Avant 1246, un seigneur du Quercy,
Guibert de Thémines, et sa femme Aigline, fondèrent un hospice pour les
pèlerins, sur la route de Figeac à Rocamadour, dans la paroisse de Saint-Julien
d’Issendolus. En 1259, ils le donnèrent aux Hospitaliers de Saint-Jean qui le
firent dépendre de leur grand prieuré de Saint-Gilles et en confièrent la
direction à des religieuses qui reçurent leur règle en 1298. Ce fut une des
rares maisons de femmes
que compta l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean ; elle
prit le nom d’Hôpital de Madona Ayglina, en souvenir de la fondatrice, et
d’Hôpital d’Issendolus, du nom de la paroisse ; pour faire vite, les gens
du Quercy l’appelèrent parfois Saint-Dolus. Au début du XIV° siècle, une
religieuse, Flore, s’y fit remarquer par ses vertus et, après sa mort, par ses
miracles. Son confesseur écrivit sa vie ; le texte latin original a disparu,
mais une traduction gasconne dans le troisième quart du XV° siècle nous reste :
« Vida e miracles de S. Flor. »
A Maurs (Cantal), vivait le
seigneur Pons qui, de sa femme, Melhor, eut dix enfants, trois fils et sept
filles dont quatre devinrent religieuses à l’Hôpital d’Issendolus. Dès
son enfance, Fleur, élevée dans sa famille parmi un groupe de dix-neuf enfants,
frère, sœurs ou cousins, se fit remarquer par sa maturité précoce et par sa
piété, soutenue par celle de sa famille. A quatorze ans, elle demanda à entrer
au couvent et ses parents acquiescèrent : « Dieu l'attire à lui, nous ne la
lui refuserons pas. » Elle entra donc à l’Hôpital d’Issendolus et se
laissa docilement former aux observances de la règle. Bientôt, prise de
scrupules, elle commença à se lamenter : « Malheureuse ! Tu as désiré quitter
1e monde pour faire pénitence et tu es venue dans un lieu de délices. Que
feras-tu si ici tu ne peux plaire au Seigneur ? »
Elle profita du passage d'un
religieux en grand renom de sainteté pour lui avouer qu'elle avait peur de se
damner si elle restait dans une maison si bien pourvue : le saint homme la
rassura en lui disant que cette abondance, nécessaire aux malades qui n'étaient
pas encore bien fermes dans l'amour de Dieu, serait pour elle l'occasion de
grands mérites, si elle savait refuser de satisfaire à tous ses désirs par amour
de Dieu.
Le démon entreprit alors de la
tenter directement. Il lui rappela la parole de Dieu : « Croissez et
multipliez-vous. » Elle lui répondit : « Méchant démon. Ce que tu dis est
permis aux séculiers, mais aux religieux qui ont promis à Dieu chasteté, non
seulernent il leur est défendu de le faire, mais c'est une abomination de
seulement y songer. Et Dieu sans la permission duquel tu ne peux rien faire te
commande de cesser de me tenter. »
Le démon constant vite que ses
flatteries ne pouvaient rien contre la fermeté de cette fille, essaya de
l'intimider : « Sois certaine que si tu ne consens pas à la délectation de la
chair et à perdre la chasteté, je te troublerai tellement et te mettrai si mal
avec les autres que la grande douleur que tu en auras te fera désespérer et que
tu te damneras pour toujours. I1 te serait plus avantageux de commettre le péché
de la chair et de t'en purifier ensuite par un digne repentir, car le désespoir
est le plus grand péché ; c'est le péché contre le Saint-Esprit, qui n'est
pardonné ni en ce monde ni dans l’autre. » Terrorisée, Flore fit le signe de
la croix et s'enfuit en courant dans tout le monastère, les yeux et les mains
levés au ciel, priant le Seigneur, la Vierge et les saints de lui obtenir
miséricorde ; plus elle était troublée, plus elle s'abandonnait à sa prière,
courant dans le cloître en poussant des soupirs et pleurant sans manifester aux
autres la cause de ses souffrances. Aussi les sœurs la traitaient de folle et
d'insensée et la faisaient réprimander par les religieux de passage : elle ne se
récriait pas et répondait à peine, se contentant de toujours pleurer devant Dieu
comme la Madeleine.
Le Seigneur, qui seul le pouvait,
commença à la consoler. Jésus lui apparut sous la figure de l'ange qui était
peint dans le cloître devant le parloir, continuellement pendant trois mois
environ, et quand elle le vit tout meurtri, elle comprit ce qu'il avait souffert
pour les pécheurs. I1 lui sembla qu'elle portait en elle le Seigneur, avec sa
croix qui lui déchirait les entrailles, tandis que son côté souffrait comme s'il
eut été transpercé. Elle crachait le sang.
Souvent quand elle s'agenouillait
pour réciter le Veni Sancte Spiritus, elle restait comme sourde et muette
et se perdait en Dieu. Par humilité elle voulait garder ses extases secrètes ;
elle prétextait quelque maladie pour rester au lit et goûter dans le calme les
douceurs spirituelles, accompagnées de phénomènes extraordinaires : un ange lui
remit un glaive, symbole de sa puissance contre le diable qu'elle pouvait
chasser de son cœur et de celui des autres, et en effet nul ne s'approchait
d'elle sans se sentir soulagé. Le jour de la Toussaint elle vit le bonheur des
élus, et le jour de la fête de sainte Cécile assista au triomphe de la sainte
dans le ciel. Fréquemment elle eut la vision du ciel : elle le vit un jour comme
un grand arbre couvert de fleurs, au haut duquel se tenait un aigle ; elle
assista à la fête donnée dans le ciel pendant qu'un certain Guillaume, pécheur
trop fameux, se confessait à son cousin Aymeric Fayzela, moine de Figeac. Son
biographe ne craint pas de la comparer à Moïse, car comme à lui il lui fut donné
de voir Dieu. Elle vit même la place qu'elle occuperait dans le ciel : loin d'en
tirer vanité, elle demanda à un maître en théologie s'il fallait ajouter foi à
de telles visions, sans préciser qu'elle les avait eues elle-même ; il le devina
et lui répondit qu'elles pouvaient être véritables, surtout si elles étaient
confirmées par d'autres ; trois jours plus tard, Fleur vit sa place plus élevée
encore à cause de son humilité.
Un jongleur vint lui rendre visite
et lui dit : « Je crois que si Notre Seigneur Jésus-Christ avait eu deux
mères, vous auriez été l'une d'elles. » Elle ne répondit pas et, quand son
confesseur le lui reprocha, elle déclara : « Je savais bien qu'il était venu
à moi par dévotion. Si je lui avais répondu durement, cela l'aurait fâché ; si
je lui avais répondu doucement, il aurait pu croire que ses louanges me
plaisaient, ce qui aurait été nuisible à moi et à lui. J'ai préféré me taire. »
Elle avait une grande influence sur
ceux qui l'approchaient et manifesta sa sainteté par des miracles, surtout au
moment de la peste. Elle était remarquable en tout et son confesseur pensait
qu'elle n'avait jamais péché mortellement. I1 donne sur ses dévotions préférées
quelques indications précieuses pour connaître la piété de cette époque. Elle
avait un grand amour pour le sacrement de pénitence ; se confessant chaque jour,
elle étonnait ses confesseurs par la précision de ses accusations ; elle les
honorait tous, les aimait et priait le Seigneur de leur accorder une part de la
grâce qu'il lui donnait par leur ministère. Chaque jour elle assistait à la
messe, mais suivant la coutume ne communiait qu’aux dimanches et aux fêtes, ce
qui ne l'empêchait pas d'entrer chaque jour, au moment de la communion du
prêtre, dans une extase qui durait souvent jusqu'à vêpres, et elle se serait
fort bien dispensée de manger si elle n'avait eu à céder au désir des sœurs ; un
jour, un ange lui apporta le tiers de l'hostie qui servait au sacrifice de la
messe dans une église éloignée de trois lieues, au grand étonnement du prêtre
qui ne retrouva la paix que lorsqu’elle lui eut raconté le prodige. Nous avons
déjà parlé de sa dévotion à la Passion du Christ, qu'elle méditait souvent en
récitant l'ordre de la Croix de saint Bonaventure, sans doute l'officium
de Passione Domini, et dont elle souffrait dans son propre corps.
Son amour de l'office divin et de
la prière lui permit de passer deux ou trois ans sans dormir. Elle contemplait
avec prédilection le mystère de l'annonciation. Elle avait une dévotion spéciale
à la Vierge Marie, à saint Jean-Baptiste, patron de son ordre, à saint Pierre,
premier vicaire du Christ, et à saint François le stigmatisé. Enfin, et c'est
ainsi que se termine sa Vie, son grand désir du ciel lui faisait aimer et
souhaiter la mort.
Fleur mourut en 1347, probablement
le cinq octobre. Son corps fut levé de terre par l’abbé de Figeac le 11 juin
1360 et déjà les miracles étaient nombreux. Ses reliques furent brûlées pendant
la Révolution.
SOURCE : http://missel.free.fr/ |