ACTIONS DE GRACES POUR UNE GRANDE FAVEUR DEMEURÉE SECRÈTE
1. Q'une égale action
de grâces ou une plus grande encore, s'il est possible, vous soit
rendue, ô mon Dieu, pour un don excellent et connu de vous seul! Mes
faibles paroles ne sauraient en exprimer la magnificence, et je ne
puis toutefois le taire, car si la faiblesse humaine m'en faisait
perdre la mémoire, il faudrait au moins que cet écrit réveillât mes
souvenirs, afin d'exciter ma reconnaissance. Que grâce à votre
bonté, ô mon Dieu, la plus indigne des créatures n'en vienne pas â
ce degré de folie d'oublier volontairement, un seul instant, le don
précieux de cette visite que votre infinie libéralité m'a
gratuitement accordé, et que j'ai gardé tant d'années sans jamais le
mériter.
2. Bien que je sois la
dernière des créatures, j'avoue que ce don surpasse tout ce qu'un
homme peut obtenir ici-bas. Aussi je prie cette divine Bonté, qui
voulut bien me l'accorder avec tant de condescendance et sans
mérites de ma part, de daigner me le garder pour votre gloire. Que
ce don exerce sur ma misère sa profonde action, et tout l'univers
vous en louera éternellement, car plus mon indignité est manifeste,
plus éclatante sera la gloire de votre condescendante bonté.
ACTION
DE GRACES, ET ÉNUMÉRATION DE DIVERS BIENFAITS,
QUELLE AVAIT COUTUME DE RELIRE A ÉPOQUES FIXES,
Y JOIGNANT LES PRIÈRES QUI PRÉCÈDENT ET CELLES QUI SUIVENT.
1. Que mon âme vous
bénisse, ô mon Seigneur ! Que mon âme vous bénisse, ô Dieu mon
Créateur ! Que tout mon être, dans ses profondeurs les plus intimes,
proclame les miséricordes infinies dont vous m'avez prévenue, ô mon
très doux Amant. Je rends grâces autant que je le puis â votre
immense miséricorde : avec elle je loue cette patience infinie qui
semble vous avoir fait oublier les années de mon enfance et de ma
jeunesse. Pendant ce temps et jusqu'à la vingt-sixième année de mon
âge, j'ai vécu dans un tel aveuglement, que si vous ne m'aviez donné
une horreur naturelle du mal, un attrait pour le bien avec les sages
conseils de mon entourage, il me semble que je serais tombée dans
toutes les occasions de faute, sans remords de conscience,
absolument comme si j'avais été une païenne vivant au milieu des
infidèles, et que je n'eusse jamais compris comment votre justice
réserve la récompense pour les bons et le châtiment pour les
coupables. Cependant vous m'aviez choisie dès ma plus tendre
enfance, afin de me faire grandir au milieu des vierges consacrées,
dans le sanctuaire béni de la Religion.
2. Quoique votre divine
béatitude ne puisse ni croître ni décroître et que vous n’ayez aucun
besoin de nos biens (Ps 15, 2), toutefois, ma vie négligente et
coupable semble avoir causé un détriment à votre gloire, puisque à
chaque instant tout mon être et toute créature devraient vous louer,
ô mon Dieu ! Vous seul savez ce que mon cœur éprouve de douleur à
cette pensée, depuis que vous avez daigné vous incliner vers lui
pour l'ébranler jusque dans ses fondements.
3. Pénétrée de ce
souvenir, je vous offre, ô Père très aimant, pour la rémission de
mes fautes, les souffrances de votre Fils unique, depuis l'heure où,
étendu dans la crèche sur la paille, il fit entendre ses premiers
vagissements, supportant ensuite les privations de son enfance et
les travaux de sa jeunesse, jusqu'à cette heure dernière où, la tête
inclinée, il poussa un grand cri du haut de la croix et expira. Pour
réparer aussi mes négligences, je vous offre, Père très aimant, la
très sainte vie tout entière de votre divin Fils, cette vie dont
toutes les pensées, les paroles et les actions furent d'une
perfection absolue. Je vous l'offre depuis le premier instant où,
descendant de son trône, votre Fils passa par le sein virginal de
Marie pour habiter le lieu de notre exil, jusqu'à cette heure où il
se présenta à vos yeux dans toute la gloire de sa chair victorieuse.
4. Ensuite, comme il
est juste, ô Père très saint, que le cœur de vos amis répare les
injures faites à votre gloire, je vous prie par votre Fils unique,
dans la vertu du Saint-Esprit, d'appliquer les mérites de la Passion
et de la vie de ce Fils bien-aimé, pour la rémission et la
satisfaction de toutes ses fautes, à celui qui s'efforcera, pendant
ma vie ou après ma mort, de suppléer quelque peu à ce qui me manque.
Afin que ce désir soit exaucé, je vous prie de le garder en vous à
tout jamais, même lorsque, par votre miséricorde, je régnerai près
de vous dans les cieux.
5. Pour vous rendre
grâces, je me plonge dans l'abîme très profond de l'humilité. Je
loue et j'adore votre suprême miséricorde et votre infinie bonté,
qui vous ont porté, ô Père tout-puissant, à diriger vers moi des
pensées de paix et non d'affliction (Jer. 29, 11) au moment où je
menais une vie insensée. Par la grandeur et la multitude de vos
bienfaits, vous m'avez exaltée, comme si, différente des autres
mortels, j’avais mené sur terre la vie des anges.
6. C'est pendant
l'Avent que vous avez commencé cette oeuvre de votre amour, quelques
jours avant la fête de l'Épiphanie où je devais accomplir la
vingt-cinquième année de mon âge ; vous avez ébranlé mon cœur d'une
façon si mystérieuse, qu'il n'éprouva plus que du dégoût pour les
folies du jeune âge et se trouva comme préparé à recevoir votre
visite. Quand je venais d'entrer dans ma vingt-sixième année, en la
deuxième férie avant la fête de la Purification, au moment du
crépuscule un peu après Complies, vous avez bien voulu, ô vraie
lumière qui brillez dans les ténèbres, mettre un terme, et à la nuit
du trouble profond dans lequel j'étais plongée, et au jour des
vanités de ma jeunesse ignorante. Mon âme sentit votre présence,
d'une manière évidente et admirable, et je goûtai d'ineffables
délices à cette heure où, par une aimable réconciliation, vous avez
daigné vous révéler à moi et me donner votre amour. Éclairée par
cette divine clarté, je découvrais les célestes richesses que vous
aviez déposées dans mon âme; vous agissiez avec moi par des moyens
admirables et mystérieux afin de trouver toujours vos délices en mon
cœur, et pour que j'eusse avec vous désormais les rapports
qu'entretient un ami avec son ami, ou mieux encore un époux avec son
épouse.
7. Pour continuer ce
commerce d'amour, vous avez bien des fois visité mon âme de diverses
manières, surtout en la vigile de l'Annonciation et avant
l'Ascension, où, commençant dès le matin à me faire sentir la
douceur de votre paix, vous avez le soir achevé votre œuvre. C'est
alors que vous n'avez conféré ce don si merveilleux, digne d'être
admiré par toute créature; je veux dire que depuis ce jour mon âme
n'a pas cessé, un seul instant, de jouir de votre douce présence :
quand je descends en moi-même, toujours je vous y trouve, excepté
une fois où je ne vous trouvai pas pendant onze jours. Comme les
paroles me manquent pour exprimer le nombre et la valeur des dons
qui accompagnèrent celui de votre salutaire présence, donnez-moi, ô
Dispensateur de toute grâce, de vous offrir en esprit d'humilité un
sacrifice de jubilation et d'actions de grâces au sujet de cette
habitation que vous avez préparée dans mon âme, afin d'y trouver
votre joie et de m'y faire goûter à moi-même d'incomparables
douceurs. Tout ce que j’ai entendu dire des beautés du temple de
Salomon et des magnifiques salles de festin du roi Assuérus ne
saurait être comparé à ces délices que l'effet puissant de votre
grâce vous avait préparées dans mon âme, délices que vous m'invitiez
à partager avec vous malgré mon indignité, comme la reine partage
les joies de son époux.
8. Parmi ces faveurs,
il en est deux que je place au-dessus des autres : la première est
l'empreinte que vous avez formée sur mon cœur, par les splendides
joyaux de vos plaies sacrées. La seconde est cette blessure d'amour
si profonde et si efficace que, (dussé-je vivre mille ans dans le
plus complet délaissement), je goûterais sans cesse un bonheur
ineffable au souvenir de ces deux bienfaits. Ils me seraient à
chaque heure une source suffisante de consolation, de lumière et de
gratitude.
9. Pour ajouter à ces
faveurs, vous m'avez encore admise à l'incomparable familiarité de
votre tendresse, en m'offrant l'arche très noble de votre divinité,
c'est-à-dire votre Cœur sacré, pour que j'y trouve mes délices :
vous me le donniez gratuitement, ou vous l'échangiez contre le mien
comme marque plus évidente encore de votre tendre intimité. Par ce
Cœur divin j'ai connu vos secrets jugements, par lui vous m'avez
donné de si nombreux et de si doux témoignages de votre amour, que
si je ne connaissais votre ineffable condescendance, je serais dans
l'étonnement de vous les voir prodiguer à votre bienheureuse Mère
elle-même, quoiqu'elle soit la créature la plus excellente et
qu'elle règne avec vous dans le Ciel.
10. Souvent vous m'avez
amenée à la connaissance salutaire de mes défauts : et vous m'avez
alors tellement épargné la confusion, que vous paraissiez pour ainsi
dire considérer comme moins grave de perdre la moitié de votre
royaume, que d'effrayer ma timidité enfantine. Prenant un détour
plein d'adresse, vous me montriez votre aversion pour les défauts
des personnes qui m'entouraient, et quand je jetais les yeux sur
moi-même, je me voyais aussitôt bien plus coupable : votre douce
lumière avait donc éclairé ma conscience, sans qu'un signe de votre
part ait pu me faire supposer que vous aviez même remarqué en moi un
défaut capable de vous contrister.
11. De plus, ô
Seigneur, vous m'avez fait entrevoir les grâces innombrables dont
vous combleriez les derniers jours de mon exil, et les ineffables
douceurs qui me sont réservées dans la céleste patrie. Cette vue a
tellement réjoui mon âme, que pour ce seul bienfait je devrais
m'attacher éternellement à vous par une invincible espérance. Mais
l'océan sans bornes de votre tendresse ne devait pas être encore
épuisé ; lorsque je vous priais pour les pécheurs et pour les âmes
qui m'entouraient, vous exauciez si fréquemment mes demandes, que,
sachant l'incrédulité du cœur humain, j’hésitais à redire vos
bienfaits à mes amis les plus intimes.
12. Enfin vous m'avez
donné pour avocate votre très douce Mère la bienheureuse Vierge
Marie, me recommandant plusieurs fois à elle avec autant de
tendresse qu'en mettrait un époux à confier à sa propre aère
l'épouse qu'il s'est choisie.
Souvent vous députiez pour mon service spécial les plus nobles
princes de votre cour céleste, non seulement les anges et les
archanges, mais aussi les ministres des plus hautes hiérarchies.
Votre bonté les choisissait, ô Seigneur, suivant l'harmonie de leurs
aptitudes particulières et de mes besoins spirituels. Lorsqu'il vous
plaisait, pour le bien de mon âme, de me sevrer en partie de vos
délices, aussitôt par une lâche et honteuse ingratitude j'oubliais
toutes vos faveurs comme si elles n’avaient aucun prix, jusqu'au
moment où, touchée de repentir et revenant à vous, je vous priais de
me rendre le bien que j'avais perdu ou de le remplacer par un autre.
Aussitôt vous me le remettiez intact, comme si je l'avais
soigneusement déposé dans votre sein avec intention de le reprendre
un jour.
13. La plus
merveilleuse de ces grâces est celle que je reçus spécialement au
saint jour de la Nativité, au dimanche Esto mihi, et un autre
dimanche après la Pentecôte. En ces jours vous m'avez ravie dans une
telle union avec vous, que j'estime un miracle d'avoir pu vivre
ensuite ici-bas comme une simple mortelle. J'ajouterai, pour ma
honte et confusion, qu'après un si grand bienfait, je ne m'appliquai
pas encore selon tout mon pouvoir à la correction de mes défauts.
14. Mais tout cela n'a
pu tarir la source de vos miséricordes, ô Jésus, vous qui, entre
tous ceux qui aiment, êtes le plus aimant, car vous savez aimer
gratuitement et en vérité, vos indignes créatures.
15. En effet, quand,
peu de temps après, je commençais à ne plus m'appliquer à goûter ces
faveurs dignes des applaudissements du ciel et de la terre, (car le
Dieu de suprême Majesté s'abaissait vers la dernière des créatures),
vous avez daigné, ô Dispensateur, Rénovateur et Conservateur de tout
bien, secouer ma torpeur et exciter ma reconnaissance, en révélant
les grâces dont j'étais comblée à des personnes qui vivaient dans
votre intimité. Et j'apprenais de leur bouche les secrets de mon
cœur, quoiqu’elles ne dussent rien en connaître naturellement,
puisque je n'en avais parlé à personne.
16. Par ces paroles, ô
mon Dieu, et par d'autres qui se représentent en même temps à ma
mémoire, je vous rends ce qui est vôtre. Aidée par la vertu du
Saint-Esprit, je les fais résonner sur l'instrument mélodieux de
votre divin Coeur
et je chante : A vous, Seigneur Dieu, Père adorable, louanges et
actions de grâces de la part de tout ce qui est au ciel, sur la
terre et dans les enfers, de la part de tout ce qui a été, de ce qui
est et sera à jamais !
17. Et comme l'or au
milieu des couleurs diverses se distingue par son éclat, et comme la
couleur noire paraît sombre parmi les autres parce qu'elle est la
plus éloignée de l'éclat de l'or, je dévoilerai ici ce qui est mien,
c'est-à-dire j'opposerai la noirceur de ma vie coupable à vos
innombrables et éclatants bienfaits. Vous répandiez vos dons sur mon
âme en proportion de votre divine et royale libéralité ; et je les
recevais avec la rusticité de mon naturel, comme une vile esclave
qui gâte tout ce qu'elle touche. Mais votre royale mansuétude
semblait n'en rien voir, et continuait à répandre sur moi ses
faveurs. Lors donc que vous reposiez dans le très doux sein du Père
comme dans un céleste palais, vous avez daigné descendre pour
habiter ma pauvre demeure; et moi, hôtesse négligente et grossière,
je cherchais si peu à vous plaire, que j'aurais dû mieux traiter par
simple humanité un pauvre lépreux qui, après m'avoir accablée
d'injures et d'outrages, eût été forcé de me demander asile.
18. O Créateur des
astres, j'ai reçu vos immenses bienfaits, c’est-à-dire les douces
joies de l'âme, la marque de vos très saintes plaies, la révélation
de vos secrets, les familières caresses de votre amour. En tout cela
j'ai goûté plus de joies spirituelles que le monde n'eût procuré de
satisfaction à mes sens, si je l'avais parcouru de l'Orient à
l'Occident. Cependant je vous ai outragé avec la dernière
ingratitude, en méprisant ces faveurs pour rechercher les
jouissances extérieures, et préférer les oignons d'Égypte à la
douceur de votre manne céleste. J'ai étouffé en moi les fruits de
l'espérance en me défiant de vos promesses, ô Dieu de vérité, j'ai
agi comme si vous eussiez été un homme menteur et infidèle à sa
parole. Lorsque vous vous incliniez avec bonté pour exaucer mes
indignes prières, j'endurcissais mon cœur à ce point (et je dis ceci
avec larmes) que je feignais de ne pas comprendre votre volonté,
pour que les remords de ma conscience ne pussent me contraindre à
l'accomplir.
19. Tandis que vous
m'aviez assuré les suffrages de votre glorieuse Mère et des esprits
bienheureux, moi, misérable, j'ai cherché les suffrages de mes amis
d'ici-bas, au lieu de compter sur vous seul. Malgré mes fautes, vous
me laissiez tous vos dons dans leur intégrité, j'aurais donc dû
justement concevoir une grande reconnaissance et éviter toutes ces
négligences ; mais au contraire je mettais une malice presque
diabolique à vous rendre le mal pour le bien, et je semblais prendre
plus d'audace pour vivre à ma guise.
20. Ma plus grande
faute cependant, c'est qu'après une union aussi incompréhensible
avec vous, union connue de vous seul, je n'ai pas craint de souiller
encore mon âme par les mêmes défaillances. Cependant vous ne me
laissiez ces défauts que pour me donner occasion de les combattre,
d'en triompher moyennant votre secours, et de jouir éternellement
avec vous dans le Ciel d'une gloire plus grande. Je n'ai pas même
été sans reproche lorsque, pour exciter en moi des sentiments de
reconnaissance, je découvrais à vos amis les secrets de mon âme,
car, négligeant le but que vous souhaitiez atteindre, je recherchais
parfois une satisfaction tout humaine et je négligeais le devoir de
la reconnaissance.
21. Et maintenant, ô
vous qui avez créé mon cœur, souffrez que mes gémissements s'élèvent
jusqu'au ciel pour l'expiation de toutes ces fautes et d'autres
encore dont je pourrais me souvenir. Recevez l'expression de ma
douleur à la vue de ces trop nombreuses infidélités par lesquelles
j'ai offensé votre divine clémence. Recevez-la, avec cette
compassion et cet amour infini que Vous nous avez. révélés par votre
Fils très aimé dans l'unité du Saint-Esprit, et que le ciel, la
terre et les enfers proclament tous ensemble. Puisque je suis
incapable de produire de dignes fruits de pénitence, j'implore votre
bonté, ô mon très doux Amant, pour que vous inspiriez le désir de me
venir en aide à des personnes tellement unies à vous par une
amoureuse fidélité, qu'elles apaisent votre justice en lui offrant
l'holocauste de propitiation. Par leurs soupirs, leurs prières et
leurs bonnes oeuvres, puissent-elles réparer mon infidélité à
répondre à vos bienfaits, et vous rendre, ô mon Dieu, la gloire qui
n'est due qu'à vous. Vous connaissez le fond de mon cœur, et vous
n'ignorez pas que seul le pur amour de votre gloire m'a contrainte à
écrire ces pages. Que ceux qui les liront après ma mort soient
touchés de cette bonté infinie qui vous força à descendre vers
l'abîme de ma misère, et à déposer vos dons si élevés dans une âme
qui devait, hélas ! ne pas les estimer à leur valeur.
22. Mais je rends
grâces selon mon pouvoir à votre divine miséricorde, ô Créateur et
Réparateur des êtres, pour cette faveur de votre inépuisable
tendresse. Ne m'avez-vous pas assuré que tout homme, même pécheur,
recevrait une récompense spéciale s'il voulait, en mémoire de moi,
pour votre gloire et selon l'intention indiquée plus haut, prier
pour les pécheurs, rendre grâces pour les élus ou accomplir quelque
bonne œuvre avec dévotion ? Cette récompense consisterait à ne
sortir de ce monde qu'après vous être devenu agréable, et vous avoir
offert en son cœur les délices de l'intimité ? Pour un tel bien,
soit à vous, ô mon Dieu, cette louange éternelle qui, procédant de
l'Amour incréé, reflue perpétuellement en vous-même !
OFFRANDE DU PRÉSENT ÉCRIT
1. Vous aviez confié à
mon indignité, ô très aimé Seigneur, le précieux talent de votre
divine familiarité, et voici que pour votre amour et le zèle de
votre gloire je vous le rends par cet écrit et par ceux qui vont
suivre. J'espère, et j'ose même affirmer, en m'appuyant sur votre
grâce, que nul autre motif ne m'a poussée à écrire et à dévoiler ces
choses, si ce n'est l'obéissance à votre volonté, le désir de votre
gloire et le zèle des âmes. Vous êtes témoin de mon ardeur à vous
louer et à vous rendre grâces pour cette incommensurable bonté qui
n'a pas repoussé mon indignité. Puissiez-vous être glorifié si
d'autres âmes, en lisant ces pages, sont charmées par la douceur de
votre amour, et attirées à jouir dans votre intimité d'un bonheur
plus grand encore. Ceux qui étudient commencent par apprendre
l'alphabet pour arriver ensuite à la philosophie ; qu'ainsi ces
descriptions et ces images amènent les âmes à goûter en elles-mêmes
cette manne cachée qui ne peut être connue qu'au moyen des figures,
mais dont celui-là seul a encore faim, qui déjà en a goûté.
2. Seigneur
tout-puissant, dispensateur de tous les biens, daignez donc nous
rassasier largement tandis que nous parcourons ce chemin de l'exil,
jusqu'à ce que, contemplant sans voile la gloire du Seigneur, nous
soyons transformés en la même image. de clarté en clarté, comme par
votre Esprit très suave. (II Cor., 3, 18.)
3. En attendant, selon
votre fidèle promesse et l'humble désir de mon cœur, veuillez
accorder à tous ceux qui par humilité liront ces écrits, de
glorifier votre divine condescendance, d'avoir compassion de mon
indignité, et de désirer leur propre avancement. Que de ces cœurs
brûlants d'amour et semblables à des encensoirs d'or monte vers
vous, ô mon Dieu, un très doux parfum qui répare surabondamment ma
négligence et mon, ingratitude. Amen.
FIN DU SECOND LIVRE
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