Sainte
Angèle de Foligno naquit en 1248, à Foligno, petite
ville commerçante italienne située à 17 km d'Assise,
dans la province de l'Ombrie. Sa famille, riche, la
maria alors qu'elle avait vingt ans. Sa situation
sociale, très aisée, lui fit connaître une vie mondaine
et si frivole qu'elle abandonna toute pratique des
sacrements bien qu'elle ait eu plusieurs fils à qui elle
aurait dû donner l'exemple. Mais tout changea quand elle
atteignit la quarantaine. Tous les membres de sa famille
moururent: son père, sa mère, son mari et ses enfants.
C'est alors qu'elle se convertit.
Angèle
aurait d'abord voulu se confesser, mais elle avait
commis tellement de péchés qu'elle n'osa pas les avouer
tous à un prêtre. Elle alla ensuite communier, sachant
pourtant que cette communion était sacrilège puisqu'elle
avait caché certains péchés lors de sa confession. C'est
alors qu'elle eut une vision de François d'Assise, mort
vingt ans avant sa naissance. Très impressionnée, elle
entra immédiatement dans la voie de la pénitence pour
expier ses nombreuses fautes. Elle n'avait plus qu'un
désir: en réponse d'amour, accorder sa vie à celle du
Christ. En conséquence, elle passait chaque jour de
longues heures en prière; elle multipliait les
mortifications et distribua son argent aux pauvres. Tout
le monde, autour d'elle, la croyait devenue folle.
Angèle
convertie et enflammée par l'amour du Christ, était
entrée dans la voie de la pénitence. Elle n’avait plus
qu’un désir: répondre à l'Amour du Christ qui pour elle
était mort sur la croix, par une vie semblable à celle
du Christ. Pour cela, en 1291, Angèle entra dans le
Tiers Ordre de Saint François. En effet, totalement
transformée en amour elle comprenait la nécessité de
partager la compagnie du Christ, c’est-à-dire sa
pauvreté, sa douleur, son état méprisé et son obéissance
véritable. À plusieurs reprises le Christ lui apparut,
en particulier dans certaines visions dramatiques de sa
Passion. Un jour, un Jeudi Saint, Angèle de Foligno
entendit le Christ prononcer cette phrase qui la
bouleversa: "Ce n'est pas pour rire que je t'ai
aimée." Autrefois bourgeoise très frivole, Angèle de
Foligno était devenue une très grande mystique.
Totalement
transformée en amour, Angèle pénétra dans les abîmes de
l’Amour divin et de sa propre incapacité. Elle sentait
la présence du Christ dans son âme, présence qui,
écrivit-elle, “embrase l’âme d’un feu ardent... mais
d’un feu de doux amour.” Ici, une remarque
s'impose: les visions du Christ crucifié qui se
manifestaient parfois, pour Angèle, à travers des crises
violentes, tant leur réalisme était grand, effrayaient
ses amis. Même les Frères Mineurs, disciples de saint
François, se méfièrent d'elle, d'autant plus qu'elle
prenait part aux controverses qui opposaient, dans
l'Ordre franciscain, les partisans d'une pauvreté
mitigée et ceux qui étaient favorables à une application
stricte de l'idéal franciscain primitif.
Quoique
toujours favorisée de grâces extraordinaires, les
dernières années de la vie d'Angèle seront plus
paisibles, et, dira-t-on, "Elle semblait jouir du
bonheur céleste."
Angèle de
Foligno mourut en 1309. Elle est considérée comme l'une
des grandes mystiques du 13ème siècle
reconnues par l'Église. Elle fut déclarée bienheureuse
par le pape Clément XI le 11 juillet 1701. Elle fut
canonisée le 9 octobre 2013, par le pape François. Sa
fête est le 4 janvier.
Voyons
maintenant ce que fut la sainteté d'Angèle de Foligno.
L’influence d’Angèle ne s’est pas seulement exercée sur
le petit groupe de ses disciples; elle a inspiré
plusieurs des écrits de Sainte Thérèse d’Avila. De plus,
Saint François de Sales, Saint Alphonse de Liguori,
Jean-Jacques Olier font également référence à Angèle de
Foligno. Ainsi, les “vingt premiers pas” d’Angèle
exposent sa conversion. Le premier pas est la
connaissance du péché car à cause de son péché l’âme
craint d'être damnée. Puis, le repentir et la peur de
l’enfer conduisent à la pénitence et au douloureux
"chemin de la croix" qui, du huitième au quinzième pas,
la conduira ensuite sur le chemin de l'amour. Mais
Angèle "ne sent pas l'amour"; elle affirme:
"l'âme éprouve de la honte et de l'amertume et elle ne
fait pas encore l'expérience de l'amour, mais de la
douleur."
Viennent
ensuite les extases et les révélations sur la Passion et
l’amour de Dieu pour l’humanité. Un jour, Angèle
entendit: “Ma fille... mon temple, mon délice, le
Cœur de Dieu tout-puissant se tient maintenant sur ton
cœur.” Dieu dit encore: “Il est si grand l’Amour
que j’ai pour l’âme qui m’aime sans malice!... Vois s’il
est en Moi autre chose que de l’Amour.”
C'est que,
"Dieu incréé aime totalement et veut être aimé
totalement.
Si l’âme Lui donne tout son cœur, Il l’accepte
totalement."
Un texte
inspiré, écrit en latin, vibrant d'amour tout en étant à
la fois humble et impétueux dans l'expression des
grandes visions exprimées, nous a transmis
l'enseignement d'Angèle. Connu sous le nom Le Livre
d'Angèle de Foligno, il est considéré comme un
chef-d'œuvre de la littérature mystique. C'est que cet
ouvrage est le témoignage d'une expérience vécue: celle
de l'irruption de Dieu dans l'existence d'une femme qui,
ayant perdu tous ses êtres chers, se laissa perdre
elle-même dans l'amour du Christ.
Voici
maintenant quelques citations des paroles de Dieu à
Angèle de Foligno, paroles qui ont été consignées par un
de ses disciples, et qui constituent le ”Livre
d’Angèle de Foligno”.
La grande
grâce d'Angèle fut l'amour de Jésus crucifié. La
contemplation des souffrances du Sauveur lui devint si
familière, que la vue d'un crucifix provoquait
spontanément chez elle des torrents de larmes: "Quand
je méditais sur la Passion, dit-elle, je
souffrais le supplice de la Compassion; j'éprouvais dans
les os et les jointures une douleur épouvantable et une
sensation comme si j'avais été transpercée corps et
âme."
Lorsque le
Christ en croix lui apparaissait pour l'inviter à
contempler ses plaies, elle en éprouvait une telle
souffrance qu'elle désira partager la Passion de son
Seigneur. Un jour, au cours d'une vision sur la Passion,
le Christ la prit dans ses bras en disant: "j'ai
voulu naître pour toi, et pour toi, m'abaisser à un tel
degré d'indignité et d'abjection qu'en retour, tu dois
naître à Dieu et mourir à tes vices." Et Jésus
l'exhorta à répandre l'amour qu'elle portait en elle, en
lui disant: "Je veux que tu sois utile à tous les
hommes."
La
contemplation de la Croix du Christ engendre l'humilité.
En effet, souvenons-nous que Jésus, au cours de sa vie
publique avait dit de Lui: “Apprenez de moi... que Je
suis doux et humble de cœur.” Pour Jésus, l’humilité
du cœur est le fondement et la racine de toutes les
vertus. Jésus dit donc à Angèle: "Regarde maintenant
l’humilité." Et Angèle vit la profondeur de
l’humilité de Dieu à l’égard des hommes. Plus tard elle
apprendra que “ni abstinence, ni austérité, ni
pauvreté extérieure,... ni miracles ne sont quelque
chose sans l’humilité de cœur. Mais l’abstinence sera
bénie,... l’austérité,... les œuvres seront bénies et
vivantes si elles sont fondées sur l’humilité.” Et
Angèle dira à ses amis: “Plus la grâce divine plonge
l’âme dans l’humilité, plus cet approfondissement de
l’humilité fait grandir la grâce divine.”
Cette grâce
divine, le plus grand don de Dieu, c'est l'Amour. C'est
ainsi qu'Angèle, à la fin de sa vie, pouvait, par
expérience, parler des degrés de l’amour et des dons
spéciaux de la bonté divine, dont le plus grand est
l’Amour. ”Dieu incréé aime totalement et veut être
aimé totalement... Si l’âme Lui donne tout son cœur, Il
l’accepte totalement... Alors la vertu de l’Amour
transforme l’amante en l’Aimé et l’Aimé en l’amante,
c’est-à-dire que l’âme, embrasée de l’Amour divin, se
transforme par la vertu de l’Amour en Dieu, son
Bien-Aimé... Comme le fer embrasé prend la forme du
feu... comme il se donne totalement et pas en partie, et
qu’il accepte d’être embrasé tout en demeurant
substantiellement en lui-même, ainsi l’âme, unie à Dieu
et avec Dieu par le feu parfait de l’Amour divin, se
donne pour ainsi dire totalement et se jette en Dieu…
Angèle peut alors parler du Don suprême de l’Être
suprême qui est l’Amour: “Bien suprême qui a daigné
nous faire le connaître et nous fait aimer un tel
Amour...”
Mais de
l'Amour va naître la souffrance; en effet, ”Plus nous
voyons Jésus-Christ, Dieu et homme, plus nous sommes
transformés par Lui en amour... et nous sommes ainsi
transformés dans la douleur que l’âme voit en
Jésus-Christ.” Car, pour Angèle, l’amour de Jésus
et l’amour pour Jésus, sont indissociables de la
souffrance. “Ceux qui sont affligés et éprouvés
intérieurement et extérieurement, c’est le signe qu’ils
sont aimés de l’Aimé... il n’est pas réservé d’autre
voie aux fils de Dieu, sinon la voie et la vie de ce
Dieu-homme de douleur.” Mais l’âme transformée par
l’Amour “est incendiée d’un feu divin... elle est
transformée dans le Dieu-homme lui-même... “ Et
Angèle conseille: ”Transformez-vous de tout votre
être en ce Dieu-homme de douleur qui vous a tant
aimés... C’est uniquement pour toi qu’Il s’est tellement
abaissé Lui-même, pour t’exalter... par amour pour toi.”
Dès lors,
Jésus multiplia pour Angèle, les tendres paroles
d’amour: “Je suis plus intime à ton âme qu’elle ne
l’est à elle-même... Qui voudrait parler avec Moi, c’est
avec la plus grande joie que Je parlerai avec lui..."
Et Angèle comprit que l’Amour ineffable de ce
Dieu-homme, se manifeste surtout dans l’Eucharistie,
Sacrement de l’Amour par lequel Il peut demeurer tout
entier avec nous et pour toujours. Dans l’Eucharistie
l’âme découvre Dieu incréé, “elle découvre le Christ
avec son âme, sa chair et son sang, et avec tous les
membres de son très saint Corps...” L’âme découvre
le sommet de la bonté divine et le sommet de la charité
humaine: “Elle découvre dans cet abîme humain et
divin non seulement l’infinie bonté divine, mais aussi
la suprême et inouïe charité humaine de la part du
Christ... pour la plus grande consolation de toute âme
fidèle, et pour le réconfort et l’aide, dans cette vie
présente, de toute l’Église militante.” Mais, de
cette merveille on ne peut approcher que si l’on est
très pur, “avec grande crainte et avec grand amour...
l’âme doit avancer toute lavée et parée, car elle
approche de Celui et de ce qui est la béatitude
parfaite, la vie éternelle, la beauté, la hauteur, la
douceur, tout l’Amour et la douceur de l’Amour.”
Au sommet
de son ascension, Angèle connut alors la "certitude
de Dieu". Elle disait: "Mon âme ne voit rien, et
elle voit absolument tout." Elle nous fait ainsi
goûter à l'expérience parfaite de Dieu dans les suprêmes
ténèbres. Car Dieu permet parfois aux tempêtes de venir
pendant que Lui semble dormir. C’est ainsi que durant
deux années, de 1294 à 1296, Angèle, qui connaîtra des
périodes de grande union intime avec Dieu, ressentira
aussi des moments de désespoir intense, ou des
sentiments de total abandon. Dieu en effet, permet
parfois qu’une personne qu’Il aime soit totalement
broyée et piétinée; Il le fait surtout pour ses fils les
plus aimés... Mais cette transformation n’est pas
continue et l’âme, “est prise par le désir de
chercher tous les modes possibles de se transformer dans
la volonté de l’Aimé afin de le retrouver…" Cela,
c'est l'union à Dieu.
C’est ce
que fit Angèle pour conformer son cœur “au Cœur du
très doux Jésus.”
Paulette
Leblanc |