Gerardo
n’est pas très connu, pas même des sources
cisterciennes.
On le dit
d’origine lombarde. Il fut disciple de saint Bernard à
Clairvaux.
On
le fait naître autour de 1100, pour cette raison qu’il
fut le premier responsable de Fossanova (Priverno,
Latina, Latium, Italie) vers 1135. Il n’est pas sûr
qu’il y eût été abbé à cette époque : simplement, il
guidait la fondation, envoyée par Bernard de Clairvaux.
Il donna
une très forte impulsion à l’abbaye, au point qu’elle
put fonder ou assumer d’autres abbayes-filles, en
Calabre particulièrement. L’abbaye de Fossanova hérita
par Gerardo de l’architecture gothico-bourguignonne
Vers 1140,
aurait été élu abbé un certain Pietro, puis d’autres.
En 1170,
Gerardo fut nommé à Clairvaux même, sixième abbé après
saint Bernard. C’est donc lui qui, en 1174, connut la
canonisation de saint Bernard (qui était mort en 1153).
À ce moment, on reconstruisait le chœur de l’église et
on lui adjoignait un déambulatoire à chapelles
rayonnantes. La dédicace devait avoir lieu aussi en
1174.
Cette même
année encore, mourait à Fossanova saint Thomas d’Aquin
(v. 7 mars), qui s’y était arrêté sur son chemin pour
Lyon, où siégeait le concile.
Responsable
d’une si grande famille d’abbayes, Gerardo en fit la
visite. Il visita celles de l’Allemagne et fit une halte
à l’abbaye bénédictine de Trèves ; il y eut une vision
des saints Eucher, Valère et Materne, qui lui révélèrent
que Dieu attendait encore beaucoup de lui, mais aussi
qu’il recevrait bientôt sa couronne. Elle arriva en
effet peu après.
D’après une
chronique cistercienne, Gerardo visitait l’abbaye d’Igny
(Reims). Un de ses moines, divinement averti, lui aurait
conseillé de ne pas s’y rendre, mais l’abbé jugeait de
son devoir d’y aller. Bien reçu, il s’entretint avec les
moines.
Or,
précédemment, un convers avait reçu de lui une
réprimande pour sa conduite et avait promis de s’amender
; en réalité, il conservait dans son cœur une rancune
implacable contre Gerardo. Profitant de la présence de
l’abbé à Igny, le convers le suivit en cachette au
dortoir et le poignarda sauvagement au ventre, tellement
que l’abbé lui aurait même dit : Tu
peux arrêter, car je ne tarderai pas à mourir. Et
l’autre s’en alla. Le pauvre blessé, tout en sang, se
traîna jusqu’à l’église et s’écroula ; on le transporta
à l’infirmerie, et reprit un moment connaissance. Il
remercia Dieu de lui avoir ainsi évité le purgatoire,
reçut les derniers Sacrements, pardonna au bourreau et
mourut le 16 octobre 1177.
Le corps de
Gerardo fut ramené à Clairvaux et y fut enterré. L’abbé
de Fossanova craignait que cette mort fût due à cause de
ses propres péchés, mais saint Bernard et saint Gerardo
lui apparurent et le rassurèrent.
La
chronique poursuit son récit en évoquant l’assassin.
Quelques années plus tard, il serait allé se jeter aux
pieds du pape et implorer son pardon. Le pape cependant
aurait alors eu un premier geste qui semblait l’écarter,
mais uniquement pour lui faire comprendre la gravité de
son crime, de sorte que le coupable se serait relevé et
aurait disparu on ne sait où. L’auteur de la chronique
n’a-t-il pas été pris à son tour par un petit démon de
vengeance ? Espérons que, comme saint Étienne et saint
Paul passèrent d’ennemis à amis, le saint abbé et son
assassin se retrouvèrent au Paradis, réconciliés.
Le bienheureux Gerardo est
inscrit au Martyrologe le 16 octobre, mais sans le titre
de martyr qu’on
lui a parfois donné, car il n’est pas mort à proprement
parler «pour la foi». |