Anna
Schäffer naquit le 18 février 1882, à Mindelstetten,
petite commune de la Haute Bavière, en Allemagne. Sa
famille, nombreuse, était très modeste; le père d'Anna,
menuisier du village, mourut à l'âge de 40 ans, laissant
la famille, dans une grande pauvreté. Cependant, la
maman éduquait ses enfants très chrétiennement. Elle
était fidèle aux prières du matin, de midi et du soir,
et la famille assistait à la Messe chaque dimanche et
fête, et parfois aussi en semaine lorsque c'était
possible.
Anna
était une enfant discrète, douce et timide, douée pour
l'étude et habile aux besognes manuelles. Encore très
jeune, Anna rêvait d'être religieuse, et, dès sa
première communion, elle offrit sa vie "au Sauveur".
Mais, en 1896, après la mort de son père, comme elle
devait payer son trousseau pour entrer dans un ordre
missionnaire, elle dut se mettre à travailler. Anna fut
embauchée comme servante d'abord, à Ratisbonne chez une
pharmacienne, puis à Landshut, chez un conseiller auprès
du tribunal d'instance.
En
juin 1898, Anna reçut, via un saint, un appel de Jésus:
elle devait avant d'avoir ses vingt ans, et pour
longtemps, beaucoup souffrir. Comme elle venait de se
consacrer à Marie, elle s'engagea dans une maison
forestière à Stammham. C’est là, le 4 février 1901, dans
la buanderie de la maison, que son martyre commença.
Tandis qu'elle faisait la lessive avec sa compagne Wally
Kreuzer, le tuyau de poêle qui passait au-dessus de la
lessiveuse, se détacha du mur. Anna monta sur un muret
tout proche, pour raccrocher le tuyau. Soudain, elle
perdit l'équilibre et tomba dans l'eau bouillante de la
lessiveuse. Gravement brûlée aux jambes, elle dut subir
plus de 30 opérations et passera le reste de sa vie,
soit environ 20 ans, avec des pansements que l'on
renouvelait chaque semaine. Dès le mois de mai 1902 elle
sut qu'elle serait invalide à vie; en effet, malgré de
nombreuses interventions chirurgicales, aucune greffe de
peau ne put réussir. Anna dut renoncer à la vie
religieuse.
Anna
ne se résigna pas facilement à son sort. Elle criait sa
souffrance et s'accrochait à l'espoir de guérir.
Cependant, l'école de la Croix la faisait grandir
spirituellement. Son directeur spirituel, le Curé de
Mindelstetten, l'abbé Rieger, témoignera: il ne l'avait
jamais entendu se plaindre. Malgré ses douleurs
incessantes, Anna était fortifiée par Dieu et
spécialement par la Sainte Eucharistie. Parlant de la
souffrance, dans sa Lettre Apostolique SALVIFICI
DOLORIS, paragraphe 26, le pape Jean-Paul II écrivit:
"C'est avec des dispositions différentes que les hommes
abordent leur souffrance. On peut cependant affirmer
d'emblée que chaque personne entre presque toujours dans
la souffrance avec une protestation tout à fait humaine
et en se posant la question: 'Pourquoi?' Chacun se
demande quel est le sens de la souffrance et cherche une
réponse à cette question au plan humain. Il adresse
certainement maintes fois cette interrogation à Dieu et
il l'adresse aussi au Christ. En outre, la personne qui
souffre ne peut pas ne point remarquer que celui auquel
elle demande une explication souffre lui-même et qu'il
veut lui répondre de la Croix, du plus profond de sa
propre souffrance. Pourtant, il faut parfois du temps,
et même beaucoup de temps, pour que cette réponse
commence à être perçue intérieurement... Le Christ
n'explique pas abstraitement les raisons de la
souffrance, mais avant tout il dit:
-Suis-moi! Viens! Prends part avec ta souffrance à cette
œuvre de salut du monde qui s'accomplit par ma propre
souffrance! Par ma Croix!
Au fur et à mesure que l'homme prend sa croix, en
s'unissant spirituellement à la Croix du Christ, le sens
salvifique de la souffrance se manifeste davantage à
lui?"
Ceci
s'applique exactement à ce que vécut Anna Schäffer. Mais
revenons à elle. La pauvreté d'Anna et de sa mère était
très grande, mais Anna qui, après plusieurs révoltes,
avait reconnu la volonté de Dieu s'abandonna et offrit
ses souffrances à Dieu, comme un sacrifice destiné à
partager celles de Jésus, crucifié par amour pour tous
les hommes. Et la vie d'Anna devint une vie de prière,
de pénitence et d'expiation. Le curé du village, le Père
Karl Rieger, son directeur spirituel, lui apportait
l'Eucharistie chaque jour, et comme plusieurs personnes
du village, il l'aidait matériellement. Anna était très
aimée par les gens de son village qu'elle réconfortait
et pour qui elle priait. Elle accueillait aussi les
enfants qu'elle catéchisait; elle leur parlait de la
Vierge Marie et des saints.
Les journées d'Anna
s'écoulaient dans la prière, la couture et l'écriture.
Parlant de sa vie de grande handicapée, elle disait
souvent: "J'ai trois clefs du paradis: la plus grande
est de fer brut et pèse lourd: c'est ma souffrance. La
seconde est l'aiguille à coudre, et la troisième est le
porte-plume." En effet Anna faisait des travaux de
couture, et elle aimait particulièrement broder des
représentations du Sacré-Cœur. Elle disait:
"Dans les heures de
souffrance et dans les nombreuses nuits sans sommeil, je
me place en esprit devant le tabernacle et je m'offre au
Sacré-Cœur de Jésus, en expiation et en réparation. Oh!
Comme le temps alors passe alors vite pour moi!
Cœur-Sacré de Jésus, caché au Saint-Sacrement, je vous
remercie pour ma croix et mes souffrances, en union avec
les actions de grâces de Marie, la Mère des Douleurs."
Anna
bénéficia de visions célestes. Ainsi, nous savons que
depuis 1901, elle voyait son ange gardien. Elle le
voyait d'une beauté indescriptible; il se tenait à sa
droite, et elle l'appelait "mon plus fidèle Ami".
Tertiaire de Saint François, elle reçut, le 4 octobre
1910, les stigmates de la Passion de Jésus, mais elle
obtint plus tard la grâce qu'ils deviennent invisibles.
Parlant de ses grandes souffrances qui allaient jusqu'à
l'empêcher de parler, elle écrivit dans ses notes: "Oh!
Quel bonheur et quel amour sont cachés dans la croix et
la souffrance!... Je ne suis pas un quart d'heure sans
souffrir, et depuis longtemps je ne sais plus ce que
c'est que d'être sans douleur... Souvent, je souffre
tant, que je peux à peine dire un mot; à ces moments, je
pense que mon Père des Cieux doit m'aimer
particulièrement." Les habitants du village, qui
l'aimaient beaucoup, se relayaient parfois pour la
transporter aux Offices de la paroisse.
Trois ans avant sa mort, Anna dut interrompre ses
travaux de couture. En effet, en 1923, elle eut une
extase et vécut les événements du Vendredi Saint. Son
état se détériora encore plus: paralysie complète des
jambes, crampes atroces et cancer du rectum. Cinq
semaines avant sa mort, elle chuta de son lit et se
fractura le crâne; elle perdit l'usage de la parole et
devint presque aveugle. Ses souffrances, durant les
trois dernières années de sa vie étaient telles que tout
le monde se demandait comment un être humain pouvait
supporter une telle torture physique. De plus, comme on
ne pouvait plus la transporter, elle ne pouvait plus
assister à la messe. Le 16 mars 1922, elle avait écrit:
"Ma vie s'éteint peu à peu dans la souffrance...
L'Éternité se rapproche sans cesse; bientôt, je vivrai
de Dieu, qui est la Vie même. Le Ciel n'a pas de prix,
et je me réjouis chaque minute de l'appel du Seigneur
vers la patrie infiniment belle." Après avoir
communié une dernière fois, elle mourut le 5 octobre
1925 en murmurant: "Seigneur Jésus, je vous aime."
Elle avait 43 ans.
Anna
Schäffer fut béatifiée le 7 mars 1999 par le pape
Jean-Paul II. Elle fut canonisée le 21 octobre 2012,
par le pape Benoît XVI. Sa fête est le 5 octobre.
Immédiatement après sa mort, beaucoup de personnes
vinrent sur son tombeau pour l'implorer et demander son
aide. Avant même le jugement officiel de l'Église, on
venait de partout jusqu'à son tombeau, de Bavière puis
de toute l'Europe pour implorer son aide. Depuis 1929,
on estime que plus de 15 000 grâces auraient été
obtenues grâce à son intercession. En 1998, 551 grâces
obtenues par son intercession furent recensées dans la
paroisse de Mindelstetten. Au cours de l'homélie qu'il
prononça lors de sa béatification, le pape Jean-Paul II
déclara que "son lit de malade était devenu le
berceau d'un apostolat étendu au monde entier."
Certes, elle avait dû lutter pour comprendre que la
faiblesse et la souffrance sont les pages sur lesquelles
Dieu écrit son Évangile. Anna, qui ne pouvait pas
quitter son lit, était devenue "le
berceau d'un apostolat étendu au monde entier."
Mes
chers amis, je dois ajouter ici que, de 1910 à 1925,
Anna Schäffer écrivit ses pensées sur douze carnets; de
plus, 183 lettres d'elle ont été conservées. Son
langage, très simple, permet de découvrir une âme pleine
de foi en Jésus crucifié, mort et ressuscité. De plus,
Anna Schäffer se savait en Communion avec tous les élus
de Dieu. La confiance qu'elle avait en Dieu rayonnait
d'elle et incitait les visiteurs qui venaient à elle, à
lui confier leurs peines et leurs détresses, et à
demander ses conseils. Sa charité envers le prochain
faisait sortir Anna de son silence habituel, et elle
trouvait toujours les paroles capables de réconforter.
Ensuite, elle priait inlassablement à toutes les
intentions de ceux qui étaient venus la rencontrer.
Pour conclure, rappelons
ce que déclara le pape Jean-Paul II le 7 mars 1999, lors
de la béatification d'Anna Schäffer: "Si nous
tournons notre regard vers la bienheureuse Anna Schäffer,
nous lisons dans sa vie un vivant commentaire de ce qu'a
écrit saint Paul aux Romains (Rm 5, 5) Je cite:
'L'espérance ne déçoit point, parce que l'amour de Dieu
est répandu dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a
été donné.' Et Jean-Paul II poursuit:
Certes, la lutte pour
s'abandonner à la volonté de Dieu n'a pas été épargnée à
Anna. Mais il lui a été donné de comprendre toujours
mieux que, justement, la faiblesse et la souffrance sont
les pages sur lesquelles Dieu écrit son Évangile... Son
lit de malade était devenu le berceau d'un apostolat
étendu au monde entier."
Il
faut ajouter qu'Anna, contrairement à la médiocrité
ambiante, suivait vraiment le Christ souffrant. Elle est
un exemple vivant, afin que les hommes pensent davantage
à leur salut éternel qu'à leur confort et aux plaisirs
terrestres.
Paulette
Leblanc |