Inácio de Azevedo naquit à Porto vers 1527, au sein d’une
famille aristocratique de
cette
ville. Son père, Dom Miguel de Azevedo joua un rôle non négligeable lors de la
prise de Ceuta et autres villes du nord de l’Afrique.
Le jeune Inácio était destiné, lui aussi, à une carrière
politique, mais les pensées de Dieu étaient tout autres.
En effet, Inácio, qui était, il faut le dire, plus porté sur
les choses spirituelles que sur la politique, — il avait déjà, semble-t-il prit
la décision d’entrer chez les Jésuites — entendit un jour l’un des sermons du
Père Francisco Estrada, prêtre de cette Compagnie. Il fut extrêmement touché, et
pour faire le bilan de sa vie spirituelle, le jeune aristocrate décida alors de
se “cloîtrer” quelque temps dans l’une des maisons inoccupées que possédait sa
famille aux alentours de Porto. Il y fut rejoint bientôt par l’un de ses
meilleurs amis, lui aussi touché par la grâce : Henrique Nunes de Gouveia.
D’un commun accord, et pour mieux asseoir leur vocation, ils
résolurent de participer aux Exercices spirituels, à Coimbra, exercices qui
duraient un mois. À la fin des Exercices, Ignace demanda son entrée chez les
Jésuites, ce qui se réalisa le 23 décembre 1548 :il avait alors vingt et un ans.
Quelques années plus tard, en 1553, à Braga, il reçut les
Ordres.
En cette même année 1553 fut ouvert à Lisbonne, le Collège de
Santo Antão-o-Velho : Inácio en fut le premier Recteur.
En 1556 le fondateur de la Compagnie, saint Ignace de Loyola,
décéda à Rome : il fallut donc nommé un autre Général de l’Ordre. Le Provincial
de la Province Portugaise se déplaça à Rome et demanda à Ignace de Azevedo de le
remplacer pendant son absence. Le nouveau Général de la Compagnie sera Diogo
Laines.
Pendant l’absence de son Provincial, le jeune Jésuite dût
visiter toutes les maisons de l’Ordre, établies au Portugal. Il le fit à pied,
accompagné uniquement d’une jument qui lui servait à transporter ses habits
sacerdotaux et quelques habits indispensables, ainsi que des documents.
En 1560 fut nommé à l’archevêché de Braga un homme
extraordinaire, non seulement par sa puissance de travail et d’organisateur,
mais aussi et surtout par sa sainteté :
Dom Bartolomeu dos Mártires.
Connaissant déjà la puissance apostolique des Jésuites, il
fit appel à eux. Ignace fut du nombre et suivit le saint archevêque lors de sa
visite pastorale dans son vaste diocèse. Celui-ci promit aux Jésuites de faire
construire à Braga un Collège dont ils auraient la charge. Toutefois, pour des
raisons indépendantes de sa volonté — opposition acharnée du Chapitre
métropolitain — cette promesse ne put être réalisée immédiatement ; elle le sera
plus tard.
En 1565 le général des Jésuites, Diogo Laines, décéda à Rome.
Ignace est alors désigné comme Procureur pour le Brésil et envoyé à Rome pour
participer à l’élection du nouveau Général : ce sera le saint prêtre, François
Borgia.
Connaissant déjà la renommée d’Ignace, celui-ci le nomma
Visiteur pour le Brésil et le chargea d’organiser l’évangélisation de ce grand
et nouveau pays.
Ignace revint au Portugal, fit les nécessaires démarches et
s’embarqua pour le Brésil accompagné de cinq autres Jésuites. Ils y débarquèrent
le 24 août 1566.
Sa première préoccupation fut de convoquer un Congrès
Provincial afin de choisir et de nommer un Père qui irait à Rome et au Portugal,
pour y rassembler et préparer d’autres prêtres pour l’évangélisation du Brésil.
Ignace de Azevedo fut unanimement élu pour cette tâche délicate.
Le 14 août 1568 il était de retour au Portugal, partant de là
ensuite pour Rome, où il rencontra Sixte Quint et le Général des Jésuites,
François Borgia. Celui-ci l’autorisa à chercher, dans toutes les maisons de la
Compagnie — particulièrement en Espagne et au Portugal — des volontaires pour
l’évangélisation du Brésil.
De retour au Portugal, il était déjà accompagné d’un certain
nombre de ses confrères, désireux comme lui de porter la Parole divine au-delà
des mers ; parmi eux ,le frère Juan de Maiorga, aragonais et peintre de talent.
Dans son pays natal, qu’il parcouru de long en large — fin
1569 jusqu’à janvier 1570 —, Ignace se procura plusieurs volontaires, dont
dix-huit universitaires, choisis parmi les vingt-huit qui s’étaient proposés à
le suivre. Il en prit deux autres à Évora — Luis Correia et Luis Rodrigues —,
dans la province de Alentejo. Mais d’autres régions portugaises étaient
représentées, comme le démontre la liste ci-après :
Aleixo Delgado,
de Elvas
Alvaro Mendes,
de Elvas ;
Amaro Vaz, de
Porto ;
António Correia,
de Porto ;
Gaspar Alvares, de
Porto ;
Gonçalo Henriques, de
Porto ;
Simão Lopes, de
Porto ;
André Gonçalves, de Viana do Alentejo ;
António Fernandes, de Montemor-o-Novo ;
António Soares, de Trancoso ;
Bento de Castro, de Vila Chacim ;
Brás Ribeiro, de
Braga ;
João Fernandes, de
Braga ;
Pedro Fontura, de
Braga ;
Diogo de Andrade, de Pedrógão Grande ;
Diogo Pires, de Nisa ;
Domingos Fernandes, de Borba ;
Francisco Alvares, de Covilhã;
Francisco de Magalhães, de Alcácer do Sal ;
João Fernandes, de
Lisbonne ;
Luis Rodrigues, de
Évora ;
Manuel Alvares, de Estremoz ;
Manuel Fernandes, de Celorico da Beira ;
Manuel Pacheco, de Ceuta (alors ville portugaise) ;
Manuel Rodrigues, de Alcochete ;
Marcos Caldeira,
de Feira ;
Nicolau Dinis, de Bragança ;
Pedro Nunes, de Fronteira ;
Simão Lopes, de Ourém ;
João Adauto (Sam
João), de Entre Douro e Minho.
Viennent ensuite compléter cette liste :
Alfonso Baena, castillan ;
Esteban Zurara, basque ;
Fernando Sachez, castillan ;
Francsico Perez Godoy, castillan ;
Gregorio Escribano, de Logoño (Espagne) ;
Juan de Maiorga, de Gascogne ;
Juan de San Martino, castillan ;
Juan de Safra, de Jerez de Badajoz.
On peut remarquer que la ville de Porto a largement contribué
à cette “expédition” pacifique, avec un total de six missionnaires — en comptant
Ignace de Azevedo, bien entendu.
* * * * *
Avant le départ, il les rassembla tous à Val do Rosal et les
prépara au départ par des Exercices et conseils spirituels appropriés et
susceptibles de susciter dans leurs âmes jeunes, des sentiments profonds de
charité et le désir ardent de bien travailler pour la jeune Église du Brésil qui
les attendait les bras ouverts. Il dût leurs parler aussi du sacrifice de leurs
vies, s’il en était besoin, si l’occasion leur était donnée. En effet, il savait
très bien que les actes de piraterie étaient alors fréquents.
Le jour du départ arriva. Tous ce jeunes s’embarquèrent dans
la Santiago qui navigua vers Madère, où elle arriva, sans incident, sept jours
plus tard.
Les Jésuites descendirent et s’installèrent, pendant que la
caravelle chargeait des marchandises, chez leurs collègues qui y étaient
installés depuis peu.
De nouveau ils prirent la mer et le bateau vogua vers
Majorque, où il devait décharger une partie de son chargement. C’était un voyage
dangereux, car à cette époque quelques pirates français écumaient les bateaux
qu’ils pouvaient harponner.
Tout semblait calme pourtant, au bout de sept jours de mer ;
l’île de Majorque était déjà visible, lorsque des vents contraires obligèrent le
navire à se réfugier dans une anse, de l’autre côté de l’île. Ils débarquèrent
et y restèrent cinq jours, en attendant des vents favorables. Un jeudi matin, le
temps leur étant favorable, ils reprirent la mer, dans la direction de Palma.
Lorsque la bateau était déjà en vue de cette ville, l’un des
marins cria : “Je vois une grande voile et quatre autres plus petites”. Ils
pensèrent d’abord qu’il s’agissait d’autres caravelles qui étaient parties de
Madère en même temps qu’eux, mais bien vite ils durent se raviser sur leur
jugement : les bateaux venaient droit sur eux et vite ils comprirent le danger
qui menaçait la poursuite de leur voyage ; car il s’agissait bien de pirates,
commandés par le cruel Jacques Soria.
Celui-ci harponna la Santiago et l’abordèrent. Une lutte
acharnée commença alors, mais les pirates étant fort nombreux et bien armés, ils
eurent vite raison de la résistance de ceux de la Santiago.
Jacques Soria, ainsi que ses matelots, étaient calvinistes et
avait une haine féroce contre la religion catholique et particulièrement contre
les Jésuites, qu’ils accusaient de tous les maux.
Une fois à bord de la Santiago, ils commencèrent à maltraiter
les Jésuites qui, ne combattant pas, soignaient les blessés et encourageaient
ceux qui se battaient. Parmi eux Ignace de Azevedo qui adossé au grand mât,
tenant en mains une image de la Vierge Marie, non seulement priait, mais
témoignait de sa fois à grands cris, ce qui irrita les calvinistes de Jacques
Soria et, l’un d’eux, dès qu’il pût atteindre le Jésuite lui assena un coup
d’épée sur la tête, suivi de quelques estocades. Les autres frères ramenèrent le
corps ensanglanté d’Ignace dans un autre endroit du bateau. Il leur dit alors :
“Mes enfants, quelle grande grâce Dieu nous fait là ; que personne ne
faiblisse, que personne n’ait de crainte…” Puis il rendit son âme à Dieu,
sans jamais laisser tomber de ses mains l’image de Marie.
Puis ce fut le tour du frère Juan Maiorga, jeté vivant à la
mer ; le même sort étant réservé à quatre autres frères : Manuel Rodrigues de
Alcochete, Manuel Pacheco de Ceuta, Esteban Zurara, le basque et Gonçalo
Henriques de Porto.
Au frère Manuel Alves, qui encourageait ses collègues et
clamait sa foi, les hérétiques lui tailladèrent le visage, lui cassèrent les
jambes et les bras avec la crosse de leurs fusils et le laissèrent ainsi, par
terre, dans de grandes souffrances, avant de le jeter à la mer.
La haine des pirates se déchaîna sur les autres frères : Brás
Ribeiro de Braga fut victime d’un coup d’épée mortel ; à Pedro Fontura, lui
aussi de Braga, ils fendirent la bouche, lui laissant la mâchoire suspendue à un
morceau de peau et la langue tranchée ; Antonio Correia, de Porto reçu un coup
de massue sur la tête et fut, par la suite, jeté à la mer.
Mais le bateau prenait de l’eau, alors les pirates
utilisèrent les Jésuites qui étaient encore valides pour actionner la pompe. Les
coups et les injures pleuvaient sur eux, mais ils restaient fermes dans leur foi
et chantaient des louanges, ce qui irritait de plus en plus les flibustiers qui
se jetèrent sur l’un des plus jeunes frères, Aleixo Delgado, qui n’avait que
quatorze ou quinze ans ; le poignardèrent et le jetèrent ensuite par dessus
bord.
Quand le butin fut dans leurs caravelles, les pirates se
débarrassèrent alors des Jésuites encore vivants, sauf du cuisinier — João
Adauto —, qu’ils pensaient pouvoir utiliser à leur service, mais celui-ci refusa
catégoriquement, ce qui lui valut d’être aussi sauvagement martyrisé.
Puis, ce fut le tour du Père Diogo de Andrade, natif de
Pedrógão et qui était entré dans la Compagnie de Jésus, à Coimbra, le 7 juillet
1558. Après avoir été poignardé, il fut jeté à la mer. Domingos Fernandes et
António Soares subirent le même sort.
Francisco de Magalhães, alors que les hérétiques le jetait à
la mère, leur dit : “Frères, que Dieu vous pardonne pour ce que vous faites”.
Un autre frère Gregorio Escribano, qui était malade et alité,
sachant ce qui se passait, se leva et rejoignit ses collègues ; Alvaro Mendes,
alité lui aussi, en fit de même.
Le dernier à être martyrisé fut Simão da Costa, de Porto. Il
était entré à la Compagnie un mois auparavant. Jacques Soria lui demanda si lui
aussi était Jésuite. “ Oui, dit-il, je suis prêtre de la même Compagnie que ceux
que tu viens de tuer”. La réponse de Soria ne se fit pas attendre : d’un coup
d’épée il le décapita et le fit jeter dans l’eau.
Quarante corps furent donc jetés à la mer. Certains — le plus
grand nombre — ne savaient pas nager… Mais, ceux qui le savaient, étaient
cruellement repoussés, dès qu’ils s’approchaient du bateau.
Cet acte barbare eut lieu le samedi 15 juillet 1570. Ce même
jour, loin de là, à Avila, sainte Thérèse eut la vision de quarante bienheureux
qui, triomphants, entraient au Paradis.
Peut-être, à cause de cette vision de la sainte mystique, les
évêques des lieux concernés par ces martyrs, commencèrent leurs diligences en
vue de la béatification de ces quarante hérauts de la divine Parole.
Ils furent tous béatifiés par le Pape Pie IX le 11 mai 1854
et leur fête fixée au 19 janvier.
Alphonse Rocha
Site de la cause de
canonisation : http://www.ppcj.pt/mb/
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