Jeanne-Antide Thouret
naquit le 27 novembre 1765, à Sancey-le-long, en Franche-Comté, au
sein d'une famille très chrétienne composée de neuf enfants; ses
parents exerçaient le métier d'agriculteurs.
Quand
Jeanne a quinze ans, sa mère meurt: Jeanne-Antide sera désormais
l'éducatrice de ses frères et sœurs et la ménagère dévouée qui
entretiendra la maison. Bien que la famille vive dans une réelle
pauvreté, la charitable jeune fille trouve le moyen de ne jamais
refuser l'aumône.
Elle a environ dix-sept
ans lorsque son père lui annonce qu'un riche jeune homme l'a
demandée en mariage. Sans hésiter, Jeanne répond à son père qu'elle
refuserait la main d'un roi. Après cinq longues années d'attente,
elle réussit enfin à vaincre les obstacles qui s'opposent à sa
vocation religieuse.
Accueillie à la maison
mère des Filles de la Charité le jour de la Toussaint 1787, elle est
reçue le lendemain par la supérieure générale, la vénérable Mère
Dubois. Le onzième mois de son séminaire, elle revêt l'habit des
Filles de la Charité et on l'envoie travailler successivement à
l'hôpital de Langres, puis à Paris où elle prodigue ses soins
maternels aux incurables de l'hospice.
La Révolution était
déjà amorcée. Comme la plupart de ses compagnes, tout en restant au
service des malades, Sœur Thouret refuse de reconnaître le clergé
schismatique. En novembre 1793, elle doit quitter Paris pour
regagner son pays natal à pied, en mendiant. Sa charité qui se fait
la providence des malades et des pauvres, la sauve plus d'une fois
de la fureur des révolutionnaires. Durant les jours de la Terreur,
sainte Jeanne-Antide Thouret se réfugie en Suisse.
Aussitôt qu'elle peut
rentrer en France, elle ouvre une école à Besançon. Son
établissement connait le succès dès le premier jour. Au cours de la
même année elle organise trois autres écoles dans la même ville.
Ouvrière infatigable, elle dirige un dispensaire et distribue une
soupe populaire. Le préfet lui confie bientôt une maison de
détention.
Sainte Jeanne-Antide
Thouret donna à ses collaboratrices les Règles et le nom de: Sœurs
de la Charité de Saint Vincent de Paul. Ce titre devait engendrer
tôt ou tard des confusions et des conflits, aussi les filles de
Monsieur Vincent en réclamèrent-ils un autre. Le cardinal Fesch
décida que les nouvelles religieuses s'appelleraient: Soeurs de la
Charité de Besançon. Cette communauté connut tout de suite une
rapide expansion. En 1810, la mère de Napoléon Bonaparte leur ouvrit
le royaume de Naples et Murat leur abandonnait l'énorme couvent
hôpital de Regina Coeli. Mère Thouret alla y installer ses compagnes
et ouvrit cent trente maisons en l'espace de dix ans.
Sans le sceau divin de
la souffrance, il aurait manqué quelque chose à la sainteté de la
fondatrice. Profitant de son long séjour en Italie, la Sainte fit
approuver son institut par le Saint-Siège, sous le nom de: Filles de
la Charité sous la protection de Saint Vincent de Paul. Ce
changement de nom et les modifications introduites dans les
constitutions en dehors de toute entente avec le nouvel archevêque
de Besançon qui lui était hostile, furent cause d'une scission entre
les communautés de France et celles d'Italie.
En effet, celles de
France entendirent rester fidèles aux premières constitutions et se
déclarèrent autonomes sous la supériorité de l'Ordinaire du lieu.
Sainte Jeanne-Antide Thouret passa deux années dans sa patrie pour
tâcher de réunir les deux obédiences de Besançon et de Naples. Non
seulement elle n'y parvint aucunement, mais elle eut la douleur de
rentrer à Naples, après s'être vue refuser l'entrée de la maison
mère de Besançon.
Dieu rappela à Lui Sa
digne servante le 24 août 1826. Cent ans après sa mort, on ramenait
ses restes d'Italie dans le couvent de Besançon. Ses filles firent
acte de solennelle réparation en chantant le Miserere de toute leur
âme. Le 23 mai 1926, le pape déclarait Jeanne-Antide Thouret
bienheureuse et le 14 janvier 1934, l'Église l'élevait sur les
autels.
Tiré de J.-M. Planchet,
édition 1946, p. 403-404
Marteau de Langle de Cary, 1959, tome II, p. 256-258. |