Contardo naquit le 4 avril 1859, un an jour pour jour après le mariage chrétien de ses parents, Rinaldo Ferrini et Luigia Buccellati. Le père était professeur de physique générale et de technologie au Politecnico de
Milan, et passa à son fils la contagion du travail acharné et persévérant. Contardo fut baptisé le jour-même de sa naissance.
Il ne fut pas, comme on lécrit parfois de certains Saints médiévaux, consommé en sainteté dès le plus jeune âge ; polisson à sa manière, il ne se fit pas scrupule de jeter un jour au fond du puits une paire de pantoufles, cédant à quelque caprice coléreux ou même seulement pour jouer un tour mal placé.
Toujours est-il quil fit la première Communion à douze ans, lâge habituel à cette époque. Dans quels sentiments ? On peut en avoir une intuition par ce quil écrivit quelques années plus tard à sa sur cadette, qui à son tour se préparait à communier pour la première fois :
Un pacte éternel, ineffable, où nous nous engageons à ne vouloir que le bien
, une promesse dimpérissable amour qui nous fasse passer à travers le monde sans pouvoir comprendre même comment le mal y soit possible ; après quoi il ne reste plus quà soupirer vers la plénitude de notre adoration dans le ciel.
A lécole, Contardo se fit remarquer par une mémoire prodigieuse, une habileté à versifier et à saisir les choses abstraites. On le surnommait Aristote. Jeune lycéen, il sen alla demander des leçons dhébreu, de syriaque, de sanscrit et de copte. A dix-sept ans, on le trouve à Pavie étudiant de droit auprès de son oncle, don Buccellati, professeur de droit pénal.
Contardo était pensionnaire du collège Borromeo, où les horaires et la discipline pouvaient faire penser à Oxford ou Cambridge, mais aussi où les élèves avaient comme partout leur langage, leurs grivoiseries. Contardo les évita scrupuleusement. En hiver, quand seules les salles communes étaient chauffées, il préférait rester dans sa chambre :
Seigneur, plutôt le malheur que la faute ; une vie entière de larmes quune heure de rire inconvenant.
On rejoint ici la résolution du jeune
Domenico Savio : La mort, mais pas le péché
1. La moindre allusion douteuse amenait sur sa figure une grimace. Il ne regardait jamais les gens en face, nallait pas aux fêtes mondaines, aux soirées. En wagon, un vis-à-vis féminin lincitait à changer de place. Jeune, il portait un cilice et se confessait tous les jours. Le futur Pie XI, qui le connut bien quand il nétait que Mgr Ratti, écrivait de lui :
(On avait) limpression de quelque chose de vraiment délicat en fait de vertu et de vraiment virginal, qui se dégageait de toute sa personne.
Avec le temps, Contardo saffirma dans la paix et fut moins tendu. Au reste, il ne voulait pas être mélancolique. Il sefforçait de garder le sourire, ce sourire dont il écrivit un jour que cest souvent un acte dhéroïsme, le comble de labnégation. Lété 1881, à vingt-deux ans, il fit le vu de chasteté, avec lapprobation de son directeur de conscience.
Sa thèse de doctorat brillamment soutenue à Pavie en 1880 lui valut une bourse de voyage. Il avait présenté une savante dissertation en latin sur limportance dHomère et dHésiode pour lhistoire du droit pénal. Il alla dabord à Berlin, fréquenta de grands juristes qui lapprécièrent particulièrement. Le professeur luthérien von Lingenthal devait le choisir pour héritier de son uvre scientifique.
Contardo navait pas dambitions humaines, lucratives, mondaines. Il voulait trouver et enseigner la vérité. Il préféra se spécialiser dans des matières ardues comme le droit pénal romain et le droit byzantin.
En 1881, il entreprit une édition critique de la paraphrase grecque des Institutes de Justinien, et dut en chercher les manuscrits à Copenhague, Paris, Rome, Florence et Turin. En 1883, il fut chargé à Pavie dun cours dhistoire du droit pénal romain, puis on créa pour lui une chaire dexégèse des sources du droit romain. On le voit enseigner à Messine en 1887, à Modène en 1890, de nouveau à Pavie en 1894, où il enseigna le droit romain, le droit et la procédure pénale, lhistoire du droit pénal romain, les institutions du droit romain, et fit aussi un cours libre pour lexégèse des Institutes de Justinien, son cours de prédilection.
Ses élèves appréciaient ce professeur qui savait se mettre à leur disposition. Hors des cours, Contardo était affable, doux, toujours disposé à conseiller et à aider. Cétait un travailleur acharné, dont Mgr Ratti - déjà cité, écrivait :
Un travail scientifique au suprême degré
que Ferrini accomplissait avec un zèle passionné, mais que lon peut bien classer parmi les plus arides, se déroulant presque tout entier sur des textes antiques, des écritures difficiles à déchiffrer et encore plus difficiles à comprendre
Il lisait à première vue
du latin, du grec, du syriaque ; car il passait avec la plus grande aisance dune langue à lautre.
Contardo saffirma, simposa avec une douceur humble. Sa docilité aux directions pontificales fut irréprochable. En 1895 il fut élu conseiller municipal de Milan et se montra excellent dans cette charge, luttant vaillamment pour les bonnes causes de son temps, contre le divorce et pour sauver lenfance abandonnée.
En famille, ce savant restait petit garçon prêt aux menues corvées que lui commandait sa mère. Il laissait son travail pour mettre la table ou descendre à la cave, plaquait ses livres pour ramasser du bois. Pour son père il avait un profond respect. Souverainement discret, sil recevait quelque compliment, il répondait avec un sourire Lascia andare !, littéralement Laisse aller, comme pour dire : aucune importance.
Il avait le sens de la liturgie, savait faire honneur à la messe quotidienne ; son immersion dans la contemplation du Tabernacle avait quelque chose de lextase, durant laquelle on pouvait lui dérober même son manteau sans quil réagît. Détaché de la terre, il prêta sans difficulté à un ami toutes ses économies, quelque chose comme 30 000 francs or, que lautre engloutit dans une mauvaise affaire ; aucune protestation de la part de notre Contardo.
Il avait un horaire quotidien très réglé. A Pavie il logeait chez sa sur, à trois kilomètres de la ville. Levé à cinq heures et demie ou six heures, il regagnait sa chambre à vingt-deux heures. Il faisait ses dévotions à Pavie, déjeunait chez son beau-frère et faisait son cours en veston sombre et gants noirs. Fini son travail, il allait à la bibliothèque ou à léglise. Il rencontrait lévêque, recevait les élèves qui voulaient lui parler, rentrait à pied chez sa sur. La soirée sachevait par le chapelet en famille. Un dimanche quon le demandait, le portier répondit : Les jours de fête, le professeur nest pas facile à trouver chez lui. Il est toujours à léglise, où il a tant de choses à faire.
Tertiaire franciscain, il sétait fait un petit règlement de vie :
Je chercherai à être un modèle de mansuétude, de douceur, de charité et dhumilité. Je réparerai chaque manquement par un redoublement dattention
Pour le café, je me tiendrai indifférent et, si possible, je ne le sucrerai pas
Je résisterai au désir des sucreries
Durant le jour, je ferai une visite à Jésus dans le Saint Sacrement
Je me tiendrai en union avec lui tout le jour par de fréquentes aspirations et une grande pureté dintention
La charité spirituelle pour les autres sera mon premier souci
Voyons sil réussit dans ces intentions, en lisant ce quen décrivait le même Mgr Ratti :
De moyenne stature, solide, harmonieuse, élégante de ligne ; le pas rapide, mais ferme, le pas dun marcheur qui en a lhabitude et qui sait où il va ; la plume toujours prête et savante, la parole aisée et persuasive ; sur le visage un air de gaieté toujours égale et qui ne labandonna jamais jusquà la veille de sa mort ; mais surtout, sur ce visage, un rayonnement de pureté et daimable jeunesse. Son regard avait toutes les douceurs de la bonté de son cur excellent ; ses yeux, son vaste front portaient léclatant reflet dune intelligence vraiment souveraine.
On complétera ce beau portrait un ajoutant quil portait de fortes moustaches, une barbe dense, assez courte, plutôt en pointe, de coloration foncée et des cheveux courts. En somme, un homme soigné, propre, qui faisait honneur à ses interlocuteurs.
Une fièvre typhoïde lenleva rapidement à Suna (près de Novare), en 1902, quand il navait que quarante-trois ans. On a pu le comparer au Bienheureux
Ozanam, mort jeune aussi en 1853, et père infatigable des Conférences Saint-Vincent-de-Paul.
Contardo Ferrini a été béatifié en 1947. Il est mentionné au Martyrologe Romain au jour de sa mort, le 17 octobre.
1 Saint Domenico Savio, mort à quinze ans, est au Martyrologe Romain le 9 mars. Il est le Patron de la jeunesse. |