D'UNE,
VISITE PLUS SUBLIME DU SEIGNEUR EN LA FÊTE DE LA NATIVITÉ
1. O TOUTE-PUISSANCE
admirable et d'une hauteur inaccessible! O Sagesse insondable en ses
profonds abîmes ! O Charité toute désirable et d'une étendue sans
mesure ! Avec quelle abondance les torrents de votre Divinité plus
douce que le miel se sont-ils élevés, pour déborder si fortement sur
moi, misérable ver de terre, qui ne sais que ramper sur le sable de
mes défauts et de mes négligences. Il m'est permis, bien plus, je
désire pendant l'exil de mon pèlerinage terrestre, retracer autant
que je le puis ces béatifiantes délices et ces suavités si douces,
par lesquelles celui qui adhère à Dieu devient un même esprit avec
lui (I Cor. 6, 17). Il m'a été donné, à moi pauvre grain de
poussière, de savourer quelques gouttes de cette béatitude infinie
si abondamment répandue, et c'est ce que je vais raconter ici.
2. C'était en cette
nuit sacrée où les cieux parurent distiller le miel, lorsque la
douce rosée de la Divinité descendit sur la terre. Mon âme,
semblable à une toison exposée dans l'aire de la charité et tout
humectée de: cette rosée céleste,
voulut méditer ce mystère. Par l'exercice de sa dévotion, elle
désira prêter pour ainsi dire son ministère à ce divin enfantement
où, tel que l’astre émet son rayon, la Vierge produisit son Fils
vrai Dieu et vrai homme. Il me sembla tout à coup qu'on me
présentait, et que je recevais dans mon cœur un tout petit enfant,
né à l'heure même, dans lequel résidait assurément le don de la
souveraine perfection, le don par excellence. Et comme mon âme le
retenait en elle-même, elle se vit soudainement transformée tout
entière en la couleur de ce divin Enfant, si toutefois il est
possible d'appeler couleur ce qui ne peut être comparé à rien de
visible. Elle reçut alors l'intelligence de ces ineffables paroles:
« Erit Deus omnia in omnibus : Dieu sera tout en tous » (I Cor., 15,
28). Aussi ce fut avec une insatiable avidité qu'elle prit le
délicieux breuvage qui lui était divinement offert dans ces paroles
que j'entendis au même instant : « Comme je suis la figure de la
substance de Dieu le Père (Heb., 1, 3) en la Divinité, de même tu
seras la figure de ma substance dans l'humanité, tu recevras dans
ton âme déifiée les influences de ma divinité, comme l'air reçoit
les rayons du soleil. Pénétrée alors jusqu'aux moelles par cette
lumière unifiante, tu deviendras capable d'une union plus intime
avec moi. »
3. O baume très
précieux de la Divinité qui de toutes parts envoyez au loin les
ruisseaux de l’amour, qui germez et fleurissez éternellement, et
dont l'entière effusion n'aura lieu qu'à la fin des temps ! O vertu
vraiment invincible de la droite du Très-Haut : par vous, un vase
fragile, rejeté avec ignominie à cause de ses vices, a pu contenir
et garder votre très précieuse liqueur ! O témoignage irréfragable
de l'excessive tendresse de Dieu, qui ne m'a pas abandonnée lorsque
j'errais au loin dans les sentiers du vice et m'a fait connaître,
autant que ma misère en était capable, la douceur de cette
bienheureuse union!
D'UNE
UNION PLUS EXCELLENTE DE SON ÂME AVEC DIEU
1. En la très sainte
fête de la Purification, tandis que j'étais forcée de garder le lit
à la suite d'une grave maladie je me trouvai, au lever du jour,
remplie de tristesse et me plaignis d'être privée, par cette
infirmité, de la céleste visite qui m'avait souvent consolée à
pareil jour.
2. Et voici que
l'auguste Médiatrice, Mère de celui qui est le véritable Médiateur
entre Dieu et les hommes, vint par ces paroles adoucir ma peine :
« Tu ne te souviens pas d'avoir éprouvé dans ton corps des douleurs
aussi aiguës; mais apprends que mon Fils te réserve un présent plus
riche que tous ceux dont tu as été comblée jusqu'ici, et c'est afin
qu'il soit reçu dignement que ton âme a été fortifiée par ces
souffrances corporelles. » Je fus soulagée en écoutant ces douces
paroles, et immédiatement avant la procession je reçus l'aliment de
vie. Comme j'étais attentive à la présence de Dieu en moi, je vis
que mon âme, semblable à une cire doucement amollie sous l'action du
feu, se présentait devant la poitrine sacrée du Seigneur comme en
face d'un sceau dont elle allait recevoir l'empreinte. Tout à coup,
ce sceau divin fut apposé sur elle et mon âme fut alors introduite
dans ce trésor sacré où la plénitude de la divinité habite
corporellement pour y être marquée du sceau de la resplendissante et
toujours tranquille Trinité.
3. O mon Dieu, Charbon
dévorant (Carbo desolatorius),
vous avez enfermé d'abord en vous-même, puis montré, et enfin
communiqué cette vive ardeur, lorsque, sans rien perdre de votre
feu, vous vous êtes arrêté sur le terrain humide et glissant de mon
âme, pour dessécher en elle les flots des joies humaines. Vous
l'avez ensuite dégagée de cet attachement à sa propre volonté,
attachement que le temps n'avait fait que fortifier. O vrai feu
consumant qui ne brûlez les vices de l'âme que pour y instiller la
douce onction de la grâce ! C'est en vous seul que nous trouvons la
force de nous réformer selon l'image et la ressemblance divine. O
fournaise ardente dont les feux éclairent la douce vision de la paix
! Votre puissante opération change les scories en or pur et choisi,
dès que l'âme, fatiguée d'illusions, cherche enfin avec ardeur le
souverain Bien qu'elle ne trouve qu'en vous seul, ô vraie vérité !
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