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SECONDE SEMAINE

Considération

L'appel d'un roi temporel pour aider à contempler la vie du Roi éternel

91  L'oraison préparatoire est la même qu'à l'ordinaire (46).
Le premier prélude est la composition de lieu. Il consistera ici à voir, des yeux de l'imagination, les synagogues, les bourgs et les villages que parcourait Notre-Seigneur Jésus-Christ en annonçant son Évangile.
Le second prélude consiste à demander la grâce que je veux obtenir. Ce sera ici de demander à Notre-Seigneur la grâce de n'être pas sourd à son appel, mais prompt et diligent à accomplir sa très sainte volonté.

Première partie

92  Premier point. ‹ Je me représenterai un roi que la main de Dieu a choisi, et à qui tous les princes et tous les peuples chrétiens rendent respect et obéissance.

93  Second point. ‹ Je m'imaginerai entendre ce même roi parlant à tous ses sujets, et leur disant : « Ma volonté est de conquérir tout le pays des infidèles. Que celui qui voudra me suivre se contente de la même nourriture, de la même boisson, des mêmes vêtements que moi. Qu'il travaille durant le jour, qu'il veille pendant la nuit, comme moi, afin de partager un jour avec moi, selon la mesure de ses travaux, les fruits de la victoire. »

94  Troisième point. Je considérerai ce que devraient répondre de fidèles sujets à un roi si généreux et si bon, et combien celui qui n'accepterait pas de telles offres serait digne du mépris de tout le monde, et mériterait de passer pour le plus lâche des hommes.

Seconde partie

95  La seconde partie de cet exercice consiste à appliquer à Jésus-Christ, notre Seigneur, les trois points de la parabole précédente. Et quant au premier point, si l'appel d'un roi de la terre à ses sujets fait impression sur nos cœurs, combien plus vivement ne devons-nous pas être touchés de voir Jésus-Christ, notre Seigneur, Roi éternel, et devant lui le monde entier, et chaque homme en particulier, qu'il appelle en disant : « Ma volonté est de conquérir le monde entier, de soumettre tous mes ennemis, et d'entrer ainsi dans la gloire de mon Père. Que celui qui veut venir avec moi travaille avec moi ; qu'il me suive dans les fatigues, afin de me suivre aussi dans la gloire. »

96  Je considérerai, dans le second point, que tout homme qui fait usage de son jugement et de sa raison ne peut pas balancer à s'offrir généreusement à tous les sacrifices et à tous les travaux.

97  Je considérerai, dans le troisième point, que tous ceux qui voudront s'attacher plus étroitement à Jésus-Christ, et se signaler au service de leur Roi éternel et Seigneur universel, ne se contenteront pas de s'offrir à partager ses travaux ; mais, agissant contre leur propre sensualité, contre l'amour de la chair et du monde, ils lui feront encore des offres d'une plus haute importance et d'un plus grand prix, en disant :

98  Roi éternel et souverain Seigneur de toutes choses, je viens vous présenter mon offrande : aidé du secours de votre grâce, en présence de votre infinie bonté, sous les yeux de votre glorieuse Mère et de tous les Saints et Saintes de la cour céleste, je proteste que je désire, que je veux, et que c'est de ma part une détermination arrêtée, pourvu que tels soient votre plus grand service et votre plus grande gloire, vous imiter en supportant les injures, les opprobres, la pauvreté d'esprit et de cœur, et même la pauvreté réelle, si votre très sainte Majesté veut me choisir et m'admettre à cet état de vie. »

99  On fera cet exercice deux fois dans la journée : le matin, en se levant, et une heure avant le dîner ou le souper.

100  Pendant la seconde semaine et les suivantes, il sera très utile de lire de temps en temps quelques passages de l'Imitation de Jésus-Christ, des Évangiles et de la vie des Saints.

Premier jour
Première contemplation

101  La première contemplation est celle de l'Incarnation : elle renferme l'oraison préparatoire, trois préludes, trois points et un colloque.
L'oraison préparatoire ordinaire.

102  Le premier prélude consiste à se rappeler l'histoire du mystère que l'on doit contempler. Ici, je me rappellerai comment les trois Personnes divines, contemplant la surface de la terre couverte d'hommes, et voyant que tous se précipitent en enfer, décrètent, dans leur éternité, que la seconde Personne de l'auguste Trinité se fasse homme pour sauver le genre humain ; et comment ce mystère s'accomplit, lorsque dans la plénitude des temps l'archange Gabriel fut envoyé à Marie. (Voir les Mystères, 262)

103  Le second prélude est la composition de lieu. Ici, je me représenterai l'immense étendue de la terre, peuplée de tant de nations diverses ; puis je considérerai en particulier la maison et la chambre de Notre-Dame dans la ville de Nazareth, en Galilée.

104  Le troisième prélude est la demande de ce que l'on veut obtenir. Dans la contemplation présente, je demanderai la connaissance intime du Seigneur qui s'est fait homme pour moi, afin de l'aimer avec plus d'ardeur et de le suivre avec plus de fidélité.

105  Il faut remarquer que l'oraison préparatoire doit se faire cette Semaine et les suivantes telle qu'elle se trouve au commencement du premier exercice de la première Semaine (46), sans y rien changer. On fera de même les trois préludes, mais en les modifiant selon le sujet que l'on médite.

106  Dans le premier point, je verrai successivement les personnes. Premièrement, les hommes qui sont sur la terre, si divers de costumes et de visages : les uns blancs, les autres noirs ; les uns en paix, les autres en guerre ; les uns pleurant, les autres riant ; les uns sains, les autres malades ; les uns naissant et les autres mourant. Secondement, je verrai et je considérerai les trois Personnes de la sainte Trinité, assises sur le trône royal de la divine Majesté ; comme elles regardent tout cet univers et les nations plongées dans un aveuglement profond, et comme elles voient les hommes mourir et descendre en enfer.
Troisièmement, je verrai Notre-Dame et l'Ange qui la salue.
Puis je réfléchirai, afin de tirer de l'utilité de cette considération.

107  Dans le second point, j'écouterai les paroles : premièrement, des hommes qui sont sur la terre, comment ils parlent les uns avec les autres, comment ils jurent et blasphèment, etc. ; secondement, des Personnes divines, disant : « Opérons la rédemption du genre humain, etc. » ; troisièmement, de l'Ange et de Notre-Dame.
Et je réfléchirai sur ces discours pour en tirer du profit.

108  Dans le troisième point, je considérerai les actions : premièrement, des hommes qui sont sur la terre ; ils s'attaquent, ils s'entre-tuent, ils tombent dans les enfers, etc. ; secondement, des trois Personnes divines, qui opèrent la très sainte Incarnation, etc. ; troisièmement, de l'Ange et de Notre-Dame : l'Ange s'acquitte de l'ambassade céleste, Marie s'humilie et rend grâces à la divine Majesté.
Ensuite je réfléchirai pour tirer quelque utilité de chacune de ces circonstances.

109  Enfin, je ferai le colloque, en pensant à ce que je dois dire aux trois Personnes divines, au Verbe éternel incarné, à la Mère du Verbe et Notre-Dame ; et, selon le sentiment que j'éprouverai en moi-même, je demanderai tout ce qui peut m'aider à suivre de plus près et à imiter plus fidèlement Notre-Seigneur, comme s'il venait de s'incarner pour moi.
Je terminerai en récitant l'Oraison dominicale.

Seconde contemplation

La seconde contemplation est la Nativité de Notre-Seigneur.

110  L'oraison préparatoire ordinaire.
111  Le premier prélude est l'histoire du mystère. On se rappellera, dans la contemplation présente, comment Notre-Dame, dans le neuvième mois de sa grossesse, partit de Nazareth, assise, comme on peut pieusement le méditer, sur une ânesse, accompagnée de Joseph et d'une servante qui mènent un bœuf. Ils vont à Bethléem payer le tribut imposé par César à tous les habitants de cette province (264).

112  Le second prélude est la composition de lieu. Dans cette contemplation, je verrai des yeux de l'imagination le chemin de Nazareth à Bethléem, considérant sa longueur, sa largeur. Est-il sur des collines ? Je considérerai de même la grotte où naît le Sauveur. Est-elle grande ou petite ? Est-elle haute ou basse ? Comment est-elle préparée ?

113  Le troisième prélude est entièrement le même que dans la contemplation précédente (104).

114  Dans le premier point, je verrai les personnes : Notre-Dame, Joseph, la servante, et l'Enfant-Jésus lorsqu'il sera né. Je me tiendrai en leur présence comme un petit mendiant et un petit esclave indigne de paraître devant eux. Je les considérerai, je les contemplerai, je les servirai dans leurs besoins avec tout l'empressement et tout le respect dont je suis capable, comme si je me trouvais présent. Ensuite je réfléchirai en moi-même pour tirer de là quelque profit.

115  Dans le second point, j'observerai, je remarquerai et je contemplerai ce qu'ils disent ; puis je réfléchirai en moi-même pour tirer quelque profit.

116  Dans le troisième point, je regarderai et je considérerai ce qu'ils font, comme ils ont voyagé, comme ils souffrent, afin que le Seigneur de toutes choses naisse dans une extrême pauvreté, et qu'après tant de travaux, après avoir enduré la faim, la soif, la chaleur, le froid, les injures et les affronts, il meure sur la croix ; et tout cela pour moi. Et je réfléchirai pour tirer quelque profit spirituel.

117  Je terminerai par un colloque, comme dans la contemplation précédente, et je réciterai l'Oraison dominicale.

Troisième contemplation

La troisième contemplation est la répétition du premier et du second exercice.

118  Après l'oraison préparatoire et les trois préludes, on fera la répétition du premier et du second exercice, insistant toujours sur quelques passages principaux, dans la méditation desquels on aura reçu plus de lumières, senti plus de consolation ou de désolation intérieure ; et on terminera de même par un colloque suivi de l'Oraison dominicale.

119  Dans cette répétition et dans les suivantes, on gardera la même méthode que dans celles de la première Semaine (62), changeant la matière et conservant la forme.

Quatrième contemplation

120  La quatrième contemplation sera encore une répétition du premier et du second exercice, et se fera de la même manière que la précédente.

Cinquième contemplation

La cinquième contemplation sera l'application des cinq sens à la première et à la seconde contemplation

121  Après l'oraison préparatoire et les trois préludes, il sera utile d'exercer les cinq sens de l'imagination sur les mystères de la première et de la seconde contemplation, de la manière suivante :

122  Dans le premier point, je verrai des yeux de l'imagination les personnes, méditant et contemplant, dans le détail, les circonstances dans lesquelles elles se trouvent, et tâchant de tirer de cette vue quelque profit.

123  Dans le second point, j'entendrai, à l'aide de l'imagination, ce qu'elles disent ou peuvent dire, réfléchissant en moi-même pour en tirer quelque profit.

124  Dans le troisième, je m'imaginerai sentir, respirer et goûter la suavité et la douceur infinies de la Divinité, de l'âme, de ses vertus et de tout le reste, selon la personne que je contemple, réfléchissant en moi-même et m'efforçant d'en retirer de l'utilité.

125  Dans le quatrième, j'exercerai le sens du toucher, embrassant, par exemple, et baisant les endroits où marchent, où reposent les personnes que je contemple, tâchant toujours de le faire avec profit.

126  Je terminerai par un colloque, comme dans la première et la seconde contemplation, et par l'Oraison dominicale.

Remarques

127  Première remarque. On aura soin, cette semaine et les suivantes, de ne lire aucun mystère que l'on ne doive contempler dans la journée ou à l'heure même, de peur que la considération de l'un ne nuise à celle de l'autre.

128  Deuxième remarque. Le premier Exercice, qui est la contemplation de l'Incarnation, se fera au milieu de la nuit ; le second, au commencement du jour ; le troisième, à l'heure de la messe ; le quatrième, à l'heure des vêpres ; et le cinquième, avant le souper. Chacun de ces Exercices durera une heure. Tel est l'ordre que l'on suivra désormais.

129  Troisième remarque. On fera attention que, si la personne qui fait les Exercices est d'un âge avancé ou d'une santé faible, ou, bien que robuste, si elle se trouve en quelque manière affaiblie par les Exercices de la première semaine, il sera mieux, cette seconde semaine, qu'elle s'abstienne, au moins quelquefois, de se lever au milieu de la nuit. Elle fera alors une contemplation le matin, une autre à l'heure de la messe et une troisième avant le dîner ; puis une répétition de ces trois Exercices à l'heure des vêpres et l'application des sens avant le souper.

130  Quatrième remarque. Dans cette seconde semaine, on modifiera de la manière suivante la deuxième, la septième et la dixième des additions de la première semaine.

Deuxième addition (74). Aussitôt que je serai réveillé, je me mettrai devant les yeux la contemplation que je dois faire, excitant en moi un vif désir de connaître davantage le Verbe incarné, pour le suivre de plus près et le servir avec plus de fidélité.
Sixième addition (78). Je rappellerai fréquemment à ma mémoire la vie et les mystères de Jésus-Christ, Notre-Seigneur, depuis son Incarnation jusqu'au mystère que je contemple actuellement.
Septième addition (79). Je choisirai la lumière ou les ténèbres ; je profiterai de la sérénité ou de l'obscurité du ciel, autant que j'espérerai en retirer de l'utilité pour trouver ce que je désire.
Dixième addition (82-86). Celui qui fait les Exercices doit s'efforcer de se conformer à la nature des mystères qu'il contemple ; car quelques-uns demandent des sentiments et des œuvres de pénitence, et d'autres ne les exigent pas. Enfin, on observera les dix additions avec beaucoup de soin.

131  Cinquième remarque. ‹ Dans les Exercices autres que celui du milieu de la nuit et du matin, on fera l'équivalent de la deuxième addition (74) de la manière qui suit : quelques instants avant l'heure de l'Exercice que je suis sur le point de faire, je me représenterai où je vais et devant qui je dois paraître ; puis, je repasserai brièvement le sujet que je dois méditer ou contempler, et, après avoir fait la troisième addition (75) je commencerai mon exercice.

Second jour

132  La première contemplation du second jour sera la Présentation au temple (268) ; la seconde, la Fuite en Égypte comme en un lieu d'exil (269). On fera sur ces deux contemplations deux répétitions et l'application des sens, de la même manière que le jour précédent.

133  Quoique celui qui fait les Exercices ne manque ni de force corporelle ni de dispositions spirituelles, il lui sera quelquefois utile, pour trouver plus efficacement ce qu'il désire, de diminuer le nombre des Exercices depuis ce second jour jusqu'au quatrième inclusivement. Il pourra donc ne faire qu'une contemplation le matin et une autre à l'heure de la Messe. Il les répétera à l'heure des Vêpres, et appliquera les sens avant le souper.

Troisième jour

134  Dans la première contemplation, on considérera comment l'Enfant-Jésus était soumis à ses parents dans la maison de Nazareth (271) ; et dans la seconde, comment ils le retrouvèrent dans le Temple (272). On fera également deux répétitions et l'application des sens.

Prélude pour la considération de divers états de vie.

135  Nous venons de considérer l'exemple de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans deux états de vie : dans le premier, qui est celui de l'observation des commandements, lorsqu'il était sous l'obéissance de ses parents ; dans le second, qui est celui de la perfection évangélique, lorsqu'il resta dans le Temple, abandonnant son père adoptif et sa mère selon la nature pour vaquer uniquement au service de son Père éternel. Nous commencerons donc ici, tout en contemplant sa vie, à rechercher devant Dieu, et à lui demander avec instance la grâce de nous faire connaître en quel état ou genre de vie sa divine Majesté veut se servir de nous.
Pour introduction à cet examen, nous découvrirons dans l'exercice suivant, d'un côté, l'intention de Jésus-Christ, notre Seigneur, et, de l'autre, celle de l'ennemi de la nature humaine, et nous apprendrons ce que nous devons faire pour nous mettre en état de parvenir à la perfection, dans quelque état ou genre de vie que Dieu notre Seigneur nous aura donné de choisir.

Quatrième jour

Méditation de deux étendards l'un de Jésus-Christ, notre chef souverain et notre Seigneur ; l'autre de Lucifer, ennemi
mortel de la nature humaine.

136  L'oraison préparatoire est toujours la même.

137  Le premier prélude consiste à se rappeler le fait historique de la méditation. Ici c'est, d'un côté, Jésus-Christ qui appelle tous les hommes et veut les réunir sous son étendard ; de l'autre, c'est Lucifer qui les appelle sous le sien.

138  Le second prélude est la composition de lieu. Ici, on se représentera une vaste plaine près de Jérusalem, au milieu de laquelle se trouve Notre-Seigneur Jésus-Christ, chef souverain de tous les hommes vertueux, et une autre plaine près de Babylone, où est Lucifer, le chef des ennemis.

139  Le troisième prélude consiste à demander ce que je veux obtenir. Dans cet exercice ce sera, premièrement, la connaissance des ruses du chef des méchants et le secours dont j'ai besoin pour m'en défendre ; secondement, la connaissance de la véritable vie, qui nous est montrée par le chef souverain et légitime, et la grâce nécessaire pour l'imiter.

Première partie

140  Dans le premier point, je me représenterai le chef du parti ennemi dans cette vaste campagne de Babylone, assis dans une chaire élevée, toute de feu et de fumée, sous des traits horribles et d'un aspect épouvantable.

141  Dans le second point, je considérerai comment il appelle autour de lui des démons innombrables ; comme il les répand, les uns dans une ville, les autres dans une autre, et ainsi dans tout l'univers, n'oubliant aucune province, aucune condition, aucun lieu, aucune personne en particulier.

142  Dans le troisième point, j'écouterai le discours qu'il leur adresse, comme il leur ordonne avec menaces de jeter des filets et des chaînes. Ils doivent tenter les hommes, en leur inspirant d'abord le désir des richesses, comme il fait le plus souvent lui-même, afin de les conduire plus facilement à l'amour du vain honneur du monde, et de là à un orgueil sans bornes. De sorte que le premier degré de la tentation, ce sont les richesses ; le second, les honneurs ; le troisième, l'orgueil ; et de ces trois degrés il porte les hommes à tous les autres vices.

Seconde partie

143  A l'opposé, on se représentera également le chef souverain et véritable, qui est Jésus-Christ, notre Seigneur.

144  Dans le premier point, je considérerai comment Jésus-Christ, se tient en un lieu humble, dans une vaste plaine des environs de Jérusalem, beau et plein de grâce.

145  Dans le second point, je considérerai comment le Seigneur du monde entier choisit un si grand nombre de personnes, les Apôtres, les disciples et tant d'autres, et comment il les envoie dans tout l'univers répandre sa doctrine sacrée parmi les hommes de tous les âges et de toutes les conditions.

146  Dans le troisième, j'écouterai le discours que Jésus-Christ, notre Seigneur, adresse à tous ses serviteurs et à tous ses amis qu'il envoie à cette expédition. Il leur recommande d'aider tous les hommes, en les attirant premièrement à une entière pauvreté spirituelle, et non moins à la pauvreté réelle, si la divine Majesté l'a pour agréable et veut les appeler à cet état ; secondement, au désir des opprobres et des mépris, parce que de ces deux choses naît l'humilité. De sorte qu'il y a, comme au troisième point précédent, trois degrés : le premier, la pauvreté opposée aux richesses ; le second, les opprobres et les mépris opposés à l'honneur du monde : le troisième, l'humilité opposée à l'orgueil ; et de ces trois degrés ils porteront les hommes à toutes les autres vertus.

Colloques

147  Dans un premier colloque, je demanderai à Notre-Dame qu'elle m'obtienne de son Fils et Seigneur la grâce d'être reçu sous son étendard :
– premièrement, par la parfaite pauvreté spirituelle, et même, si la divine Majesté l'a pour agréable, et veut me choisir et m'admettre à cet état, par la pauvreté réelle ;
– secondement, en souffrant les opprobres et les injures, afin de l'imiter en cela plus parfaitement, pourvu que je puisse les souffrir sans péché de la part du prochain, et sans déplaisir de sa divine Majesté.
Je terminerai ce colloque par la Salutation angélique.
Dans le second colloque, je m'adresserai à Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour qu'il m'obtienne de Dieu le Père la même grâce, et je réciterai la prière Âme de Jésus-Christ .
Dans le troisième colloque, je demanderai la même grâce à Dieu le Père, le suppliant de me l'accorder lui-même, et je réciterai l'Oraison dominicale.

148  Cet exercice se fera une première fois au milieu de la nuit, et une seconde fois le matin. On en fera deux répétitions : l'une à l'heure de la Messe, et l'autre à l'heure de Vêpres, toujours en finissant par les trois colloques à Notre-Dame, au Fils et au Père. L'exercice suivant, appelé des Trois Classes, se fera avant le souper.

149  Le même jour on fera la méditation des trois classes d'hommes pour se déterminer à suivre la plus parfaite.

L'oraison préparatoire ordinaire.

150  Le premier prélude est l'histoire qui doit servir de base à la méditation. Nous supposons ici trois classes d'hommes composées chacune de deux personnes. Toutes les trois ont acquis dix mille ducats, sans se proposer purement et uniquement le motif de l'amour de Dieu. Et elles veulent se sauver et trouver Dieu, notre Seigneur, dans la paix, en se déchargeant d'un poids qui les arrête, et en surmontant l'obstacle qu'elles rencontrent à leur dessein dans l'affection au bien qu'elles ont acquis.

151  Le second prélude est la composition de lieu. Ici, je me considérerai moi-même en présence de Dieu, notre Seigneur, et de tous les Saints, dans la disposition de désirer et de connaître ce qui sera le plus agréable à sa divine volonté.

152  Le troisième prélude est la demande de ce que l'on veut obtenir. Ici, je demanderai la grâce de choisir ce qui sera en effet le plus glorieux à la divine Majesté, et le plus avantageux au salut de mon âme.

153  La première classe voudrait se défaire de l'affection qu'elle éprouve pour le bien qu'elle possède, afin de trouver Dieu, notre Seigneur, dans la paix, et de pouvoir opérer son salut ; mais elle n'emploie de fait aucun moyen avant l'heure de la mort.

154  La seconde classe veut détruire cette affection ; mais elle le veut à la condition de conserver le bien acquis : elle voudrait amener Dieu à son désir, et elle ne peut se déterminer à quitter ce qu'elle possède pour aller à Dieu, quand même ce parti serait le meilleur pour elle.

155  La troisième classe veut aussi se dégager de cette affection, et elle le veut de telle sorte, qu'elle n'est pas plus portée à conserver la somme acquise qu'à ne la conserver pas. Elle ne consultera, pour la retenir ou pour s'en défaire, que le mouvement intérieur de la grâce, et ce qui lui paraîtra le meilleur pour le service et la louange de la divine majesté. En attendant, elle veut se conduire comme ayant tout abandonné de cœur, et s'efforce de ne désirer ni ce qu'elle possède ni aucun autre bien sur la terre que dans la seule considération du service de la majesté divine ; en sorte que le désir de pouvoir mieux servir Dieu, notre Seigneur, sera son unique règle pour se déterminer à retenir le bien qu'elle a acquis ou à s'en dépouiller.

156  On terminera cet exercice par les trois colloques de la contemplation des Deux Étendards (147).

157  Il faut remarquer que, quand nous éprouvons de la répugnance ou une affection contraire à la pauvreté actuelle, quand nous ne sommes pas dans une véritable indifférence entre la pauvreté et les richesses, il est très utile, pour détruire cette affection déréglée, de demander dans les colloques, malgré les mouvements de la nature, que le Seigneur daigne nous appeler à ce genre de pauvreté, en lui protestant que nous le voulons, que nous le lui demandons, que nous l'en supplions, pourvu que ce soit pour la gloire et le service de sa divine Bonté (cf. 16).

Cinquième jour

158  Le sujet de la contemplation du cinquième jour est le départ de Jésus-Christ, notre Seigneur, de Nazareth pour le fleuve du Jourdain, et son baptême par saint Jean (273).

159  Cette contemplation se fera une première fois au milieu de la nuit, et une seconde fois le matin. On en fera deux répétitions, l'une à l'heure de la Messe, l'autre à l'heure de Vêpres ; enfin l'application des sens avant le souper. Avant chacun des cinq Exercices, on fera toujours l'oraison préparatoire ordinaire et les trois préludes, selon ce qui est expliqué dans la contemplation de l'Incarnation (101) et de la Naissance du Sauveur (110), et on les terminera par les trois colloques des Trois Classes (156), en observant fidèlement la remarque qui suit cet exercice (157).

160  L'examen particulier, après le dîner et après le souper, se fera sur les fautes et les négligences que l'on aura commises dans les exercices du jour et dans la pratique des additions ; et de même les jours suivants.

Sixième jour

161  Le sujet de la contemplation du sixième jour sera comment Jésus-Christ, notre Seigneur, alla du Jourdain au désert, et ce qui s'y passa (274).
On observera, en tout, ce qui est marqué au jour précédent (159).

Septième jour

Comment saint André et les autres Apôtres suivirent Jésus-Christ, notre Seigneur (275).

Huitième jour

Le sermon sur la montagne, ou les huit Béatitudes (278).

Neuvième jour

Comment Notre-Seigneur Jésus-Christ apparut à ses disciples, marchant sur les flots (280).

Dixième jour

Comment le Seigneur prêchait dans le Temple (288).

Onzième jour

La résurrection de Lazare (285).

Douzième jour

Du jour des Rameaux (287).

Remarques

162  Première remarque. On peut, dans cette seconde semaine, selon le temps que l'on veut y employer et le profit spirituel que l'on en retire, multiplier ou diminuer le nombre des contemplations. Dans le premier cas, on ajoutera les mystères de la Visitation (263), de l'Adoration des Bergers (265), de la Circoncision (266), de l'Adoration des Mages (267), et ainsi des autres ; dans le second, on en retranchera plusieurs, même de ceux qui sont ici indiqués, puisqu'en les réunissant on ne s'est proposé que de présenter une introduction à la méditation des mystères du Sauveur, afin que l'on puisse les contempler ensuite d'une manière plus complète.

163  Deuxième remarque. La matière de l'élection commencera à se traiter à la contemplation du départ de Notre-Seigneur de Nazareth pour le Jourdain (158), c'est-à-dire le cinquième jour inclusivement : ce qui doit se faire selon la méthode indiquée plus bas (169-174).

164  Troisième remarque. Avant d'entrer dans la matière de l'élection, il sera très utile, pour s'affectionner à la véritable doctrine de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de considérer attentivement les trois modes ou degrés d'humilité suivants, de s'en occuper souvent pendant le jour, en faisant les trois colloques, comme il est recommandé plus bas (168).

Les trois degrés d'humilité.

165  Le premier degré d'humilité est nécessaire pour le salut éternel. Il consiste à m'abaisser et à m'humilier autant qu'il me sera possible et qu'il est nécessaire pour obéir en tout à la loi de Dieu, notre Seigneur : de sorte que, quand on m'offrirait le domaine de l'univers, quand on me menacerait de m'ôter la vie, je ne mette pas même en délibération la possibilité de transgresser un commandement de Dieu ou des hommes, qui m'oblige sous peine de péché mortel.

166  Le second degré d'humilité est plus parfait que le premier. Il consiste à me trouver dans une entière indifférence de volonté et d'affection entre les richesses et la pauvreté, les honneurs et les mépris, le désir d'une longue vie ou d'une vie courte, pourvu qu'il en revienne à Dieu une gloire égale et un égal avantage au salut de mon âme. De plus, quand il s'agirait de gagner le monde entier, ou de sauver ma propre vie, je ne balancerais pas à rejeter toute pensée de commettre à cette fin un seul péché véniel.

167  Le troisième degré d'humilité est très parfait. Il renferme les deux premiers, et veut de plus, supposé que la louange et la gloire de la Majesté divine soient égales, que, pour imiter plus parfaitement Jésus-Christ, notre Seigneur, et me rendre de fait plus semblable à lui, je préfère, j'embrasse la pauvreté avec Jésus-Christ pauvre, plutôt que les richesses ; les opprobres avec Jésus-Christ rassasié d'opprobres, plutôt que les honneurs ; le désir d'être regardé comme un homme inutile et insensé, par amour pour Jésus-Christ, qui le premier a été regardé comme tel, plutôt que de passer pour un homme sage et prudent aux yeux du monde.

168  Il sera donc très utile, pour celui qui désire obtenir ce troisième degré d'humilité, de faire les trois colloques de la méditation des Trois Classes, demandant à Notre-Seigneur qu'il veuille l'appeler à cette vertu dans un degré plus élevé et plus précieux que les deux premiers, afin de l'imiter et de le servir plus parfaitement, pourvu que le service et la louange de sa divine Majesté s'y trouvent également, ou davantage.

De l'élection

I. Prélude, ou principe fondamental

169  La première condition requise pour faire une bonne élection est, de notre part, que l'œil de notre intention soit simple. Je ne dois considérer qu'une seule chose, la fin pour laquelle je suis créé. Or cette fin est la gloire de Dieu, notre Seigneur, et le salut de mon âme ; donc, quelle que soit la chose que je me décide à choisir, ce doit être pour qu'elle m'aide à obtenir cette fin : me gardant de subordonner et d'attirer la fin au moyen, mais dirigeant le moyen vers la fin.
Un grand nombre de personnes commencent souvent par se déterminer à embrasser l'état conjugal, par exemple, qui n'est qu'un moyen, puis à servir dans cet état Dieu, notre Seigneur, ce qui est notre fin. D'autres commencent également par prendre la résolution d'accepter des bénéfices ecclésiastiques, et elles pensent ensuite aux moyens de servir Dieu en possédant ces bénéfices. Aucune de ces personnes ne va droit à Dieu ; mais toutes veulent que Dieu vienne droit à leurs affections déréglées ; et, par conséquent, elles font de la fin le moyen, et du moyen la fin. Elles mettent en dernier lieu ce qu'elles devraient avoir premièrement en vue.
Car nous devons en premier lieu nous proposer de servir Dieu, ce qui est notre fin ; et, en second lieu, d'accepter un bénéfice ou de choisir l'état de mariage, si cela nous paraît plus convenable, ce qui est le moyen pour arriver à notre fin. Aucun motif ne doit donc me déterminer à choisir ou à rejeter tout ce qui est proprement moyen, que le service et la louange de Dieu, notre Seigneur, et le salut éternel de mon âme.

II. De la nature des objets qui peuvent être matière de l'élection

Quatre règles et une remarque.

170  Première règle. Il est nécessaire que toutes les choses dont nous voulons faire élection soient indifférentes ou bonnes en elles-mêmes, et admises dans l'Église catholique, notre sainte Mère. Elles ne peuvent donc jamais être mauvaises, ni contraires à ce que l'Église reçoit.

171  Deuxième règle ‹ Il est des choses qui rendent l'élection invariable, comme sont le sacerdoce, le mariage, etc. ; il en est d'autres qui la laissent variable, comme sont les bénéfices ecclésiastiques et les biens temporels, que l'on peut accepter et abandonner à volonté.

172  Troisième règle. Lorsqu'on a fait une élection qui est, de sa nature, invariable, par exemple, lorsqu'on s'est engagé dans le mariage ou dans les ordres sacrés, il n'y a plus à y revenir, puisque le lien est essentiellement indissoluble. Si donc on n'a pas fait cette élection avec maturité et sans affection déréglée, comme on le devait, il faut tâcher de s'en repentir, et de mener une vie régulière dans l'état que l'on a choisi, bien que cette élection ne soit pas, ce semble, une vocation divine, puisqu'elle s'est faite avec une intention oblique et avec affection déréglée. Beaucoup de personnes se trompent en prenant une élection semblable pour une vocation divine : car la vocation divine est toujours pure et sans souillure, sans mélange des inclinations de la chair et des sens, ni d'aucune autre affection désordonnée.

173  Quatrième règle. ‹ Si l'on a fait d'une manière sage et convenable, sans prendre conseil de la chair ni du monde, une élection qui est en elle-même variable, il n'y a pas de raison pour faire de nouveau l'élection. Il suffira de se perfectionner dans l'état que l'on a choisi, autant qu'on le pourra.

174  Remarque. Mais si cette élection variable n'a pas été faite avec une intention droite et une affection réglée, il sera utile de la faire de nouveau, si on a le désir de produire des fruits de salut abondants et très agréables à la Majesté divine.

III. De trois temps ou circonstances dans lesquels on peut faire une bonne et sage élection

175  Le premier temps est lorsque Dieu, notre Seigneur, meut et attire tellement la volonté, que, sans douter ni pouvoir douter, l'âme pieuse suit ce qui lui est montré ; comme le firent saint Paul et saint Matthieu, en suivant Jésus-Christ, notre Seigneur.

176  Le second, lorsque l'âme reçoit beaucoup de lumière et de connaissance au moyen des consolations et des désolations intérieures qu'elle éprouve, et par l'expérience du discernement des esprits.

177  Le troisième est tranquille. L'homme, considérant d'abord pourquoi il est créé, c'est-à-dire pour louer Dieu, notre Seigneur, et sauver son âme, et touché du désir d'obtenir cette fin, choisit comme moyen un état ou genre de vie parmi ceux que l'Église autorise, pour mieux travailler au service de son Seigneur et au salut de son âme. J'appelle temps tranquille celui où l'âme n'est pas agitée de divers esprits, et fait usage de ses puissances naturelles, librement et tranquillement.

178  Si l'élection ne se fait pas dans le premier ou dans le second temps, voici deux manières de la faire dans le troisième.

IV. Premier mode pour faire une bonne et sage élection Il renferme six points.

Premier point. Le premier point consiste à me représenter l'objet qui est la matière de l'élection. C'est un emploi ou un bénéfice que je puis accepter ou refuser, ou toute autre chose qui tombe sous l'élection variable.

179  Second point. Dans le second point, je dois me mettre devant les yeux la fin pour laquelle je suis créé, savoir : louer Dieu, notre Seigneur, et sauver mon âme. Je dois en outre me trouver dans une entière indifférence, et sans aucune affection désordonnée ; de sorte que je ne sois pas plus porté ni affectionné à choisir l'objet proposé qu'à le laisser ; ni plus à le laisser qu'à le choisir, gardant l'équilibre de la balance, et prêt à suivre le parti qui me semblera le plus propre à procurer la gloire de Dieu et le salut de mon âme.

180  Troisième point. Dans le troisième point, je demanderai à Dieu, notre Seigneur, qu'il daigne toucher ma volonté, et mettre lui-même dans mon âme ce que je dois faire relativement au choix qui m'occupe, à sa plus grande louange et à sa plus grande gloire, réfléchissant de mon côté avec attention et fidélité, au moyen de l'entendement, afin de faire un choix conforme à sa très sainte volonté et à son bon plaisir.

181  Quatrième point. Dans le quatrième point, je considérerai avec attention, d'un côté, l'utilité et les avantages qui doivent résulter pour moi de l'acceptation de cet emploi ou de ce bénéfice, sous le rapport unique de la louange de Dieu, notre Seigneur, et du salut de mon âme ; et, de l'autre, je considérerai les inconvénients et les dangers. Ensuite, j'examinerai avec la même diligence, d'abord l'utilité et les avantages, puis les inconvénients et les dangers du refus.

182  Cinquième point. Dans le cinquième point, après avoir ainsi examiné la question sous ses divers points de vue, je considérerai de quel côté la raison incline davantage ; et, ne suivant que sa lumière, sans consulter aucunement les sens, je fixerai mon choix sur la matière que je viens de discuter.

183  Sixième point. L'élection ainsi terminée, je m'empresserai de me mettre en prière en la présence de Dieu, notre Seigneur, et de lui offrir le choix que je viens de faire, afin que sa divine Majesté daigne le recevoir et le confirmer, s'il est conforme à son plus grand service et à sa plus grande gloire.

V. Second mode pour faire une bonne et sage élection

Il renferme quatre règles et une remarque.

184  Première règle. L'amour qui me porte et me détermine à choisir tel objet doit venir d'en haut, et descendre de l'amour de Dieu même. Je dois donc, avant d'arrêter mon élection, sentir intérieurement que l'affection plus ou moins grande que j'éprouve pour cet objet est uniquement en considération de mon Créateur et Seigneur.

185  Seconde règle. Je me représenterai un homme que je n'ai jamais vu ni connu ; et, lui désirant toute la perfection dont il est capable, j'examinerai ce que je lui dirais de faire et de choisir pour la plus grande gloire de Dieu, notre Seigneur, et pour la plus grande perfection de son âme ; puis, me donnant à moi-même les mêmes conseils, je ferai ce que je lui dirais de faire.

186  Troisième règle. Je considérerai, comme si j'étais à l'article de la mort, de quelle manière et avec quel soin je voudrais m'être conduit dans l'élection présente ; et, me réglant sur ce que je voudrais avoir fait alors, je le ferai fidèlement maintenant.

187  Quatrième règle. Je considérerai avec attention quelles seront mes pensées au jour du jugement ; je me demanderai comment je voudrais avoir délibéré dans l'élection actuelle ; et la règle que je voudrais alors avoir suivie est celle que je suivrai à cette heure, afin de me trouver en ce jour dans un entier contentement et dans une grande joie.

188  Remarque. Après avoir exactement observé ces quatre règles, et pourvu ainsi au repos et au salut éternel de mon âme, je ferai mon élection et mon oblation à Dieu, notre Seigneur, comme il a été dit dans le sixième point du premier mode d'élection (183).

VI.  De l'amendement personnel et de la réforme à introduire dans l'état de vie que l'on a embrassé

189  Quant aux personnes constituées en dignité dans l'Église ou engagées dans le mariage, il faut, abstraction faite de la grandeur ou de la médiocrité de leur fortune, tenir avec elles la conduite suivante. Lorsque le retraitant n'a pas la facilité, et surtout une volonté ferme de faire l'élection sur certains points qui tombent sous l'élection variable, il est très utile, pour y suppléer, de lui suggérer quelques avis, de lui tracer quelques règles, qui l'aideront à réformer sa conduite personnelle, et sa manière d'être dans l'état de vie qu'il a embrassé. Ainsi, après s'être rappelé qu'il a été créé pour la gloire et la louange de Dieu, notre Seigneur, et pour le salut de son âme, il fera en sorte de rapporter toute sa conduite et son état de vie à cette double fin.
Pour arriver à ce but, il réfléchira attentivement, à l'aide des exercices précédents, et d'après les modes d'élection que nous avons exposés, quelle doit être sa maison et le nombre de ses domestiques ; comment il doit les conduire et les gouverner ; comment il est de son devoir de les instruire par ses discours et par ses exemples ; de même, quelle partie de ses revenus il peut employer aux besoins de sa famille et de sa maison, et quelle autre il doit distribuer aux pauvres et consacrer aux bonnes œuvres. Et il ne doit en tout et pour tout cela ni vouloir, ni chercher autre chose que la plus grande louange et la plus grande gloire de Dieu, notre Seigneur : car il faut que chacun sache qu'il avancera dans les choses spirituelles à proportion qu'il se dépouillera de son amour-propre, de sa volonté propre, et de son propre intérêt.

TROISIÈME SEMAINE

Premier jour

Première contemplation

190  La première contemplation se fera au milieu de la nuit, sur le voyage de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de Béthanie à Jérusalem, jusqu'à la dernière Cène inclusivement (cf. Mystères, 289). Elle renferme l'oraison préparatoire, trois préludes six points et un colloque.
L'oraison préparatoire est la même que les Semaines précédentes.

191  Le premier prélude consiste à se rappeler l'histoire du mystère. Dans la contemplation présente, on se rappellera comment Jésus-Christ, notre Seigneur, envoya de Béthanie à Jérusalem deux de ses disciples pour préparer la Cène ; comment il y alla lui-même ensuite avec les autres disciples ; comment, après la manducation de l'agneau pascal, à la fin du repas dont elle fut suivie, il leur lava les pieds, leur donna son très saint Corps et son précieux Sang ; comment, enfin, il leur adressa le discours de la Cène, lorsque Judas fut sorti pour aller vendre son Seigneur.

192  Le second est la composition de lieu. Ici, il consistera à considérer le chemin de Béthanie à Jérusalem. Est-il large ou étroit ? uni ou raboteux ? De même, le lieu de la Cène. Est-il vaste ou resserré ? disposé de telle ou de toute autre manière ?

193  Le troisième est la demande de ce que l'on veut obtenir. Dans cette contemplation, je demanderai la tristesse, la douleur et la confusion, puisque c'est pour mes péchés que le Seigneur va à sa Passion.

194  Dans le premier point, je verrai les personnes de la Cène ; puis, réfléchissant en moi-même, je m'efforcerai d'en retirer quelque profit.
Dans le second, j'entendrai ce qu'elles disent, et je tâcherai d'en retirer quelque utilité pour mon âme.
Dans le troisième, je regarderai ce qu'elles font, afin d'en retirer quelque fruit.

195  Dans le quatrième, je considérerai, selon le passage de la Passion que je contemple, ce que Jésus-Christ, notre Seigneur, souffre ou désire souffrir en son Humanité. Ici, je commencerai à réunir toutes les forces de mon âme pour m'exciter à la douleur, à la tristesse et aux larmes ; ce que je ferai avec la même application dans les points suivants.

196  Dans le cinquième, je considérerai comment la Divinité reste cachée durant toute la Passion du Sauveur. Elle pourrait détruire ses ennemis, et elle ne le fait pas ; et elle abandonne aux plus cruels tourments la très sainte Humanité qui lui est unie.

197  Dans le sixième, je considérerai que le Sauveur endure toutes ses souffrances pour mes péchés ; et je me demanderai ce que je dois faire et souffrir pour lui.

198  Je terminerai par un colloque à Jésus-Christ, notre Seigneur, et par l'Oraison dominicale.

199  Il faut remarquer, comme nous l'avons déjà dit en partie (54,109), que dans les colloques nous devons, soit pour le raisonnement, soit pour les demandes, consulter le sujet de la méditation et nos dispositions présentes. J'éprouve, par exemple, des tentations ou des consolations ; je désire obtenir telle ou telle vertu ; j'ai dessein d'embrasser tel parti ou tel autre ; je veux m'exciter à la tristesse ou à la joie, selon le mystère que je contemple ; dans ces suppositions et dans toutes les autres, mes demandes doivent toujours se rapporter à certains points particuliers que je désire plus vivement obtenir. On peut se contenter d'un seul colloque, que l'on adressera à Jésus-Christ, notre Seigneur, ou en faire trois, si le sujet de la méditation ou la dévotion y porte : l'un à la très sainte Vierge, l'autre à son divin Fils, le troisième à Dieu le Père, comme il est dit dans la Seconde semaine à la fin de la méditation des Deux Étendards, en observant ce qui est marqué dans la note qui suit l'exercice des Trois Classes (147, 157).

Seconde contemplation

La seconde contemplation, celle du matin, se fera sur les faits qui se sont passés depuis la fin de la Cène jusqu'au jardin inclusivement. (Voir 290).

200  L'oraison préparatoire ordinaire.

201  Le premier prélude est un précis de l'histoire. Ici, je me rappellerai comment Jésus-Christ, notre Seigneur, descendit avec ses onze disciples de la montagne de Sion, où il venait de célébrer la Cène, dans la vallée de Josaphat. Il en laisse huit dans un endroit de la vallée, et les trois autres dans une partie du Jardin ; et, se mettant en prière, il répand une sueur comme des gouttes de sang. Il fait par trois fois une prière à son Père ; il réveille ses trois disciples ; ses ennemis tombent à sa voix ; Judas lui donne le baiser de paix ; saint Pierre abat une oreille à Malchus ; Jésus la lui remet en place ; il est pris comme un malfaiteur ; on le conduit, en descendant la vallée, et ensuite en remontant la côte, à la maison d'Anne.

202  Le second est de voir le lieu de la contemplation. Ici, je considérerai le chemin de la montagne de Sion à la vallée de Josaphat ; de même le Jardin : sa longueur, sa largeur, sa disposition, comme l'imagination me le représentera.

203  Le troisième est de demander ce que je veux obtenir. Ce qu'il est convenable de demander dans la Passion, c'est la douleur avec Jésus-Christ dans la douleur ; le brisement de l'âme avec Jésus-Christ brisé dans son âme et dans son corps ; des larmes, et le sentiment intérieur de tant de maux que Jésus-Christ a soufferts pour moi.

Remarques

204  Première remarque. Après l'oraison préparatoire et les trois préludes, on suivra, dans cette seconde contemplation, le même ordre pour les points et le colloque que dans la première (194,198). A l'heure de la messe et de vêpres, on fera deux répétitions de l'une et de l'autre, et l'application des sens avant le souper ; commençant par l'oraison préparatoire et les préludes, selon le sujet de la contemplation, suivant ce qui a été recommandé et expliqué dans la seconde Semaine (159).

205  Deuxième remarque. Autant que l'âge, les forces et les dispositions de la personne qui fait les Exercices le permettront, elle fera chaque jour les cinq exercices, au moins.

206  Troisième remarque. Dans cette troisième Semaine, on modifiera de la manière suivante la deuxième et la sixième additions.
Deuxième addition (74). Aussitôt que je serai réveillé, je me représenterai où je vais, et pourquoi ; je résumerai brièvement le sujet de ma contemplation ; et, selon le mystère que je vais contempler, je m'efforcerai, en me levant et en m'habillant, de m'exciter intérieurement à la douleur et à la tristesse, à la vue des douleurs sans nombre et des souffrances incompréhensibles de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Sixième addition (78). Je ne chercherai point à m'entretenir de pensées consolantes, quoique bonnes et saintes, comme seraient celles de la Résurrection et du Ciel ; mais je m'exciterai plutôt à la douleur, à la tristesse, à l'affliction de l'âme ; rappelant souvent à ma mémoire les travaux, les fatigues et les douleurs que Notre-Seigneur Jésus-Christ endura depuis le moment de sa naissance jusqu'au mystère de la Passion que je médite maintenant.

207  Quatrième. L'examen particulier se fera sur les exercices et les additions présentes, comme la Semaine précédente.

Second jour

208  La contemplation du milieu de la nuit se fera sur ce qui s'est passé depuis la sortie du Jardin jusqu'à la maison d'Anne inclusivement (291) ; et celle du matin, depuis la maison d'Anne jusqu'à la maison de Caïphe inclusivement (voir 292) ; et ensuite les deux répétitions et l'application des sens, comme il a été dit (204).

Troisième jour

Au milieu de la nuit, de la maison de Caïphe au Prétoire inclusivement (293) ; le matin, du Prétoire au palais d'Hérode inclusivement (294) ; et ensuite les répétitions et l'application des sens, de la manière déjà dite.

Quatrième jour

Au milieu de la nuit, sur le renvoi d'Hérode à Pilate jusqu'à la moitié des mystères qui se sont passés dans la maison de Pilate (295) ; dans l'exercice du matin, les autres Mystères qui se sont passés au Prétoire ; puis les répétitions et l'application des sens, comme il est dit.

Cinquième jour

Au milieu de la nuit, ce qui se passa depuis la maison de Pilate jusqu'au Crucifiement du Sauveur (296) ; et le matin, depuis qu'il fut élevé en Croix jusqu'à ce qu'il rendit le dernier soupir {297) ; ensuite les deux répétitions et l'application des sens.

Sixième jour

Au milieu de la nuit, depuis la descente de Croix jusqu'au Sépulcre exclusivement (298) ; et le matin, depuis le Sépulcre inclusivement jusqu'à la maison où se retira Notre-Dame, lorsque son Fils fut enseveli.

Septième jour

La contemplation de toute la Passion dans l'exercice du milieu de la nuit, et dans celui du matin ; et au lieu des deux répétitions et de l'application des sens, on considérera tout le jour, autant qu'on le pourra, comment le très sacré corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ resta séparé de son âme ; où et comment il fut enseveli. On considérera de même, d'un côté, la solitude de Notre-Dame, plongée dans une grande douleur et dans une grande affliction ; et, de l'autre, l'isolement et la tristesse des disciples.

209  Remarque. Supposé que l'on veuille accorder plus de temps aux contemplations sur la Passion, on prendra pour chaque exercice un plus petit nombre de mystères : par exemple, pour la première contemplation, la Cène seulement ; pour la seconde, le Lavement des pieds ; pour la troisième, l'Institution du sacrement de l'Eucharistie ; pour la quatrième, le discours du Sauveur après la Cène ; et ainsi des autres contemplations, jusqu'à la fin de la Passion.
Lorsqu'on l'aura terminée on pourra prendre un jour entier pour repasser la première partie ; et un second jour pour la seconde ; et enfin un troisième pour toute la Passion.
Au contraire, si l'on veut abréger, on peut prendre pour Exercice du milieu de la nuit la Cène tout entière ; pour celui du matin, le Jardin ; à l'heure de la messe, la maison d'Anne ; à l'heure des vêpres, la maison de Caïphe ; avant le souper, la maison de Pilate ; omettant les répétitions et les applications des sens ; faisant chaque jour cinq exercices distincts, et prenant pour chaque exercice un nouveau mystère de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
La Passion ainsi méditée, on peut la repasser tout entière dans un seul jour en un ou plusieurs exercices, comme on jugera pouvoir en retirer plus de fruit.

Règles de Tempérance

210  Première règle. C'est moins dans l'usage du pain que dans celui des autres mets, que nous devons pratiquer la tempérance. A l'égard d'une nourriture aussi commune, il y a moins à craindre du côté de la tentation et du dérèglement de l'appétit.

211  Deuxième règle. La tempérance doit se pratiquer dans le boire plutôt que dans l'usage du pain. Par conséquent, il faudra considérer avec attention ce qui est utile touchant la boisson, pour le prendre, et ce qui est nuisible pour le retrancher.

212  Troisième règle. A l'égard des autres aliments, on doit garder la tempérance la plus exacte et la plus absolue ; parce que l'appétit est plus prompt à se dérégler en ce point, comme la tentation, de son côté, nous porte davantage à rechercher ce qui peut flatter l'appétit. Or, il y a deux manières de pratiquer la tempérance et d'éviter le dérèglement dans la nourriture. La première consiste à se contenter habituellement de mets communs et grossiers ; la seconde, à les prendre en petite quantité, s'ils sont délicats.

213  Quatrième règle. Pourvu que l'on ne s'expose pas au danger de tomber dans quelque infirmité, plus on retranchera de ce qu'on pourrait convenablement prendre, plus on parviendra promptement à connaître le milieu ( entre l'excès et le défaut ) que l'on doit garder dans le boire et le manger, pour deux raisons :
la première, parce que cette générosité de notre part nous dispose à recevoir souvent plus de lumières intérieures, de consolations célestes, d'inspirations divines, qui nous montrent clairement ce qui nous convient ;
la seconde, parce que, supposé que cette abstinence volontaire ne nous laisse pas assez de force de corps et d'esprit pour vaquer aux Exercices spirituels, nous pourrons facilement juger la juste mesure d'aliments que notre tempérament exige.

214  Cinquième règle. Pendant que nous prenons notre nourriture, considérons, comme si nous le voyions de nos yeux, Notre-Seigneur Jésus-Christ prenant lui-même sa nourriture avec ses Apôtres. Voyons comment il mange, comment il boit, comment il regarde, comment il parle ; et efforçons-nous de l'imiter. Que cette considération soit la principale occupation de notre entendement, de sorte que l'attention à la réfection corporelle ne soit que secondaire. Ainsi nous sera-t-il facile de mettre plus d'ordre et de modération dans la manière de nous conduire et de nous gouverner pendant nos repas.

215  Sixième règle. D'autres fois, on pourra faire quelques réflexions sur la vie des saints, s'occuper d'une pieuse pensée, ou d'une affaire spirituelle que l'on a en vue. L'esprit attaché à ces différents objets s'arrêtera moins au plaisir sensuel que peut causer la nourriture par le sens du goût.

216  Septième règle. Mais il faut par-dessus tout se garder que l'esprit ne soit tout entier à l'action matérielle du repas, modérer la précipitation à laquelle nous porterait l'appétit, être maître de soi-même, relativement à la quantité de la nourriture et à la manière de la prendre.

217  Huitième règle. Afin de prévenir tout dérèglement, il est très utile, après le dîner ou après le souper, ou dans tout autre moment dans lequel l'appétit ne se fait pas sentir, de déterminer la quantité que l'on doit prendre au dîner ou au souper suivant. Que cette pratique s'observe tous les jours ; et, quelles que soient les attaques de la sensualité et de la tentation, que l'on se garde de passer la quantité prescrite. Je dis plus : si l'on veut vaincre entièrement tout appétit déréglé et toute tentation, et n'avoir rien à craindre des efforts de l'ennemi, que l'on prenne moins, lorsqu'on est tenté de prendre davantage.

    

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