours selon Aphraate, la foi rend possible une charité sincère, qui s'exprime dans l'amour envers Dieu et envers le prochain.

Un autre aspect important chez Aphraate est le jeûne, qu'il entend au sens large. Il parle du jeûne de la nourriture comme d'une pratique nécessaire pour être charitable, et du jeûne constitué par la continence en vue de la sainteté. Aphraate parle aussi du jeûne des paroles vaines, du jeûne de la colère, du jeûne de la propriété des biens en vue du ministère, du jeûne du sommeil pour s'appliquer à la prière. Selon lui, la prière se réalise lorsque le Christ demeure dans le cœur du chrétien, et l'invite à un engagement cohérent de charité envers son prochain. Il écrit en effet: "Apporte le réconfort aux accablés, visite les malades, sois plein de sollicitude envers les pauvres: telle est la prière. La prière est bonne, et ses œuvres sont belles. La prière est acceptée lorsqu'elle apporte le réconfort au prochain. La prière est écoutée lorsque dans celle-ci se trouve également le pardon des offenses. La prière est forte lorsqu'elle est remplie de la force de Dieu » (Démonstrations 4, 14-16).

Je dois ajouter que, pendant les violentes persécutions de 341, Aphraate  eut le souci, vers 344, de définir les rapports entre le christianisme et le judaïsme, très présents à cette époque, en Mésopotamie. Pourtant, l'œuvre d'Aphraate n'a été connue en Occident que grâce à une traduction arménienne du V siècle. Notons ici, que les textes d'Aphraate  sont très proches de ceux du Concile de Nicée de 325. Ainsi, le Credo d'Aphraate rappelle les professions de foi judéo-chrétiennes primitives. Je cite: "Il faut croire en Dieu le Seigneur de toutes choses, qui a créé le ciel et la terre et les mers et tout ce qu'ils contiennent. Il a fait Adam à son image; il a donné sa Loi à Moïse; il a envoyé son Esprit sur les prophètes; ensuite il a envoyé son Christ dans le monde. Il faut croire en la résurrection des morts. Il faut croire dans le sacrement du baptême. Telle est la foi de l'Église de Dieu."

Aphraate, dans ses Démonstrations parle également de l'organisation de l'Église d'Orient de son époque et des sacrements, notamment du baptême, qui remplace la circoncision et est conféré la nuit de Pâques; la confirmation est donnée à la suite du baptême. Aphraate parle aussi de l'Eucharistie, de la pénitence, de l'onction des malades et de l'Ordre. Mais le mariage n'est pas cité.

Aphraate est un des personnages les plus importants du christianisme syriaque du IV siècle. On pense qu'il devint évêque, et les évêques syriens d'alors, étaient traditionnellement choisis parmi ceux qu’on appelait "les proches" de Jacques, ou les frères du Seigneur. Saint Aphraate est fêté le 29 janvier ou le 21 novembre.

Paulette Leblanc

 

 

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