LIVRE II

Nous avons rédigé ce livre d'après Clément, Tertullien, Josèphe, Philon.

Ce qu'il fallait traiter, comme dans un prologue de l'histoire ecclésiastique, au sujet de la divinité du Verbe Sauveur, de l'antiquité des dogmes de notre enseignement, de l'ancienneté du genre de vie évangélique selon les chrétiens, et aussi tout ce qui se rapporte à la récente manifestation du Christ, ce qui s'est passé avant sa passion, ce qui concerne le choix des apôtres, nous l'avons exposé dans le livre précédent, en résumant les démonstrations. Maintenant, dans la présent livre, examinons aussi ce qui s'est passé après son ascension en exposant les faits d'une part d'après les écrits divins, d'autre part en les racontant d'après les documents profanes que nous rappellerons selon les circonstances.

I

LA CONDUITE DES APOTRES APRÈS L'ASCENSION DU CHRIST

Le premier donc, Matthias fut désigné par le sort pour l'apostolat, à la place du traître Judas : il avait été lui aussi, comme on l'a montre, un des disciples du Seigneur. D'autre part, furent établis par la prière et l'imposition des mains des apôtres, en vue du ministère et du service exiges par le bien commun, des hommes éprouves au nombre de sept, groupés autour d'Etienne celui-ci aussi, le premier après le Seigneur, fut mis a mort au temps où il avait été élu, comme s'il avait été mis en avant pour cela même il fut lapide par les meurtriers du Seigneur, et ainsi le premier il remporta la couronne, dont il portait le nom, des victorieux témoins du Christ. Alors également, Jacques, celui qu'on appelle frère du Seigneur - car il était nomme lui aussi fils de Joseph et Joseph était père du Christ car la Vierge lui était fiancée et avant qu'ils fussent ensemble elle fut trouvée ayant conçu du Saint Esprit, comme l'enseigne la sainte Ecriture des Évangiles, - donc ce Jacques a qui les anciens donnaient le surnom de juste à cause de la supériorité de sa vertu, fut, dit on, le premier installe sur le trône épiscopat de l'Eglise de Jérusalem. Clément, au sixième livre des Hypotyposes, l'établit de la sorte.

Il dit en effet que Pierre, Jacques et Jean, après l'ascension du Sauveur, après avoir été particulièrement honorés par le Sauveur, ne se disputèrent pas pour cet honneur mais qu'ils choisirent Jacques le juste comme évêque de Jérusalem.

Le même, dans le septième livre du même ouvrage, dit encore à son sujet :

" A Jacques le juste, à Jean et à Pierre, le Seigneur après sa résurrection donna la gnose, ceux-ci la donnèrent aux autres apôtres; les autres apôtres la donnèrent aux soixante-dix, dont l'un était Barnabé. Et il y eut deux Jacques : l'un, le juste qui, ayant été jeté du pinacle du temple, fut frappé jusqu'à la mort d'un bâton de foulon, et l'autre qui fut décapité. "

C'est aussi du juste que fait mention Paul en écrivant : " Je n'ai pas vu un autre des apôtres, sinon Jacques, le frère du Seigneur. En ce temps-là aussi, les promesses de notre Sauveur au roi des Osroéniens reçurent leur accomplissement. Thomas, en effet, par un mouvement divin, envoya Thaddée à Edesse comme héraut et évangéliste de la doctrine relative au Christ, ainsi que nous l'avons montré un peu auparavant, d'après l'écrit trouvé en cet endroit même. Et Thaddée, arrivé dans ces lieux, guérit Abgar par la parole du Christ et il frappa tous les habitants du pays par l'étrangeté de ses miracles : les ayant suffisamment disposés par ses œuvres et les ayant amenés à la vénération de la puissance du Christ, il en fit des disciples de l'enseignement du salut. Depuis lors jusqu'à maintenant, toute la ville d'Edesse est consacrée au nom du Christ, donnant une preuve extraordinaire de la bienfaisance de notre Sauveur envers ses habitants.

Que ces choses soient dites comme provenant d'un récit ancien; revenons maintenant à l'Écriture divine. Lors du martyre d'Etienne, une première et très grande persécution fut déclenchée par les Juifs contre l'Église de Jérusalem et tous les disciples, à la seule exception des Douze, se dispersèrent à travers la Judée et la Samarie : quelques-uns, à ce que dit la divine Ecriture, étant arrivés jusqu'en Phénicie, en Chypre et à Antioche, n'osaient pas encore transmettre aux Gentils la parole de la foi et ils l'annonçaient aux seuls Juifs. Alors Paul, lui aussi, dévastait jusqu'à ce moment l'Église, entrant dans les maisons des fidèles, traînant les hommes et les femmes et les mettant en prison. Mais aussi Philippe, un de ceux qui avaient été élus en même temps qu'Etienne pour le ministère, se trouvant parmi les dispersés vint en Samarie et, rempli d'une puissance divine, prêcha le premier la parole aux gens de ce pays : telle fut la grâce divine qui le seconda que même Simon le mage fut entraîné par ses paroles avec une très grande multitude. En ce temps-là, Simon était assez célèbre et dominait assez par ses prestiges sur ceux qu'il avait trompés, pour être regardé comme la grande puissance de Dieu. Alors donc, lui aussi, frappé des actions merveilleuses accomplies par Philippe, grâce à une force divine, s'insinua près de lui et simula la foi au Christ jusqu'au baptême inclusivement. Il faut d'ailleurs admirer ce qui se produit jusqu'à présent chez ceux qui maintenant encore participent à la secte très impure qui vient de lui : à la manière de leur ancêtre, ils s'insinuent dans l'Église comme une peste et comme une gale et ils causent les plus grands dommages à ceux en qui ils sont capables d'infuser le poison caché en eux, difficile à guérir et violent. D'ailleurs, la plupart d'entre eux avaient déjà été chassés lorsqu'on découvrit quelle était leur méchanceté et Simon lui-même, pris sur le fait par Pierre, reçut le châtiment qu'il méritait.

Cependant la prédication du salut allant chaque jour en progressant, une disposition divine amena de la terre des Ethiopiens un officier de la reine de ce pays - selon une coutume antique, ce peuple encore aujourd'hui est gouverné par une femme . Cet officier, le premier d'entre les Gentils, fut rendu par Philippe, grâce à une manifestation, participant des mystères du Verbe divin; il devint les prémices des croyants de l'univers et la tradition rapporte qu'après son retour dans son pays natal, il fut le premier à annoncer la connaissance du Dieu de l'univers et le séjour vivifiant de notre Sauveur parmi les hommes. Par lui s'accomplit en fait la prophétie : " L'Ethiopie tendra la première ses mains vers Dieu. "

En ces temps là, Paul, le vase d'élection, fut manifesté comme apôtre, non de la part des hommes ni par la moyen des hommes, mais par la révélation de Jésus-Christ lui-même et de Dieu le Père qui l'a ressuscité des morts; il fut proclamé digne de l'appel par une vision et par la voix céleste qui accompagna la révélation.

II

COMMENT TIBERE FUT EMU EN APPRENANT PAR PILATE
CE QUI CONCERNAIT LE CHRIST

 

L'étonnante résurrection de notre Sauveur et son ascension dans les Cieux étaient déjà connues d'un très grand nombre. Or une ancienne coutume imposait aux gouverneurs des nations de faire connaître les événements nouveaux survenus chez eux à celui qui occupait le pouvoir royal, de telle sorte que rien ne lui échappât. Pilate communiqua donc à l'empereur Tibère les bruits qui circulaient déjà dans toute la Palestine au sujet de la résurrection d'entre les morts de notre Sauveur Jésus;  il avait appris ses autres miracles et que la foule croyait déjà que, ressuscité des morts après sa passion, il était Dieu. On dit que Tibère en référa au Sénat et que celui-ci écarta la proposition, en apparence parce qu'il ne l'avait pas d'abord examinée, - une loi antique décidait que, chez les Romains, personne ne pouvait être reconnu Dieu autrement que par un vote et un décret du Sénat -, en réalité parce que l'enseignement sauveur du message divin n'avait pas besoin de l'assentiment et de la recommandation des hommes. Le Sénat romain ayant donc repoussé de la sorte le projet qui lui était soumis au sujet de notre Sauveur, Tibère conserva l'opinion qu'il avait d'abord et n'entreprit rien de déplacé contre la doctrine du Christ.

C'est là ce que Tertullien, homme versé dans les lois romaines, illustre d'ailleurs et des plus célèbres à Rome, raconte dans son Apologie pour les chrétiens, écrite par lui en langue latine et traduite en langue grecque. Voici textuellement ce qu'il dit :

" Pour traiter de l'origine de telles lois, c'était un décret ancien qu'aucune divinité ne serait consacrée par l'empereur avant d'avoir été examinée par le Sénat. Marc-Emile agit de la sorte au sujet d'une certaine idole, Alburnus. Que chez vous la divinité soit donnée par une décision humaine, voilà qui est en faveur de notre cause. Si un Dieu ne plaît pas à l'homme, il ne devient pas Dieu : ainsi, du moins selon cette méthode, il convient que l'homme soit favorable à Dieu.  Tibère donc, sous lequel le nom des chrétiens entra dans le monde, ayant reçu de la Palestine où elle commença, des nouvelles sur cette doctrine, les communiqua au Sénat, manifestant aux sénateurs que la doctrine lui plaisait. Mais le Sénat, parce qu'il n'avait pas donné son opinion, la repoussa ; quant à lui, il demeura dans son opinion et menaça de mort les accusateurs des chrétiens. "

La Providence céleste avait spécialement jeté dans son esprit cette disposition, pour que la parole de l'Évangile, ne trouvant pas d'obstacles à son début, se répandît partout sur la terre.

III

COMMENT LA DOCTRINE CONCERNANT LE CHRIST
SE RÉPANDIT EN PEU DE TEMPS DANS LE MONDE ENTIER

Ce fut ainsi, grâce sans doute à une puissance et à une assistance célestes, que la doctrine du salut, tel un rayon de soleil, éclaira soudainement toute la terre. Aussitôt, suivant les Ecritures divines, sur toute la terre retentit la voix de ses divins évangélistes et apôtres, et jusqu'aux extrémités de l'univers leurs paroles. Et vraiment dans chaque ville, dans chaque bourg, comme dans une aire pleine , se constituaient en masse des Églises fortes de milliers d'hommes et remplies de fidèles. Ceux qui, d'après la tradition ancestrale et l'antique erreur, avaient été retenus dans la vieille maladie d'une superstition idolâtrique, ont été par la puissance du Christ, grâce à l'enseignement en même temps qu'aux miracles de ses disciples, délivrés en quelque sorte de maîtres cruels et ont trouvé la libération de très lourdes chaînes; ils ont conspué tout polythéisme diabolique; ils ont confessé qu'il existe un seul Dieu, unique, le créateur de toutes choses, et ils l'ont honoré selon les lois d'une véritable piété, par le culte divin et raisonnable qui a été répandu par notre Sauveur sur le genre humain.

En effet, alors que la grâce divine se répandait déjà sur les autres nations et que, à Césarée de Palestine , Corneille le premier avec toute sa maison recevait la foi dans le Christ par le moyen d'une manifestation divine et du ministère de Pierre, à Antioche un très grand nombre d'autres Grecs, à qui avaient prêché ceux qu'avait dispersés la persécution contre Etienne, crurent aussi. Bientôt l'Église d'Antioche devint florissante et populeuse; à ce moment un très grand nombre de prophètes de Jérusalem et avec eux Barnabé et Paul, et en plus une autre multitude de frères y étaient présents. Alors pour la première fois, le nom de chrétiens y surgit comme d'une source féconde et abondante. Et comme Agabus, un des prophètes qui étaient avec eux, prédisait qu'il devrait y avoir une famine, Paul et Barnabé furent envoyés (à Jérusalem) avec la mission d'un ministère des frères.

IV

APRES TIBERE, GAIUS ETABLIT COMME ROI DES JUIFS AGRIPPA
ET CONDAMNE HÉRODE A L'EXIL PERPÉTUEL

Tibère donc, ayant régné environ vingt-deux ans, mourut  et après lui, Gaïus reçut le pouvoir. Aussitôt, il accorda à Agrippa le diadème du pouvoir sur les Juifs et l'établit roi des tétrarchies de Philippe et de Lysamas, auxquelles, peu de temps après, il ajouta la tétrarchie d'Hérode qu'il condamna à l'exil perpétuel (cet Hérode était celui qui régnait au temps de la passion du Sauveur ) avec sa femme Hérodiade, à cause de ses très nombreux crimes. Josèphe est aussi témoin de ces choses .

Ce fut sous Gaïus que devint célèbre auprès d'un très grand nombre Philon, homme très remarquable non seulement parmi les nôtres , mais parmi ceux qui ont été formés par les disciplines étrangères. Par sa famille, très ancienne, il était Hébreu; et parmi ceux qui étaient alors illustres par leurs fonctions à Alexandrie, il n'était inférieur à personne. Combien grand et de quelle qualité était le travail qu'il avait apporté dans les sciences divines de sa patrie, tous le savent avec évidence Quant à la philosophie et aux arts libéraux de l'éducation grecque, il n'est pas besoin de dire qui il était, alors qu'on assure qu'il avait étudié la doctrine de Platon et de Pythagore avec assez de zèle pour surpasser tous ses contemporains.

V

COMMENT PHILON FUT ENVOYÉ EN AMBASSADE
POUR LES JUIFS AUPRÈS DE GAIUS

Philon raconte en cinq livres ce qui est arrivé aux Juifs sous Gaïus. Il rapporte en même temps la folie de Gaïus qui se proclama Dieu lui-même et commit mille excès dans son commandement, et les malheurs des Juifs sous ce prince, ainsi que l'ambassade qu'il accomplit, ayant été envoyé à la ville de Rome en faveur de ses compatriotes d'Alexandrie. Il dit comment, ayant défendu devant Gaïus les lois paternelles, il n'emporta rien de plus que moqueries et dérision et qu'il s'en fallut de peu qu'il courût un danger pour sa vie. Josèphe rappelle également ces faits, au dix-huitième livre de l'Antiquité, où il écrit littéralement ceci :

" Un soulèvement s'étant produit à Alexandrie entre les Juifs qui y résident et les Grecs, trois membres de chaque parti furent choisis comme ambassadeurs et comparurent devant Gaïus. L'un des ambassadeurs des Alexandrins fut Apion qui dit beaucoup de mal contre les Juifs, disant entre autres choses qu'ils dédaignaient les honneurs rendus à César : alors que tous ceux qui étaient soumis au pouvoir des Romains élevaient des autels et des temples à Gaïus et le traitaient en tout comme les dieux, eux seuls estimaient déraisonnable de l'honorer par des statues et de prêter serment par son nom. Apion ayant proféré beaucoup de graves accusations, par lesquelles il espérait avec vraisemblance exciter Gaïus, Philon, le président de l'ambassade juive, homme illustre en tout, frère d'Alexandre l'alabarque  habile philosophe, était capable de réfuter victorieusement les accusations. Mais Gaïus lui ferma la bouche et lui ordonna de s'en aller : il était en colère et manifestement disposé à agir durement contre les députés juifs. Philon sortit donc sous les outrages et dit aux Juifs qui étaient autour de lui qu'il fallait avoir confiance, que si Gaïus était irrité contre eux, en réalité il provoquait déjà un châtiment de Dieu. "

Voilà ce que dit Josèphe.

Philon lui-même, dans l'ouvrage qu'il intitula l'Ambassade, décrit en détail et avec exactitude ce qu'il fit alors. Laissant de côté la plus grande partie (de son récit), je rapporterai seulement ce qui rendra évidente aux lecteurs la démonstration que ce qui est arrivé aux Juifs dès ce moment et un peu plus tard a eu pour cause leurs attentats contre le Christ.

VI

LES MALHEURS QUI ARRIVÈRENT AUX JUIFS
APRÈS LEUR ACTE AUDACIEUX CONTRE LE CHRIST

Philon rapporte d'abord que, sous Tibère, Séjan, très puissant parmi ceux qui entouraient alors l'empereur, déployait son zèle pour faire périr complètement tout le peuple juif dans la ville de Rome. En Judée d'autre part, Pilate sous lequel furent accomplis les forfaits contre le Sauveur, entreprit contre le temple de Jérusalem qui était encore debout, des choses interdites chez les Juifs  et les excita ainsi profondément.

Après la mort de Tibère, Gaïus reçut le pouvoir; il commit de nombreux excès envers beaucoup; mais surtout il nuisit énormément à tout le peuple juif. Il est possible de l'apprendre brièvement par les paroles de Philon, qui écrit littéralement ceci :

" La manière d'être de Gaïus était donc anormale envers tout le monde, mais d'une manière spéciale envers la race des Juifs, qu'il poursuivit durement de sa haine, s'emparant des lieux de prière dans toutes les villes, à commencer par ceux d'Alexandrie et les remplissant d'images et de statues de sa propre effigie (car en permettant à d'autres de les y placer, lui-même les y installait par sa puissance). Quant au temple de la ville sainte, qui était encore inviolé et qui jouissait d'un total droit d'asile, il le désaffecta et le transforma en un sanctuaire à lui, pour qu'il fût appelé le sanctuaire du nouveau Zeus Epiphane Gaïus . "

Bien d'autres calamités, supérieures à tout récit, qui sont arrivées aux Juifs à Alexandrie sous le même Gaïus, ont été rapportées par le même écrivain, dans un deuxième écrit qu'il a intitulé Sur les vertus  et Josèphe s'accorde avec lui, en montrant semblablement que c'est à partir des temps de Pilate et des attentats contre le Sauveur que commencèrent les malheurs qui ont frappé tout le peuple (juif). Ecoutez donc ce que rapporte ce dernier dans le deuxième livre de la Guerre Juive, où il dit en propres termes :

" Envoyé en Judée par Tibère comme procurateur, Pilate introduisit subrepticement de nuit à Jérusalem les images de César couvertes d'un voile : on les appelle enseignes. Avec le jour, cela excita un très grave trouble parmi les Juifs : ceux-ci, en effet, s'étant approchés, furent frappés de stupeur à cette vue; leurs lois étaient foulées aux pieds, car elles ne permettent pas d'introduire dans la ville aucune image. "

Si l'on compare cela à l'Écriture de l'Évangile, on verra qu'en bien peu de temps se retourna contre eux le cri qu'ils avaient poussé devant le même Pilate, et par lequel ils criaient qu'ils n'avaient pas d'autre roi que César.

Ensuite, le même écrivain raconte en ces termes qu'un autre malheur les atteignit :

" Après cela, Pilate excita d'autres troubles, en s'emparant du trésor sacré, qu'on appelle corban, pour faire une conduite d'eau : l'eau était distante de trois cents stades. Cela excita le mécontentement populaire. Pilate étant présent à Jérusalem, les Juifs l'entourèrent en criant. Mais lui avait prévu les troubles et avait mélangé à la foule des soldats armés, recouverts d'habits communs, en leur défendant de se servir de leurs épées et en leur ordonnant de frapper du bâton ceux qui crieraient. Il donna le signal depuis son siège. Parmi les Juifs qui furent frappés, beaucoup périrent sous les coups; beaucoup se tuèrent les uns les autres en s'écrasant dans la fuite. Quant à la foule, frappée par le malheur des morts, elle se tut . "

Le même raconte en outre que bien d'autres révolutions furent excitées à Jérusalem même. Il établit que, depuis ce temps, jamais les séditions, les guerres, les maux successifs n'abandonnèrent plus la ville et la Judée entière jusqu'à ce qu'arrivât tout à la fin le siège sous Vespasien. Telle fut donc la manière dont les effets de la justice divine atteignirent les Juifs pour ce qu'ils avaient osé contre le Christ.

VII

COMMENT PILATE SE TUA LUI-MÊME

Il n'est pas à propos d'ignorer que, d'après ce qu'on raconte, Pilate lui aussi, qui vivait au temps du Sauveur, tomba dans de tels grands malheurs sous Gaïus dont nous avons parcouru l'époque, qu'il devint par nécessité son propre meurtrier et son propre bourreau : à ce qu'il semble, la justice divine ne l'épargna pas longtemps. C'est ce que racontent ceux des Grecs qui ont marqué les Olympiades avec les événements survenus en chacune d'elles.

VIII

LA FAMINE SOUS CLAUDE

Cependant, Gaïus n'ayant pas exercé le pouvoir quatre années entières, Claude lui succède comme empereur. Sous ce dernier, une famine dévasta la terre et même les historiens éloignés de notre doctrine l'ont raconté dans leurs ouvrages. La prédiction du prophète Agabus qui figure dans les Actes des Apôtres, au sujet de la famine qui devait venir sur toute la terre, reçut ainsi son accomplissement. Luc rapporte dans les Actes la famine arrivée sous Claude, et raconte que, par l'intermédiaire de Paul et de Barnabé, les frères d'Antioche envoyèrent à ceux de Judée de ce que chacun d'eux avait selon ses moyens ; et il ajoute :

IX

MARTYRE DE L'APOTRE JACQUES

" En ce temps-là - évidemment sous Claude - le roi Hérode entreprit de maltraiter quelques-uns de ceux de l'Eglise et il fit périr Jacques, le frère de Jean, par le glaive. "

De ce Jacques, Clément rapporte au septième livre des Hypotyposes un récit digne de mémoire, tel qu'il le tenait de la tradition de ses prédécesseurs. Il dit que celui qui l'avait amené au tribunal fut ému en le voyant témoigner et confessa que lui aussi était chrétien.

" Tous deux, dit-il, furent amenés ensemble (au supplice) et, le long du chemin, celui-ci demanda à Jacques de lui pardonner. Ayant un peu réfléchi : que la paix soit avec toi, dit Jacques; et il l'embrassa. Et ainsi tous deux furent en même temps décapités. "

Alors aussi, à ce que dit la divine Ecriture, Hérode voyant que ce qui avait été fait lors de la mort de Jacques avait été agréable aux Juifs, s'attaqua également à Pierre et le jeta dans les fers; il s'en fallut de peu qu'il le fît aussi mourir si, grâce à une manifestation divine, un ange ne s'était présenté à l'apôtre pendant la nuit et ne l'avait miraculeusement délivré de ses liens; il fut relâché pour le ministère de là prédication. Telle fut la disposition (divine) envers Pierre.

X

COMMENT AGRIPPA, APPELÉ AUSSI HÉRODE,
APRÈS AVOIR PERSÉCUTÉ LES APOTRES RESSENTIT AUSSITOT LA VENGEANCE DIVINE

Les suites de l'entreprise du roi contre les apôtres ne se firent pas attendre et le ministre vengeur de la justice divine le poursuivit aussitôt. Immédiatement après avoir comploté contre les Apôtres, comme le raconte le livre des Actes, il (Hérode) partit pour Césarée et là, en un jour de fête solennelle, paré d'un vêtement royal, il harangua le peuple du haut d'une tribune  le peuple entier acclama sa harangue comme prononcée par un dieu et non par un homme : tout à coup, dit l'Écriture, un ange du Seigneur le frappa et il mourut, dévoré par les vers.

Il est juste d'admirer l'accord qui existe encore à propos de ce miracle entre l'Ecriture divine et le récit de Josèphe Il est évident que celui-ci rend témoignage à la vérité au tome dix-neuvième de l'Antiquité, ou il raconte le prodige en ces propres termes.

 " Il avait achevé la troisième année de son règne sur la Judée entière et était venu dans la ville de Césarée, qui s'appelait autrefois Tour de Straton II y célébrait des jeux en l'honneur de César, sachant que c'était là une fête célébrée pour son salut, et une foule s'y était assemblée, des hommes en charge dans la province et des premiers en dignité. Or, le deuxième jour des jeux, revêtu d'un manteau tout entier fait d'argent, de sorte que le tissu en était merveilleux, il arriva au théâtre dès le commencement du jour. Alors l'argent, illumine par les premiers rayons du soleil, brilla d'une manière admirable, jetant un éclat effrayant et épouvantant ceux qui le regardaient en face. Aussitôt les flatteurs se mirent à lui adresser, chacun à sa manière, des paroles qui n'étaient pas pour son bien, lui donnant le nom de Dieu, lui disant : Sois-nous propice. Même si jusqu'à présent, nous t'avons craint comme un homme, désormais nous te confessons supérieur à la nature mortelle. Le roi ne les reprit pas; il ne rejeta pas leurs flatteries impies. Mais peu après, ayant levé les yeux, il aperçut un ange qui se tenait au dessus de sa tête. Il comprit aussitôt que cet ange était une cause de maux, comme il l'avait été naguère de biens et il éprouva une vive souffrance.

 " Il ressentit de violentes douleurs d'entrailles, qui commencèrent avec force. Et regardant vers ses amis : Je suis votre dieu, dit-il, et déjà je reçois l'ordre de quitter la vie; sans tarder la destinée confond vos paroles mensongères à mon sujet. Moi que vous appeliez immortel, je suis déjà conduit à la mort Mais il faut recevoir la fatalité selon que Dieu l'a voulu. Car nous n'avons jamais vécu dans la misère, mais dans un long bonheur. En disant cela, il était tourmenté par l'aiguillon de la souffrance.

" Bien vite, on le porta au palais et le bruit se répandit partout qu'il était tout près de mourir. Aussitôt la foule, avec les femmes et les enfants, s'assit sur des sacs, selon la coutume du pays et supplia Dieu pour le roi : tout était rempli de plaintes et de lamentations. Le roi, couché dans une chambre haute, regarda en bas, les vit prosternés, étendus; et lui-même ne resta pas sans pleurer. Pendant cinq jours continus, il fut tourmenté par les douleurs d'entrailles; et il quitta la vie dans la cinquante-quatrième année de son âge, la septième de son règne En effet, il avait régné quatre ans sous Gaïus César : gouvernant pendant trois ans la tétrarchie de Philippe et la quatrième année recevant en plus celle d'Hérode, sous le principal de Claude César, il régna encore trois ans. "

 J'admire ici comme ailleurs, que Josèphe s'accorde avec les Ecritures divines si quelques-uns pensent qu'il y a désaccord sur le nom du roi, le temps et le fait montrent du moins qu'il s'agit du même, soit que le nom ait été changé par une erreur de transcription, soit que le même personnage ait eu deux noms, comme cela arrive pour beaucoup d'autres.

XI

THEUDAS LE MAGICIEN

Puisque Luc, dans les Actes, rapporte encore que Gamaliel, lors de la discussion au sujet des apôtres, mentionna Theudas qui se serait soulevé à l'époque dont nous parlons, en prétendant être quelqu'un, et qui fut tué avec tous ceux qui lui avaient fait confiance, rappelons aussi ce qu'écrit Josèphe sur ce personnage. Il rapporte donc encore, dans l'ouvrage cité tout à l'heure, ceci littéralement :

" Fadus étant gouverneur de la Judée, un magicien du nom de Theudas persuada à une grande foule de gens de prendre leurs richesses et de le suivre près du fleuve Jourdain. Il disait qu'il était prophète et qu'après avoir divisé le fleuve par un ordre, il leur permettrait de passer facilement; en parlant ainsi il trompa beaucoup de monde. Mais Fadus ne les laissa pas jouir de cette folie. Il envoya contre eux une troupe de cavaliers qui tomba sur eux à l'improviste, en tua un grand nombre, en prit beaucoup de vivants, captura Theudas lui-même, et, après l'avoir décapité, envoya sa tête à Jérusalem. "

A la suite de cela, Josèphe rappelle, en ces termes, la famine qui arriva sous Claude : du salut des hommes s'efforça de la devancer dans la ville royale et de conquérir cette dernière. Il y conduisit Simon dont nous avons parlé auparavant, et par les habiles procédés magiques de cet homme qu'il secondait, il entraîna dans l'erreur beaucoup des habitants de Rome. C'est là ce que montre Justin qui vint peu après les apôtres et se distingua dans notre doctrine : sur lui, j'exposerai ce qui convient au temps opportun. Dans la première Apologie adressée à Antonin en faveur de notre doctrine, il écrit ainsi :

"  Et après l'ascension du Seigneur dans le ciel, les démons provoquèrent certains hommes à dire qu'ils étaient des dieux. Ces hommes, non seulement vous ne les avez pas persécutés, mais vous les avez gratifiés d'honneurs : Simon d'abord, un Samaritain du bourg appelé Gitthon, qui, sous Claude César, a fait dans votre ville impériale de Rome, des prodiges magiques, par l'art des démons qui agissaient en lui, fut regardé comme un dieu et comme un dieu honoré chez vous d'une statue sur le fleuve Tibre entre les deux ponts, avec cette inscription en latin : Simoni deo sancto, c'est-à-dire : A Simon dieu saint. Et presque tous les Samaritains, et de plus quelques-uns dans d'autres nations, confessent qu'il est le premier dieu et l'adorent. Une certaine Hélène, qui dans ce temps-là l'accompagnait partout et qui auparavant était dans une maison de débauche à Tyr en Phénicie, ils disent qu'elle est sa première pensée. "

Voilà ce que dit Justin et Irénée est aussi d'accord avec lui. Au premier des livres Contre les Hérésies, il décrit ce qui concerne cet homme et sa doctrine impie et sacrilège. Présentement, il serait superflu de le rapporter, puisqu'il est loisible à ceux qui le veulent d'apprendre à connaître encore par le détail les débuts des hérésiarques qui l'ont suivi, leurs vies, les descriptions de leurs fausses doctrines et leur entreprises à eux tous, toutes choses qui sont traitées avec soin dans le livre cité d'Irénée. Nous y avons appris que Simon fut le premier chef de toute hérésie : à partir de lui et jusqu'à présent ceux qui ont suivi son hérésie, simulent la philosophie des chrétiens, tempérante et célébrée partout à cause de la pureté de la vie, mais ils ne tardent pas à retomber dans la superstition des idoles qu'ils avaient paru abandonner; ils se prosternent devant les livres et devant les images de Simon lui-même et de sa compagne Hélène, dont nous avons parlé, et ils leur rendent un culte par de l'encens, des sacrifices et des libations. Quant à leurs pratiques plus secrètes dont, à ce qu'ils disent, sont frappés et, selon le mot employé par eux, sont stupéfaits ceux qui en entendent parler pour la première fois, elles sont vraiment stupéfiantes, pleines d'égarement d'esprit et de folie, étant telles que non seulement on ne peut pas les transmettre par l'écriture, mais que des hommes modestes ne peuvent même pas les dire de vive voix, tant elles sont obscènes et indicibles. Tout ce qu'on pourrait imaginer de plus honteux, de plus souillé, l'abominable hérésie de ces gens-là l'a dépassé, car ils abusent de misérables femmes chargées véritablement de maux de toutes sortes.

De tels maux, le père et l'artisan fut Simon que, dans ce temps-là, la puissance mauvaise, haineuse du bien, ennemie du salut des hommes, suscita comme un grand adversaire des grands et divins apôtres de notre Sauveur.

XIV

LA PRÉDICATION DE L'APOTRE PIERRE A HOME

Cependant, la grâce divine et supra-céleste vint au secours de ses serviteurs, en éloignant au plus vite, dès leur manifestation et leur présence, les flammes du méchant et en humiliant et en détruisant par leur moyen toute élévation (d'esprit) dressée contre la connaissance de Dieu. C'est pourquoi aucune machination de Simon, ou de quelque autre parmi ceux qui vécurent alors, ne se produisit en ces temps apostoliques. Tout était vaincu, absolument dominé par l'éclat de la vérité et par le Verbe divin lui-même qui tout récemment avait divinement brillé pour les hommes, qui florissait sur la terre et qui habitait dans ses propres apôtres. Aussitôt, le magicien dont nous parlons, ayant eu les yeux de l'esprit frappés comme par une lumière divine et extraordinaire, dès qu'il eut été convaincu en Judée par l'apôtre Pierre de ses machinations mauvaises, entreprit un grand voyage au delà des mers; il s'enfuit d'Orient en Occident, avec la pensée que, là seulement, il pourrait vivre à sa guise.

Étant ainsi venu à Rome, il fut assisté grandement par la puissance qui y était installée; et, en peu de temps ses tentatives eurent assez de succès pour qu'il fût honoré, comme un Dieu, par les gens du pays, de l'érection d'une statue. Mais les choses ne lui réussirent pas longtemps. Car, immédiatement après lui, au début du même règne de Claude, la Providence universelle, toute bonne et pleine d'amour pour les hommes, conduisit par la main à Rome, comme contre un tel dévastateur de la vie, le vaillant et grand apôtre Pierre, le premier de tous les autres à cause de sa vertu : comme un généreux stratège de Dieu, muni des armes divines, il apportait d'Orient aux hommes de l'Occident la marchandise précieuse de la lumière intelligible, en annonçant heureusement, comme la lumière elle-même et comme une parole salvatrice des âmes, le message du royaume des cieux.

XV

L'EVANGILE SELON MARC

Ainsi donc la parole divine s'étant répandue chez les Romains, la puissance de Simon s'éteignit et se dissipa aussitôt avec lui.

Par contre, l'éclat de la piété brilla tellement dans les esprits des auditeurs de Pierre qu'ils ne tinrent pas pour suffisant de l'avoir entendu une fois pour toutes, ni d'avoir reçu l'enseignement oral du message divin, mais que, par toutes sortes d'instances, ils supplièrent Marc, dont l'Évangile nous est parvenu et qui était le compagnon de Pierre, de leur laisser un monument écrit de l'enseignement qui leur avait été transmis oralement : ils ne cessèrent pas leurs demandes avant d'avoir contraint Marc et ainsi ils furent la cause de la mise par écrit de l'Évangile appelé " selon Marc ". L'apôtre, dit-on, connut le fait par une révélation de l'Esprit; il se réjouit du désir de ces hommes et il confirma le livre pour la lecture dans les assemblées. Clément, au sixième livre des Hypotyposes, rapporte le fait et l'évêque d'Hiérapolis, nommé Papias, le confirme de son témoignage.

Pierre fait mention de Marc dans sa première épître, que, dit-on, il composa à Rome même, ce qu'il signifie lui-même en appelant cette ville d'une manière métaphorique Babylone, dans ce passage " L'élue qui est à Babylone, ainsi que Marc mon fils vous salue. "

XVI

LE PREMIER, MARC PRÊCHE LA CONNAISSANCE DU CHRIST AUX HABITANTS DE L'EGYPTE

On dit que ce Marc fut, le premier, envoyé en Égypte, qu'il y prêcha l'Évangile qu'il avait composé et qu'il établit des Églises d'abord à Alexandrie même.

XVII

CE QUE PHILON RACONTE DES ASCÈTES D'EGYPTE

Si grande se dressa, dès le premier effort, la foule des croyants, hommes et femmes, dans ce pays, leur manière de vivre fut si conforme à la sagesse et si ardente, que Philon jugea dignes de l'écriture leurs exercices, leurs assemblées, leurs repas communs et tout le reste de la conduite de leur vie.

A ce qu'on raconte , Philon, sous le règne de Claude, serait entré à Rome en relations avec Pierre, qui prêchait alors aux habitants de cette ville. Et cela ne serait pas invraisemblable, puisque l'écrit même dont nous parlons, entrepris par lui plus tard et assez longtemps après, renferme manifestement les règles de l'Église, qui sont observées maintenant encore et parmi nous. De plus, lorsqu'il décrit de la manière la plus exacte qu'il est possible la vie de nos ascètes, il paraît avec évidence non seulement connaître, mais encore approuver, diviniser, vénérer les hommes apostoliques qui vivaient de son temps : ils étaient, à ce qu'il semble d'origine hébraïque et, par suite, observaient encore à la manière juive, la plupart des usages anciens.

Tout d'abord, dans le livre qu'il a intitulé De la vie contemplative, ou Des suppliants, Philon assure qu'il n'ajoutera rien à ce qu'il doit raconter, qui soit en dehors de la vérité ou qui vienne de lui-même. On les appelle, dit-il, thérapeutes et les femmes qui vivent avec eux thérapeutrides ; puis il indique les raisons de cette désignation : elle vient soit de ce qu'ils soignent et guérissent les âmes de ceux qui viennent à eux, les délivrant à la manière des médecins, des souffrances causées par la méchanceté, soit de ce qu'ils rendent des soins et des adorations chastes et purs à la divinité. Du reste, qu'il leur ait imposé de lui-même cette désignation, en appliquant justement un nom à la manière de vivre de ces hommes, ou qu'en réalité les premiers les aient appelés ainsi dès l'origine, alors que le nom de chrétiens n'était pas usité en tout lieu, il n'est pas nécessaire de s'étendre là-dessus. Philon atteste donc, en premier lieu, leur renoncement à leurs biens et dit que lorsqu'ils commençaient à mener la vie philosophique, ils abandonnaient leurs biens à leur parenté; puis, débarrassés de tous les soucis de la vie, ils sortaient en dehors des murs et menaient leur vie dans des champs isolés et des jardins, sachant bien que la compagnie d'hommes différents d'eux était inutile et nuisible : ceux qui, dans ce temps-là, agissaient de la sorte, comme il convient, avec une foi courageuse et très ardente, s'exerçaient à imiter la vie des prophètes. Et en effet, il est aussi rapporté dans les Actes des Apôtres reçus (par les Eglises) que tous les disciples des apôtres vendaient leurs richesses et leurs biens et les partageaient entre tous, selon les besoins de chacun , de sorte qu'il n'y avait pas d'indigent parmi eux : tous ceux donc qui possédaient des champs et des maisons, comme le dit l'Écriture, les vendaient, emportaient le prix de ce qu'ils avaient vendu et l'apportaient aux pieds des apôtres, de manière qu'il fût donné à chacun selon qu'il en avait besoin.

Philon témoigne de choses semblables à propos  des hommes dont il s'agit et ajoute en propres termes : " En bien des régions de la terre existe donc ce genre d'hommes; car il fallait que la Grèce et les pays barbares participassent au bien parfait; mais c'est en Egypte qu'il est multiplié, dans chacune des (subdivisions) appelées nomes et surtout auprès d'Alexandrie. De partout, ceux qui sont les meilleurs sont envoyés en colonie, comme dans la patrie des thérapeutes, dans une région tout à fait appropriée, qui est située au-delà du lac Maréote, sur une butte assez peu élevée, lieu tout à fait convenable à cause de la sécurité et de la salubrité de l'air  ".

Ensuite, Philon écrit comment étaient leurs habitations, et voici ce qu'il dit sur les églises du pays :

"Dans chaque maison, il y a une pièce consacrée, qu'on appelle oratoire et monastère : c'est là que les thérapeutes s'isolent pour accomplir les mystères de la vie religieuse ; ils n'y apportent rien, ni boisson, ni nourriture, ni rien de ce qui est nécessaire pour les besoins du corps ; mais les lois, les oracles rendus par les prophètes, les hymnes et les autres (livres) qui augmentent et perfectionnent la science et la piété."

Et plus loin il dit :

"L'intervalle entre l'aurore et le soir est tout entier pour eux une ascèse. Ils lisent en effet les saintes Lettres et philosophent sur la sagesse des ancêtres, en en faisant l'allégorie; car ils pensent que les mots sont des symboles de la nature cachée qui se découvre dans les interprétations allégoriques. Ils ont aussi des écrits d'hommes anciens, qui furent les premiers conducteurs de leur secte et qui ont laissé de nombreux monuments de leur doctrine sous forme d'allégories : ils s'en servent comme de modèles pour imiter leur manière d'agir."

Tout cela paraît donc avoir été dit par un homme qui les a entendu expliquer les saintes Ecritures, et peut-être est il vraisemblable que ce qu'il dit être chez eux les livres des anciens, ce sont les Evangiles et les écrits des apôtres et probablement quelques exposes interprétatifs des anciens prophètes tels qu'en contiennent l'Epître aux Hébreux et de nombreuses autres lettres de Paul. Ensuite, au sujet des psaumes nouveaux qu'ils font, Philon écrit encore ceci

" Ils ne se bornent pas a contempler, mais encore ils font des cantiques et des hymnes pour Dieu, sur des mètres et des mélodies varies, bien que nécessairement ils utilisent des nombres graves "

Dans le même ouvrage, Philon rapporte encore beaucoup d'autres choses à leur sujet, mais il m'a paru nécessaire de choisir celles par ou sont exposées les caractéristiques de la conduite ecclésiastique. Si quelqu'un ne trouve pas que ce qui a été dit soit particulier a la vie selon l'Évangile, mais peut encore convenir a d'autres qu'a ceux dont on a parle, qu'il soit du moins persuade par les paroles de Philon, qui viennent à la suite s'il a l'esprit droit, il y trouvera un témoignage irréfragable à ce sujet. En effet, il écrit ceci :

" Ils établissent d'abord dans l'âme, comme un fondement, la continence, puis ils édifient sur elle les autres vertus Personne parmi eux ne prendrait de la nourriture ou de la boisson avant le coucher du soleil, car ils pensent que la philosophie convient a la lumière, et que les nécessites du corps s'accordent avec les ténèbres par suite, a l'une ils accordent le jour, aux autres une petite partie de la nuit. Quelques-uns même ne se souviennent de la nourriture que tous les trois jours, ceux en qui est établi un plus grand désir de la science Et certains d'entre eux sont tellement joyeux et satisfaits de se nourrir de la sagesse qui leur présente ses enseignements avec abondance et sans compter, qu'ils jeûnent pendant un temps double et que c'est à peine s'ils goûtent à la nourriture nécessaire tous les six jours car ils sont accoutumés à cela. "

Nous croyons que ces paroles de Philon s'appliquent d'une manière claire et indiscutable aux nôtres. Mais si quelque contradicteur s'endurcit encore là-dessus, que cet homme renonce à son incrédulité et se laisse persuader par des arguments plus évidents, tels qu'il n'est pas possible d'en trouver ailleurs que dans la seule religion chrétienne selon l'Évangile. Il dit en effet qu'avec les hommes dont nous parlons se rencontrent aussi des femmes, dont la plupart, arrivées à la vieillesse, sont vierges : elles ont gardé la chasteté, non par nécessité comme certaines des prêtresses grecques, mais par libre choix, par le désir et le zèle de la sagesse, avec laquelle elles s'efforcent de vivre en renonçant aux plaisirs du corps; elles aspirent non à des descendants mortels, mais à des fils immortels, que seule peut enfanter d'elle-même l'âme éprise de Dieu.

Plus loin, il expose les faits d'une façon encore plus claire :

" L'explication des saintes Lettres se fait chez eux par le moyen des figures ou allégories. Toute la législation en effet paraît à ces hommes ressembler à un être vivant : elle a pour corps les arrangements des mots, pour âme le sens invisible caché sous les mots, que cette secte se propose de contempler avant tout, comme pour voir par le miroir des mots la merveilleuse beauté des idées qui y apparaît. "

Faut-il encore ajouter à cela leurs réunions en un même lieu, les occupations particulières des hommes et celles des femmes, hommes et femmes vivant séparément, les ascèses traditionnelles accomplies encore aujourd'hui chez nous, qui avons coutume, surtout au temps de la fête de la passion du Sauveur, de pratiquer des jeûnes, des veillées nocturnes et la méditation des paroles divines. [Tout cela, l'auteur mentionné l'a indiqué avec précision ; son exposé s'accorde avec les usages que nous sommes seuls à observer encore aujourd'hui et il a inclus ces informations dans son ouvrage : les veillées complètes de la grande fête, les ascèses qu'on y accomplit, les hymnes que nous sommes accoutumés à chanter, un seul psalmodiant harmonieusement de façon rythmée, les autres écoutant en silence et ne chantant avec lui que les dernières paroles des hymnes : ces jours-là on couche par terre sur des nattes; on ne boit pas du tout de vin, comme Philon l'écrit en propres termes; on ne prend pas davantage de viande; l'eau est leur seule boisson et avec leur pain, ils ne prennent que du sel et de l'hysope :

En outre, Philon décrit l'ordre de préséance de ceux qui accomplissent les liturgies ecclésiastiques, les fonctions de diacre, la présidence de l'évêque qui siège au-dessus de tous : quiconque a le désir d'étudier soigneusement ces questions pourra s'en instruire dans l'ouvrage cité de l'écrivain. Mais que Philon ait écrit tout cela en pensant aux premiers hérauts de la doctrine évangélique et aux usages transmis dès le commencement par les apôtres, c'est évident pour tous.

XVIII

QUELS ÉCRITS DE PHILON SONT PARVENUS JUSQU'A NOUS

Abondant en paroles, large dans ses conceptions, élevé et sublime dans les contemplations sur les Ecritures divines, Philon a fait une exposition variée et multiple des paroles sacrées : tout d'abord il a parcouru avec suite et dans l'ordre l'explication des événements racontés dans la Genèse, dans un ouvrage intitulé Allégories des saintes Lois, puis il a traité séparément l'explication de certains chapitres, en proposant les questions et les réponses des difficultés offertes par les Ecritures ; par suite il a donné à cet ouvrage le titre de Problèmes et solutions sur la Genèse et l'Exode . En outre, il existe de lui des traités particulièrement travaillés sur quelques problèmes : tels sont les deux livres Sur l'agriculture, autant Sur l'ivresse, et d'autres qui portent des titres divers et adaptés aux sujets, par exemple :

Sur ce que désire et déteste un esprit sobre ,
Sur la confusion des langues;
Sur la fuite et l'invention;
Sur le groupement pour l'instruction,
Qui est l'héritier des choses divines, ou
De la division en parties égales et inégales;
Des trois vertus que Moïse a décrites avec d'autres.

En outre, un ouvrage :

Des changements de noms et de leurs causes, dans lequel il dit avoir encore composé Sur les Testaments, livres I et II.

On a encore de lui :

Sur l'émigration,
De la vie du sage parfait selon la justice et
Des lois non écrites, et encore
Des géants ou
De l'immutabilité divine,

Que, selon Moïse, les songes sont envoyés par Dieu, livres I, II, III, IV, V.

Telles sont les œuvres venues jusqu'à nous parmi celles qui concernent la Genèse. Sur l'Exode, nous connaissons de lui Problèmes et Solutions, livres I, II, III, IV, V, Sur le Tabernacle, Sur le décalogue, Sur les lois particulières qui concordent avec les points principaux des dix commandements, livres I, II, III, IV, Sur les animaux des sacrifices et quelles sont les espèces de sacrifices, Sur les affirmations de la Loi concernant les récompenses des bons, les peines et les malédictions des méchants.

En plus de tous ces écrits, on rapporte encore de lui des ouvrages en un seul livre comme Sur la Providence , le discours composé par lui Sur les Juifs, le Politique, et encore Alexandre ou Que les animaux muets ont une raison, de plus le traité Que tout pécheur est esclave, auquel fait suite Que tout vertueux est libre. Apres ces ouvrages, ont été composes par lui De la vie contemplative ou Des suppliants, d'après lequel nous avons expose ce qui concerne la vie des hommes apostoliques, les Interprétations des noms hébreux qui sont dans la Loi et dans les prophètes sont aussi regardées comme son œuvre. Philon, étant venu a Rome sous Gaïus, décrivit les impiétés de ce prince, dans son ouvrage qu'il intitula, avec finesse et ironie, Des vertus . On dit que, sous Claude, il lut son ouvrage en plein sénat romain et qu'on l'admira tellement qu'on jugea ses écrits dignes d'être placés dans les bibliothèques.

XIX

QUELS MALHEURS ARRIVÈRENT AUX JUIFS AU JOUR DE LA PAQUE

En ces temps-là, comme Paul achevait le voyage circulaire de Jérusalem jusqu'à l'Illyricum, Claude chassa les Juifs de Rome : Aquila et Priscille, ayant été chassés avec les autres Juifs de Rome, débarquèrent en Asie et là ils vécurent avec l'apôtre Paul, qui affermissait les fondements, récemment posés par lui, des Eglises de ce pays. C'est ce que nous apprend le livre sacré des Actes.

Claude régissait encore les affaires de l'empire, lorsque, à l'époque de la fête de la Pâque, il se produisit à Jérusalem une sédition et un trouble si grands que, des seuls Juifs qui se pressaient violemment aux issues du sanctuaire, trente mille périrent écrasés les uns par les autres; la fête devint un deuil pour la nation entière, un sujet de lamentation pour chaque famille. C'est ce que raconte textuellement Josèphe.

Claude établit roi des Juifs, Agrippa, fils d'Agrippa et envoya Félix comme procurateur de tout le pays de Samarie et de Galilée, et en plus du pays appelé Pérée. Et après avoir exercé le pouvoir pendant treize ans et huit mois, il mourut en laissant Néron comme successeur.

XX

CE QUI ARRIVA ENCORE A JÉRUSALEM SOUS NÉRON

Sous Néron, tandis que Félix était procurateur de Judée, les prêtres entrèrent en désaccord les uns contre les autres, comme Josèphe l'écrit en propres termes au vingtième livre des Antiquités :

" Les grands prêtres soulevèrent des troubles contre les prêtres et contre les premiers du peuple à Jérusalem, et chacun d'eux, s'étant fait une garde des hommes les plus hardis et les plus révolutionnaires, en était le chef; et lorsqu'on se rencontrait, on s'insultait mutuellement et on se lançait des pierres. Il n'y avait personne pour s'opposer à ces disputes, mais, comme dans une ville sans défenseurs, on agissait ainsi en liberté. Telles étaient l'impudence et l'audace des grands prêtres qu'ils osaient envoyer leurs serviteurs dans les granges pour enlever les dîmes dues aux prêtres. Il arriva même que l'on vit ceux des prêtres qui étaient pauvres mourir de faim. C'était ainsi que l'emportait sur toute justice la violence des séditieux . "

Le même écrivain raconte encore que, dans les mêmes temps, apparut à Jérusalem une espèce de brigands, qui, en plein jour, à ce qu'il dit, et en pleine ville, tuaient ceux qu'ils rencontraient. C'était surtout aux jours de fête que, mêlés à la foule et cachant sous leurs vêtements de petites épées (1), ils en frappaient ceux qui n'étaient pas de leur parti. Puis, lorsque ceux-ci tombaient, les meurtriers eux-mêmes faisaient chorus avec ceux qui s'indignaient, et de la sorte leur apparence honnête les rendait absolument introuvables. D'abord, le grand prêtre Jonathan fut tué par eux, et après lui, chaque jour, beaucoup furent tués. La peur fut encore plus redoutable que le mal, chacun, comme dans une guerre, attendant la mort à tout moment.

XXI

L'ÉGYPTIEN QUE MENTIONNE AUSSI  LES  ACTES  DES APOTRES

Ensuite, après d'autres choses, Josèphe ajoute : " D'une plaie plus grande que celles-là, le faux prophète égyptien frappa les Juifs. En effet, il arriva dans le pays comme un magicien et s'imposa à lui-même la réputation de prophète; il assembla environ trente mille de ses dupes et les amena du désert jusqu'au mont appelé des Oliviers. De là, il était capable d'aller prendre Jérusalem de force, de réduire la garnison romaine et le peuple de façon tyrannique, en se servant des gens armés qu'il commandait. Mais Félix prévint son choc, en allant à sa rencontre avec les soldats romains et tout le peuple l'aida à la défense, de telle sorte que, le combat ayant eu lieu, l'Égyptien s'enfuit avec peu d'hommes et que la plupart de ceux qui étaient avec lui furent tués ou faits prisonniers. "

Ainsi Josèphe, au deuxième livre des Histoires. Il est convenable de rapprocher ce qui est dit ici à propos de l'Egyptien de ce qui est dit dans les Actes des Apôtres, à l'endroit où le tribun qui était à Jérusalem, sous Félix, dit à Paul, quand la foule des Juifs s'ameutait contre lui : N'es-tu donc pas l'Egyptien qui s'est soulevé voici quelque temps et a emmené dans le désert quatre mille sicaires  ? "

Voilà ce qui a eu lieu sous Félix.

XXII

COMMENT PAUL, ENVOYÉ PRISONNIER DE JUDÉE A ROME, SE JUSTIFIE
ET EST ABSOUT DE TOUTE CONDAMNATION

A ce dernier, Festus fut envoyé comme successeur par Néron (2); ce fut sous ce gouvernement que Paul, après s'être justifié, fut envoyé captif à Rome. Aristarque était avec lui, lui qu'il appelle justement quelque part dans ses lettres compagnon de captivité. Et Luc, qui a confié à l'Écriture les Actes des Apôtres, a terminé là-dessus son récit, en racontant que Paul passa en liberté deux années entières à Rome et y prêcha sans en être empêché la parole de Dieu. Alors donc, ayant plaidé sa cause, l'apôtre repartit, de nouveau, dit-on, pour le ministère de la prédication ; puis il vint pour la seconde fois dans la même ville et fut consommé par le martyre : c'est alors qu'étant dans les chaînes, il composa la seconde lettre à Timothée, où il signifie à la fois sa première défense et sa consommation imminente. Voici encore sur ce point son propre témoignage : " Dans ma première défense, dit-il, personne ne m'a assisté, mais tous m'ont abandonné (que cela ne leur soit pas compté !). Le Seigneur m'a assisté et m'a fortifié, afin que, par moi, la prédication soit achevée et que toutes les nations l'entendent, et j'ai été délivré de la gueule du lion '. " Par là, Paul établit clairement que, la première fois, afin que sa prédication soit achevée, il a été délivré de la gueule du lion, c'est-à-dire, semble-t-il, de Néron qu'il désigne ainsi à cause de sa cruauté. Par contre, dans la suite, il n'ajoute rien qui ressemble à : Il me délivrera de la gueule du lion, car il voyait en esprit que sa fin ne tarderait guère. C'est pourquoi il ajoute à : " Et j'ai été délivré de la gueule du lion " ces paroles : " Le Seigneur me délivrera de toute œuvre mauvaise et me sauvera dans son royaume céleste ", signifiant ainsi son martyre tout proche; et il l'annonce encore plus clairement dans la même lettre, en disant : " Je suis déjà offert en libation et le temps de ma délivrance est proche. " Il montre d'ailleurs qu'à la date de la seconde épître à Timothée, Luc seul est avec lui quand il écrit, mais qu'à celle de la première défense, même celui-ci faisait défaut. Par suite, il est vraisemblable que Luc a achevé les Actes des Apôtres à cette époque, en limitant son récit au temps où il était avec Paul.

Ayant achevé notre exposé, nous faisons remarquer que le martyre de Paul n'a pas eu lieu pendant le séjour à Rome que Luc a décrit. Il est d'ailleurs vraisemblable qu'au commencement de son règne, Néron était plus doux et reçut facilement la défense de Paul en faveur de la doctrine; mais que, venu à des audaces sacrilèges, il dirigea ses entreprises contre les apôtres comme contre les autres.

XXIII

COMMENT RENDIT TEMOIGNAGE JACQUES, APPELÉ LE FRÈRE DU SEIGNEUR

Paul en ayant appelé à César et ayant été envoyé par Festus à la ville des Romains, les Juifs perdirent l'espoir en vue duquel ils lui avaient tendu des embûches ; et ils se tournèrent contre Jacques, le frère du Seigneur, à qui avait été remis par les apôtres le siège épiscopal de Jérusalem. Voici ce qu'ils eurent l'audace de faire encore contre lui. Ils le firent venir au milieu d'eux et lui demandèrent de renier sa foi au Christ devant tout le peuple. Mais Jacques contrairement à la pensée de tous, parla ouvertement, d'une voix libre, bien plus qu'ils ne l'attendaient, devant toute la multitude et confessa que notre Sauveur et Seigneur Jésus était le Fils de Dieu. Ils ne furent pas capables de supporter le témoignage de cet homme, parce qu'auprès de tous il avait la réputation d'être très juste à cause de la supériorité dont il faisait preuve dans sa vie sage et pieuse; et ils le tuèrent, mettant à profit l'absence de gouvernement, car à ce moment même Festus était mort en Judée et tout ce qui regardait l'administration du pays était alors sans ordre et sans surveillance.

Les circonstances de la mort de Jacques ont déjà été précédemment indiquées par les paroles de Clément que nous avons citées : celui-ci rapporte qu'il fut jeté du pinacle du temple et frappé à mort à coups de bâton. Ce qui concerne Jacques, Hégésippe qui appartient à la première succession des apôtres, le raconte de la manière la plus exacte dans le cinquième livre de ses Mémoires, dans les termes suivants :

 " Le frère du Seigneur, Jacques, reçut (l'administration de) l'Église avec les apôtres. Depuis les temps du Seigneur jusqu'à nous, tous l'appellent le Juste, puisque beaucoup portaient le nom de Jacques. Cet homme fut sanctifié dès le sein de sa mère; il ne but ni vin, ni boisson enivrante; il ne mangea rien qui eût vécu; le rasoir ne passa pas sur sa tête; il ne s'oignit pas d'huile et ne prit pas de bains. A lui seul il était permis d'entrer dans le sanctuaire , car il ne portait pas de vêtements de laine, mais de lin. Il entrait seul dans le temple  et il s'y tenait à genoux, demandant pardon pour le peuple, si bien que ses genoux s'étaient endurcis comme ceux d'un chameau, car il était toujours à genoux, adorant Dieu et demandant pardon pour le peuple.  A cause de son éminente justice, on l'appelait le Juste et Oblias, ce qui signifie en grec rempart du peuple et justice, ainsi que les prophètes le montrent à son sujet. Quelques-uns donc des sept sectes qui existaient dans le peuple (juif) et dont nous avons parlé plus haut dans les Mémoires , demandèrent à Jacques quelle était la porte de Jésus et il leur dit qu'il était le Sauveur. Quelques-uns d'entre eux crurent que Jésus était le Christ. Mais les sectes susdites ne crurent ni à sa résurrection, ni à sa venue pour rendre à chacun selon ses œuvres  : tous ceux qui crurent le firent par le moyen de Jacques.

" Beaucoup donc, et même des chefs ayant cru, il y eut un tumulte parmi les Juifs, les scribes et les pharisiens, qui disaient : Tout le peuple court le risque d'attendre en Jésus le Christ. Ils allèrent ensemble près de Jacques et lui dirent : Nous t'en prions, retiens le peuple, car il se trompe sur Jésus, comme s'il était le Christ. Nous t'en prions, persuade tous ceux qui viennent pour le jour de la Pâque, au sujet de Jésus : car tous nous avons confiance en toi. Nous te rendons en effet témoignage, ainsi que tout le peuple, que tu es juste et que tu ne fais pas acception de personne. Toi donc, persuade à la foule de ne pas s'égarer au sujet de Jésus. Car tout le peuple et nous tous, nous avons confiance en toi. Tiens-toi donc sur le pinacle du temple, afin que de là-haut tu sois en vue et que tes paroles soient entendues de tout le peuple. Car à cause de la Pâque toutes les tribus et même les Gentils se sont rassemblés.

" Les susdits scribes et pharisiens placèrent donc Jacques sur le pinacle du temple  et lui crièrent en disant : Juste, en qui nous devons tous avoir confiance, puisque le peuple se trompe à la suite de Jésus le crucifié, annonce-nous quelle est la porte de Jésus. Et il répondit à haute voix : Pourquoi m'interrogez-vous sur le Fils de l'homme  ? Il est assis au ciel à la droite de la grande puissance et il viendra sur les nuées du ciel.  Beaucoup furent entièrement convaincus et glorifièrent le témoignage de Jacques en disant : Hosannah au fils de David. Alors, par contre, les mêmes scribes et pharisiens se disaient les uns aux autres : Nous avons mal fait de procurer un tel témoignage à Jésus. Montons donc et jetons-le en bas, afin qu'ils aient peur et ne croient pas en lui. Et ils crièrent en disant : Oh ! oh ! même le juste a été égaré. Et ils accomplirent l'Écriture écrite dans Isaïe : Enlevons le juste parce qu'il nous est insupportable : alors ils mangeront les produits de leurs œuvres. Ils montèrent donc et jetèrent en bas le juste. Et ils se disaient les uns aux autres : Lapidons Jacques le juste et ils commencèrent à le lapider, car lorsqu'il avait été jeté en bas il n'était pas mort. Mais s'étant retourné, Jacques se mit à genoux en disant : Je t'en prie, Seigneur Dieu Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. Tandis qu'ils lui jetaient ainsi des pierres, un des prêtres, des fils de Réchab, fils de Réchabim, auxquels Jérémie le prophète a rendu témoignage, criait en disant : Arrêtez que faites-vous ? Le juste prie pour vous . Et quelqu'un d'entre eux, un foulon, ayant pris le bâton avec lequel il foulait les étoffes, frappa sur la tête du juste; et ainsi celui-ci rendit témoignage. Et on l'enterra dans le lieu même, près du temple et sa stèle demeure encore auprès du temple . Il a été un vrai témoin pour les Juifs et pour les Grecs, que Jésus est le Christ. Et bientôt après, Vespasien les assiégea. "

Voilà ce que raconte longuement Hégésippe, d'accord du reste avec Clément. Jacques était un homme si admirable et il était si renommé chez tous les autres pour sa justice, que même les Juifs raisonnables virent dans son martyre la cause du siège de Jérusalem qui le suivit immédiatement et qui, d'après eux, n'eut d'autre motif que le sacrilège osé contre lui. Josèphe n'hésita assurément pas à témoigner de cela par écrit et dit en propres termes :

" Cela arriva aux Juifs en punition (de ce qu'ils firent) à Jacques le juste, qui était le frère de Jésus, appelé le Christ, et que les Juifs tuèrent bien qu'il fût très juste. "

Le même rapporte aussi sa mort au vingtième livre des Antiquités en ces termes :

" César ayant appris la mort de Festus, envoya Albinus(3) en Judée comme gouverneur. Ananos le jeune, que nous avons dit avoir reçu le souverain pontificat, était hardi de manières et tout à fait audacieux; et il appartenait à la secte des Sadducéens, qui sont dans les jugements les plus cruels de tous les Juifs, comme nous l'avons déjà montré. Comme il était tel, Ananos, pensant avoir une occasion favorable dans la mort de Festus et tandis qu'Albinus était encore en route, fit siéger une assemblée de juges et cita devant elle le frère de Jésus, appelé le Christ (Jacques était son nom) et quelques autres; il les accusa de transgresser la loi et les condamna à la lapidation. Tous ceux qui, dans la ville, paraissaient les plus modérés et les plus exacts (observateurs) des lois, supportèrent difficilement cette sentence et envoyèrent en secret au roi (des messagers.) qui lui demanderaient d'interdire à Ananos d'agir ainsi et que lui diraient que jusqu'alors celui-ci n'avait pas agi de manière droite. Quelques-uns d'entre eux allèrent même à la rencontre d'Albinus qui arrivait d'Alexandrie et lui apprirent qu'il n'était pas permis à Ananos de faire siéger un tribunal sans son avis. Albinus, persuadé par ce qu'on lui disait, écrivit avec colère à Ananos en le menaçant de la prison, et le roi Agrippa lui enleva à cause de cela le souverain pontificat qu'il possédait depuis trois mois et mit à sa place Jésus, fils de Dammaeus. " Voilà ce qui se rapporte à Jacques, de qui est, dit-on, la première des épîtres appelées catholiques. Mais il faut savoir qu'elle n'est pas authentique : un petit nombre des anciens en font mention, comme de l'épître dite de Jude qui est, elle aussi, une des sept épîtres dites catholiques. Cependant nous savons que ces lettres sont lues publiquement avec les autres, dans un très grand nombre d'églises.

XXIV

COMMENT, APRÈS MARC, ANNIANUS FUT ÉTABLI PREMIER ÉVÊQUE
DE L'EGLISE D'ALEXANDRIE

Néron faisant la huitième année de son règne, le premier après Marc l'Evangéliste, Annianus reçoit la charge de l'Église d'Alexandrie .

XXV

LA PERSÉCUTION SOUS NÉRON,
SOUS LEQUEL A ROME PAUL ET PIERRE
FURENT HONORÉS DU MARTYRE POUR LA RELIGION

Lorsque le pouvoir de Néron était déjà affermi, celui-ci aborda des entreprises impies et s'arma contre la religion même du Dieu de l'univers. Ecrire de quelle scélératesse cet homme fut capable, ne serait pas de notre présent souci : comme beaucoup en effet ont raconté ce qui le concerne en des récits très exacts, il est possible à qui le désire d'apprendre d'eux la grossièreté et la folie de cet homme insensé, qui, sans raison, entassait des milliers de meurtres et en arriva à ce point de soif du sang qu'il n'épargna pas même ses proches ni ses amis; qu'il traita sa mère, ses frères, sa femme et mille autres qui lui étaient unis par le sang comme des ennemis et des adversaires et qu'il les fit périr par des genres de mort variés. En plus de tout cela il faut encore inscrire à son compte qu'il fut le premier des empereurs à se montrer l'ennemi de la piété envers Dieu. C'est encore le romain Tertullien qui le rappelle en disant :

" Lisez vos mémoires : vous y trouverez que, le premier, Néron a persécuté cette croyance, surtout au temps où, ayant soumis l'Orient entier, il se montra à Rome cruel envers tout le monde. Nous nous enorgueillissons de cette condamnation par un tel promoteur. Quiconque le connaît peut penser qu'une chose, si elle n'était pas un grand bien, n'aurait pas été condamnée par Néron. "

Ainsi donc, cet homme qui a été proclamé ennemi de Dieu, au premier rang parmi les plus grands, poussa la présomption jusqu'à assassiner les apôtres. On raconte que, sous son règne, Paul eut la tête coupée à Rome même et que semblablement Pierre y fut crucifié et ce récit est confirmé par le nom de Pierre et de Paul qui jusqu'à présent est donné aux cimetières de cette ville. C'est ce qu'affirmé tout autant un homme ecclésiastique, du nom de Gaïus, qui vivait sous Zéphyrin, évêque des Romains. Discutant par écrit contre Proclus, le chef de la secte cataphrygienne, il dit à propos des lieux où furent déposées les dépouilles sacrées des dits apôtres, ces propres paroles :

" Pour moi, je peux montrer les trophées des apôtres.

Si tu veux aller au Vatican ou sur la voie d'Ostie, tu trouveras les trophées de ceux qui ont fondé cette Eglise. "

Que tous deux ont rendu témoignage dans le même temps, c'est là ce qu'établit par écrit Denys, évêque de Corinthe, qui écrit aux Romains :

" Dans un tel avertissement, vous aussi avez uni les plantations faites par Pierre et par Paul, celle des Romains et celle des Corinthiens. Car tous deux ont planté dans notre Corinthe et nous ont semblablement instruits ; et semblablement, après avoir enseigné ensemble en Italie, ils ont rendu témoignage dans le même temps. "

Et cela, pour que soit encore confirmé ce qui se rapporte à mon récit.

XXVI

COMMENT LES JUIFS FURENT ENVELOPPES DE MILLE MAUX
ET COMMENT ILS DÉCLARÈRENT AUX ROMAINS
LA DERNIÈRE GUERRE

Josèphe rapporte encore d'innombrables détails au sujet du malheur qui fondit sur toute la nation des Juifs. Entre bien d'autres choses, il dit en propres termes qu'un très grand nombre parmi les Juifs distingués, après avoir été déshonorés par (la peine) du fouet, furent crucifiés à Jérusalem même par Florus. Celui-ci était procurateur de Judée lorsque la guerre recommença à s'allumer la douzième année du règne de Néron. Il dit ensuite que, dans toute la Syrie, après le soulèvement des Juifs, eut lieu un trouble terrible : partout ceux de ce peuple furent massacrés sans pitié comme des ennemis par les habitants de chaque ville; de sorte qu'on voyait les villes remplies de corps sans sépulture, des cadavres de vieillards jetés avec ceux des enfants, des femmes qui n'avaient même pas reçu de vêtements pour couvrir la pudeur; toute la province remplie de malheurs indicibles; la menace des maux à venir plus grande encore que les cruautés de chaque jour.

Voilà littéralement ce que dit Josèphe. Et ce que l'on faisait contre les Juifs était ainsi.

   

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