Frères des Écoles Chrétiennes

Martyrs de Valencia
Hommes de Foi, Chemin d’Évangile
Béatifiés par Sa Sainteté Jean-Paul II, le 11 mars 2001

LA SEMENCE PLANTÉE PAR DE LA SALLE A GERMÉ
ET A PRODUIT DES FRUITS EN ABONDANCE DANS LE MONDE ENTIER

Julián Torrijo Sánchez Francisco Lahoz Moliner Pedro Lorente Vicente Leonardo Olivera Buera

 

 

S. S. Jean-Paul II, Dimanche 7 mai 2000, « Regina Cœli »
Piazza S. Pietro

Le siècle qui vient de prendre fin a été marqué par des ombres obscures, mais au milieu de celles-ci resplendissent de ra-dieuses lumières. Ce sont d’in-nombrables hommes et femmes chrétiens de toute confession, race et âge, qui ont témoigné de leur foi au milieu d’affreuses persécutions, dans les prisons, au milieu de privations de toute sorte, et un grand nombre d’en-tre eux ont versé leur sang pour rester fidèles au Christ, à l’Égli-se, à l’Évangile.

C’est la lumière même de Pâ-ques qui resplendit en eux; c’est de la résurrection du Christ, en fait, que les disciples reçoivent la force pour suivre le Maître à l’heure de l’épreuve. C’est pour-quoi, la commémoration a été programmée pour le temps li-turgique pascal, dont nous célé-brons aujourd’hui le troisième dimanche. Le lieu choisi pour cela parle par lui-même: Le Co-lisée, qui nous ramène au début du christianisme, période pen-dant laquelle beaucoup de chré-tiens de la première heure donnèrent leur « magnifique té-moignage », en devenant des se-mences de nouveaux croyants.

Évoquer les témoignages héroï-ques de foi du XXe siècle signifie préparer l’avenir, construire une base solide pour l’espé-rance.

Les générations nouvelles doi-vent savoir combien noble et précieuse est la foi qu’elles ont reçue en héritage, pour repren-dre avec reconnaissance la flamme de l’Évangile et, par elle, illuminer le siècle nouveau, le millénaire nouveau.

Les cinq bienheureux à qui nous dédions ces pages, étaient membres de l’Institut des Frères des Écoles Chrétiennes. Leur unique préoccupation était de suivre Jésus dans la vocation à laquelle il les avait appelés: se sanctifier en éduquant les enfants et les jeunes gens, en leur apprenant à vivre chrétiennement.

Lorsque la persécution religieuse commença en Espagne, ils travaillaient tranquillement dans les institutions éducatives de la Province Lasallienne de Barcelone. Ils se rendirent à Valencia pour remplir une obligation relative à leur travail éducatif, et le Seigneur les appela pour qu’ils lui donnent un témoignage suprême. Leurs bourreaux ne les connaissaient pas. En apprenant que c’étaient des religieux, ils trouvèrent cela comme motif suffisant pour les arrêter et les exécuter.

Les Martyrs sont signe de l’Eglise, Corps du Christ, qui continue à être persécutée et condamnée à mort dans ses membres, mais ceux-ci gardent leurs regards fixés sur l’aube glorieuse de la résurrection.

Telle est la leçon que nous donnent les Martyrs, autant ceux d’hier que ceux d’aujourd’hui. Nous devons être disposés à imiter leur générosité.

Les Frères

Les Frères Florencio Martín, Bertrán Francisco, Ambrosio León, Elías Julián, Donato Andrés et le Père Leonardo O. Bruera, aumônier du collège de la Bonanova, donnèrent leur vie pour être fidèles à leur condition de ministres et ambassadeurs de Jésus Christ.

Tout en sachant que l’affirmation de leur condition de religieux les conduirait à la mort, ils n’hésitèrent pas à confesser leur foi en Jésus et leur appartenance à l’Institut des Frères des Écoles Chrétiennes.

Ces cinq Frères, maintenant nouveaux Bienheureux, auxquels nous consacrons ces pages en souvenir et hommage, n’avaient d’autre souci que de suivre Jésus dans la vocation à laquelle Il les avait appelés: chercher le salut des enfants et des jeunes par le moyen de l’éducation chrétienne, pour qu’ils se réalisent pleinement comme êtres humains, comme chrétiens.

Avec leur béatification, leurs noms contribuent à augmenter la constellation croissante des saints et bienheureux du Monde Lasallien. En commençant par Saint Jean-Baptiste de La Salle, notre Fondateur, suivi plus tard par le Frère Salomon Leclerq, premier Frère martyr pendant la Révolution Française, ils sont les garants du fait que la fidélité au Seigneur dans le chemin de l’éducation intégrale des enfants et des jeunes gens constitue un chemin d’Évangile.

Jeune maître, maîtresse, collaborateur lasallien, père de famille: ce message t’invite aussi à consacrer ta vie pour le Royaume, à partir de l’état de vie que tu as sans doute choisi, dans l’activité professionnelle que tu exerces. La cause du Royaume demande que notre vie acquière la dimension religieuse qui est source de joie et de force permanentes, même face aux épreuves les plus dures de la vie.

En union avec les nouveaux bienheureux lasalliens, nous évoquons et gardons le souvenir de beaucoup d’autres martyrs dont la vie fut violemment arrachée pour l’unique raison qu’ils étaient les annonciateurs de Jésus Christ. Souvenons-nous de nos martyrs de France, du Mexique, des Philippines, de Pologne, du Vietnam, du Guatemala, de Colombie et d’Espagne. Nous vénérons aussi la mémoire d’innombrables Frères et Collaborateurs lasalliens qui dépensèrent leur vie goutte à goutte, jour après jour, dans l’anonymat de la fidélité quotidienne.

Dans les oreilles et dans le cœur résonne la voix familière de notre Fondateur qui nous dit : « Toute la reconnaissance qu’on doit attendre d’avoir instruit les enfants, et surtout les pauvres, ce sont des injures, des outrages, des calomnies, des persécutions et la mort même. C’est la récompense des Saints et des hommes apostoliques, comme ç’a été celle de Jésus-Christ, Notre Seigneur » (Méd. 155.3).

 

LA RÉGION DANS LAQUELLE NOS BIENHEUREUX FLEURIRENT
ET LES CIRCONSTANCES DANS LESQUELLES ILS OFFRIRENT LEUR VIE

Le District de Barcelone

Un an après l’arrivée des Frères des Écoles Chrétiennes en Espagne, trois Frères fondèrent la première communauté de Frères à Barcelone ; c’était le 9 février 1879. Les Frères tenaient une petite école de 96 élèves sur la rue Pont de la Parra, 3.

Les fondations se succédèrent à travers toute l’Espagne et particulièrement en Catalogne, dans la ville de Barcelone comme aussi dans d’autres localités voisines. Les Frères répondirent aux demandes de création de nouvelles écoles. En 1892, le nombre des œuvres lasalliennes était si grand que les Supérieurs décidèrent de diviser d’ancien district d’Espagne en deux districts : Madrid et Barcelone.

Un événement nouveau et inespéré allait multiplier en grand nombre les communautés de Frères et les œuvres nouvelles au début du siècle. La loi du ministre français Combes supprima le droit d’enseigner à toutes les Congrégations religieuses en France. A ce moment-là, un groupe très nombreux de Frères décida de franchir la frontière et d’installer maisons de formation et écoles nouvelles en Catalogne et en d’autres coins d’Espagne. En 1904, on allait créer la première communauté de Frères aux Îles Baléares.

Les Frères exercèrent leur apostolat éducatif avec beaucoup de zèle et de persévérance durant de nombreuses années pendant lesquelles ils eurent beaucoup de succès et aussi beaucoup de reconnaissance de la part de la société espagnole.

Le conflit de la guerre civile

En 1931, la situation politique en Espagne se complique. Le roi Alphonse XIII doit s’enfuir d’Espagne face à l’instauration de la République. Commence alors une période compliquée de l’histoire d’Espagne. La République élabore une constitution qui n’a aucun égard pour la tolérance et le respect, et qui est marquée par un caractère antireligieux. La situation politique n’est pas stable  des gouvernements de droite et de gauche se succèdent et la population se polarise tantôt d’un côté ou tantôt de l’autre de l’arc politique. Pour les partis de gauche (socialistes, communistes, anarchistes...) l’Eglise n’est pas une institution neutre, puisqu’elle est en faveur des partis de droite. Par conséquent, chaque fois que la gauche arrive au pouvoir, ses lois assument un caractère encore plus antireligieux. La situation est telle que certains éléments radicaux de gauche effectueront des actions désordonnées et criminelles comme, par exemple, l’incendie du Collège Maravillas de Madrid ou l’assassinat des Frères et de l’aumônier de la communauté de Turón pendant la révolution des Asturies.

En 1936, toutes les forces de gauche s’unissent en une grande coalition appelée le Front Populaire lors des élections. Elles gagnent avec une forte majorité. A partir de ce moment-là, c’est l’absence totale de contrôle et de gouvernement dans l’Espagne tout entière. Les assassinats se succèdent des deux côtés. Les plus remarqués furent l’assassinat du lieutenant Castillo et celui du député Calvo Sotelo.

Le 18 juillet 1936, le Général Franco provoque un soulèvement militaire. Un groupe de militaires s’unit à lui tandis qu’un autre groupe reste fidèle à la République. L’Espagne se divise en deux zones et commence la triste guerre civile espagnole. Guerre entre frères, qui allait provoquer un million de morts pendant les quelque trois ans de guerre.

Au début de la guerre, les assassinats, les exécutions, les persécutions devinrent habituelle dans les deux zones. Dans la zone républicaine, commença alors une « époque de chasse et de capture » contre tous ceux qui appartenaient à l’Eglise catholique. Quelque 7000 personnes parmi les prêtres, les religieux, les religieuses et les laïcs furent assassinées, sous l’accusation d’être « fascistes ». Dans ce groupe si nombreux, de véritables martyrs, on note un groupe de plus de 150 Frères des Écoles Chrétiennes.

Une fois la Guerre civile terminée, on a commencé le long procès de béatification.

Le District de Valencia - Palma

En 1955, le District de Barcelone qui avait alors plus de 60 œuvres éducatives décida de se scinder en deux et de former les districts de Valencia et de Barcelone. Actuellement le District de Valencia-Palma comprend les œuvres éducatives de Teruel (lieu de naissance des 5 Frères), la Communauté Valencienne et les Îles Baléares.

Nos Frères ont été béatifiés avec un grand groupe de 226 prêtres, religieux, religieuses et laïcs du diocèse de Valencia, étant donné que c’est dans ce diocèse qu’ils subirent le martyre. Monseigneur García Gasco, Archevêque de Valencia, a réalisé un travail surprenant dans la recherche de renseignements sur les martyrs et dans les révisions légales du procès.

 

Julián Torrijo Sánchez
(FR. ELIAS JULIAN)
Frère des Écoles Chrétiennes, Martyr, Bienheureux
1900-1936

Il naquit à Torrijo del Campo, le 17 novembre 1900. Il fut baptisé le 18 du même mois.

Il entra au Petit Noviciat de Cambrils le 3 novembre 1916. Il reçut l’habit le 11 février 1917 à Hostarlets de Llers, Gerona. Il débuta son apostolat avec les tout petits enfants de Santa Coloma de Farnés en 1920.

En 1925, on lui confia les travaux de menuiserie dans la construction du Noviciat de Cambrils, car avant d’entrer chez les Frères il aidait son père dans ce métier.

En 1928, il fut nommé Administrateur de l’Internat de Manlleu. En 1929, il retourna en classe, à San Hipólito de Voltrega, puis il se dévoua deux ans à Condal. En 1934, il fut nommé à l’école Notre Dame du Carmel, à Barcelone. Par suite d’une maladie, il dut passer un certain temps à l’infirmerie de Cambrils. C’est là qu’il se trouvait quand éclata la persécution religieuse. C’était une personne simple, serviable et d’une grande capacité de travail.

On avait confié au Frère Bertrán et à lui l’accompagnement d’un groupe de Novices et de Scolastiques aragonais dans leurs familles, mais arrivés à Valencia et ne pouvant continuer jusqu’à Aragón, ils répartirent les jeunes dans les maisons de familles amies.

Lors d’une des visites aux jeunes, ils furent interceptés, identifiés comme religieux et arrêtés. A partir des cachots du Gouvernement Civil, ils furent transférés à la Prison Modulo de Valencia. Le Frère Elías avait 35 ans lorsqu’on le fusilla.

 

Francisco Lahoz Moliner
(Fr. Bertrán Francisco)
Frère des Écoles Chrétiennes, Martyr, Bienheureux
1912-1936

Il naquit à Campos, Teruel, le 15 octobre 1912. Il reçut le baptême le lendemain de sa naissance.

Le 10 août 1925, après son Aspirantat à Montreal del Campo, il entra au Petit Noviciat de Cambrils. Il prit l’habit le 2 février 1929.

Une fois terminée sa formation au Scolasticat, il fut nommé professeur au Petit Noviciat, où il s’occupa des élèves qui avaient les plus grandes difficultés d’apprentissage, et ensuite on le chargea de la catéchèse auprès des Novices.

D’un caractère ferme et austère, il était patient pour supporter les plaisanteries, et son comportement avec les autres était complaisant et plein de délicatesse.

Homme modeste et d’une grande capacité de travail.

A l’occasion de la persécution religieuse de 1936, on lui confia, en même temps qu’au Frère Elías Julián, l’accompagnement des novices de la région de Valencia et Aragón.

Comme on l’a mentionné dans les faits concernant le Fr. Elías Julián, après être restés isolés d’une manière presque totale, ils furent sommairement jugés et fusillés dans le camp militaire de Benimamet. Le Fr. Bertrán Francisco avait 24 ans. Ils furent enterrés dans une fosse commune du cimetière de Valencia.

 

Pedro Lorente Vicente
(Fr. Ambrosio León)
Frère des Écoles Chrétiennes, Martyr, Bienheureux
1914-1936

Il est né à Ojos Negros, Teruel, le 7 janvier 1914. Le 11 du même mois, il fut baptisé.

Après son Aspirantat à Montreal del Campo, il alla au Petit Noviciat de Cambrils, le 7 novembre 1925. Il prit l’habit le 1er février 1930.

Dès que sa formation au Scolasticat prit fin, en 1932, on le destina au Collège de Notre Dame du Carmel de la Bonanova.

Professeur compétent et distingué, il jouissait d’une grande réputation parmi les élèves.

Quand les miliciens firent irruption dans le Collège en 1936, il dut abandonner la communauté, comme les autres Frères. A Valencia il donnait des cours particuliers à quelques enfants, mais lorsqu’il essaya d’exercer sa profession d’enseignant, avec les Frères Honorato Andrés et Florencio Martín, on découvrit leur identité de religieux et ils furent arrêtés, jugés sommairement et exécutés.

LEONARDO OLIVERA BUERA
Prêtre, Martyr, Bienheureux
1889-1936

Il naquit à Campo, Huesca, le 6 mars 1889.

Il fut ordonné prêtre le 17 juin 1916 et nommé Curé de Movera, à Puente Gallego, Zaragoza. Dès les premières années de son ministère sacerdotal, il entra en contact avec les Frères. Pour cette raison, il fut désigné comme Aumônier du Collège de la Bonanova. Les Frères qui le connurent affirment que c’était un prêtre studieux, prudent et sage. Sa parole était convaincante et chaleureuse. Il travailla avec grand soin avec les jeunes qui manifestaient un idéal de vie religieuse.

Lorsque le 9 juillet, le Collège fut pris par les miliciens, il se trouvait dans son bureau. En ouvrant la porte, au lieu de se trouver comme d’habitude face à un jeune, il affronta un groupe de révolutionnaires. En le voyant vêtu d’une soutane, un des miliciens lui déchargea un coup de pistolet, qui le blessa au bras. Il passa quelques jours à l’hôpital, et quand il sortit de l’hôpital il se dirigea vers Valencia où il avait une sœur. Cependant, le 22 septembre 1936, il fut identifié comme prêtre, arrêté et conduit à la ville de Saler, où il fut fusillé le 23 octobre. Il avait 47 ans.

Ils ont été des témoins  et nous

Il y a aujourd’hui encore, bien des chrétiens dont la vie est menacée à cause de leur apostolat ou de leur appartenance religieuse, comme on le voit en Indonésie, au Soudan et dans plusieurs autres pays. Parfois, c’est la prison ou des vexations, comme en Chine ou au Vietnam. La persécution se présente souvent comme la défense de l’identité nationale ou de l’intérêt du pays contre des influences étrangères ou séparatistes : le témoignage n’est pas toujours facile à faire percevoir à cause de la propagande et de la désinformation faite sur leur cas, mais souvent la foi transparaît aux yeux de ceux qui vivent avec eux, leurs amis comme leurs ennemis, comme lors de l’assassinat de Juan Girardi, Evêque auxiliaire du Guatemala et des Jésuites Ellacuría et compagnons de l’UCA au San-Salvador.

D’autres chrétiens payent de leur vie la défense des pauvres, des paysans privés de leur terre et de leur culture, comme Mgr Romero, ou qui dénoncent les violences dont les enfants sont l’objet, comme c’est le cas au Rwanda, au Salvador, on connaît de tels martyrs, comme dans l’Institut le Frère James Miller. Ce qui fait la valeur de leur témoignage, ce n’est pas seulement la valeur que l’on veut bien reconnaître à la cause qu’ils défendent, mais surtout au motif qui les a conduits à s’engager et à persévérer dans leur action : la solidarité avec ces petits à cause de l’amour privilégié que le Seigneur leur porte.

Comme chrétiens, si nous ne versons pas tous notre sang pour notre foi, chacun de nous est appelé à en témoigner (martyr, cela veut dire témoin) dans les situations où nous nous trouvons. D’abord dans notre vie quotidienne, par une recherche active de la vérité, de la justice, du bien sous toutes ses formes, du dialogue vrai ; par l’écoute de la Parole de Dieu, dans l’Écriture comme dans les événements ; par la prière, personnelle et communautaire ; par notre fidélité au projet de Jésus (l’Église au service de nos frères les hommes) et quand la fonction (catéchiste par exemple) ou les circonstances le permettent, par le témoignage de bouche, comme dit saint Paul.

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