Saint Jean-Baptiste De La Salle
(1651-1719)

Première partie

8
Quel milieu “abandonné” atteindre?

8-1-Les enfants

Jean-Baptiste De La Salle estime que tous les enfants doivent être reçus, sans distinction. Pour lui, les enfants pauvres ne sont pas tous des enfants qui meurent de faim. Le contexte face auquel il se trouvait était plutôt l’abandon, la misère morale. Nous savons que la plupart des parents obligés de travailler de 12 à 15 ou 16 heures par jour ne pouvaient pas s’occuper de leurs enfants qui traînaient dans les rues, livrés à tous les dangers et à tous les vices. Il n’y avait plus aucune éducation religieuse, aucune moralité, et cette misère s’étalait dans presque tous les milieux. Ces enfants “abandonnés” étaient aussi des pauvres chers au cœur de Jean-Baptiste. N’écrivit-il pas dans sa Règle: “Tous les désordres, surtout des artisans et des pauvres, viennent ordinairement de ce qu’ils ont été abandonnés à leur propre conduite et très mal élevés dans leur bas âge.” (Règle 1,6)

Au hasard de la lecture de ses œuvres, on découvre que Jean-Baptiste De La Salle remarque, pour les enfants des artisans et du peuple en général:

            - une absence totale de formation morale et religieuse [1],

            - des carences graves au niveau de l’instruction: ils sont presque tous analphabètes, car “les parents négligent de les envoyer à l’école”.

            - la présence de mauvaises habitudes: “ordinairement les enfants des pauvres ne font que ce qu’ils veulent.”

            - leurs mauvaises fréquentations qui leur apprennent “à commettre beaucoup de péchés qu’il leur est ensuite fort difficile de quitter.”

Curieusement, Jean-Baptiste De La Salle a sur les pauvres des opinions comparables à celles que n’hésitaient pas à émettre saint Vincent  de Paul quelques dizaines d’années plus tôt. Mr Vincent disait que les pauvres étaient sales, qu’ils sentaient mauvais, qu’ils étaient méchants, etc...

Les enfants de ces pauvres, ”vivant dans le dénuement, souvent profondément déstabilisés, en difficulté de se construire au sortir d’un vécu fréquemment traumatique” sont ceux qui seront accueillis par les Frères. À ces êtres “physiquement marqués de manques divers, de ruptures successives, de drames répétés, de survie aléatoire, à tous ces êtres déboussolés... l’école (des Frères) va offrir un lieu de vie où respect et tendresse ne manqueront pas.” [2]

Il convient d’ajouter ici que de plus en plus souvent ces enfants sont issus de milieux paysans en voie d’urbanisation. En effet, pour fuir les calamités climatiques, les parents appauvris étaient venus à la ville pour chercher un emploi et avoir de quoi manger. Le provisoire devint vite définitif.

Pourtant ces enfants avaient une âme et Jean-Baptiste De la Salle  comprit que la solution de leurs besoins devait être reliée à l’œuvre de Dieu et de l’Église. Dieu est aussi présent dans l’âme et le cœur de ces pauvres déshérités. C’est ainsi que les Frères ajouteront à un minimum d’instruction, une éducation chrétienne appropriée: les Frères seront aussi des missionnaires pour les enfants des villes. Leurs écoles seront sans prétention, semblables aux maisons d’alentour: une ou deux pièces aménagées avec une entrée surmontée d’une enseigne: “École Chrétienne gratuite”.

Même le matériel scolaire sera gratuit...

8-2-Les parents

Les parents des enfants que Jean-Baptiste De La Salle appelle “abandonnés” sont tous, qu’ils soient riches ou pauvres matériellement, accaparés par leurs affaires. À cela il faut ajouter l’ignorance religieuse. Les parents sont donc incapables d’enseigner leurs enfants, et encore moins de leur donner l’éducation honnête et chrétienne nécessaire pour vivre normalement.  et il y a encore les mauvaises habitudes transmises aux enfants, et les mauvaises compagnies.

D’une manière générale les parents laissent leurs enfants faire ce qu’ils veulent. Aussi Jean-Baptiste n’est-il pas dupe et sait-il parfaitement ce que les Frères devront subir:

“Attendez-vous à souffrir des injures, des outrages et des calomnies pour tout le bien que vous aurez tâché de faire au prochain: c’est la principale récompense que Dieu promet en ce monde et souvent la seule qu’on reçoit des pauvres pour tout le bien qu’on leur a fait.” (MF 155, 3) [3]


[1] D’où l’importance qui sera donnée à l’œuvre des catéchismes qui mettra en jeu le combiné question-réponse.

[2] “Les enfants pauvres à l’école” de Michel Fiévet - Éditions IMAGO

[3] MF Méditations pour les Fêtes.

    

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