Tout
d'abord il est important de signaler qu'on ne peut pas
séparer la vie d'Alix Le Clerc de celle de saint Pierre
Fourier, car c'est ensemble qu'ils fondèrent la
Congrégation des Sœurs de Notre-Dame consacrée à
l'éducation des jeunes filles pauvres. Nous avons parlé
de Saint Pierre Fourier récemment car sa fête est le 9
décembre. Aujourd'hui nous nous consacrons à Alix le
Clerc.
Alix
Le clerc naquit le 2 février 1576, à Remiremont dans les
Vosges, dans le duché de Lorraine, alors indépendant de
la France. Son père, Jean Le Clerc, Seigneur de Roville-aux-Chênes
dont la famille avait été anoblie en 1512 par le duc de
Lorraine Antoine de Lorraine avait épousé Anne Sagay,
descendante d'une ancienne famille d'Épinal. Unique
enfant de cette famille riche, et bien qu'elle ait été
élevée dans la piété et la civilité, selon l'usage de
son milieu, Alix vécut d'abord une vie très insouciante.
Belle jeune fille, elle aimait la vie, la danse et les
danseurs. Pourtant, un historien disait d'elle: "D'un
naturel
doux et accommodant,
d’un abord agréable, avec une modestie qui donnait de
l’admiration, accompagnée d’une certaine gravité, grâce
et douceur, qui la faisait craindre et aimer. Sa
présence donnait du respect et de la retenue à ceux qui
conversaient avec elle."
Alix le Clerc plaisait au
monde et elle avait senti naître en elle le désir de
plaire, mais elle savait se faire respecter.
Après une maladie grave, de pieuses lectures l'amenèrent
à réfléchir sur la futilité de sa vie
et son inutilité. C'est alors que, son
père ayant dû, pour des raisons de santé, quitter
Remiremont, Alix accompagna ses parents jusqu'à un petit
village dépendant de la cure de Mattaincourt. Elle avait
18 ans. Là, elle rencontra le jeune curé récemment
arrivé à Mattaincourt, Pierre Fourier qui devint son
confesseur et son directeur spirituel.
Curieusement, vers la même époque, Alix pensait beaucoup
à l'éducation qu'il faudrait donner aux petites filles
pauvres dont personne ne s'occupait. Elle a écrit: "Quand
je priais Dieu, il me tombait toujours en l’esprit qu’il
me faudrait faire une nouvelle maison de filles pour y
pratiquer tout le bien qu’on pourrait."
Plus tard, elle eut une vision dans laquelle il lui
sembla qu'elle ramassait des petites pailles abandonnées
que d'autres regardaient avec mépris, et elle entendit
intelligiblement une voix qui lui disait:
"Je veux que ces petites
âmes, qui sont comme des enfants bâtards, délaissées de
leur mère, en aient une désormais en toi."
Alix
confia toutes ses pensées à son confesseur, le curé de
Mattaincourt qui, prudemment, lui demanda de trouver
d'abord quelques aides. C'est alors qu'une jeune fille,
Gante André, qui n'avait que dix sept ans, vint lui
confier le désir qu'elle avait de se consacrer à Dieu
avec elle, car lui dit-elle, "depuis sa tendre
enfance elle n'avait vécu que pour Dieu et pour les
pauvres, et son rêve était de se livrer tout entière à
l'action, pour étendre sur la terre le règne de
Jésus-Christ." Nous sommes en octobre 1597. Nos deux
jeunes filles vont se présenter ensemble à leur curé qui
leur demande d'attendre encore un peu. Bientôt trois
autres jeunes filles, apprenant leur démarche, vinrent
trouver Alix et s'ouvrirent à elle du dessein qu'elles
nourrissaient en silence. Cette fois leur curé accepta
leur démarche et le 20 janvier 1598, suite à une nuit
d'oraison et d'extase, le jeune curé prit sa résolution.
En effet, il était lui-même profondément ému à la vue
des dangers que faisait courir la réunion dans les mêmes
classes des garçons et des filles. Il jugea qu'il était
nécessaire d'avoir une Congrégation d'hommes pour
instruire des garçons et une Congrégation de femmes pour
instruire les filles. Et il décida l'institution
simultanée de deux Ordres, l'un de Religieux et l'autre
de Religieuses, qui seraient voués à l'enseignement
gratuit des enfants du peuple.
Mais
dans un premier temps Pierre Fourier échoua dans son
désir d'instituer une congrégation masculine. Il se
tourna donc vers les cinq jeunes filles, qui attendaient
sa décision pour elles. Avec l'approbation de l'évêque
de Toul, elles allèrent au village de Poussay près de
Mattaincourt; là elles bénéficièrent de la protection de
Madame d'Apremont, et elles purent établir les premières
bases de la future Congrégation de Notre-Dame, tout en
commençant à instruire les jeunes filles du village.
En
1600, Alix et ses compagnes revinrent à Mattaincourt,
grâce à la générosité de Madame d’Apremont, qui leur
acheta un local. Alix reçut du Père Fourier la direction
de la maison, et là, comme à Poussay, les élèves
affluèrent dans leur école… Le Père Fourier les
assistait autant qu'il le pouvait et insistait pour que
le catéchisme fût enseigné chaque jour. Lui-même, tous
les dimanches soir, il interrogeait les petites filles
et leur faisait dire des dialogues établis à partir du
catéchisme, avec les questions et les réponses utiles
pour instruire également le peuple qui venait de
partout.
Malgré le succès de cette première école, la foi et
l'enthousiasme de la communauté réunie autour d'Alix,
les difficultés ne manquèrent pas. Durant vingt-cinq
ans, avec Pierre Fourier, Alix connut de grandes
difficultés: nécessité de conserver l'esprit d'origine
de la Congrégation, élaboration des constitutions,
visite des maisons de plus en plus nombreuses en vue de
maintenir la vie spirituelle obligatoire à leur
apostolat et à l'éducation des jeunes filles. Enfin, le
21 novembre 1617, eut lieu la première émission
officielle des vœux et Alix Le Clerc prit le nom de Mère
Thérèse de Jésus.
Alix
fit de nombreux voyages entre les différentes
communautés qu'elle avait fondées; elle demandait
également des conseils auprès d'autres congrégations
afin d'améliorer sans cesse la vie spirituelle de ses
sœurs et l'enseignement à dispenser aux élèves. En
septembre 1621, Alix tomba gravement malade, et ne
quitta plus sa chambre, mais elle recevait de nombreuses
visites dont celles d'éminents personnages venus lui
demander son aide spirituelle. Le jour de l'Épiphanie
1622, trois jours avant sa mort, elle réunit sa
communauté et dit: "Je
me souviendrai de vous toutes devant Dieu. Pour votre
compte, conservez-vous toujours dans la plus entière
union, usant de charité les uns envers les autres, car
la charité et l'union sont les seuls moyens de maintenir
votre Ordre."
Alix
avait 46 ans.
Alix
Le Clerc s'éteignit le 9 janvier 1622, à Nancy. Pendant
trois jours, une foule nombreuse envahit le monastère
afin de prier devant la dépouille de celle que l'on
considérait déjà comme une sainte. Des miracles furent
attestés sur sa tombe, des guérisons qui déroutaient les
praticiens. Ces miracles furent consignés et publiés en
1666 dans un livre intitulé Vie de la Mère Alix Le
Clerc. Le décret de béatification d'Alix Le clerc
fut promulgué le 4 mai 1947 par le Pape Pie XII.
Voici un petit fait divers intéressant: Nous savons tous
que Jules Ferry qui fut plusieurs fois ministre au début
de la 3ème république, attacha son nom aux
Lois Scolaires et travailla également à la laïcité dans
les écoles de la République. Curieusement il pensait
probablement à Alix Le Clerc et à la fondation de ses
écoles lorsqu'il évoqua "la
naissance de l'instruction primaire en Lorraine, qui
constitua l'acte de naissance de l'enseignement des
filles en France."
Paulette
Leblanc |