LA VIE
I
TABLE
Naissance et premières années
- La “grippe espagnole” -
L’opération surréaliste -
Intervention de sainte Rita -
Premiers stigmates -
Une histoire de mouchoir -
La stigmatisation complète -
La “sainte moniale” -
Guérison annoncée… -
La guérison - Fondation de l’Ordre
- Visite de la “Petite” Thérèse
- Subvenir aux besoins… -
Les billets de cinquante lires…
- La reconnaissance officielle
- La lettre à Benito Mussolini
- Et le rappel… -
Les visiteurs… vivants et morts

Elena Aiello naquit à Montalto Uffugo,
province de Cosenza, le 10 avril 1895, mercredi
de la Semaine Sainte. Elle était la fille de Pasquale Aiello et de Teresa
Paglilla.
La petite Elena vécut dans un milieu
familial très chrétien et exemplaire. Pasquale Aiello était considéré comme l’un
des meilleurs couturiers de la région. Il était décrit comme un homme d'une
honnêteté exceptionnelle, exquise dans les modalités, apparaissait et était un
parfait gentilhomme, qui respectait et était respecté. Il mourut en 1905, encore
jeune, laissant à sa bonne épouse huit enfants : Emma, Ida, Elena, Evangelina,
Elisa, Riccardo, Giovannina et Francesco ; une autre fille prénommée Maria Elena
était morte, un an avant son père, âgée d’à peine un an. Chacun, selon son
âge, aidait aux travaux de la maison et aux affaires des parents.
Elena avait bien vite démontré une
vive intelligence : à peine âgée de quatre ans, elle répondait déjà à un certain
nombre de questions de catéchisme.
En 1901, alors qu’elle
n’avait que six ans, elle fut envoyée chez les Sœurs du Très Précieux Sang, pour
y fréquenter l’école élémentaire et continuer son instruction religieuse. À
l’Institut des Sœurs, la petite Élena, après la prière, exprimait toujours le
désir de vouloir assister à la sainte Messe ; mais à l’Institut la Messe n'était
pas célébrée chaque matin, alors la petite Elena, lorsqu’elle le pouvait, allait
dans l'église voisine pour satisfaire son ardent désir.
Rentrée à la maison, après l’école,
elle aidait encore, sous la surveillance de sa sœur Emma, à préparer le repas. Les
sœurs de l’Institut, constatant ses progrès et avancement dans la connaissance
du catéchisme, commencèrent ― et cela pendant huit ans ― à la
prendre avec elles, pour l'habituer à enseigner à de plus petits la
doctrine chrétienne. Ses temps libres elle les consacrait aux autres travaux
domestiques et aux immanquables prières quotidiennes.
La Calabre, pendant la Première Guerre Mondiale, subit, comme
et peut-être plus les autres régions, des carences hygiéniques et sanitaires, ce
qui favorisa la propagation de la « grippe espagnole », laquelle sema sur son
passage, dans la région calabraise et dans tout le pays, désolation et mort.
Elena, en cette période, passait sa journée à assister les
infirmes, s'occupant même de la confection de caisses en bois pour enterrer
« chrétiennement » ― comme elle-même disait
― les malheureuses victimes de l’épidémie.
Pendant la période de
l'épidémie, maître Pasquale permit même qu'Elena passa la nuit à l’Institut avec
les Sœurs, par crainte qu’elle puisse transmette l’épidémie à toute la famille.
Et les Sœurs commencèrent à la considérer comme une des leurs, caressant l’idée
de l'accueillir au plus vite dans leur congrégation. Et son père, compte tenu de
la décision et de l'insistance d'Elena, maintenant que la tempête de
l'après-guerre était finie, lui accorda la permission d’embrasser la vie
religieuse. Et ce fut ainsi que le 18 août 1920, Elena fit son entrée officielle
chez les Sœur du très Précieux Sang.
Mais le séjour d’Elena à l’Institut des sœurs fut de courte
durée. En effet, un jour la Mère Générale, alors qu’elle descendait les
escaliers, aperçut Elena étendue par terre dans la laverie. Vite on la souleva
et on la mit au lit. On constata ensuite que l’épaule gauche était noire
jusqu’au cou. Le médecin fut appelé et celui-ci suggéra une intervention
chirurgicale. Mais on tarda à l’opérer, à cause d’une fièvre persistante. Les
sœurs décidèrent alors de faire intervenir le médecin de la Communauté, en
assumant toute responsabilité.
Le 25 mars 1921 (mardi saint), dans
le dortoir même, attachée à une chaise, Elena subit, sans anesthésie, pas même
locale, l’ablation de la chair noircie, tenant dans ses mains, pour garder le
courage, un crucifix en bois et sur son front une image de la Vierge des
Douleurs.
En même temps que de la chair
noircie, le médecin coupa aussi des nerfs, ce qui eut pour résultat de paralyser
l’épaule ainsi que la bouche qui restait serrée. L'impression laissée sur la
patiente fut terrible ; pendant environ quarante jours elle fut tourmentée par
des vomissements.
Mais le temps de la prise d’habits
approchait et Elena, au prix d’un grand effort et la blessure encore ouverte,
voulut se lever afin de suivre les exercices spirituels, dans l'espoir de vêtir
l’habit religieux.
Pour corriger le défaut de
l’épaule, elle réussit à mettre un bustier qui lui permettait de se redresser.
Mais, vue sa condition physique déplorable, le Père Directeur ne put rien faire
d’autre que de lui conseiller de rentrer chez elle, au sein de sa famille, afin
de se soigner convenablement, avant de revenir dans la Communauté.
Pendant cette période Elena nota dans
son cahier avoir reçu deux fois, peu de jours avant de quitter le monastère, de
la part du Seigneur, une invitation à la résignation, et d’accepter ce que Lui,
Il avait disposé pour elle, ainsi qu’une invitation à embrasser fermement la
croix qu’Il lui préparait.
Elena, entre-temps, avait grandement
dépéri, au point d’être méconnaissable. Elle ne pouvait ni se laver, ni se
coiffer : son bras gauche était paralysé et sur son épaule il y avait une plaie
qui bien vite commença à se remplir de vermine. Le père, très préoccupé de
l’état de sa fille, la conduisit à Cosenza chez un spécialiste. Le professeur
qui l'examina dit alors à la jeune demoiselle :
« Je ne
peux rien faire, ma fille, parce que tu as été saccagée : le médecin qui t'a
opérée... n'est pas un chirurgien ; il t’a coupé des nerfs... ; seul un miracle
pourrait résoudre ton état de santé ; maintenant ta plaie risque d’être atteinte
par la gangrène ! »
Quelque temps après, les médecins
imposèrent à Elena une visite soignée et une radiographie pour vérifier la cause
des graves dérangements gastriques qui continuaient à tourmenter la pauvre
fille. Elle fut reconduite par conséquent à l’Hôpital Civil de Cosenza, où un
cancer à l'estomac fut diagnostiqué.
Elena adressa alors une
fervente prière à sainte Rita
― la sainte de
l'impossible !
― lui demandant la
guérison de cette nouvelle maladie qui avait frappé son l'estomac. Pendant
qu’elle priait, elle vit la statue de la Sainte s’entourer d’une éblouissante
lumière. Dans la nuit, la Sainte lui apparut pour lui dire qu’elle aimerait que
l’on institue son culte pour raviver la foi des gens et demanda à Elena de
commencer un triduum en son honneur. Le lendemain, Elena revint à Montalto et
commença un triduum à sainte Rita. Celui-ci terminé, la vision se renouvela : le
triduum, disait la Sainte, devait être répété et alors elle serait guérie de son
mal d’estomac. Pour ce qui était de l’épaule, elle devait garder ce mal et
souffrir pour réparer pour les péchés des hommes.
En effet, le 21 octobre
1921, Elena eut la grâce de la guérison complète de sa tumeur gastrique.
Evangelina, une de ses sœurs, couchée dans la chambre voisine, vit, pendant
cette nuit-là, par la fente de la porte entrouverte, s’échapper une lumière
éclatante. Croyant qu’il s’agissait d’un incendie, elle accourut aussitôt dans
la chambre d’Elena. Elle s’assit sur le bord du lit et remarqua que sa sœur qui
paraissait assoupie, s’était plutôt évanouie. Alors, affligée, elle appela les
autres membres de la famille, car elle craignait aussi qu’elle ne soit morte.
Lorsque les autres membres de la
famille entrèrent dans la chambre, Elena était complètement éveillée et en
pleine santé. Elle leur raconta alors la visite de sainte Rita, la guérison, les
paroles de la vision ; ensuite, elle leur demanda quelque chose à manger.
Le 2 Mars 1923, premier
vendredi du mois, se produisit, pour la première fois, un phénomène
extraordinaire qui attira sur Elena l'attention de beaucoup de gens, de régions
même très lointaines. Cet événement se reproduira tous les ans, jusqu'à sa mort.
Le matin, après la communion, une voix interne lui annonçait à l'avance
l’imminence d’un nouveau genre de souffrance choisi pour elle par le Seigneur.
Vers quinze heures, elle
était au lit souffrant beaucoup à cause de la plaie carcinomateuse de son épaule
gauche ; le Seigneur, vêtu de blanc et portant la couronne d'épines lui apparut.
L’ayant invitée à participer à ses souffrances, Elena répondit affirmativement ;
alors le Seigneur enleva de son Chef la couronne et la posa sur la tête d’Elena.
À son contact, une abondante effusion de sang sortit. Le Seigneur lui indiqua
qu'Il avait besoin de cette souffrance pour convertir les pécheurs qui
commettaient pour beaucoup de péchés d'impureté, et qu’elle devait être victime
pour satisfaire la Divine Justice.
Une certaine femme nommée Rosaria,
domestique de la famille, après avoir terminé son service s’apprêtait à partir ;
ayant entendu des bruits suspects qui venaient de la chambrette d'Elena, elle
monta prudemment pour se rendre compte de ce qui se passait. Surprise, à la
vision de tant de sang, elle partit de suite prévenir la famille, croyant
qu'Elena avait été tuée.
Dès leur arrivée dans la chambre, et
devant ce spectacle étonnant, ils purent constaté la véracité des dires de la
domestique. Ils appelèrent alors les médecins et les prêtres du pays.
Le docteur Adolfo Turano essaya des
lavages, mais le sang continuait de couler de la tête d’Elena. Après trois
heures de saignements continus, le phénomène s’arrêta de lui-même. Tous
restèrent surpris, confondus, impressionnés parce qu'ils ne savaient pas
expliquer, d’aucune manière ce qui s'était produit.
Le deuxième vendredi de mars avant
quinze heures on fit venir le docteur Turano à la maison, ainsi que d’autres
personnes, afin de constater si le même phénomène allait se répéter. Et en
effet, exactement à la même heure le même phénomène se reproduisit. Alors, le
Docteur chercha à arrêter le sang avec un mouchoir, mais à ce contact, la peau
de la partie blessée s’irritait au point de faire grossir et s’élargir les
pores, ce qui causait de grandes douleurs à Elena.
Le troisième vendredi du même mois,
une dame de San Benedetto Ullano (D.
Virginia Manes), mère du docteur Aristodemo Milano, fut envoyée par son fils pour
constater le fait et tremper un mouchoir dans le sang. La femme, restée seule
dans la petite cellule d'Elena, lui sécha le front avec un mouchoir, qu’elle
plia ensuite et conserva. Revenue à San Bénedetto elle trouva inexplicablement
le mouchoir complètement propre et sans la moindre trace de sang. Le fils, après
avoir écouté le récit de sa maman se convertit et demanda à recevoir le baptême.
Dans une vision, le Seigneur,
répondant aux plaintes d'Elena pour tout ce qu’on lui faisait subir à cause de
la sueur de sang, lui expliqua que c’était Lui que la faisait souffrir ; qu’elle
devait être sa victime pour le monde ; qu'elle ne devait pas s’affliger à cause
du crucifix qui lui avait été enlevé et que de toute manière elle l’avait
toujours présent en son cœur et que pour le confirmer Il lui donnerait les
plaies de sa Passion, qui seraient visibles aux yeux de tous.
En effet, lors du quatrième vendredi
du mois de mars, Elena retrouva dans son corps ces mêmes plaies. Jésus lui dit
alors :
« Toi
aussi, tu dois me ressembler, car tu dois être la victime pour tant de pécheurs
et satisfaire à la justice de mon Père pour qu'ils soient sauvés ».
Vers cinq heures (dix-sept heures),
Jésus lui dit :
« Ma fille, regarde comme je souffre ! J'ai versé tout mon sang pour le monde et
maintenant il s’en va en ruine ; personne ne se rend compte des perfidies dont
il est recouvert. Considère l'acerbité de ma douleur causée par un si grand
nombre d’injures et de mépris que je reçois de tant de provocateurs et de
libertins... ».
Le vendredi suivant, à toutes les
autres plaies des mains et des pieds s'ajouta la blessure du côté. Le jour du
Corpus Domini la douleur aux plaies se renouvela avec une nouvelle effusion de
sang et, chose remarquable, les plaies, à la fin de l’extase, se cicatrisaient
parfaitement.
Les phénomènes cités ci-dessus,
n’affectaient en rien l’extraordinaire activité d’Elena, ni la normalité de sa
vie religieuse, ni l’accomplissement de ses fonctions de fondatrice et de
supérieure d’une nouvelle congrégation.
Les souffrances du vendredi saint se
produisaient habituellement avec l'absolue exclusion de tout curieux : les
portes de la maison restaient complètement closes. Le matin du samedi saint sœur
Elena était déjà, comme d’habitude, à sa place de prière, de travail, de
responsabilité, comme si rien n’était arrivé.
Il faut dire que ces phénomènes ne
facilitèrent en rien ses rapports avec les autorités ecclésiastiques, bien au
contraire, ils furent parfois source de chagrins et d’humiliations. Mais, les
gens du peuple — et pas seulement du peuple — venaient vers elle pour lui
demander de l’aide dans leurs tribulations et lui demander conseil avant des
décisions importantes.
Quand quelqu’un demandait
après « Sœur Elena Aiello », pour en demander l’adresse, on voyait sur le visage
de l’interpellé comme une expression de méconnaissance, comme quelqu’un qui
entend un tel nom pour la première fois. Par contre, quand on demandait où
habitait la « sœur qui sue du sang », on s’entendait répondre bien vite : « Ah !
oui, vous cherchez la sainte moniale ? » Alors, la réponse était immédiate et
précise. Et des années durant, jusqu’à sa mort, elle fut connu sous ce nom : “la
sainte moniale“.
Elena annonça plusieurs fois qu’elle
serait guérie de son mal d’épaule. Dans une lettre datée du 10 mai 1924 et
adressée à Monseigneur Mauro, elle disait :
« Révérend Père, hier vers quinze
heures, Jésus m’est apparu et m’a dit : “Ma chère fille, veux-tu guérir ou bien
veux-tu souffrir ?” Alors j’ai répondu : “Souffrant avec vous, mon Jésus, on
peut tout souffrir”. Et Jésus me dit encore : “Eh ! bien, je te guérirai, mais
chaque vendredi, je te ferai entrer dans les ténèbres ; tu me seras ainsi plus
proche”. Après m’avoir dit cela, Il disparut.
De même au docteur Adolfo Turano
appelé par la famille suite à l’aggravation de l’état de l’infirme, Elena
raconta que quelques jours auparavant, lors d’une vision où elle vit saint Rita,
celle-ci lui annonçait sa guérison pour le 22 mai, dans le courant de
l’après-midi.
Le Docteur, étant donné l’état de sa
patiente, pensa qu’elle délirait, et en fit part de ses doutes à la famille
réunie.
Le 22, alors qu'Elena avec grande
force d'esprit, essayait, s’aidant d’un miroir, d’enlever la vermine qui
fourmillait dans la plaie de son épaule gauche, le miracle se produisit. Voici
la description qu’en fit Emma, la sœur d’Elena :
« … Quand j’ai entrepris d’extraire
[la vermine de son épaule], j’ai utilisé la même méthode qu’Elena : le
cure-dents. J’écartais la peau qui entourait les plaies profondes et je les
faisais sauter avec le cure-dents, mais plus j'en enlevais, plus il y en avait !
Ensuite je déposais une poudre jaune que l’on m'avaient conseillée, mais
sans aucun résultat.
Elena supportait avec résignation ce
tourment, mais sa foi en sainte Rita était incalculable. Elle avait la certitude
de guérir ; mais tous n’étaient pas prêts à le croire. Cela faisait déjà trois
ans ! Dans la nuit du 21 mai 1924, Elena rêva que sainte Rita lui disait qu’elle
serait guérie le lendemain à quinze 15 heures.
En ce mois de Marie-là,
comme dans les précédents jours nous récitions le Rosaire… Le Rosaire terminé,
Elena commença à prier devant la statue dont la porte qui la protégeait était
ouverte. Aidée par moi, elle se leva et s’approcha de la statue. Nous eûmes
l'impression que la main tendue de sainte Rita – celle qui tenait le crucifix –
s'était écartée pour rejoindre la main du côté blessé d'Elena et la lui
soulever, et qu'une vibration secouait la statue et sa protégée. Elena, devant
notre étonnement et notre incrédulité, répétait : « Je suis guérie ! Je suis
guérie ! »… Lorsque je me suis penchée pour voir la plaie, elle était fermée, ne
restait plus qu’une simple cicatrice.
En 1926 les souffrances des vendredis
du mois de mars et du vendredi saint se répétèrent régulièrement. Le Seigneur,
dans les visions, manifestait clairement à Elena qu’Il voulait que l’Oeuvre soit
commencée.
En 1928, âgée alors de 33 ans, Elena
fonda l’Ordre des Sœurs Minimes de la Passion de Notre Seigneur
Jésus-Christ.
A cette époque, même si tous l’appelaient sœur, elle ne l’était pas encore
canoniquement. Mère Elena n’a pas connut les étapes canoniques qui aujourd'hui
règlent le chemin de la formation à la vie religieuse. Ce ne fut que 3 octobre
1949, alors qu’elle comptait déjà 54 ans, qu’elle fit les vœux perpétuels, entre
les mains de Monseigneur Aniello Chaufour, Archevêque de Cosenza.
Le premier travail du nouvel
Ordre religieux fut celui de l’éducation des enfants du peuple. On recueillit
une centaine d'enfants que l’on instruisit, éduqua à l’asile ou à l’école de
broderie et que l’on prépara pour la première Communion.
Dans un
premier temps, sœur Elena, aidée par sœur Gigia, "ramassait" dans les maisons
les enfants et les jeunes filles, les rassemblait dans l’église de Notre-Dame de
Lorette et les instruisait des vérités religieuses et les préparait pour la
Première Communion.
L’œuvre, bénie par Dieu et encouragée
par les autorités ecclésiastiques, fut applaudie par toute la ville de Cosenza
qui ne manqua pas de l'encourager et de la soutenir avec la coopération de la
charité chrétienne. Un an plus tard, 24 enfants étaient déjà hébergés.
Ce fut ainsi
que, faisant confiance à la Providence, Elena fonda l’ordre demandé par le
Seigneur et, avec la plus grande tranquillité, elle s’occupait, jour après jour
à accomplir ses devoirs de religieuse et de Supérieure, vis-à-vis des petits et
de la communauté. Toute la vie d'Elena fut une démonstration continue de cette
foi ardente et de cette tranquillité inaltérable de caractère, qui provenaient
de l’abandon complet à Dieu. Foi opérante et continuellement ancrée sur la
charité du Christ. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus montra parfois sa
complaisance envers la petite communauté qui lui était confiée. Elle se montra
même un jour, toute souriante, à toutes les petites qui travaillaient dans
l’atelier, tout en récitant des prières. Le tapage qui s’ensuivit fit accourir
sœur Elena, laquelle se trouvait alors à l’étage. Les fillettes étaient toutes
excitées parce qu’elles « avaient vu » la sainte Carmélite. Remontant à l’étage,
Elena reçut la grâce d’un sourire tendre et céleste de la part de sainte Thérèse
de l’Enfant-Jésus.
La pauvreté de la maison et son
délabrement n’étaient pas choses indifférentes à Elena ; mais là encore, une
aide inattendue vint récompenser son indéfectible confiance en la divine
Miséricorde.
En effet, le fondateur et directeur
de la Caisse Rurale locale, mit à sa disposition les vieux locaux de sa banque.
Sœur Elena et sœur Gigia, transférèrent alors leur l’Institut dans ces locaux,
beaucoup plus vastes, ce qui leur permit d’accueillir, par la même occasion, un
plus grand nombre d’orphelins et de religieuses.
Mais ce qui est le plus
frappant, c’est l’aide apportée à l’œuvre par les petites gens, c’est-à-dire,
les plus pauvres. Toutefois, il en fallait d’avantage pour équilibrer et assurer
un budget suffisant pour couvrir les charges incompressibles et quotidiennes ;
mais la Providence veillait et, rien de ce qui était indispensable aux besoins
quotidiens ne manqua jamais.
Le 11 septembre 1935, il n'y avait
vraiment rien en cuisine pour le déjeuner…
Pendant
que sœur Angéla venait demander de l’argent à la Supérieure, un prêtre entra
dans la maison et demanda à célébrer la Messe, se rendant de suite dans la
sacristie. Sœur Elena qui n’avait pas le moindre sou, demanda à sœur Angéla
d’aller assister à la Messe, espérant que le Seigneur, de quelque façon que ce soit,
pourvoirait à ce problème du moment.
La prière fervente d’Elena, des sœurs
et des orphelins fut vite exaucée par le Seigneur : après l’élévation, un parfum
exquis se répandit dans toute la chapelle, comme si le bon Dieu voulait ainsi
signaler l’obtention de la grâce demandée.
Elena récitait alors l’Office de la
Vierge et dans son livret, entre deux images pieuses ― celle de
la Madone des Douleurs et celle de saint Thérèse de l’Enfant-Jésus
―, elle trouva un billet de 50 lires. Or, elle était sûre
qu’elle ne l’y avait jamais placé elle-même, depuis qu’elle s’en était servie le
soir précédent.
La Messe
terminée, elle remit à sœur Angéla les 50 lires, pour les dépenses de la
journée. Puis, elle retourna dans la chapelle, avec les sœurs et les enfants,
pour remercier le Seigneur de les avoir exaucées et le prier de « refaire le
même prodige le lendemain, afin de prouver qu’il ne s’agissait aucunement d’un
oubli, mais d’une vraie grâce accordée et, que les 50 lires avaient été
réellement envoyées par la Providence ».
Le soir même, lorsque la Communauté
se réunit pour les dernières prières, le même parfum se répandit dans la
chapelle. Les sœurs ― avec foi, mais aussi quelque curieusité
naturelle ― ouvrirent de nouveau le livret et entre les deux images
pieuses elles trouvèrent un autre billet de cinquante lires, avec un petit
message, écrit au crayon vert dans le rond blanc : « 50+50=100 » et quelques
lettres de l'alphabet grec.
Le lendemain matin, Elena raconta
l’épisode à son confesseur, le chanoine Mazzuca, lequel voulut examiner le
billet de cinquante lires, mais le message de la veille avait disparu.
En 1934, à la veille de la fête de
saint Joseph, on devait payer l’achat d’un quintal d’huile. Sœur Elena
― qui n’avait pas la somme requise pour cet achat
― rassembla ses orphelins autour de l’autel et, ensemble,
ils prièrent ce grand Saint, Chef de la Sainte Famille de Nazareth, de venir à
leur aide. Et, cette foi ― qui « ferait
déplacer les montagnes» ― fut exaucée.
En effet, le soir même, un
bienfaiteur se présenta à l’Institut et offrit à Elena la somme exacte dont elle
avait besoin pour s’acquitter de sa dette.
Mais, ces faits étaient courants au sein
de cette « Maison demandée par le Seigneur ».
Un jour ― cela se
passa dans l’actuelle Maison Généralice, en 1937 ― Elena
se rendit compte qu’il manquait du pain et, mentalement elle adressa une
prière fervente au Seigneur : au même moment un garde municipal frappa à la
porte et remit gracieusement à l’Institut 36 kg de pain, réquisitionné le matin
même.
En janvier 1948, par un décret
émanant du Secrétariat de la Sacrée Congrégation pour les Religieux, l’Institut
des Sœurs Minimes de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ fut élevé au rang
de Congrégation de Droit Pontifical. L’Institut obtînt ainsi la reconnaissance
juridique, par un Décret Présidentiel du 8 juillet 1949.
Sœur Elena ouvrit ― à
divers endroits, en Italie ― dix-huit maisons.
Pendant plusieurs années les Sœurs
eurent une Maison à Pentone (Catanzaro), ouverte le 10 février 1952, avec asile
enfantin et atelier de coupe, couture et broderie.
Elles en eurent une autre
― pendant peu de temps ― à Pietrapaola, qu’elles
quittèrent le 31 août 1953.
Partout, aux activités spécifiques de
la Congrégation (éducation des enfants), les Sœurs, toujours unies à la Maison
Généralice, œuvraient dans les paroisses, enseignant le catéchisme, participant
à l’action catholique et favorisant la « Messe de l’enfant ».
La renommée de sainteté de la
« sainte moniale » était telle que le Préfet Guido Palmardita parla de sœur
Elena
à Benito Mussolini,
fut vivement intéressé. Il
envoya même une aide sensible à la Maison de Cosenza. Ceci est un précédent qui
explique la perplexité créée chez le Duce par la lettre que sœur Elena lui fit
parvenir à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Cette lettre fut publiée le
19 Mars 1956 par le « Journal d'Italie ». « Cosenza, 23 Avril 1940.
« Au Chef du
Gouvernement Benito Mussolini, Duce,
Je viens à Vous
au nom de Dieu pour vous dire ce que le Seigneur m'a révélé et qu'il veut de
vous. Je ne voulais pas écrire, mais hier, 22, le Seigneur m'est apparu de
nouveau en m'imposant de vous faire savoir ce qui suit :
“Le monde est en
ruine à cause du grand nombre de péchés et particulièrement ceux d’impureté qui
sont arrivés à leur comble devant la Justice de mon Père céleste.
Donc, tu devras
souffrir et être victime expiatrice pour le monde et particulièrement pour
l’Italie, où se trouve le siège de mon Vicaire. Mon Règne est un règne de paix ;
le monde, quant à lui, est en guerre.
Ceux qui
gouvernent les peuples sont obnubilés par l’acquisition de nouveaux
territoires ! Pauvres aveugles !... Ils ne savent pas que là où Dieu est
mis à l’écart il ne peut y avoir de
conquête ! Dans leur cœur il n’y a que méchanceté et ils ne font que m’outrager
et me mépriser ! Ils sont des démons de discorde, des destructeurs des peuples
et cherchent à renverser, dans ce terrible fléau,
l’Italie où Dieu se trouve au milieu de tant d’âmes et où réside son Vicaire, le
Pasteur Angélique.
La France, très chère à mon Cœur, à cause de ses si nombreux péchés, tombera
vite en ruines et sera à son tour ravagée comme Jérusalem ingrate. Pour
l'Italie, parce que le siège de mon Vicaire s’y trouve, j’ai envoyé Benito
Mussolini, afin de la sauver de l’abîme vers lequel elle se précipitait.
Autrement, elle se trouverait dans les mêmes conditions que la Russie. Au milieu
de tant de dangers je l’ai toujours sauvée ; maintenant il doit maintenir
l’Italie hors de la guerre, parce que l'Italie est civile et est le siège de mon
Vicaire sur la terre. S’il fait cela je lui accorderai des faveurs
extraordinaires et je ferai que toutes les autres Nations s’allient à lui. Il a
par contre décidé de déclarer la guerre, mais il faut qu’il sache que s’il ne
l’empêche pas, il sera puni par ma Justice !”.
Voilà ce que m’a
dit le Seigneur. Ne pensez surtout pas, ô Duce, que je m’occupe de politique. Je
ne suis qu’une pauvre sœur occupée à l’éducation des petits abandonnés et qui
prie beaucoup pour votre salut et le salut de notre Patrie.
Je suis, avec une
sincère estime,
Sœur Elena Aiello ».
La lettre fut remise à la sœur du
Duce, Edwige Mancin Mussolini, le 6 mai 1940 ; et elle-même la remit à Mussolini
quelques jours plus tard.
Le 15 mai 1943, Mère Elena envoya à
Edwige Mussolini la lettre suivante :
« Excellence,
Mon long silence
vous a peut-être fait penser que je vous avais oubliée, alors que je pense à
vous chaque jour dans mes pauvres prières, en suivant toujours les douloureux
événements de notre belle Italie.
Nous nous
trouvons hors de Cosenza, à cause des bombardements. La barbarie ennemie a
épanché sa haine, en lâchant des bombes sur la ville de Cosenza, causant
dévastation, douleur et morts parmi la population civile.
Je me trouvais au
lit, prise de souffrances : trois bombes sont tombées près de notre Institut,
mais le Seigneur, par son infinie bonté et par sa miséricorde, nous a sauvées.
Afin de tenir les
enfants éloignés du dangers de nouvelles incursions, nous nous sommes réfugiés à
Montalto Uffugo, mon pays natal, où nous ne sommes certes pas à l’aise, mais
nous offrons tout cela au Seigneur, pour le salut de l’Italie.
La raison de cette lettre est de me tourner une nouvelle fois vers vous, comme
au mois de mai 1940, lorsque je vins à Rome, présentée par la Baronne Ruggi,
pour vous délivrer, dans un écrit, les révélations que j’avais eues du Seigneur,
en ce qui concerne le Duce.
Rappelez-vous,
quand le 6 mai de 1940 nous disions que le Duce avait pris la décision de faire
la guerre, alors que le Seigneur, par ma lettre, lui faisait savoir qu’il devait
sauver l’Italie de la guerre, autrement il subirait les rigueurs de la divine
Justice ?
“Au milieu de
tant de dangers ― disait Jésus ―
je l’ai toujours sauvée ; maintenant il doit maintenir l’Italie hors de la
guerre, parce que l'Italie est civile et est le siège de mon Vicaire sur la
terre. S’il fait cela je lui accorderai des faveurs extraordinaires et je ferai
que toutes les autres Nations s’allient à lui. Il a par contre décidé de
déclarer la guerre, mais il faut qu’il sache que s’il ne l’empêche pas, il sera
puni par ma Justice !”
Ah !... si le
Duce avait écouté les mots de Jésus, l'Italie ne se serait pas trouvée
maintenant dans une aussi triste situation ! ... Je pense que le Duce doit être
très attristé de voir l’Italie, un jardin fleuri, transformée en désert, bondé
de souffrances et de morts
Mais pourquoi
continuer cette guerre terriblement cruelle, si Jésus a dit que personne
n’aurait la vraie victoire ?
C’est
pourquoi, ma très chère Donna Edwige, je vous demande de dire en mon nom au Duce
que celui-ci est le dernier avertissement que le Seigneur lui envoie. Il pourra
encore se sauver s’il met tout entre les mains du Saint-Père. S’il ne fait pas
cela
―
disait
le Seigneur
―
bientôt
la divine Justice tombera sur lui. Même les autres Chefs d’État qui n'écouteront
pas les avis et les directives de mon Vicaire seront atteints et punis par ma
Justice. Vous souvenez-vous, quand le 7 juillet de l’année dernière vous me
demandiez ce qu’il adviendrait au Duce. Et je vous ai répondu que s’il ne se
maintenait pas allié au Pape, il finirait pire encore que Napoléon ? Maintenant
je vous répète les mêmes mots : Si le Duce ne sauve pas l'Italie en se remettant
à ce que lui conseillera de faire le Saint-Père, bien vite il tombera. Même
Bruno demande le salut de l’Italie et celui de votre frère.
Le Seigneur dit
souvent que l'Italie sera sauvée par le Pape, victime expiatrice de ce fléau,
et qu’il n’y aura pas d’autre voie pour la paix et le salut des peuples en
dehors de ce qui sera tracé par le Saint-Père.
Chère Donna
Edwige, réfléchissez bien à tout ce qu’a dit le Seigneur et qui s’est
parfaitement réalisé. Qui a causé la ruine de l’Italie ? N’est-ce pas le Duce
qui n’a pas voulu écouter les paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ ?
Il pourra encore
y remédier, en faisant ce que dit le Seigneur. Quant à moi, je continuerai de
prier ».
Les personnes
qui venaient voir Mère Elena, étaient de plus en plus nombreuses et venaient de
plus en plus loin. Elles venait chercher auprès d’elle un rayon de lumière à
leurs angoisses, un soulagement à leurs douleurs, une parole de foi à leur
abattement apparemment sans issue.
Elena savait écouter silencieuse la
manifestation des âmes en peine, et savait à quel moment et comment leur parler.
Elle ne cherchait point à enfermer ou à noyer la peine dans l’oubli, mais plutôt
à lui donner une assise et à l'anoblir par la foi et par l'espérance. Le plus
souvent on recourait à sœur Elena alors que la mésaventure n’était encore qu’une
menace. Alors elle priait et promettait les prières de ses enfants, disposant
les esprits tourmentés à l’espérance ou à la résignation.
Voilà pourquoi les bienfaiteurs se
sentaient toujours des débiteurs envers « 'la sainte moniale » : ils recevaient
d’elle bien plus qu’ils ne pourraient jamais lui offrir, ou offrir à l’Institut.
Combien de familles confiaient à sœur
Elena, comme s’il s’agissait d’un paratonnerre, leurs souffrances et leurs
problèmes ! Combien grande était la confiance qu’ils avaient en elle et dans
la valeur inestimable de ses humbles prières !
Il n’était pas rare qu’elle parlât des
visites, des entretiens ou des colloques qu’elle avait eus pendant la nuit, avec
des défunts qui de leur vivant avaient eu des rapports particuliers avec elle ou
avec l’Institut.
Ce fut ainsi que, vingt jours après
le décès d’une personne de sa connaissance ― la mère du prêtre
don Franco ― et qu’elle trouva assise dans sa chambre,
elle parla tranquillement pendant environ une vingtaine
de minutes.
Un matin, très tôt, toute la
Maison Mère fut réveillée par un grand bruit, comme un grand coup qui aurait
ouvert la porte de la chambre de sœur Elena. Accourus en hâte, ils trouvèrent la
mère très calme, comme d'habitude et qui se mit à leur raconter la visite
qu’elle venait de recevoir :
Il s’agissait de feu don Vincenzo
Donnarumma, ex-directeur spirituel de la Congrégation, qui était venu la
remercier, ainsi que toute la Communauté, pour les intenses prières adressées à
Dieu pour le salut de son âme.
La pensée de la patrie céleste était
continue chez sœur Elena qui parlait souvent de sa propre mort. En 1961 aux
habituelles souffrances physiques vint s’ajouter une forte fièvre continue, que
les médecins ne réussirent pas à expliquer et à éliminer.
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