LIVRE III

I

EN QUELLES CONTRÉES DE LA TERRE LES APÔTRES ONT PRÊCHÉ LE CHRIST

Les affaires des Juifs en étaient là. Quant aux saints apôtres et disciples de notre Sauveur, ils étaient dispersés sur toute la terre habitée. Thomas, à ce que rapporte la tradition, obtint en partage le pays des Parthes, André la Scythie, Jean l'Asie  où il vécut : il mourut à Éphèse.  Pierre paraît avoir prêché aux Juifs de la dispersion dans le Pont, la Galatie, la Bithynie, le Cappadoce et l'Asie; finalement, étant aussi venu à Rome, il fut crucifié la tête en bas, après avoir lui-même demandé de souffrir ainsi. Que faut-il dire de Paul qui, depuis Jérusalem jusqu'à l'Illyricum, a accompli l'Évangile du Christ et rendit enfin témoignage à Rome sous Néron ? C'est là ce qui est dit textuellement par Origène, dans le troisième tome des Commentaires sur la Genèse.

II

QUI, LE   PREMIER, A PRÉSIDÉ A L'ÉGLISE DES ROMAINS

 

Après le martyre de Pierre et de Paul, Lin, le premier, obtint l'épiscopat de l'Église de Rome. En écrivant de Rome à Timothée, Paul fait mention de lui dans la salutation à la fin de l'épître.

III

LES LETTRES DES APOTRES

De Pierre donc une seule épître, celle qu'on appelle la première, est reconnue et les anciens presbytres eux-mêmes s'en sont servis dans leurs écrits comme d'un texte indiscuté . Quant à celle qu'on appelle la seconde, nous avons appris qu'elle n'est pas testamentaire, mais que pourtant, parce qu'elle a paru utile à beaucoup, elle a été prise en considération avec les autres Écritures. Pour ce qui est des Actes qui portent son nom, de l'Évangile appelé Selon Pierre, du Kérygme et de l'Apocalypse soi-disant de Pierre, nous savons que ces livres n'ont absolument pas été transmis parmi les (écrits) catholiques et qu'aucun écrivain ecclésiastique, ni parmi les anciens, ni parmi les modernes, ne s'est servi de témoignages empruntés à l'un d'eux.

Dans la suite de cette Histoire, j'agirai utilement en mentionnant avec les successions, ceux des écrivains ecclésiastiques qui se sont servis en leur temps des écrits contestés et desquels parmi ces écrits ils se sont servis, et ce qui a été dit par eux, soit des Écritures testamentaires et reconnues, soit de celles qui ne le sont pas. Mais des écrits qui portent le nom de Pierre, parmi lesquels je ne connais qu'une seule et unique lettre authentique et reconnue par les anciens presbytres, voilà tous ceux (que l'on possède).

Quant à Paul, les quatorze épîtres sont clairement et évidemment de lui. Que certains pourtant rejettent l'épître aux Hébreux, en disant qu'elle n'est pas admise par l'Église des Romains, parce qu'elle ne serait pas de Paul, il serait injuste de le méconnaître. A son sujet aussi, j'exposerai en son temps ce qui a été dit par mes prédécesseurs. Par contre, les Actes qui portent son nom, je ne les reçois pas parmi les livres incontestés.

Comme le même apôtre, dans les salutations finales de l'Épître aux Romains fait mention, avec d'autres, d'Hermas dont on dit que le livre du Pasteur est de lui, il faut savoir que ce livre est contesté par certains qui ne le rangeraient pas parmi les livres reçus, mais que d'autres l'ont jugé très nécessaire surtout pour ceux qui ont besoin d'une introduction élémentaire. C'est pourquoi nous savons maintenant qu'on le lit publiquement dans des Églises et j'ai constaté que certains des écrivains les plus anciens s'en sont servis.

Que cela soit dit pour exposer quelles sont les Écritures divines incontestées et celles qui ne sont pas reconnues par tous

IV

LA PREMIERE SUCCESSION DES APOTRES

Que Paul a prêché aux Gentils et qu'il a posé les fondements des Églises depuis Jérusalem et autour d'elle jusqu'à l'Illyricum, cela est évident d'après ses propres paroles et d'après ce que Luc a raconté dans les Actes. Les paroles de Pierre apprennent aussi dans quelles provinces celui-ci a évangélisé le Christ et transmis la doctrine du Nouveau Testament à ceux de la circoncision : cela est clair d'après l'épître de lui que nous avons dit être reconnue et qu'il écrit à ceux des Hébreux qui sont dans la dispersion du Pont, de Galatie, de Cappadoce, d'Asie et de Bithynie.

Combien de disciples de ces (apôtres) y eut-il et qui parmi eux devint assez véritablement zélé pour être jugé capable, après épreuve, de paître les Églises fondées par les apôtres, il n'est pas facile de le dire, à l'exception de ceux dont on peut recueillir les noms dans les écrits de Paul. De ce dernier un très grand nombre furent les auxiliaires, et comme il les appelle lui-même, les compagnons d'armes; beaucoup ont été jugés par lui dignes d'un souvenir impérissable et il leur rend dans ses propres épîtres un témoignage incessant. Du reste, Luc, dans les Actes, mentionne également les disciples de Paul et les désigne par leurs noms.

On rapporte que Timothée obtint le premier l'épiscopat de l'Église d'Éphèse, comme Tite, lui aussi, celui des Églises de Crète. Quant à Luc, antiochien d'origine et médecin de profession, il fut très longtemps associé à Paul et il vécut plus qu'en passant avec les autres apôtres : c'est d'eux qu'il a appris la thérapeutique des âmes, comme il en a laissé des preuves dans deux livres inspirés de Dieu, l'Évangile qu'il témoigne avoir composé d'après les traditions de ceux qui avaient été dès le commencement les spectateurs et les ministres de la parole et dont il affirme qu'il les a suivis depuis le début; - et les Actes des apôtres qu'il a rédigés non pas après les avoir entendus, mais après les avoir vus de ses yeux. On dit que Paul a coutume de rappeler l'Évangile selon Luc, toutes les fois qu'il écrit, comme s'il parlait d'un évangile qui lui est propre : Selon mon évangile.

Pour ce qui est des autres compagnons de Paul, celui-ci atteste que Crescent est allé dans les Gaules. De son côté, Lin, dont il rappelle la présence à Rome avec lui, dans la seconde lettre à Timothée, a obtenu, comme nous l'avons montré déjà antérieurement, l'épiscopat, le premier après Pierre. Clément, lui aussi, qui a été également établi évêque des Romains, en troisième lieu, a été le compagnon de travail et de luttes de Paul, comme celui-ci en témoigne. En outre, l'Aréopagite, qui s'appelle Denys et dont Luc a écrit, dans les Actes, qu'après le discours de Paul aux Athéniens sur l'Aréopage, il fut le premier à croire, un autre Denys, un ancien, qui fut le pasteur de l'Église de Corinthe, rapporte qu'il fut le premier évêque de l'Église d'Athènes. Mais à mesure que nous progresserons dans notre route, nous parlerons à propos de ce qui concerne, suivant les temps, la succession des apôtres. Maintenant passons à la suite du récit.

V

LE  DERNIER  SIÈGE  (SOUTENU)  PAR  LES  JUIFS APRÈS  LE CHRIST

Après que Néron eut exercé pendant treize ans le pouvoir Galba et Othon ne durèrent que dix-huit mois. Vespasien qui s'était illustré par ses combats contre les Juifs, fut désigné comme roi dans la Judée même et proclamé empereur par les armées qui y campaient. Aussitôt donc, il se mit en route pour Rome et confia la guerre contre les Juifs à son fils Titus.

Or, après l'ascension de notre Sauveur, les Juifs non contents de leur audace contre lui, dressèrent aussi aux Apôtres de multiples embûches : le premier, Etienne fut tué par eux à coups de pierres; puis, après lui, Jacques, fils de Zébédée et frère de Jean eut la tête coupée; et surtout, Jacques, qui, le premier après l'ascension de notre Sauveur, avait obtenu le siège épiscopal de Jérusalem, fut tué de la manière qui a été racontée. Les autres apôtres furent en butte à mille machinations tendant à leur mort : chassés de la Judée, ils entreprirent d'aller dans toutes les nations pour y enseigner le message, avec la puissance du Christ qui leur avait dit : " Allez, enseignez toutes les nations en mon nom. "

De plus, le peuple de l'Église de Jérusalem reçut, grâce à une prophétie transmise par révélation aux notables de l'endroit, l'ordre de quitter la ville avant la guerre et d'habiter une ville de Pérée, nommée Pella . Ce furent là que se transportèrent les fidèles du Christ, après être sortis de Jérusalem de telle sorte que les hommes saints abandonnèrent complètement la métropole royale des Juifs et toute la terre de Judée. La justice de Dieu poursuivit donc alors les Juifs parce qu'ils avaient accompli de telles iniquités contre le Christ et ses apôtres, faisant complètement disparaître d'entre les hommes cette race d'impies. Tous les maux donc qui fondirent alors en tout lieu sur le peuple entier; comment surtout les habitants de la Judée furent poussés aux derniers malheurs; combien de milliers d'hommes à la fleur de l'âge, en même temps que des femmes et des enfants, tombèrent par le glaive, la faim et mille autres genres de mort; combien de villes juives et lesquelles furent assiégées; quels maux terribles et plus que terribles virent ceux qui s'étaient réfugiés à Jérusalem même comme dans une métropole très fortifiée; quel fut le caractère de toute la guerre, quels furent en détail tous les événements qui s'y produisirent; comment à la fin l'abomination de la désolation annoncée par les prophètes fut installée dans le temple de Dieu, autrefois célèbre et qui attendait la ruine complète, la totale destruction par le feu : il est possible à qui le désire de le trouver avec exactitude dans l'histoire écrite par Josèphe. Pourtant, ce que rapporte cet historien des hommes rassemblés de toute la Judée aux jours de la fête de la Pâque et qui furent enfermés à Jérusalem comme dans une prison au nombre d'environ trois millions , il est nécessaire de le rappeler dans les termes mêmes (qu'il emploie). Il fallait, en effet, qu'aux jours où les Juifs avaient frappé de souffrances le Sauveur et bienfaiteur de tous, le Christ de Dieu, en ces mêmes jours, ils fussent enfermés comme dans une prison pour recevoir la mort qui fondit sur eux de la part de la justice divine.

Mais laissant de côté le détail de ce qui leur arriva et tout ce qui fut tenté contre eux par le moyen du glaive ou de quelque autre manière, je crois nécessaire d'exposer les seuls malheurs causés par la famine, de sorte que ceux qui liront cet écrit puissent savoir en partie comment les atteignit sans tarder le châtiment divin du crime commis contre le Christ de Dieu.

VI

LA FAMINE QUI LES A ACCABLÉS

Reprenons donc entre les mains le cinquième livre des Histoires de Josèphe et lisons le tragique récit de ce qui arriva alors :

" Pour les riches, dit-il, le seul fait de rester équivalait à la mort. Sous prétexte qu'ils voulaient déserter, on les tuait à cause de leur fortune. De plus, la folie des révoltés s'accroissait avec la famine et de jour en jour ces deux calamités augmentaient. Nulle part on ne voyait plus de blé; alors, ils entraient dans les maisons pour les fouiller complètement. Puis, lorsqu'ils avaient trouvé du blé, ils maltraitaient les gens pour avoir nié, et lorsqu'ils n'en trouvaient pas, ils les tourmentaient pour l'avoir trop soigneusement caché. Le signe qu'ils avaient ou n'avaient pas de blé était les corps de ces malheureux. Ceux qui tenaient encore debout paraissaient regorger de nourriture, ceux qui étaient déjà exténués, on les laissait tranquilles, car il semblait déraisonnable de tuer ceux qui étaient sur le point de mourir de faim.

" Beaucoup échangeaient leurs biens en cachette contre une mesure de froment s'ils étaient riches, contre une mesure d'orge s'ils étaient pauvres. Puis ils s'enfermaient eux-mêmes au plus secret de leurs maisons : les uns, au comble du besoin, mangeaient leur blé sans le préparer; les autres le faisaient cuire suivant que le permettaient la crainte et la nécessité. Nulle part on ne mettait plus de table; on retirait du feu les mets encore crus et on les déchirait. Misérable était la nourriture et c'était un spectacle digne de larmes que de voir les plus robustes accaparer plus que les autres, les faibles gémir. La faim surpasse toutes les douleurs ; elle ne détruit rien autant que la pudeur, car ce qui, en d'autres circonstances, est digne de respect est alors méprisé. Les femmes arrachaient la nourriture de la bouche même de leurs maris, les enfants de celle de leurs pères, et, ce qui est le plus lamentable, les mères de celle de leurs petits enfants. Tandis que séchaient dans leurs mains ceux qu'elles aimaient le plus, elles n'avaient pas honte de leur enlever le peu de chose qui les faisait vivre. " Même lorsqu'on mangeait ainsi, on ne demeurait pas caché ; mais partout survenaient des révoltés pour piller même ces miettes. Car, lorsqu'ils voyaient une maison fermée, c'était le signe que ceux qui étaient à l'intérieur étaient en train de manger et aussitôt ils brisaient les portes, faisaient irruption et arrachaient presque les morceaux des gosiers pour les emporter. Les vieillards qui voulaient retenir leur nourriture étaient frappés; on arrachait les cheveux des femmes qui cachaient ce qu'elles avaient entre les mains; on n'avait nulle pitié des cheveux blancs ou des petits enfants; mais on arrachait les enfants qui se suspendaient à leur nourriture et on les jetait par terre. Ceux qui prévenaient l'arrivée des voleurs et avalaient ce qu'on allait leur prendre, étaient plus cruellement traités sous prétexte d'injustice. Pour découvrir des aliments, les révoltés inventaient des moyens terribles : ils obstruaient avec des vesces le canal de l'urètre de ces malheureux; et avec des bâtons pointus ils fouillaient le rectum. On souffrait ainsi des tourments effrayants même à entendre, pour avouer un seul pain, pour dénoncer la cachette d'une seule poignée d'orge. Quant aux bourreaux, ils ne souffraient pas de la faim - leur cruauté eût été moins grande si elle avait été causée par la nécessité - mais ils affichaient leur fol orgueil et ils se préparaient pour eux-mêmes des provisions en vue des jours à venir. Ils allaient au-devant de ceux qui s'étaient glissés de nuit vers les avant-postes des Romains pour se cueillir des légumes sauvages et de l'herbe; et lorsque ceux-ci semblaient déjà avoir échappé aux ennemis, ils leur enlevaient ce qu'ils rapportaient. Souvent les victimes les suppliaient, en invoquant le nom très redoutable de Dieu, de leur rendre une partie de ce qu'ils portaient au pris de tant de risques : ils ne leur rendaient rien et c'était pour eux un bienfait de n'être pas aussi tués après avoir été volés ! ".

A cela, Josèphe ajoute un peu plus loin : " Pour les Juifs, tout espoir de salut disparut avec la possibilité de sortir et l'abîme de la faim, en s'approfondissant, engloutit le peuple, maison par maison, famille par famille. Les terrasses étaient remplies de femmes et de nourrissons morts; les rues, de cadavres de vieillards. Les enfants et les jeunes gens, enflés, erraient comme des fantômes sur les places et tombaient  à l'endroit  où la  souffrance les avait saisis.  Les malades n'avaient pas la force  d'enterrer leurs parents; et ceux qui auraient pu le faire le refusaient à cause de la multitude des morts et de l'incertitude de leur propre mort. Beaucoup en effet mouraient sur ceux qu'ils venaient d'enterrer; beaucoup venaient au sépulcre  avant qu'il fût nécessaire. Dans ces malheurs, il n'y avait ni lamentation, ni gémissement : la faim dominait les sentiments. Les agonisants regardaient, les yeux secs, mourir ceux qui les devançaient. Un silence profond enveloppait la ville et une nuit pleine de mort. Et les brigands étaient plus pénibles que tout le reste.

" Ils fouillaient en effet les maisons transformées en tombeaux; ils dépouillaient les morts, ils s'en allaient en ricanant après avoir enlevé les voiles qui couvraient les cadavres, ils essayaient sur leurs membres la pointe de leurs glaives; parfois ils perçaient des abandonnés qui vivaient encore pour éprouver leur fer. De ces derniers, quelques-uns les suppliaient de les aider de leurs mains et de leurs épées, mais ils les abandonnaient avec mépris à la famine; alors, chacun des agonisants regardait fixement vers le temple, sans s'occuper des révoltés vivants. Les révoltés firent d'abord enterrer les morts aux frais du trésor public, car ils n'en supportaient pas l'odeur. Comme ensuite ils n'y suffisaient plus, ils les firent jeter du haut des murs dans les ravins. En parcourant ces ravins, Titus les vit remplis de cadavres en putréfaction; il vit l'humeur qui coulait en abondance des corps; il gémit alors et levant les mains, il prit Dieu à témoin que ce n'était pas son œuvre . "

Après avoir parlé d'autre chose, Josèphe continue en disant :

" Je n'hésiterai pas à dire ce que m'ordonne la souffrance. Si les Romains avaient été impuissants contre les criminels, je crois que la ville aurait été engloutie par un tremblement de terre ou submergée par un déluge ou que la foudre de Sodome l'aurait détruite, car elle renfermait une race beaucoup plus athée que celle qui souffrit tous ces maux. Tout le peuple périt avec eux par leur fureur insensée. "

Au sixième livre, Josèphe écrit encore ceci :

"Infinie fut la multitude de ceux qui tombèrent dans la ville, frappés par la famine; indicibles les souffrances qui arrivèrent. Dans chaque maison, en effet, si l'on voyait quelque part une ombre de nourriture, c'était la guerre, et ceux qui s'aimaient mutuellement le plus en venaient aux mains pour s'arracher les misérables aliments de leur vie. Même pour les mourants il n'y avait pas de preuve de dénuement; mais les voleurs fouillaient même ceux qui respiraient encore, de peur qu'ils simulassent la mort, tout en ayant de la nourriture dans leur sein. Sous l'effet de la faim, beaucoup allaient en chancelant, la bouche ouverte comme des chiens enragés, trébuchaient, se heurtaient aux portes à la manière des ivrognes et, désemparés, se rendaient deux ou trois fois en une heure dans les mêmes maisons. La nécessité mettait tout sous leurs dents ; ils ramassaient ce que n'auraient pas pris même les plus vils des animaux sans raison, pour le manger. Ils ne s'abstenaient pas des baudriers, des semelles; finalement ils découpaient en lanières le cuir des boucliers et le mâchonnaient. Pour quelques-uns même la poussière du vieux foin était une nourriture; beaucoup recueillaient les fibres des plantes et en vendaient, pour quatre attiques, une très petite quantité.

" Mais pourquoi faut-il dire l'impudence provoquée par la famine en ce qui concerne les êtres inanimés ? Car je suis sur le point de raconter un ouvrage de la faim tel qu'on n'en rapporte pas de semblable ni chez les Grecs, ni chez les Barbares, terrible à dire, incroyable à entendre. Pour moi - qu'on ne croie pas que j'invente des contes pour les hommes de l'avenir - j'aurais volontiers laissé de côté cette calamité si je n'avais pas parmi mes contemporains d'innombrables témoins : au reste, je ferais à ma patrie une faveur misérable en passant sous silence les maux qu'elle a soufferts en réalité. Il y avait parmi les habitants d'au delà du Jourdain une femme nommée Marie, fille d'Eléazar, du bourg de Bathézor (ce mot signifie maison de l'hyssope), distinguée par sa naissance et par sa fortune; elle s'était réfugiée à Jérusalem avec le reste de la multitude et s'y trouvait assiégée. Les tyrans lui avaient pris tous les biens qu'elle avait rassemblés et apportés de la Pérée dans la ville; et des gens armés envahissaient chaque jour sa maison et s'emparaient du reste de sa fortune, et des aliments si elle parvenait à s'en procurer. Une irritation terrible s'empara de cette femme qui, à tout instant, insultait et maudissait les brigands en les excitant contre elle. Comme personne ne la tuait, ni par colère ni par pitié, et qu'elle était fatiguée de trouver pour d'autres une nourriture que déjà il n'était plus possible de trouver nulle part : comme aussi la faim pénétrait ses entrailles et ses moelles et que son cœur était encore plus enflammé que sa faim, elle prit conseil de sa colère autant que de la nécessité et alla contre la nature elle-même : elle avait un enfant, un bébé qui tétait encore; elle le prit : Malheureux bébé, dit-elle, dans la guerre, dans la famine, dans la révolte, pour qui te conserverai-je ? La servitude chez les Romains, si du moins nous vivons encore sous leur pouvoir; la faim prévient d'ailleurs la servitude, et les révoltés sont plus terribles que l'une et que l'autre. Allons ! sois pour moi une nourriture, pour les révoltés une malédiction, pour l'humanité un sujet de récit, le seul qui fasse défaut aux malheurs des Juifs. Et en même temps qu'elle parlait ainsi, elle tua son fils; puis, après l'avoir fait cuire, elle en mangea la moitié; elle cacha le reste et le mit en réserve. Aussitôt les révoltés arrivèrent et en sentant l'odeur de cette chair impie, ils menacèrent la femme, si elle ne leur montrait pas les mets préparés, de l'égorger aussitôt. Mais elle répond qu'elle leur a gardé une belle part et découvre les restes de l'enfant. Aussitôt la peur et l'épouvante les saisissent; ils restent immobiles devant ce spectacle. Mais elle : C'est mon propre enfant, dit-elle, c'est mon œuvre. Mangez, car moi aussi j'en ai mangé. Ne soyez pas plus délicats qu'une femme, plus sensibles qu'une mère. Si vous êtes pieux et que vous rejetiez mon propre sacrifice, j'ai mangé pour vous ; que le reste demeure pour moi. Alors, ils sortirent en tremblant : pour une fois du moins ils furent effrayés et laissèrent avec peine à la mère cette nourriture. Mais la ville entière fut bientôt remplie du récit de cette horreur; chacun, en mettant devant ses yeux cet exploit, comme s'il avait été accompli par lui, frissonnait. Il y eut de la part des affamés une sorte d'entrain vers la mort et l'on estima heureux ceux qui avaient péri avant d'entendre et de voir de tels maux ."

VII

LES PRÉDICTIONS DU CHRIST

Tel fut le châtiment des Juifs à cause de leur iniquité et de leur impiété à l'égard du Christ de Dieu.

Il est convenable d'ajouter à ce qui précède aussi la prédiction sans erreur de notre Sauveur, qui montre toutes ces choses déjà prophétisées en ces termes : " Malheur aux femmes enceintes et à celles qui nourrissent en ces jours : priez pour que votre fuite n'arrive pas en hiver ni le jour du sabbat. Car alors il y aura une grande affliction, telle qu'il n'y en a pas eu depuis le commencement du monde jusqu'à présent et qu'il n'y en aura pas. "

Comptant le chiffre complet des morts, l'historien dit qu'il périt par la faim et par le glaive onze cent mille personnes; que les révoltés et les brigands qui restaient se dénoncèrent les uns les autres après la prise de la ville et furent tués; que les plus nobles et les plus remarquables par leur beauté corporelle d'entre les jeunes gens furent réservés pour le triomphe. Quant au reste de la multitude, ceux qui avaient plus de dix-sept ans furent, les uns enchaînés et envoyés aux travaux d'Égypte, les autres, plus nombreux, distribués entre les provinces pour être mis à mort dans les théâtres par le fer et par les bêtes; ceux qui n'avaient pas dix-sept ans furent emmenés prisonniers pour être vendus : de ces derniers seuls le nombre arrivait environ à quatre vingt dix mille hommes.

Tout cela s'accomplit de cette manière la deuxième année du règne de Vespasien, conformément aux oracles prophétiques de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, qui, par sa puissance divine, l'avait prévu comme déjà présent et avait pleuré et sangloté, selon ce qu'écrivent les saints Évangélistes qui rapportent ses propres paroles : il a dit alors en parlant en quelque sorte à Jérusalem elle-même : " Si du moins tu connaissais en ce jour ce qui concerne ta propre paix et qui maintenant est caché à tes yeux ! Car des jours viendront sur toi où tes ennemis t'entoureront de retranchements; ils t'encercleront et t'investiront de tous côtés et ils te renverseront, toi et tes enfants. " Puis, au sujet du peuple : " Il y aura une grande contrainte sur la terre et la colère sera sur ce peuple. Ils tomberont dévorés par le glaive et ils seront conduits en captivité dans toutes les nations et Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations jusqu'à ce que soient accomplis les temps des nations. " Et encore : " Lorsque vous verrez Jérusalem encerclée par des combattants, alors vous connaîtrez que sa désolation est proche . " En comparant les paroles de notre Sauveur aux récits de l'historien relatifs à toute la guerre, comment ne serait-on pas étonné et ne reconnaîtrait-on pas comme divines, comme véritablement et surnaturellement extraordinaires la prescience en même temps que la prédiction de notre Sauveur ?

Au sujet de ce qui est arrivé à tout le peuple après la passion du Sauveur, après les paroles par lesquelles la multitude des Juifs sauvait de la mort un voleur et un meurtrier par ses prières et suppliait d'enlever de son sein le prince de la vie, il n'est pas besoin de rien ajouter aux histoires. Il serait pourtant juste d'ajouter ce qui pourrait établir la philanthropie de la toute bonne Providence qui a attendu quarante années entières après le crime audacieux contre le Christ pour faire périr les coupables. Pendant tout ce temps, la plupart des apôtres et des disciples et Jacques lui-même, le premier évêque de la ville, qu'on appelait le frère du Seigneur, étaient encore en vie et passaient leur existence dans la cité même de Jérusalem, comme un rempart puissamment fortifié pour elle . La surveillance divine avait été jusqu'à ce moment très patiente, pour voir si ces gens se repentiraient par hasard de ce qu'ils avaient fait et obtiendraient le pardon et le salut. En plus d'une si grande longanimité, Dieu leur présenta des signes extraordinaires de ce qui leur arriverait s'ils ne se repentaient pas. Cela aussi a été jugé digne de mémoire par l'historien que nous avons cité : rien ne vaut mieux que de le rapporter pour ceux qui verront cet ouvrage.

VIII

LES SIGNES AVANT LA GUERRE

Prenez donc et lisez ce qui est exposé au sixième livre des Histoires en ces termes :

" Les imposteurs, qui prenaient faussement Dieu à témoin, égaraient alors ce malheureux peuple, si bien que les gens ne prêtaient pas attention et ne croyaient pas aux prodiges manifestes qui annonçaient la dévastation future, mais, comme frappés par la foudre et privés de leurs yeux et de leur esprit, méprisaient les messages de Dieu. Ce furent d'abord une constellation qui se fixa au-dessus de la ville, semblable à un glaive, et une comète qui demeura suspendue pendant une année. Ce fut ensuite, avant la révolte et les mouvements préparatoires à la guerre, alors que le peuple était rassemblé pour la fête des azymes, le huit du mois de Xanthique, vers la neuvième heure de la nuit, une lumière assez brillante autour de l'autel et du temple pour ressembler au plein jour, et cette lumière dura une demi-heure : les ignorants crurent qu'elle était d'un bon augure, mais les scribes la jugèrent exactement avant que les choses fussent arrivées.

" Au temps de la même fête, une vache amenée par le grand prêtre pour le sacrifice mit bas un agneau au milieu du temple.  La porte orientale de l'intérieur du temple était en airain et très lourde; c'était à peine si, le soir, vingt hommes la refermaient; elle était close au moyen de barres de fer et possédait des verrous très robustes : à la sixième heure de la nuit, on la vit s'ouvrir spontanément. Après la fête, peu de jours plus tard, le vingt et un du mois d'Artémisios, on vit une apparition démoniaque, plus grande qu'on ne  peut le  croire.  Ce  qui  doit  encore  être  dit  paraîtrait incroyable, si ce n'avait pas été raconté par ceux qui l'ont vu et si les souffrances qui ont suivi n'avaient pas été proportionnées aux prodiges. En effet, avant le coucher du soleil, on vit dans toute la région des chars aériens et des phalanges armées qui s'élançaient des nuages et entouraient les villes. Au temps de la fête appelée Pentecôte, pendant la nuit, les prêtres venus dans le sanctuaire, comme ils en avaient l'habitude, pour les liturgies, dirent avoir perçu d'abord des mouvements et des bruits tumultueux, puis  des voix nombreuses qui disaient : Allons-nous en d'ici.  Voici encore quelque chose de plus effrayant.  Un homme,   appelé Jésus fils   d'Ananie,  un homme  simple,  un  paysan,  quatre  ans avant la guerre, alors que les affaires de la ville étaient en pleine paix et prospérité, vint à la fête où la coutume était, pour tous, de dresser des tentes en l'honneur de Dieu; et tout à coup, il se mit à crier à travers le sanctuaire : Voix de l'Orient, voix du Couchant, voix des quatre vents, voix sur Jérusalem et sur le temple; voix sur les fiancés et les fiancées, voix sur tout le peuple. Jour et nuit il parcourait toutes les rues en répétant ce cri. Quelques-uns des principaux du peuple, indignés contre ces paroles de malheur, s'emparèrent de l'homme et le maltraitèrent de coups multipliés. Mais lui, qui ne parlait pas de lui-même, ni en son propre nom, continuait à crier les mêmes mots devant ceux qui étaient là. Les chefs pensaient que l'homme était mû par une puissance surnaturelle, ce qui était en effet. Ils le conduisirent devant le gouverneur romain  : là on le déchira à coups de fouet, jusqu'aux os : il ne supplia pas, il ne pleura pas, niais comme il le pouvait, il répétait à chaque coup : " Malheur, malheur à Jérusalem. "

Le même Josèphe raconte un autre fait, encore plus extraordinaire que celui-là, en disant que, dans les saintes Lettres, on avait trouvé un oracle, d'après lequel, en ce temps-là, quelqu'un sorti de leur pays devait commander à la terre. Lui-même estime que cet oracle a été accompli en Vespasien. Seulement, ce dernier ne commanda pas à toute la terre, mais uniquement aux pays soumis aux Romains. Il serait plus juste d'appliquer l'oracle au Christ, à qui il a été dit par le Père : " Demande-moi et je te donnerai les nations pour ton héritage, et pour ta possession les limites de la terre." Or, à cette époque même, "la voix des saints apôtres s'en était allée dans toute la terre et leurs paroles jusqu'aux extrémités du monde. "

IX

JOSÈPHE ET LES ÉCRITS QU'IL A LAISSÉS

Après tout cela, il est convenable de ne pas ignorer Josèphe lui-même, qui a tellement contribué au récit qu'on a entre les mains : d'où était-il ? de quelle famille sortait-il ? C'est encore lui qui nous le montre en disant ceci :  " Josèphe, fils de Matthias, prêtre de Jérusalem, qui, lui aussi, a d'abord combattu les Romains et qui, plus tard, se rapprocha d'eux par nécessité. "

En ce temps-là, il fut de beaucoup le plus illustre des Juifs, non seulement auprès de ses compatriotes, mais même auprès des Romains, tellement qu'il fut honoré dans la ville des Romains par l'érection d'une statue et que les ouvrages composés par lui furent jugés dignes des bibliothèques.  Il expose toute l'Antiquité judaïque en vingt livres en tout et l'histoire de la Guerre romaine arrivée en son temps, en sept livres. Lui-même témoigne avoir rédigé ces derniers livres non seulement en grec, mais aussi dans sa langue maternelle et il est tout à fait digne de créance. On possède encore de lui deux autres livres dignes d'étude Sur l'antiquité des Juifs, dans lesquels il apporte des réponses à Apion le grammairien qui avait alors composé un ouvrage contre les Juifs, et à  d'autres  qui s'efforçaient de  calomnier eux aussi les traditions du peuple juif. Dans le premier de ces livres, il établit le nombre des écrits appelés l'Ancien Testament et enseigne lesquels étaient incontestés chez les Hébreux, d'après une ancienne tradition, dans les termes que voici :

X

COMMENT IL RAPPELLE LES LIVRES DIVINS

"Il n'y a pas chez nous des milliers de livres, en désaccord et en opposition les uns avec les autres, mais seulement vingt-deux livres qui contiennent la description de tout le temps passé et qui sont à bon droit tenus pour divins. Et, de ces livres, cinq sont de Moïse, qui renferment les lois et la tradition de la création de l'homme jusqu'à la mort de l'écrivain : ce temps est d'un peu moins de trois mille ans. De la mort de Moïse jusqu'à celle d'Artaxerxès, roi des Perses après Xerxès, les prophètes venus après Moïse ont écrit les faits arrivés de leur temps en treize livres. Les quatre livres restants renferment des hymnes à Dieu et des règles de conduite pour les hommes. Depuis Artaxerxès jusqu'à notre temps, tout a été écrit, mais ces livres n'ont pas été jugés dignes d'une créance semblable à celle des livres antérieurs, parce que la succession des prophètes n'est pas exacte. Les faits montrent avec évidence notre attitude envers nos propres écrits : en effet, alors que s'est déjà écoulée une si longue durée, personne n'a osé ajouter ou retrancher ou transposer quoi que ce soit à ces livres; mais tous les Juifs trouvent naturel, dès leur première enfance, de regarder ces livres comme les enseignements de Dieu, de s'en tenir à eux, et, s'il le faut, de mourir volontiers pour eux."

Il est utile de rappeler ces paroles de l'historien. Un autre ouvrage qui n'est pas indigne de lui a encore été composé par cet écrivain, Sur la raison maîtresse, que quelques-uns intitulent Macchabaïcon, parce qu'il renferme les combats des Hébreux, dont on parle dans les livres appelés des Macchabées et qui se sont conduits virilement pour la piété à l'égard de Dieu. Vers la fin du vingtième livre de l'Antiquité, le même auteur signifie qu'il se propose d'écrire quatre livres, conformément aux croyances traditionnelles des Juifs, sur Dieu et son essence, sur les lois, sur les motifs pour lesquels il est permis de faire certaines choses et défendu d'en faire d'autres. Il rappelle également, dans ses propres ouvrages, qu'il s'est occupé d'autres questions.

En outre, il est raisonnable de citer les paroles qui ont été placées à la fin même de l'Antiquité , pour confirmer le témoignage de ce qui a été emprunté à cet auteur. Il accuse carrément Juste de Tibériade, qui s'était efforcé de raconter, semblablement à lui, les événements de la même époque, de n'avoir pas dit la vérité, et il ajoute beaucoup d'autres charges contre cet homme; puis il conclut en propres termes :

"Pour moi, je ne crains pas le même jugement sur mes propres écrits que toi, mais j'ai remis mes livres aux empereurs, alors qu'on voyait presque encore les faits. J'avais conscience d'avoir gardé la tradition de la vérité; je me suis attendu à en obtenir le témoignage et je ne me suis pas trompé. A beaucoup d'autres aussi, j'ai présenté mon récit, dont quelques-uns avaient participé à la guerre, comme le roi Agrippa et certains de ses parents. L'empereur Titus a même voulu que la connaissance de ces faits soit transmise aux hommes par ces seuls ouvrages et il a ordonné, en signant l'ordre de sa propre main, de publier mes livres. Quant au roi Agrippa, il m'a écrit soixante-deux lettres, en rendant témoignage à la tradition de la vérité."

De ces lettres, Josèphe cite même deux. Mais sur lui, en voilà assez.

Poursuivons donc notre récit.

XI

COMMENT APRES JACQUES, SIMEON DIRIGE L'ÉGLISE DE JÉRUSALEM

Après le martyre de Jacques et la destruction de Jérusalem qui arriva en ce temps-là, les apôtres et les disciples du Seigneur qui étaient encore en vie s'assemblèrent de partout, à ce que l'on raconte, et se réunirent aux parents du Seigneur selon la chair - un grand nombre d'entre eux, en effet, étaient alors encore en vie - et tous ensemble tinrent conseil pour examiner qui il fallait juger digne de la succession de Jacques : tous, d'une seule pensée, décidèrent que Siméon, fils de Clopas, qui est mentionné dans le livre de l'Évangile, était digne du siège de cette Église : il était, dit-on, cousin du Sauveur. Hégésippe raconte en effet que Clopas était le frère de Joseph.

XII

COMMENT VESPASIEN ORDONNE DE RECHERCHER LES DESCENDANTS DE DAVID

Et l'on rapporte en outre qu'après la prise de Jérusalem, Vespasien ordonna de rechercher tous les descendants de David, afin qu'il ne restât plus parmi les Juifs un homme de la tribu royale. A cause de cet ordre, une très grande persécution fut de nouveau suspendue sur la tête des Juifs.

XIII

COMMENT ANACLET EST LE SECOND ÉVÊQUE DES ROMAINS

Vespasien ayant régné dix ans, Titus, son fils, lui succède comme empereur. La deuxième année de son règne, l'évêque Lin, après avoir exercé pendant douze ans le ministère de l'Église des Romains, le transmet à Anaclet. Donatien, son frère, succède à Titus, qui a régné deux ans et autant de mois.

XIV

COMMENT AVILIUS DIRIGE, LE SECOND, LES ALEXANDRINS

La quatrième année de Domitien, Annianus, le premier évêque de l'Église d'Alexandrie, après avoir achevé vingt-deux ans (d'épiscopat), meurt et Avilius lui succède comme second évêque.

XV

COMMENT CLEMENT EST LE TROISIEME EVEQUE DES ROMAINS

La douzième année de ce même règne, Anaclet, ayant été évêque de l'Église des Romains pendant douze ans, est remplacé par Clément que l'Apôtre, dans sa lettre aux Philippiens, déclare avoir été son collaborateur en disant : " Avec Clément et mes autres collaborateurs, dont les noms sont dans le livre de vie. "

XVI

LA LETTRE DE CLEMENT

De ce dernier, on possède une lettre reçue (comme authentique), grande et admirable : il l'a rédigée de la part de l'Église des Romains pour l'Église des Corinthiens, à la suite d'une sédition qui s'était alors produite à Corinthe. Nous avons appris qu'en un très grand nombre d'Églises cette lettre a été lue publiquement dans les assemblées autrefois, et qu'elle l'est encore de nos jours. Et que, sous le même empereur, les affaires de Corinthe avaient été troublées par une sédition, Hégésippe en est un témoin digne de créance.

XVII

LA   PERSÉCUTION DE DOMITIEN

Domitien manifesta beaucoup de cruauté à l'égard de beaucoup de personnes; il fit tuer un nombre considérable de nobles et de personnages distingués à Rome, sans jugement régulier. Beaucoup d'autres hommes illustres furent encore condamnés à l'exil hors des limites (de l'empire) et à la confiscation des biens, sans aucun motif. Finalement, il se posa comme le successeur de Néron par sa haine de Dieu et sa lutte contre Dieu. Il fut incontestablement le second à soulever la persécution contre nous, bien que son père, Vespasien, n'eût jamais conçu de mauvais desseins contre nous.

XVIII

L'APOTRE JEAN ET L'APOCALYPSE

En ce temps-là, à ce qu'on rapporte, l'apôtre et évangéliste Jean était encore en vie : à cause du témoignage en faveur du Verbe divin il avait été condamné à habiter l'île de Patmos. A propos du chiffre produit par le nom de l'Antéchrist qu'indiqué l'Apocalypse, dite de Jean, Irénée écrit en propres termes, dans le cinquième livre Contre les Hérésies, ceci au sujet de Jean :

" S'il avait fallu proclamer ouvertement, dans le temps présent, le nom de l'Antéchrist, il aurait été dit par celui-ci, qui a vu aussi l'Apocalypse. Car il l'a vue, il n'y a pas très longtemps, mais presque à notre génération, vers la fin de la puissance de Domitien. "

Dans ces temps-là, l'enseignement de notre foi était tellement éclatant que même les historiens étrangers à notre doctrine n'hésitent pas à rapporter dans leurs histoires la persécution et les témoignages qui y furent rendus; ils en ont indiqué la date très exactement, et ils racontent que la quinzième année de Domitien, Flavia Domitilla fille d'une sœur de Flavius Clemens, un des consuls de Rome à cette date, fut elle aussi, avec un très grand nombre d'autres, reléguée dans l'île Pontia par punition, à cause du témoignage (rendu) au Christ.

XIX

COMMENT DOMITIEN ORDONNA DE TUER LES DESCENDANTS DE DAVID

Le même Domitien ordonna de supprimer les descendants de David. Une ancienne tradition rapporte que certains hérétiques dénoncèrent les descendants de Jude, qui était un frère du Sauveur, selon la chair, comme étant de la race de David et comme appartenant à la parenté du Christ lui-même. C'est ce que montre Hégésippe qui dit quelque part en propres termes :

XX

LES PARENTS DE NOTRE SAUVEUR

" Il y avait encore, de la race du Sauveur, les petits-fils de Jude, qui lui-même était appelé son frère selon la chair : on les dénonça comme étant de la race de David. L'evocatus les amena devant Domitien César, car celui-ci craignait la venue du Christ, comme Hérode. Et il leur demanda s'ils étaient de la race de David et ils dirent que oui. Alors il leur demanda combien de propriétés ils avaient, de quelles richesses ils étaient les maîtres. Ils dirent qu'à eux deux ils possédaient seulement neuf mille deniers et que chacun d'eux en avait la moitié, et ils ajoutèrent qu'ils n'avaient même pas cela en numéraire, mais que c'était l'évaluation d'une terre de trente-neuf plèthres sur lesquels ils payaient les impôts et qu'ils cultivaient eux-mêmes pour vivre. "

Puis ils montrèrent aussi leurs mains, comme preuve de leur travail personnel, ils alléguèrent la rudesse de leur corps; ils présentèrent les durillons incrustés dans leurs propres mains par suite de leur labeur continuel. Interrogés sur le Christ et sur son royaume, sur sa nature, le lieu et les temps de sa manifestation, ils donnèrent cette réponse que ce royaume n'était pas de ce monde, ni de cette terre, mais céleste et angélique, qu'il arriverait à la consommation des siècles, lorsque le Christ viendrait dans la gloire, jugerait les vivants et les morts et rendrait à chacun selon ses œuvres. Domitien, là-dessus, ne les condamna à rien, mais il les dédaigna comme des hommes simples, les renvoya libres et fit cesser par un édit la persécution contre l'Église. Lorsqu'ils furent délivrés, ils dirigèrent les Églises, à la fois comme martyrs et comme parents du Seigneur, et, la paix rétablie, ils restèrent en vie jusqu'à Trajan.

Voilà ce que rapporte Hégésippe. Lui aussi, Tertullien fait de Domitien une semblable mention :

" Domitien avait essayé alors de faire la même chose que lui, tout en n'étant qu'une partie de la cruauté de Néron. Mais comme, à mon avis, il avait quelque intelligence, il s'arrêta très vite, après avoir rappelé ceux qu'il avait exilés. "

Après Domitien qui gouverna pendant quinze ans, Nerva lui succéda au pouvoir; les honneurs rendus à Domitien furent abolis; le Sénat des Romains vota (une loi) pour faire revenir chez eux ceux qui avaient été injustement chassés et leur rendre leurs biens. C'est ce que racontent ceux qui ont transmis par l'écriture les événements de ces temps-là. Alors l'apôtre Jean put donc, lui aussi, reprendre sa vie à Ephèse au sortir de l'exil dans l'île (de Patmos), d'après ce que rapporte la tradition de nos anciens.

XXI

COMMENT CERDON DIRIGE, LE TROISIÈME, L'ÉGLISE DES ALEXANDRINS

Nerva régna un peu plus d'un an et Trajan lui succéda. Ce fut au cours de sa première année qu'Avilius, après avoir conduit pendant treize ans l'Église d'Alexandrie, reçut Cerdon pour successeur : celui-ci fut le troisième chef des gens de ce pays après le premier Annianus. En ce temps-là, Clément conduisait encore les Romains, et lui aussi occupait le troisième rang des évêques de là-bas après Paul et Pierre. Lin était le premier, et après lui Anaclet .

XXII

COMMENT IGNACE EST LE SECOND CHEF DE L'ÉGLISE DES ANTIOCHIENS

Mais, après qu'Évodius eût été établi le premier sur les gens d'Antioche, Ignace le second, florissait dans les temps dont nous parlons. Semblablement, Siméon était le second, après le frère de notre Sauveur, à avoir à cette époque la charge de l'Église de Jérusalem.

XXIII

RÉCIT SUR L'APOTRE JEAN

En ces temps-là, demeurait encore en vie, en Asie, celui qu'aimait Jésus , Jean, à la fois apôtre et évangéliste, qui gouvernait les Églises de ce pays, après être revenu, à la mort de Domitien, de l'île où il avait été exilé. Qu'il fût en vie jusqu'à ces temps, il suffit de confirmer la chose par deux témoins, et ils sont dignes de confiance car ils ont la première place dans l'orthodoxie ecclésiastique, s'il y en a de tels : Irénée et Clément d'Alexandrie. De ces hommes, le premier, au second livre Contre les Hérésies, écrit ainsi en propres termes :

" Et tous les presbytres qui se sont rencontrés en Asie avec Jean, le disciple du Seigneur, témoignent que Jean a transmis (sa doctrine). Car il demeura parmi eux jusqu'aux temps de Trajan. "

Et au troisième livre du même ouvrage, Irénée montre la même chose par ces mots :

" Mais l'Église d'Éphèse, fondée par Paul et où Jean demeura jusqu'aux temps de Trajan, est aussi un témoin véritable de la tradition des apôtres. "

Quant à Clément, il indique également ce temps et il ajoute un récit très nécessaire à ceux qui aiment entendre des choses belles et profitables, dans son ouvrage intitulé : Quel riche est sauvé Prenez cette histoire et lisez-la donc telle qu'il l'a écrite : " Ecoute une fable, qui n'est pas une fable, mais une véritable histoire transmise (par la tradition) et gardée par le souvenir, au sujet de Jean l'apôtre :

Après que le tyran fut mort, Jean passa de l'île de Patmos à Éphèse; et il allait, sur invitation, dans les pays voisins (habités par) des Gentils, tantôt pour y établir des évêques, tantôt pour y organiser des Églises complètes, tantôt pour choisir comme clerc un de ceux qui étaient désignés par l'Esprit. Il vint donc dans une de ces villes peu éloignées, dont quelques-uns disent même le nom et consola d'abord les frères; puis il regarda vers l'évêque qui était établi sur cette Église, et, voyant un jeune homme distingué de corps, agréable d'aspect, et ardent d'esprit : Celui-ci, dit-il, je te le confie avec tout mon cœur, devant l'Église et le Christ comme témoins. L'évêque le reçut et promit tout; l'Apôtre répéta encore les mêmes choses et cita les mêmes témoins. Puis il partit pour Éphèse. Le presbytre , de son côté, prit chez lui le jeune homme qui lui avait été remis, le nourrit, le protégea, le réchauffa de son affection et finalement le baptisa. Et après cela, il se relâcha de son soin et de sa vigilance multipliés, sous prétexte qu'il l'avait muni d'une protection parfaite, le sceau du Seigneur.

Le jeune homme, ayant reçu sa liberté prématurément, fut corrompu par des camarades de son âge, oisifs, dissolus, accoutumés au mal. D'abord, ils le conduisirent à de magnifiques festins; puis ils l'emmenèrent aussi dans leurs sorties nocturnes pour commettre des vols; ensuite, ils le jugèrent capable de faire avec eux quelque chose de plus grand. Lui s'accoutumait peu à peu et par suite de sa nature ardente, il sortit de la voie droite comme un cheval indompté et vigoureux, qui ronge son frein, et se jeta avec fougue dans les précipices. Lorsqu'il eut enfin désespéré du salut divin, il ne se contenta plus de petits projets, mais puisqu'il était perdu une fois pour toutes, il voulut faire quelque chose de grand et trouva bon de se conduire comme les autres. Il les rassembla donc et organisa avec eux une compagnie de brigands, dont il était le chef tout désigné, car il était le plus violent, le plus meurtrier, le plus dur.

Du temps passa : une nécessité étant survenue, on rappela Jean. Lorsque celui-ci eut réglé les autres affaires pour lesquelles il était venu : " Allons, évêque, dit-il, rends-nous le dépôt que moi et le Christ nous t'avons confié devant l'Église à laquelle tu présides et qui est notre témoin. " L'évêque fut d'abord stupéfait, en pensant à une somme d'argent qu'il n'avait pas reçue et pour laquelle on l'aurait calomnieusement accusé : il ne pouvait ni croire à un argent qu'il n'avait pas, ni refuser de croire Jean : " Je te demande, reprit, ce dernier, le jeune homme et l'âme de ton frère. " Le vieillard gémit profondément et pleura : " Cet homme, dit-il, il est mort. - Comment et de quelle mort ? - Il est mort à Dieu, car il est parti, méchant et perdu, et, pour tout dire, c'est un brigand. Et maintenant, il occupe la montagne en face de l'église, avec une troupe qui lui ressemble. " L'apôtre déchira son vêtement et, après un profond gémissement, se frappa la tête : " C'est un beau gardien de l'âme de son frère, dit-il, que j'ai laissé. Mais que tout de suite on m'amène un cheval et que quelqu'un soit mon guide sur la route. " Il sortit de l'église aussitôt, comme il était.

Arrivé à l'endroit, il fut pris par l'avant-garde des brigands, sans chercher à fuir, sans rien demander, mais en s'écriant : " C'est pour cela que je suis venu, conduisez-moi à votre chef. " Cependant celui-ci attendait en armes. Lorsqu'il reconnut Jean qui venait à lui, il prit honte et s'enfuit. Mais Jean le poursuivit de toutes ses forces, oublieux de son âge, et criant : " Pourquoi me fuis-tu, enfant, moi ton père, désarmé, vieillard ? Aie pitié de moi, enfant, n'aie pas peur; tu as encore des espérances de vie. C'est moi qui rendrai compte pour toi au Christ. S'il le faut, je supporterai volontiers de mourir pour toi, comme le Seigneur est mort pour nous : pour ta vie, je donnerai la mienne. Arrête, aie confiance : c'est le Christ qui m'a envoyé ".

En entendant ces paroles, le jeune homme commença par s'arrêter, en regardant vers la terre, puis il jeta ses armes; puis il pleura amèrement en tremblant. Il entoura de ses bras le vieillard qui avançait, lui demanda pardon, comme il le pouvait, par ses gémissements, et fut baptisé une seconde fois dans ses larmes. Cependant il cachait sa main droite, Jean lui donna sa garantie, promit par serment qu'il avait trouvé la rémission pour lui auprès du Sauveur; priant, se mettant à genoux, en baisant la main droite elle-même (du jeune homme), en affirmant qu'elle avait été purifiée par la pénitence. Puis il le conduisit à l'église et intercéda pour lui en abondantes prières, lutta avec lui de jeûnes prolongés, enchanta son esprit par les charmes variés de ses paroles. Il ne s'en alla pas, ajoute-t-on, avant de l'avoir attaché à l'Église, donnant une grande preuve de véritable pénitence, un grand exemple de renaissance, un trophée de résurrection visible. "

Que ce récit de Clément soit ici placé à la fois pour l'information  et l'utilité  des  lecteurs.

XXIV

L'ORDRE DES ÉVANGILES

Et maintenant, indiquons les écrits incontestés de cet apôtre (Jean). Et tout d'abord il faut certainement recevoir l'Evangile selon Jean qui est reconnu par toutes les Églises sous le ciel. C'est à juste titre qu'il a été placé par les anciens au quatrième rang après les trois autres, comme il est évident par ce qui suit. Les hommes inspirés et vraiment dignes de Dieu, je dis les apôtres du Christ, ont été extrêmement purifiés dans leur vie et ont orné leurs âmes de toute vertu; mais ils connaissaient mal la langue : c'est par la puissance divine et capable de prodiges qui leur avait été accordée par le Sauveur qu'ils étaient forts; ils ne savaient pas expliquer les enseignements du Maître par la persuasion et l'art des discours, et ils ne l'essayaient même pas. Seules la démonstration de l'Esprit divin qui collaborait avec eux et la puissance thaumaturgique du Christ qui agissait par eux, leur étaient utiles. Ils annonçaient la connaissance du royaume des cieux à toute la terre habitée, sans se faire le moindre souci de s'occuper à écrire des livres. Ils agissaient ainsi parce qu'ils étaient requis pour un service plus grand et au-dessus de l'homme. Paul lui-même, le plus puissant de tous dans la préparation des discours, le plus capable dans les pensées, ne livra pas plus à l'écriture que de très courtes épîtres, bien qu'il eût à dire beaucoup de choses et des choses ineffables, puisqu'il avait effleuré les spectacles du troisième ciel et qu'il avait été enlevé jusqu'au paradis même de Dieu où il avait été jugé digne d'entendre des paroles ineffables. Ils n'étaient pas non plus sans expérience des mêmes choses, les autres compagnons de notre Sauveur, les douze apôtres, les soixante dix disciples, et mille autres en plus d'eux. Et pourtant, d'eux tous, seuls Matthieu et Jean nous ont laissé des mémoires des entretiens du Seigneur : et la tradition rapporte qu'ils en vinrent à écrire par nécessité. Matthieu, en effet, prêcha d'abord aux Hébreux. Comme il devait aussi aller vers d'autres, il livra à l'écriture, dans sa langue maternelle, son Évangile, suppléant du reste à sa présence par le moyen de l'écriture, pour ceux dont il s'éloignait. Alors que déjà Marc et Luc avaient publié leurs Évangiles, Jean, dit-on, avait employé, pendant tout le temps, la prédication orale. Finalement, il en vint aussi à écrire, pour la raison suivante. Alors que les trois évangiles écrits précédemment avaient déjà été transmis chez tous (les fidèles) et chez lui aussi, il les reçut, dit-on en rendant témoignage de leur vérité. Mais il manquait à leurs écrits le seul récit des choses faites par le Christ dans les premiers temps et au début de sa prédication . Et ce motif est véritable. En effet, il est possible de voir que les trois (premiers) évangélistes ont écrit seulement ce qui a été fait par le Sauveur après l'arrestation et l'emprisonnement de Jean-Baptiste, durant une seule année et qu'ils l'ont indiqué au commencement de leurs récits. C'est en effet après le jeûne de quarante jours et la tentation qui l'a suivi que Matthieu montre l'époque de son propre récit, en disant : " Ayant entendu que Jean avait été livré, " il (Jésus) s'éloigna " de la Judée " pour aller en Galilée ". Marc fait de même : " Après que Jean eut été livré, dit-il, Jésus vint dans la Galilée ". Et Luc, avant de commencer le récit des actions de Jésus, fait à peu près la même remarque en disant qu'Hérode ajouta aux mauvaises actions qu'il avait commises : " Il enferma Jean en prison  ". On dit donc que ce fut pour cela que l'apôtre Jean fut prié de transmettre dans son Évangile le temps qui avait été passé sous silence par les évangélistes précédents et les actions faites par le Sauveur durant ce temps, c'est-à-dire avant l'emprisonnement du Baptiste. Il indique cela même, soit lorsqu'il dit : " Tel fut le commencement des miracles que fit Jésus ", soit lorsqu'il rappelle le Baptiste au milieu de l'histoire de Jésus, comme baptisant encore à ce moment à Aenon, près de Saleim. Il le précise même clairement en disant : " Jean n'avait pas encore été jeté en prison . " Ainsi donc Jean, dans son Évangile écrit, rapporte ce qui a été fait par le Christ lorsque le Baptiste n'avait pas encore été jeté en prison, les trois autres évangélistes au contraire mentionnent ce qui est arrivé après l'arrestation et l'emprisonnement du Baptiste. A celui qui fait attention à ces choses, il n'est plus possible de penser que les Évangiles sont en désaccord les uns avec les autres, car l'Évangile de Jean comprend le début des actes du Christ, et les autres le récit de ce qui lui est arrivé à la fin de sa vie . Vraisemblablement donc Jean a passé sous silence la généalogie de notre Sauveur selon la chair, parce qu'elle avait été écrite auparavant par Matthieu et par Luc; mais il a commencé par (parler de) sa divinité qui lui avait été réservée en quelque sorte par l'Esprit divin, comme au meilleur.

Voilà donc ce que nous avons à dire sur la mise par écrit de l'Évangile selon Jean. Le motif de la composition de l'Evangile selon Marc a été plus haut exposé par nous. Quant à Luc, lui-même, dès le début de son ouvrage, a marqué les motifs pour lesquels il l'a composé : il indique que beaucoup d'autres se sont exercés avec trop de précipitation à faire le récit des choses que lui-même a connues avec une entière certitude. Par suite il juge nécessaire de nous débarrasser des suppositions incertaines faites par les autres et de transmettre dans son propre évangile le récit assuré de ce dont lui-même a saisi la vérité avec certitude, par suite de la compagnie et des entretiens de Paul et des conversations des autres apôtres. Voilà ce que nous devions dire sur les Évangiles. Nous essaierons de marquer plus précisément, selon les circonstances et en utilisant l'exposé des anciens, ce qui a été dit par les autres sur ces mêmes Évangiles.

Des écrits de Jean en dehors de l'Évangile, la première de ses Épîtres est reconnue hors de conteste à la fois par nos contemporains et par les anciens. Les deux autres sont discutées. Quant à l'Apocalypse, son autorité est encore maintenant discutée par le plus grand nombre. Semblablement, elle sera appréciée elle aussi d'après le témoignage des anciens, au moment voulu.

XXV

LES DIVINES ÉCRITURES RECONNUES PAR TOUS
ET CELLES QUI NE LE SONT PAS

Arrivés à ce point, il nous semble raisonnable de récapituler (la liste) des écrits du Nouveau Testament, dont nous avons parlé. Et, sans aucun doute, il faut placer tout d'abord la sainte tétrade des Évangiles, que suit le livre des Actes des Apôtres. Après ce livre, il faut citer les Épîtres de Paul, à la suite desquelles on doit sanctionner la première attribuée à Jean et semblablement la première épître de Pierre. A la suite de ces ouvrages, on rangera, si cela paraît bon, l'Apocalypse de Jean au sujet de laquelle nous exposerons au moment opportun ce qu'on en pense.

Tels sont les livres reçus (universellement). Parmi les écrits contestés, mais reçus pourtant par le plus grand nombre, il y a l'épître attribuée à Jacques, celle de Jude, la deuxième épître de Pierre et les lettres dites deuxième et troisième de Jean, qu'elles soient de l'évangéliste ou d'un autre qui portait le même nom.

Parmi les apocryphes, qu'on range le livre des Actes de Paul, l'ouvrage intitulé Le Pasteur, l'Apocalypse de Pierre, et de plus l'Épître attribuée à Barnabé, l'écrit appelé les enseignements des apôtres, puis, comme je l'ai dit, l'Apocalypse de Jean, si cela semble bon : quelques-uns, comme je l'ai dit, la rejettent; mais d'autres la joignent aux livres reçus. Parmi ces mêmes livres, quelques-uns ont encore placé l'Évangile selon les Hébreux, qui plaît surtout à ceux des Hébreux qui ont reçu le Christ. Tous ces livres sont au nombre des écrits contestés.

Nous avons trouvé nécessaire de faire également la liste de ces derniers (ouvrages) en séparant les Écritures qui, selon la tradition ecclésiastique, sont vraies, authentiques et reconnues, d'avec les livres qui, à leur différence, ne sont pas testamentaires, mais contestés bien que connus par la plupart des (écrivains) ecclésiastiques. Ainsi, nous pourrons connaître ces livres mêmes et ceux qui, chez les hérétiques, sont présentés sous le nom des apôtres, qu'il s'agisse des Evangiles de Pierre, de Thomas, de Matthias et d'autres encore, ou des Actes d'André, de Jean et des autres apôtres : absolument jamais personne parmi les orthodoxes qui se sont succédé, n'a trouvé bon de rappeler leur souvenir dans un de ses ouvrages. D'ailleurs, le caractère de l'élocution s'écarte de la manière apostolique; la pensée et la doctrine qu'ils renferment sont autant que possible en désaccord avec la véritable orthodoxie; ce qui prouve clairement que ces livres sont des fabrications d'hérétiques. Par suite, il ne faut même pas les placer parmi les apocryphes, mais il faut les rejeter comme tout à fait absurdes et impies.

Et maintenant, passons à la suite du récit.

XXVI

MÉNANDBE LE MAGICIEN

Ménandre, qui succéda à Simon le mage, se montra par sa manière d'agir un second instrument de l'activité diabolique non inférieur au premier Lui aussi était Samaritain, il atteignit non moins que son maître le faîte de la magie et le dépassa par de plus grands prodiges. Il disait qu'il était le Sauveur envoyé d'en haut jadis, dès les siècles invisibles, pour le salut des hommes. Il enseignait encore qu'on ne pouvait pas devenir supérieur aux anges créateurs eux-mêmes a moins d'avoir été préalablement conduit à travers l'expérience magique communiquée par lui et d'avoir reçu le baptême administré par lui. Ceux qui avaient été jugés dignes de ce baptême participeraient, dans cette vie même, à l'immortalité éternelle, ils ne mourraient pas, ils demeureraient ici-bas pour une perpétuelle jeunesse et seraient immortels. Il est d'ailleurs facile de lire tout cela dans les livres d'Irénée.

Justin, lui aussi, en traitant de Simon, ajoute encore la mention de Ménandre et dit

" Un certain Ménandre, lui aussi Samaritain, du bourg de Caparattée, devint disciple de Simon. Aiguillonné lui aussi par les démons et venu à Antioche, nous savons qu'il trompa beaucoup de gens par l'art de la magie. Il leur persuadait que ceux qui le suivaient ne mourraient pas, et, maintenant encore, il y a des gens qui l'assurent d'après lui "

C'était assurément l'œuvre de l'activité diabolique de s'efforcer de calomnier par le moyen de semblables charlatans revêtus du nom de chrétiens, le grand mystère de la piété en accusant (les fidèles) de magie et de mettre en pièces, par leur intermédiaire, les dogmes ecclésiastiques de l'immortalité de l'âme et de la résurrection des morts. Mais ceux qui souscrivirent à ces sauveurs furent déchus de la véritable espérance.

XXVII

L'HÉRÉSIE DES ÉBIONITES

Pour d'autres, que le méchant démon ne pouvait pas détacher de l'amour du Christ de Dieu, il les captiva en les trouvant accessibles d'un autre côté : dès le début, on appela à juste titre ces hommes Ébonites, parce qu'ils avaient sur le Christ des pensées pauvres et humbles. Ils le regardaient en effet comme simple et commun, comme un pur homme justifié par le progrès de sa vertu, né du rapprochement d'un homme et de Marie. Il leur fallait absolument observer la Loi (de Moïse) parce que, disaient-ils, ils ne seraient pas sauvés par la seule foi dans le Christ et par la vie conforme à cette foi.

Mais à côté de ces derniers, il y en avait d'autres, qui portaient le même nom et qui échappaient à leur sottise étrange. Ils ne niaient pas que le Seigneur fût né d'une vierge et du Saint-Esprit; pourtant, semblablement à eux, ils ne confessaient pas qu'il fût préexistant, tout en étant Dieu, Verbe et Sagesse, et ainsi ils revenaient à l'impiété des premiers, d'autant plus que, pareillement à eux, ils mettaient tout leur zèle à accomplir soigneusement les prescriptions charnelles de la Loi. Ils pensaient qu'il fallait complètement rejeter les Épîtres de l'Apôtre, qu'ils appelaient un apostat de la Loi; ils se servaient uniquement de l'Évangile appelé selon les Hébreux et tenaient peu de compte des autres. Ils gardaient le sabbat et (observaient) le reste de la conduite juive, semblablement à eux, mais ils célébraient les dimanches à peu près comme nous, en souvenir de la résurrection du Sauveur. Par suite d'une telle attitude, ils ont reçu le nom d'Ébionites, qui met en relief la pauvreté de leur intelligence : car tel est le mot par lequel les pauvres sont appelés chez les Hébreux.

XXVIII

L'HÉRÉSIARQUE CÉRINTHE

C'est dans les temps dont nous parlons que Cérinthe devint le chef d'une autre hérésie, à ce que nous avons appris. Caïus, dont j'ai déjà plus haut cité des paroles écrit ceci, à son sujet, dans sa Recherche :

" Mais Cérinthe, lui aussi, au moyen de révélations (données) comme écrites par un grand apôtre, nous apporte mensongèrement des récits de choses merveilleuses qui lui auraient été montrées par les anges. Il dit qu'après la résurrection, le royaume du Christ sera terrestre et que la chair, vivant à nouveau à Jérusalem, sera l'esclave des passions et des plaisirs. Ennemi des Écritures de Dieu, il dit, en voulant tromper (les hommes), qu'il y aura un nombre de mille ans en fête nuptiale. "

Denys, lui aussi, qui, de notre temps, a obtenu l'épiscopat de l'Église d'Alexandrie, dans le second livre des Promesses  rapporte, à propos de l'Apocalypse de Jean, des choses qu'il dit tenir de la tradition ancienne et mentionne le même personnage en ces termes :

" Cérinthe, l'inventeur de l'hérésie appelée d'après lui cérinthienne, a voulu placer son ouvrage sous la protection d'un nom digne de crédit. Voici, en effet, l'essentiel de son enseignement : le royaume du Christ sera terrestre;  et comme lui-même aimait son corps et était entièrement charnel, il rêvait que ce royaume consisterait dans les choses qu'il désirait, les satisfactions du ventre et de ce qui est au-dessous du ventre, c'est-à-dire la nourriture, la boisson, le plaisir charnel, et aussi dans des choses par lesquelles il pensait procurer un aspect plus honorable à ces plaisirs, dans des fêtes, des sacrifices, des immolations de victimes. "

Ainsi s'exprime Denys. Irénée, de son côté, au premier livre de l'ouvrage Contre les hérésies, expose certaines opinions énoncées et plus abominables du même Cérinthe ; et dans le troisième, il confie à l'écriture un récit qui est digne de n'être pas oublié et qu'il tient, dit-il, de la tradition de Polycarpe. L'apôtre Jean, dit-il, était entré un jour dans les bains pour s'y laver. Apprenant que Cérinthe était là, il quitta la place et s'enfuit vers la porte, ne supportant pas d'être couvert par le même toit que lui, et il conseilla la même chose à ceux qui étaient avec lui : " Fuyons, de peur que les bains ne s'écroulent : Cérinthe est là, l'ennemi de la vérité ".

XXIX

NICOLAS  ET CEUX QUI LUI DOIVENT LEUR NOM

En ce temps-là, naquit aussi l'hérésie dite des Nicolaïtes, qui dura très peu et dont fait mention également l'Apocalypse de Jean. Ces hérétiques prétendaient que Nicolas était un des diacres, compagnons d'Etienne, choisis par les Apôtres pour le service des indigents. Du moins, Clément d'Alexandrie, dans le troisième Stromate, raconte en propres termes ceci à son sujet :

" Il avait, dit-on, une femme dans la fleur de l'âge. Après l'ascension du Sauveur, les apôtres lui reprochèrent d'être jaloux : alors il conduisit sa femme au milieu (de l'assemblée) et l'abandonna à qui voudrait l'épouser. On dit que cette action était conforme à la formule : il faut faire peu de cas de la chair. Et lorsqu'ils imitent son action et ses paroles simplement et sans examen, ceux qui suivent son hérésie se prostituent d'une manière honteuse. Pour moi, je sais par ouï-dire que Nicolas ne connut jamais d'autre femme que celle qu'il avait épousée et que, de ses enfants, les filles vieillirent dans la virginité, le fils demeura chaste. Les choses étant ainsi, l'abandon, au milieu des apôtres, de sa femme qui était un objet de jalousie, était un renoncement à la passion, et la continence à l'égard des plaisirs recherchés avec le plus d'empressement enseignait à faire peu de cas de la chair. Il ne voulait pas, en effet, à ce que je pense, conformément au commandement du Sauveur, servir deux maîtres, le plaisir et le Seigneur. On dit également que Matthias a enseigné la même chose, à combattre la chair, à en faire peu de cas, sans rien lui accorder pour le plaisir, et à faire croître son âme par la foi et la connaissance. Que cela soit donc dit au sujet de ceux qui, dans les temps dont nous parlons, ont essayé de décider contre la vérité, et qui ont disparu tout à fait plus vite qu'on ne peut dire,

XXX

LES APOTRES QUI ONT VÉCU DANS LE MARIAGE

Cependant, Clément, dont nous venons de lire les paroles, énumère à la suite de ce qui vient d'être dit, ceux des apôtres qui ont vécu dans le mariage, à cause de ceux qui condamnent les noces.

" Est-ce qu'ils repousseront aussi les apôtres ? Pierre en effet et Philippe ont eu des enfants. Philippe a même donné ses filles (en mariage) à des hommes. Et Paul n'hésite pas, dans une épître, à saluer sa compagne qu'il n'avait pas emmenée avec lui, pour la commodité de son ministère. "

 Puisque nous rappelons ces choses, il ne nous déplaît pas de rapporter un autre récit, digne d'être raconté, dû au même écrivain : il l'a exposé, dans le septième Stromate, de la manière suivante :

 " On dit donc que le bienheureux Pierre, voyant sa femme conduite au dernier supplice, éprouva de la joie à cause de son appel et de son retour à la maison, et qu'il l'encourageait et la consolait en l'appelant par son nom et en disant : Une telle, souviens-toi du Seigneur ! Tel était le mariage des bienheureux et les dispositions parfaites de ceux qui s'aimaient le plus . "

Ce récit était conforme à mon dessein présent : je l'ai placé ici selon l'opportunité.

XXXI

MORT DE JEAN ET DE PHILIPPE

Le temps et le genre de la mort de Paul et de Pierre et en outre le lieu où ont été déposés leurs corps après leur sortie de la vie ont déjà été indiqués précédemment par nous. Quant à Jean, nous avons déjà dit ce qui concerne le temps de sa mort; le lieu de sa sépulture est indiqué par l'épître que Polycrate (celui-ci était évêque de l'église d'Ephèse) écrivit à Victor, évêque des Romains. Il mentionne également Philippe l'apôtre et ses filles en ces termes : " De grands astres se sont en effet couchés en Asie, qui se relèveront au dernier jour, à la parousie du Seigneur, lorsqu'il viendra du ciel avec gloire et qu'il cherchera tous les saints, Philippe un des douze apôtres qui repose à Hiérapolis, ainsi que deux de ses filles qui ont vieilli dans la virginité; et son autre fille, après avoir vécu dans le Saint-Esprit, est ensevelie à Ephèse. Jean lui aussi, celui qui a reposé sur la poitrine du Seigneur, qui a été prêtre et a porté le petalon , qui a été martyr et didascale, repose à Éphèse. "

Voilà ce qui se rapporte à la mort de ces personnages.  Et dans le Dialogue de Caïus, que nous avons cité un peu auparavant, Proclus, contre qui il discute, est d'accord avec ce que nous venons d'exposer au sujet de la mort de Philippe et de ses filles, lorsqu'il dit :

" Après celui-là, il y eut quatre prophétesses, les filles de Philippe, à Hiérapolis en Asie : leur tombeau est là, ainsi que celui de leur père. "

Voilà ce qu'il dit. D'autre part, Luc, dans les Actes des Apôtres, rappelle les filles de Philippe qui vivaient alors à Césarée de Judée en même temps que leur père et qui avaient été honorées du charisme prophétique. Il dit en propres termes : " Nous vînmes à Césarée et, étant entrés dans la maison de Philippe l'Évangéliste, qui était un des sept, nous demeurâmes chez lui. Il avait quatre filles vierges, qui prophétisaient. "

Ce qui est venu à notre connaissance sur les apôtres et les temps apostoliques, sur les écrits sacrés qu'ils nous ont laissés, sur les livres contestés bien qu'ils soient lus publiquement par beaucoup dans un très grand nombre d'Églises, sur ceux qui sont complètement apocryphes et étrangers à l'orthodoxie apostolique, voilà ce que nous avons exposé dans ce qui précède Nous avons maintenant à poursuivre notre récit.

XXXII

COMMENT SIMÉON, ÉVÊQUE DE JÉRUSALEM, RENDIT TÉMOIGNAGE

Après Néron et Domitien, sous celui dont nous examinons maintenant les temps, une persécution fut soulevée contre nous, à ce que rapporte la tradition, partiellement et dans certaines villes, à la suite d'un soulèvement des populations. Durant cette persécution, Siméon, fils de Clopas que nous avons signalé comme ayant été constitué le deuxième évêque de l'Église de Jérusalem , consomma sa vie par le martyre, à ce que nous avons appris. Et de ce fait témoigne celui-là même à qui nous avons déjà emprunté différents passages, Hégésippe. Parlant de certains hérétiques, il ajoute qu'en ce temps-là Siméon subit une accusation de leur part. Parce qu'il était chrétien, il fut tourmenté de diverses manières pendant plusieurs jours et après avoir étonné profondément le juge et ceux qui l'entouraient, il eut une fin semblable à la passion du Seigneur. Rien d'ailleurs n'est tel que d'entendre l'historien qui raconte les événements en ces propres termes :

" Certains de ces hérétiques assurément accusèrent Siméon, fils de Clopas, comme étant de la race de David et chrétien : ce fut ainsi qu'il rendit témoignage, âgé de cent vingt ans sous (le règne de) Trajan César et le consulaire Atticus. "

Le même (écrivain) dit encore qu'il arriva à ses accusateurs, alors qu'on recherchait ceux de la race royale des Juifs, d'être appréhendés comme étant de cette race. On peut dire, en vertu d'un raisonnement, que Siméon a été de ceux qui ont vu et entendu le Seigneur, à preuve la longueur de la durée de sa vie et la mention que fait le livre des Évangiles, de Marie, femme de Clopas , dont il fut le fils comme nous l'avons montré plus haut. Le même historien dit aussi que d'autres descendants d'un de ceux qu'on appelait les frères du Sauveur et qui se nommait Jude, ont vécu jusqu'au même règne de Trajan, après avoir rendu témoignage, sous Domitien, de la foi au Christ, comme nous l'avons déjà raconté . Voici ce qu'il écrit :

" Ils vont donc et conduisent toute Église, en tant que martyrs et parents du Seigneur. Une paix profonde régnant dans toute Église, ils demeurent jusqu'à Trajan César. A ce moment, le fils de l'oncle du Seigneur, Siméon, fils de Clopas, dont nous avons parlé plus haut , fut dénoncé par les hérétiques et fut jugé lui aussi comme eux, pour le même motif, sous le consulaire Atticus. Et il fut torturé durant plusieurs jours; il rendit témoignage de manière à étonner tout le monde et le consulaire lui-même (qui se demandait) comment un homme de cent vingt ans supportait ces tourments. Il  fut condamné à être crucifié. "

Après cela, le même Hégésippe, en racontant les événements des temps dont nous parlons, ajoute que, jusqu'à cette époque, l'Église demeura une vierge pure et sans corruption : c'était dans une ombre ténébreuse, comme dans une tanière, que jusqu'alors des hommes, si même il y en avait de tels, s'efforçaient de corrompre la règle saine de la prédication du Sauveur. Mais lorsque le chœur sacré des apôtres  eut reçu de manières différentes la fin de sa vie, et qu'eut disparu la génération de ceux qui avaient été jugés dignes d'entendre de leurs oreilles la sagesse divine, alors l'erreur athée commença à apparaître par la tromperie des maîtres de mensonges. Ceux-ci, puisqu'il ne restait plus aucun des apôtres, s'efforcèrent, d'opposer alors à visage découvert la gnose au nom trompeur à la prédication de la vérité.

XXXIII

COMMENT TRAJAN EMPÊCHA DE RECHERCHER LES CHRÉTIENS

Cependant, en beaucoup d'endroits, la persécution (dirigée) contre nous s'accrut de telle manière que Pline le Jeune, très illustre parmi les gouverneurs, ému par la multitude des martyrs, écrivit à l'empereur au sujet de la multitude de ceux qui étaient mis à mort pour la foi. En même temps, il l'informa qu'il n'avait pas trouvé qu'ils fissent rien d'impie ou de contraire aux lois. Seulement, ils se levaient avec l'aurore pour chanter des hymnes au Christ comme à un Dieu; ils rejetaient l'adultère et le meurtre et les crimes odieux du même genre, et ils faisaient tout conformément aux lois.

Là-dessus, Trajan porta un décret (disant) de ne pas rechercher la tribu des chrétiens, mais de la châtier quand on la trouvait. Ainsi s'éteignit la menace de la persécution, qui était arrivée au plus haut degré. Il n'en restait pas moins des prétextes à ceux qui voulaient nous faire du mal. Parfois c'étaient les populations, parfois c'étaient aussi les fonctionnaires locaux qui préparaient des embûches contre nous, de sorte que, sans qu'il y eût de persécutions ouvertes, des persécutions partielles se rallumèrent dans les provinces et un grand nombre de fidèles eurent à combattre dans des martyres variés. Ce récit est emprunté à l'Apologie latine de Tertullien, dont nous avons parlé plus haut . La traduction en est la suivante :

" Cependant, nous avons trouvé qu'il a été défendu de nous rechercher. En effet, Pline le Jeune, gouverneur d'une province, après avoir condamné quelques chrétiens et leur avoir enlevé leurs dignités, fut troublé par la multitude (des fidèles) et ne sut plus ce qui lui restait à faire. Il écrivit à l'empereur Trajan en disant qu'en dehors de leur refus d'adorer les idoles, il n'avait rien trouve de criminel en eux. Il ajoutait encore ceci, que les chrétiens se levaient dès l'aurore et chantaient des hymnes au Christ comme à un Dieu et que, pour observer leur enseignement , il leur était défendu de tuer, de commettre l'adultère, d'être injuste, de voler et autres choses semblables. A cela, Trajan répondit de ne pas rechercher la tribu des chrétiens, mais de la punir si on la rencontrait 5. "

Et voilà ce qui se passait en ce temps-là.

XXXIV

COMMENT EVARISTE  DIRIGE, EN QUATRIÈME LIEU, L'ÉGLISE DES ROMAINS

Quant aux évêques de Rome, la troisième année du règne de l'empereur dont il a  été parlé, Clément termina sa vie, transmettant son office à Evariste. En tout, il avait présidé neuf ans à l'enseignement de la parole divine.

XXXV

COMMENT JUSTUS DIRIGE, LE TROISIÈME, L'ÉGLISE DE JÉRUSALEM

De son côté, Siméon étant mort de la manière que nous avons dite, un Juif du nom de Justus reçut à Jérusalem le siège de l'épiscopat. Il y avait alors un très grand nombre de circoncis qui croyaient au Christ et il était l'un d'entre eux.

XXXVI

IGNACE ET SES LETTRES

En ce temps-là florissait en Asie un compagnon des apôtres, Polycarpe, qui avait été établi évêque de l'Église de Smyrne par les témoins et les serviteurs du Seigneur. En même temps que lui étaient également connus Papias, évêque lui aussi de l'Église d'Hiérapolis, et l'homme encore maintenant célébré par les foules, Ignare, qui avait obtenu, au second rang dans la succession de Pierre, l'épiscopat à Antioche. La tradition raconte qu'il fut envoyé de Syrie à la ville des Romains pour devenir la nourriture des bêtes, à cause du témoignage pour le Christ. Et tandis qu'il faisait le voyage à travers l'Asie sous la surveillance la plus attentive des gardiens, il affermissait les Églises par ses entretiens et ses exhortations dans toutes les villes où il passait. Et d'abord, il les mettait surtout en garde contre les hérésies qui commençaient alors à abonder; il les pressait de tenir fermement à la tradition des apôtres que, pour plus de sécurité, il estima nécessaire de fixer encore par écrit; il était déjà en train de rendre témoignage.

Ce fut ainsi que, étant à Smyrne, où était Polycarpe, il écrivit à l'Église d'Éphèse une lettre , où il fait mention de son pasteur, Onésime; une autre à l'Église de Magnésie sur le Méandre, où il fait également mention de l'évêque Damas ; une autre à l'Église de Tralles, dont il rapporte que le chef était alors Polybe. Outre ces lettres, il écrivit aussi à l'Église des Romains, à laquelle il développe une exhortation pour qu'on ne fasse pas de démarches en vue de le priver du martyre, son espérance et son désir. De ces lettres, il est juste de citer des passages, même très brefs, pour démontrer ce qui vient d'être dit.

Ignace écrit donc en propres termes :

" Depuis la Syrie jusqu'à Rome, je lutte contre les bêtes, sur terre et sur mer, nuit et jour, attaché à dix léopards, c'est-à-dire à une escouade de soldats qui, lorsqu'on leur fait du bien, en deviennent pires; mais sous leurs injustices, je deviens de plus en plus disciple, mais je n'en suis pas pour cela justifié. Puisse-je jouir des bêtes qui me sont préparées : je prie pour les trouver bien expéditives. Je les flatterai pour qu'elles me mangent rapidement et qu'elles ne me fassent pas comme à certains qu'elles ont eu peur de toucher; même si elles ne veulent pas le faire de plein gré, je les contraindrai. Ayez pardon pour moi : ce qui m'est utile, je le connais; maintenant je commence à être disciple; que je ne désire rien des choses visibles et invisibles, pour obtenir Jésus-Christ : feu, croix, attaques des bêtes, écartèlement des os, arrachement des membres, broiement de tout le corps, supplices du diable, que tout vienne sur moi, afin que seulement j'obtienne Jésus-Christ. "

Voilà ce qu'il écrivit de la ville dont nous avons parlé aux Églises indiquées. Ensuite, étant déjà loin de Smyrne, il s'adressa encore par écrit, depuis Troas, à ceux de Philadelphie, à l'Église de Smyrne et personnellement à son président Polycarpe, qu'il reconnaissait tout à fait comme un homme apostolique et à qui il confie son troupeau d'Antioche, comme un véritable et bon pasteur, en lui demandant de s'en occuper avec diligence. Le même, écrivant aux Smyrniotes, emploie des paroles (tirées) je ne sais d'où en disant ce qui suit au sujet du Christ :

" Je sais et je crois qu'après la résurrection, il est en chair. Et lorsqu'il vint auprès des compagnons de Pierre, il leur dit : " Prenez, touchez-moi et voyez que je ne suis pas un démon incorporel ", et aussitôt ils le touchèrent et ils crurent. "

Irénée, lui aussi, connut son témoignage et il fait mention de ses lettres, en disant :

" Ainsi que l'a dit un des nôtres, condamné aux bêtes pour le témoignage (rendu) à Dieu : Je suis le froment de Dieu et je suis moulu par les dents des bêtes, afin d'être trouvé un pain pur. "

Polycarpe également fait mémoire de ces mêmes choses, dans sa lettre adressée aux Philippiens, disant en propres termes : " Je vous exhorte donc tous à obéir et à exercer toute patience, celle que vous avez vue de vos yeux, non seulement dans les bienheureux Ignace, Rufus et Zosime, mais aussi en d'autres sortis de chez vous et en Paul lui-même et dans les autres apôtres. Soyez persuadés que tous ceux-là n'ont pas couru en vain, mais dans la foi et la justice, et qu'ils sont dans le lieu qui leur était dû auprès du Seigneur, aux souffrances de qui ils ont participé. Car ils n'ont pas aimé le siècle présent, mais Celui qui est mort pour nous et qui pour nous a été ressuscité par Dieu. "

Et il ajoute ensuite :

" Vous aussi m'avez écrit, ainsi qu'Ignace, afin que si quelqu'un s'en va en Syrie, il emporte vos lettres : ce que je ferai, si je trouve une occasion favorable, que j'y aille moi-même ou que j'envoie quelqu'un qui sera aussi votre messager. Quant aux épîtres d'Ignace, celles qui nous ont été envoyées par lui et les autres que nous pouvions avoir chez nous, nous vous les avons envoyées comme vous nous l'avez demandé : elles ont été ajoutées à cette lettre-ci. Vous pourrez en tirer une grande utilité. Car elles renferment foi et patience et toute édification qui se rapporte à Notre Seigneur. "

Voilà ce qui concerne Ignace. Après lui, Héros reçut la succession de l'épiscopat à Antioche.

XXXVII

LES ÉVANGÉLISTES QUI SE DISTINGUENT ALORS

Parmi ceux qui brillaient en ce temps-là, était aussi Quadratus, qui, dit-on, se distingua, en même temps que les filles de Philippe, par le charisme prophétique. Beaucoup d'autres encore, en plus de ceux-ci, étaient célèbres à cette époque, possédant le premier rang de la succession des apôtres. Disciples magnifiques de tels hommes, ils édifiaient sur les fondements des Églises que les apôtres avaient commencé à établir en tout lieu; ils accroissaient de plus en plus la prédication et semaient les semences salutaires du royaume des cieux dans toute l'étendue de la terre habitée.

En effet, un très grand nombre des disciples d'alors, frappés dans leurs âmes par le Verbe divin d'un très vif amour de la philosophie, accomplissaient d'abord le conseil du Sauveur en distribuant leurs biens aux indigents ; puis, quittant leurs pays, ils accomplissaient l'œuvre d'évangélistes, avec l'ambition de prêcher, à ceux qui n'en avaient encore rien entendu, la parole de la foi et de transmettre les livres des Évangiles divins. Ils posaient seulement les fondements de la foi dans quelques lieux étrangers, puis ils y établissaient d'autres pasteurs et leur confiaient le soin de cultiver ceux qu'ils venaient d'introduire (dans l'Église). Après quoi, ils partaient de nouveau pour d'autres pays et d'autres nations avec la grâce et le secours de Dieu, car les nombreuses et merveilleuses puissances de l'Esprit divin agissaient par eux, encore en ce temps-là . De la sorte, dès la première audition, les foules, comme un seul homme, recevaient volontiers, en masse, dans leurs âmes la piété à l'égard du Créateur de toutes choses. Il nous est impossible d'énumérer (et de citer) par leurs noms tous ceux qui alors, du temps de la première succession des apôtres, devinrent pasteurs ou évangélistes dans les Églises du monde. Nous n'avons donc confié à l'écriture, en en citant les noms, que le souvenir de ceux par les ouvrages desquels maintenant encore est transmise jusqu'à nous la tradition de l'enseignement apostolique.

XXXVIII

LA LETTRE DE CLÉMENT
ET LE  ÉCRITS  QUI  LUI  SONT FAUSSEMENT ATTRIBUÉS

Tels sont sans doute Ignace, dans les lettres que nous avons indiquées, et Clément, dans la lettre, reçue de tous, qu'il adressa au nom de l'Église des Romains à l'Église des Corinthiens. Dans cette lettre, il place beaucoup d'idées (tirées) de l'Épître aux Hébreux et même il y emploie en propres termes des formules qu'il lui emprunte  : il montre ainsi, de manière très évidente, que cet écrit n'était pas nouveau.  Par suite, c'est à bon droit, semble-t-il, qu'il a été catalogué avec les autres lettres de l'Apôtre. Paul, en effet, s'étant adressé par écrit aux Hébreux dans leur langue maternelle, les uns disent que c'est l'évangéliste Luc , d'autres ce Clément lui-même (dont nous parlons) qui a traduit la lettre . [3] Ceci serait vrai de préférence à cela, à cause des ressemblances de style entre la lettre de Clément et la lettre aux Hébreux et d'autre part, parce que dans les deux écrits les pensées ne sont pas éloignées.

Il faut encore savoir qu'il y a, dit-on, une seconde lettre de Clément, mais nous savons qu'elle n'a pas été aussi connue que la première, car nous ne voyons pas que les anciens s'en sont servi. D'autres écrits, verbeux et longs, ont été tout récemment présentés comme étant de lui : ils renferment des dialogues de Pierre et d'Apion, dont il n'existe absolument aucun souvenir chez les anciens et qui d'ailleurs ne conservent pas le caractère pur de l'orthodoxie apostolique. Par suite la lettre de Clément reconnue (par les Églises) est mise en évidence. Il a été parlé aussi des lettres d'Ignace et de Polycarpe.

XXXIX

LES ÉCRITS DE PAPIAS

De Papias, on présente, au nombre de cinq, des livres qui sont intitulés les Exégèses des discours du Seigneur. De ces livres, Irénée fait mention comme des seuls qui aient été écrits par Papias, en disant textuellement :

" Papias, lui aussi auditeur de Jean et compagnon de Polycarpe, homme ancien, a témoigné par écrit dans le quatrième de ses livres. En effet, il existe cinq livres composés par lui. "

Voilà ce que dit Irénée. Pourtant, Papias, dans la préface de ses livres, ne se montre pas lui-même comme ayant jamais été l'auditeur ou le spectateur des saints apôtres, mais il apprend qu'il a reçu ce qui regarde la foi par ceux qui les avaient connus. Voici ses propres paroles :

"  Pour toi, je n'hésiterai pas à ajouter à mes explications ce que j'ai bien appris autrefois des presbytres et dont j'ai bien gardé le souvenir, afin d'en fortifier la vérité. Car je ne me plaisais pas auprès de ceux qui parlent beaucoup, comme le font la plupart, mais auprès de ceux qui enseignent la vérité; je ne me plaisais pas non plus auprès de ceux qui font mémoire de commandements étrangers, mais auprès de ceux qui rappellent les commandements donnés par le Seigneur à la foi et nés de la vérité elle-même. Si quelque part venait quelqu'un qui avait été dans la compagnie des presbytres, je m'informais des paroles des presbytres : ce qu'ont dit André ou Pierre, ou Philippe, ou Thomas, ou Jacques, ou Jean, ou Matthieu, ou quelque autre des disciples du Seigneur; et ce que disent Aristion et le presbytre Jean, disciples du Seigneur. Je ne pensais pas que les choses qui proviennent des livres ne fussent aussi utiles que ce qui vient d'une parole vivante et durable. "

Ici, il est convenable de remarquer que Papias compte deux fois le nom de Jean : il signale le premier des deux avec Pierre et Jacques et Matthieu et les autres apôtres, et il indique clairement l'évangéliste; pour l'autre Jean, après avoir coupé son énumération, il le place avec d'autres en dehors du nombre des apôtres : il le fait précéder d'Aristion et le désigne clairement comme un presbytre. Ainsi, par ces paroles mêmes est montrée la vérité de l'opinion selon laquelle il y a eu en Asie deux hommes de ce nom, et il y a, à Éphèse, deux tombeaux qui maintenant encore sont dits ceux de Jean. Il est nécessaire de faire attention à cela, car il est vraisemblable que c'est le second Jean, si l'on ne veut pas que ce soit le premier, qui a contemplé la révélation transmise sous le nom de Jean.

Papias, celui dont nous parlons maintenant, reconnaît avoir reçu les paroles des apôtres par (l'intermédiaire de) ceux qui les ont fréquentés; il dit d'autre part avoir été lui-même l'auditeur d'Aristion et de Jean le presbytre en effet, il les mentionne souvent par leurs noms dans ses écrits pour rapporter leurs traditions.

Il n'était pas inutile que ces choses fussent dites par nous ; et il est bon d'ajouter, aux paroles de Papias que nous avons rapportées, d'autres récits encore dans lesquels il raconte des choses extraordinaires et d'autres qui seraient venues jusqu'à lui par le moyen de la tradition. Il a déjà été rappelé, dans ce qui précède, que l'apôtre Philippe avait séjourné à Hiérapolis avec ses filles. Nous devons maintenant indiquer comment Papias, qui vivait en ces temps, rapporte avoir appris une histoire merveilleuse des filles de Philippe. Il raconte la résurrection d'un mort arrivée de son temps; et encore un autre fait extraordinaire concernant Justus, surnommé Barsabas, qui aurait bu un poison mortel et n'aurait éprouvé aucun désagrément par la grâce du Seigneur. Ce Justus est celui qu'après l'ascension du Sauveur les saints apôtres placèrent avec Matthias, après avoir prié pour que le sort complétât leur nombre, en vue de remplacer le traître Judas, ce que le livre des Actes raconte en ces termes : " Et ils placèrent deux hommes, Joseph, appelé Barsabas et surnommé Justus, et Matthias, et ils prièrent en disant... "

Le même Papias ajoute d'autres choses qui seraient venues jusqu'à lui par une tradition orale, certaines paraboles étranges du Sauveur et certains enseignements bizarres, et d'autres choses tout à fait fabuleuses. Par exemple, il dit qu'il y aura mille ans après la résurrection des morts et que le règne du Christ aura lieu corporellement sur cette terre. Je pense qu'il suppose tout cela, après avoir compris de travers les récits des apôtres, et qu'il n'a pas saisi les choses dites par eux en figures et d'une manière symbolique. En effet, il paraît avoir été tout à fait petit par l'esprit, comme on peut s'en rendre compte par ses livres; cependant il a été cause qu'un très grand nombre d'écrivains ecclésiastiques après lui ont adopté les mêmes opinions que lui, confiants dans son antiquité : c'est là ce qui s'est produit pour Irénée et pour d'autres qui ont pensé les mêmes choses que lui.

Dans son propre ouvrage il transmet encore d'autres explications des discours du Seigneur, dues à Aristion dont il a été question plus haut, et des traditions de Jean le presbytre : nous y renvoyons ceux qui aiment à s'instruire. Maintenant nous sommes obligés d'ajouter, aux paroles que nous avons précédemment rapportées , la tradition qu'il expose en ces termes au sujet de Marc, qui a écrit l'Évangile :

" Et voici ce que disait le presbytre : Marc, qui était l'interprète de Pierre, a écrit avec exactitude, mais pourtant sans ordre, tout ce dont il se souvenait de ce qui avait été dit ou fait par le Seigneur. Car il n'avait pas entendu ni accompagné le Seigneur; mais, plus tard, comme je l'ai dit, il a accompagné Pierre. Celui-ci donnait ses enseignements selon les besoins, mais sans faire une synthèse des paroles du Seigneur. De la sorte, Marc n'a pas commis d'erreur en écrivant comme il se souvenait. Il n'a eu en effet qu'un seul dessein, celui de ne rien laisser de côté de ce qu'il avait entendu et de ne tromper en rien dans ce qu'il rapportait. "

Voilà ce que Papias rapporte donc de Marc. Sur Matthieu, il dit ceci :

" Matthieu réunit donc en langue hébraïque les logia (de Jésus) et chacun les interpréta comme il en était capable. "

Le même Papias se sert de témoignages (tirés) de la première épître de Jean et de la première épître de Pierre. Il expose aussi une autre histoire au sujet de la femme accusée de nombreux péchés devant le Seigneur, que renferme l'Evangile selon les Hébreux. Il était nécessaire que nous ajoutions cela à ce qui avait été dit.

   

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