Vie de
saint Germain d’Auxerre
(d'après Constance de Lyon)
Celui qui allait
devenir Saint Germain l’Auxerrois est né vers l’an 378 à Auxerre. Il
est donc contemporain de Saint Augustin et de Saint Jean
Chrysostome. C’est l’époque trouble des grandes invasions et du
début de l’effondrement de l’Empire Romain. Dans l’Église, les
hérésies foisonnent. C’est une période du christianisme où, après le
martyr et l’ascèse, c’est une vie exemplaire et entièrement vouée à
la pratique des vertus chrétiennes qui tend peu à peu à s’imposer
comme idéal de vie. Les Évêques vont jouer un rôle de première
importance en tant qu’exemples vivants. Parmi eux, Saint Germain
d’Auxerre n’était pas seulement le chef d’une communauté chrétienne
mais encore témoin du Christ, modèle de vertu, homme d’action en
lutte contre les hérésies et en contact permanent avec les pouvoirs
politiques.
Le jeune aristocrate,
le fonctionnaire, l’Evêque
De la vie civile de
Saint Germain, nous ne savons presque rien, sinon qu’il est né d’une
famille fortunée de l’Auxerrois possédant des terres à Appoigny ;
Qu’il a étudié dans les écoles Gauloises (Auxerre ou Autun ?), puis
à Rome; Qu’il devient brillant avocat; Qu’il épouse Eustachie,
« une personne de condition élevée, remarquable par ses richesses et
ses mœurs » nous dit Constance de Lyon, premier biographe de
Saint Germain; Que ses talents le font bientôt choisir par l’Etat
pour « une haute charge gouvernementale et administrative »
et qu’il visite en personne les territoires dont il a la charge;
Enfin, qu’il fut élu évêque contre sa volonté à la mort de Saint
Amâtre, Évêque d’Auxerre, en 418. Saint Germain avait alors environ
quarante ans.
Ses relations avec
Saint Amâtre n’avaient pas toujours été bonnes, loin de là. Au temps
où il était riche et puissant, Germain n’aimait pas qu’on s’opposât
à sa volonté. L’abbé Lebeuf, historien d’Auxerre, relate :
« Saint Amâtre,
Évêque d’Auxerre, fit couper un très beau et grand poirier au milieu
de la ville d’Auxerre, sur lequel Germain avait l’habitude
d’accrocher les nombreuses têtes des bêtes qu’il avait prises à la
chasse afin de s’attirer l’admiration des citoyens. Germain l’ayant
menacé de mort, Saint Amâtre se retira à Autun vers le préfet
Agricole ». Heureusement les choses s’arrangent...
Saint Germain exerçait
sans doute une autorité ferme. La suite des événements montre qu’il
a su être tout aussi rigoureux à son propre égard. Mais il ne devait
manquer ni de bonté, ni de justice. Car à la mort de Saint Amâtre,
« tout le clergé et la noblesse, le peuple de la ville et de la
campagne se réunirent à le demander pour successeur de Saint Amâtre.
On lui déclara une espèce de guerre avec tout le respect néanmoins
qu’on devait à un homme de son rang ». Germain résiste comme il
peut, c’est à dire de toutes ses forces. Mais il finit par se
soumettre à une volonté aussi impérative qu’unanime.
Et lorsqu’il obéit, il
ne fait pas les choses à moitié : son épouse devient comme une sœur,
il distribue sa fortune aux pauvres. Il est évêque mais vit comme un
moine. Il ne prendra plus jamais ni pain de froment, ni vin, ni
vinaigre, ni huile, ni légumes, ni sel. Il se nourrit de pain d’orge
dont il a battu et moulu lui même les grains. Il dort sur un grabat
de cendres. Sa maison est ouverte à tous et il lave lui-même les
mains et les pieds de chacun. C’est ainsi qu’il « mena une vie de
solitude au milieu des hommes et vécut comme un ermite dans la
fréquentation du monde ».
Il fonde un monastère
en face d’Auxerre, sur la rive droite de l’Yonne, où Saint Patrick
prédicateur et premier Évêque d’Irlande séjourna de longues années.
Puis viennent les
miracles. Saint Germain retrouve le voleur qui s’était emparé de
l’argent du fisc perdu en route par l’agent chargé de le rapporter
au gouverneur. Il délivre la ville d’Auxerre d’une épidémie de
diphtérie. Il guérit des possédés. Lors d’un voyage en hiver, Saint
Germain veut faire une étape dans une maison abandonnée, à demi
ruinée, que l’on dit hantée. Lorsque effectivement apparaît un
fantôme au milieu de la nuit, Saint Germain évoque le nom du Christ
et enjoint le fantôme de dire qui il est et ce qu’il fait là.
D’effrayant, le fantôme devient suppliant : lui et son compagnon
étaient des criminels, ils sont morts sans sépultures, errent sans
repos et tourmentent les vivants. Il indique à Saint Germain où l’on
avait jeté leurs corps. Dès le jour venu, Saint Germain rassemble
les habitants des environs, les exhorte à déblayer l’endroit et les
cadavres sont découverts. Saint Germain leur rend la paix en donnant
une sépulture chrétienne à leurs ossements.
Pendant le même voyage,
Saint Germain guérit avec du blé bénit les volailles qui étaient
devenues muettes depuis des années et ne chantaient plus au lever du
jour. « Ainsi la puissance divine manifestait sa grandeur même dans
les plus petites choses » nous dit Constance de Lyon.
Premier voyage de Saint
Germain en Grande-Bretagne.
Des nouvelles
alarmantes parviennent aux évêques des Gaules en provenance de
Grande -Bretagne : l’erreur pélagienne avait gagné les populations
de ces contrées. Un concile fut réuni, qui décida d’envoyer ensemble
Saint Germain d’Auxerre et Saint Loup de Troyes pour combattre cette
hérésie et rétablir la foi orthodoxe.
Ils prirent la mer en
429. « Peu après accourt sur la mer, à leur rencontre, la foule
des démons... » afin d’empêcher les deux saints d’arriver.
L’épaisseur des ténèbres, la fureur du vent et le mugissement des
vagues sont terribles. Saint Germain, réveillé par ses compagnons,
invoque le Christ et invective l’océan, prend de l’huile bénite pour
une aspersion au nom de la Sainte Trinité. La prière dite d’une
seule voix par tous appelle la présence divine qui apaise bientôt
les flots.
A leur arrivée une
foule les attend. Prédication et miracles remplissent l’Ile de
Bretagne. Leur réputation les précède. Ils convainquent. Une
controverse publique est organisée avec les pélagiens, suivie avec
passion par une foule innombrable où se comptent « même des
femmes et des enfants »... Christ contre Pélage ! Les évêques
opposent un langage vigoureux et inspiré aux « paroles creuses »
des pélagiens. La foule manque d’en venir aux mains. La guérison
d’une fillette aveugle finit par convaincre et « la foule entre
en transes ».
Pendant ce même séjour
en Grande-Bretagne, Saint Germain se casse le pied et est contraint
de s’allonger. Eclate un incendie dans le quartier où il est
immobilisé, qu’on n’arrive pas à éteindre. Saint Germain renvoie les
gens venus l’évacuer de la maison menacée. Et l’incendie épargne la
maison, consumant toutes les autres autour.
Ces événements se
mêlent aux invasions barbares de la même période : alors que Saint
Germain et Saint Loup se trouvent en Grande-Bretagne, les Saxons et
les Pictes commencent une guerre contre les Bretons qui implorent
l’aide des deux évêques. Ce sont alors prédications quotidiennes au
sein de l’armée Bretonne et de nombreux baptêmes de soldats.
Pour la liturgie
pascale on « installe une église faite de branchages entrelacés ».
L’ennemi informé de cette activité peu habituelle pour une armée en
guerre, croit à l’aubaine et veut en profiter pour attaquer. Saint
Germain s’improvise alors chef de guerre et organise la défense :
placée à un endroit stratégique, toute l’armée va hurler un «
Alléluia » trois fois répété, répercuté par l’écho des montagnes.
L’ennemi saisi de panique est mis en déroute sans effusion de sang,
par la seule force de la foi.
A son retour de Grande
Bretagne, la cité d’Auxerre attend Saint Germain avec impatience. Un
impôt extraordinaire accable ses habitants. Aussitôt rentré, il
repart plaider la cause des Auxerrois auprès du préfet des Gaules, à
Arles.
Il voyage à cheval,
avec une escorte modeste. Une nuit il se fait voler son cheval. Le
lendemain le voleur penaud ramène le cheval car, dit-il, pendant
toute la nuit il s’était senti comme pris dans un filet. Il reçoit
non seulement le pardon, mais on lui fait encore don de ce dont il a
besoin, ainsi que d’une bénédiction.
Partout où il passe, la
foule vient à la rencontre de Saint Germain, pour lui rendre
hommage, demander sa bénédiction, le toucher, l’écouter, le
regarder. Il guérit, il enseigne. A Alésia où il passe la nuit chez
un prêtre ami, la femme de celui-ci glisse de la paille dans le lit
de Saint Germain à son insu, qu’elle conserve ensuite pieusement.
Quelques jours plus
tard un homme devient possédé d’un démon. Tous déplorent l’absence
de Saint Germain qui avait continué sa route. La femme du prêtre se
souvient alors de la puissance de la foi. On entoure le possédé avec
la paille sur laquelle Saint Germain a dormi et le malade guérit
définitivement.
Le préfet des Gaules
accueille Saint Germain avec tous les honneurs, venant loin
au-devant de lui. Saint Germain guérit la femme du préfet. Son
voyage est couronné de succès : il obtient un allégement des impôts
pour Auxerre et partout où il passe, il apporte la joie.
Deuxième voyage de
Saint Germain en Grande-Bretagne.
Une quinzaine d’années
après son premier voyage, l’erreur pélagienne se propage de nouveau
en Grande-Bretagne. On demande à Saint Germain d’y retourner,
accompagné cette fois par Saint Sévère (probablement évêque de
Vence, en Provence). Elafus, personnage important en Grande
Bretagne, vient avec son fils infirme à la rencontre des saints
hommes. Saint Germain, là encore, guérit la jambe malade de
l’adolescent. L’hérésie, elle, n’est le fait que d’un petit nombre
et les fautifs sont exilés sur le continent.
Voyage à Ravenne
A peine rentré de
Grande Bretagne en 447, une délégation attend Saint Germain à
Auxerre, venant d’Armorique. Les Armoricains se sont révoltés contre
le gouverneur Aetius, ont chassés les fonctionnaires romains et se
sont donnés un gouvernement autonome. En représailles, Aetius
abandonne le pays aux pillages et aux cruautés des Alains.
Déjà, les cavaliers
bardés de fer encombraient toute la route. Saint Germain se porte à
leur rencontre et, à l’aide d’un interprète, supplie le roi Goar
d’épargner le pays. Devant son refus, Saint Germain saisit la bride
de son cheval et arrête ainsi toute l’armée. Le roi Goar, stupéfait
par tant d’audace, est troublé par son inébranlable résolution.
Puis ils
s’entretiennent sur un ton affable et Goar promet alors la paix à
condition que Saint Germain demande la grâce pour les Armoricains au
gouverneur Aetius ou à l’empereur Valentinien. Aussitôt, Saint
Germain se met en route pour l’Italie afin de rencontrer le jeune
Empereur Valentinien qui gouverne l’Empire Romain avec sa mère
l’Impératrice Placidia.
S’arrêtant de nouveau
chez son ami le prêtre Senator à Alésia, il guérit une jeune fille
muette dont il effleure la bouche, le front et tout le visage avec
de l’huile bénite. Il quitte son ami en lui disant adieu, certain
qu’il ne le reverra jamais en ce monde. Vers Autun, il guérit une
jeune fille dont les doigts restaient repliés sur la paume de la
main.
Alors qu’il traverse
les Alpes en compagnie d’un groupe de travailleurs immigrés rentrant
chez eux en Italie, Saint Germain voit l’un d’eux, âgé et boiteux,
qui ne parvient pas à traverser un torrent de montagne. Sans dire
qui il est, Saint Germain porte d’abord les bagages de l’ouvrier
puis l’ouvrier lui même de l’autre côté du torrent.
Lorsque le petit groupe
arrive à Milan, c’est jour de fête. Beaucoup d’évêques sont réunis
là. Saint Germain entre incognito dans l’église bondée et à ce
moment un possédé du démon se met aussitôt à crier : « Germain,
pourquoi nous poursuis-tu en Italie ? Pourquoi parcours-tu ainsi
tous les pays ? Reposes-toi afin que nous puissions être nous aussi
en repos ! ». Tous reconnaissent alors Saint Germain qui
exorcise ensuite le possédé.
Il poursuit sa route
vers Ravenne lorsque les pauvres lui demandent l’aumône. Il dit à
son diacre de donner tout le contenu de leur bourse. Celui-ci
rechigne et lui rétorque : « Mais de quoi allons nous vivre
aujourd’hui ? » « Dieu y pourvoira » répond Saint Germain. Le
diacre, en homme prévoyant, donne deux pièces d’or et en garde une
secrètement. Ils sont alors rejoint par des cavaliers qui les
supplient de faire un détour pour aller chez Leporius dont toute la
famille est malade et implore la bénédiction du saint. Ils s’y
rendent. Les cavaliers leur offrent alors 200 sous d’or. Saint
Germain, se tournant vers son diacre, dit alors : « Prends ce
qu’on nous offre et reconnaît le tort que tu as causé aux pauvres,
car si tu leur avais donné les trois pièces, celui qui nous
récompense nous aurait aujourd’hui rendus 300 pièces ». Saint
Germain guérit en un jour toute la maisonnée de Leporius, maître et
serviteurs confondus.
Le séjour à Ravenne et
la mort de Saint Germain
A Ravenne, on attend
Saint Germain avec impatience. L’évêque Pierre et l’impératrice
Placidia l’accueillent avec joie et avec tous les honneurs. Un jour,
alors que Saint Germain passe au milieu de la foule sur une grande
place, il entend une grande clameur. Il demande ce que c’est. Ce
sont des prisonniers injustement retenus qui ont appris son passage
et qui l’appellent à l’aide. Saint Germain ne sait pas à qui
s’adresser pour faire libérer ces hommes. Il s’adresse alors à Dieu
en se prosternant en prières, face contre terre. Les serrures de la
prison se brisent, les prisonniers sortent et la foule les entoure
et les mène dans l’église avec une grande joie. Saint Germain guérit
beaucoup de malades à Ravenne. Constance dit que le Christ
augmentait encore la puissance qu’il lui avait accordée.
Lorsque le fils d’un
homme important du palais est sur le point de mourir de fièvre, la
famille se tourne vers le Saint qui se hâte au chevet du jeune
homme. Hélas, il est déjà mort. La foule insiste alors pour que
Saint Germain le ressuscite. Il résiste longtemps puis se laisse
convaincre. Il fait sortir la foule de la pièce et s’allonge contre
le mort en priant. Peu à peu celui-ci reprend vie.
Entre-temps une
nouvelle révolte éclate en Armorique, réduisant à néant les efforts
de médiation de Saint Germain auprès de la cour impériale.
Saint Germain prédit sa
mort prochaine. Il tombe malade et demande à l’impératrice la faveur
de voir son corps ramené à Auxerre. La foule ne quitte pas son
chevet, priant et psalmodiant en chœur. Au septième jour de maladie,
Saint Germain rends son âme à Dieu. Nous sommes le 31 Juillet 448.
Souverains et évêques se partagent ses vêtements. Le corps est
embaumé par application d’aromates, l’impératrice l’habille. Lorsque
ces préparatifs sont terminés conformément aux rites, le voyage en
Gaule s’organise.
C’est une véritable
procession qui part vers la Gaule. « La multitude des flambeaux
brillait », éclipsant le soleil. Au fur et à mesure du chemin,
des gens accourent pour remettre en état la route ou les ponts, pour
chanter des psaumes ou porter le Saint un bout de chemin. Le cortège
arrive à Auxerre le 22 Septembre 448. L’enterrement a lieu le 1er
Octobre. Le voyageur infatigable a enfin trouvé le repos.
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