L'existence
entière de Grégoire de Narek s'inscrit “dans un cercle
minuscule” et nous connaissons très peu de la vie du grand
mystique et poète arménien. Né entre 940 et 950 aux environs du
lac de Van (aujourd'hui en Turquie orientale), Grégoire perdit
sa mère alors qu'il était en bas âge et fut placé avec son frère
Jean au
monastère de Narek, situé dans la même région. Le
supérieur du monastère n'était autre que son grand-oncle
maternel, Ananie, surnommé “le Philosophe”. Leur père, Khosrow
le Grand, fut ordonné prêtre, puis élu évêque d'Antsévatsik, où
il se fit aider par son fils aîné Isaac, devenu copiste. Khosrow
le Grand composa plusieurs œuvres, dont une Explication des
prières de la Liturgie et un Commentaire sur l'office
récité dans l'Église.
Grégoire et
Jean reçurent de leur grand-oncle Ananie, renommé pour sa
science et sa sainteté, une instruction très solide. Formé à la
théologie ainsi qu'à la langue et à la littérature grecques,
Grégoire étudia également l'architecture, les mathématiques,
l'astronomie et la médecine avec une prédisposition qui lui
valut d'être considéré très tôt comme savant. L'usage qu'il fit
de la prose rythmée, ponctuées de rimes intérieures, indique
qu'il connaissait en outre la poésie arabe.
Ordonné
prêtre, il consacra une partie de son temps à l'instruction
d'autres religieux au monastère de Narek et il entama une œuvre
littéraire considérable. Il mena au monastère une vie toute
d'humilité et de charité, partagé entre le travail et la prière,
animée d'un amour ardent pour le Christ et la Mère de Dieu. La
renommée de sa science et de la sainteté de sa vie se répandit à
travers toute l'Arménie ; les évêques lui demandèrent des
traités et des panégyriques, les rois des explications de la
Bible, le peuple des sermons et des hymnes, les moines un livre
de prières.
Son œuvre est
constituée d'une vingtaine d'hymnes et d'odes, d'un commentaire
sur le Cantique des Cantiques, d'une Histoire de la
Croix d'Aparanq, de plusieurs panégyriques (de la sainte
Croix, de la sainte Vierge, des Apôtres et des 72
Disciples et de saint Jacques de Nisibe), de trois
discours sous forme de prières liturgiques (Sur la venue du
Saint Esprit, Sur la sainte Église, et Sur la
sainte Croix qui a porté Dieu), de plusieurs sermons, ainsi
que le Livres des prières. Ses écrits le rendirent
célèbre de son vivant dans toute l'Arménie. Sa renommée lui
valut d'être considérée comme une haute autorité que les
partisans et les opposants à la christologie chalcédonienne
tentèrent de se concilier. Dépeint par les uns comme un
chalcédonien persécuté pour sa foi, et par les autres, comme le
champion de la christologie arménienne, il est plus probable que
Grégoire eut la sagesse de ne pas alimenter les polémiques
politico-christologiques. Les sources historiographiques étant
contradictoires, seule son oeuvre permet une appréciation de son
approche christologique, laissant apparaître que Grégoire
“s'intéressait moins aux formules dogmatiques qu'à la ferveur de
la foi qui s'y exprimait”, mais qu'il n'en maintenait pas moins
fermement “les positions christologiques de son Église” (J.-P.
Mahé, Grégoire de Narek : Tragédie – Le Livre de lamentations,
CSCO, Louvain, 2000, p. 83-84).
Son Livre
des prières (ou Élégies sacrées, ou encore Livre
des lamentations) est considéré comme son chef-d'œuvre et
l'une des œuvres littéraires les plus remarquables du patrimoine
mondial. En quatre-vingt-quinze prières, Grégoire exprime tour à
tour le sens du péché, la pénitence, la miséricorde divine, la
lutte spirituelle, la vie mystique et l'action de grâce, tout
dans un bouleversant dialogue avec le Seigneur, qui n'est pas
sans évoquer l'intensité des psaumes. Avec un sentiment aigu de
la misère humaine due au péché, face à la sainteté et la majesté
divines, Grégoire manifeste l'envolée mystique d'un cœur épris
de Dieu, un cœur qui aspire à être inséparablement uni à Dieu.
Le Livre de prières, souvent appelé simplement “Narek”,
est vénéré par les fidèles depuis un millénaire ; il constitua
longtemps la base de l'instruction en Arménie et certaines
prières sont entrées dans la Liturgie.
Grégoire
mourut entre 1003 et 1010 dans ce même monastère où son frère
Jean et lui avaient été introduits dans leur enfance. Dès le XIIe
siècle, on l'appela “Ange revêtu d'un corps”.
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