INDEX
CLI
Excellence de la pauvreté spirituelle, et comment
Jésus-Christ en a donné l'exemple.
CLII
Résumé de ce qui a été dit sur la providence.
CLIII
L'âme remercie Dieu et le prie humblement de lui dire
quelque chose sur la vertu d'obéissance.
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1. Je veux, ma fille, te faire comprendre davantage
le trésor de la pauvreté volontaire spirituelle. Qui en connaît la valeur ?
Les pauvres, mes serviteurs bien-aimés, qui, pour marcher plus facilement et
pour entrer par la porte étroite, rejettent le fardeau de la richesse. Les
uns le font réellement et mentalement, ils observent les préceptes et les
conseils de fait et d'esprit ; les autres gardent les préceptes réellement
et les conseils mentalement, ils se dépouillent seulement de l'amour des
richesses ; ils ne les possèdent pas avec un amour déréglé, mais avec une
sainte crainte, tellement qu'ils n'en sont pas les possesseurs avares, mais
qu'ils en sont les distributeurs pour secourir les pauvres.
2. Les premiers sont plus parfaits que les seconds
parce qu'ils sont plus libres et portent des fruits meilleurs ; ils font
briller davantage ma providence, comme je te l'expliquerai en te parlant de
la vraie pauvreté. Les uns et les autres baissent humblement la tête et se
font saintement petits. Je t'ai déjà parlé des seconds ; je vais
t'entretenir seulement des premiers.
3. Je t'ai montré que tout le mal, toutes les peines
dans cette vie et dans l'autre viennent de l'amour déréglé des richesses :
tu sauras qu'au contraire tout bien, toute paix, tout repos naît de la vraie
pauvreté. Contemple mes chers pauvres, et admire dans quelle joie sainte
ils passent leurs jours ; jamais ils ne sont tristes que des offenses qui me
sont faites, et cette tristesse, au lieu de les affliger, nourrit leur âme.
Ils ont par la pauvreté, trouvé la richesse suprême ; ils ont quitté
d'épaisses ténèbres pour jouir de la lumière parfaite. Parce qu'ils ont
abandonné la misère du monde, ils jouissent d'une joie sans borne, et ils
échangent contre des biens méprisables des trésors immortels. Aussi
goûtent-ils une grande consolation à souffrir pour la justice.
4. Leurs rapports avec les créatures raisonnables
sont pleins d'amour, et ils ne font acception de personne. Où brillent la
vertu et l'espérance, si ce n'est où brûle le feu d'une vraie charité ?
Aussi, à la lumière de la foi qu'ils ont puisée en moi, qui suis l'éternelle
et souveraine Félicité, ils ont renoncé aux espérances et aux consolations
du monde, et ils ont embrassé comme une tendre épouse la vraie pauvreté avec
toutes ses servantes. Les servantes de la pauvreté sont l'abaissement, le
mépris de soi-même et l'humilité sincère qui servent et nourrissent dans
l'âme l'amour de la pauvreté.
5. C'est cette fidèle espérance et cette ardente
charité qui poussent mes vrais serviteurs à fuir les vanités du monde, les
richesses et leur propre satisfaction : c'est en les méprisant que mon
glorieux apôtre saint Matthieu quitta brusquement sa banque et laissa les
grandes richesses qu'il avait dans le monde pour suivre sans délai ma Vérité
incarnée. Mon Fils vous a enseigné à aimer et à suivre la pauvreté, et il
vous l'a prêchée non seulement par ses paroles, mais par ses exemples ; car,
depuis le premier jour de sa naissance jusqu'au dernier instant de sa vie,
toutes ses actions vous ont enseigné cette grande doctrine.
7. Tu le vois au milieu de deux animaux et dans une
telle misère, que Marie n'avait pas même de quoi le couvrir ; elle Je
défendait contre la rigueur du froid avec l'haleine de ces animaux, et le
réchauffait avec du foin. Lui, qui est le feu de la charité parfaite, il
voulut avoir froid dans son humanité, et souffrir pendant toute sa vie avec
et sans ses disciples. Quelquefois la faim forçait ses disciples à égrener
des épis pour prendre quelque nourriture.
8. Au dernier jour de son existence, il fut
dépouillé de ses vêtements et flagellé à la colonne ; il supporta sur la
Croix la soif et toutes les douleurs avec une ineffable patience. Il fut
réduit à une telle extrémité, que la terre et Je bois lui manquèrent pour
reposer sa tête, et qu'il fut obligé de l'incliner sur son épaule. Dans
l'ivresse de son amour, il fit avec son Sang précieux un bain au genre
humain. De son corps sacré entrouvert il versa ce Sang à grands flots, et
tira de son extrême pauvreté les trésors les plus abondants.
9. Pendant qu'il était ainsi cloué au bois misérable
de la Croix, il répandait avec une générosité infinie ses richesses sur
toutes les créatures raisonnables ; en goûtant l'amertume du fiel, il vous
procurait une douceur incomparable ; la tristesse qui l'accablait devenait
votre consolation, et les clous qui l'attachaient à la Croix vous
délivrèrent des liens du péché mortel. En se faisant esclave par amour, il
vous affranchit de l'esclavage du démon ; lorsqu'il fut vendu, il vous
racheta de son sang ; et lorsqu'il accepta la mort, il vous donna la vie.
10. Il vous a bien enseigné l'amour ; car il ne
pouvait mieux vous prouver la grandeur de son amour qu'en donnant sa vie
pour vous, qui étiez ses ennemis et les ennemis de son Père. L'homme pécheur
semble l'ignorer, puisqu'il m'offense et tient si peu compte d'un si grand
prix. Il vous a aussi enseigné la véritable humilité, car il s'est humilié
jusqu'à la mort ignominieuse de la Croix il vous a donné l'exemple de
l'abaissement, car il a supporté des injustices et. Des affronts sans
nombre ; il vous a donné l'exemple dé la vraie pauvreté, car il a dit
lui-même dans l'Évangile : "Les renards ont des tanières, et les oiseaux du
ciel des nids ; mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête".
11. Qui connaît ces choses ? celui qui a la sainte
lumière de la foi ; et où se trouve cette foi ? dans les pauvres qui sont
pauvres d'intention ; dans ceux, qui ont choisi la pauvreté comme une royale
épouse, en jetant les vaines richesses qui causent les ténèbres de
l'infidélité. Cette reine a un royaume que rien ne peut troubler. La paix y
réside et la justice y abonde, parce que tout ce qui cause l'injustice On
est éloigné ; les murailles de sa cité sont puissantes, parce qu'elles ne
sont pas faites d'une terre molle, ni bâties sur le sable, de manière
qu'elles puissent être renversées par le moindre vent : elles sont appuyées
sur la pierre inébranlable, qui est Jésus-Christ mon Fils. La lumière y est
sans ténèbres et la chaleur sans hiver, parce que la mère de cette grande
reine est la charité infinie de Dieu.
12. Les ornements de la Cité sont les liens de
l'affection et les douceurs de la miséricorde, parce que le tyran des
richesses, qui est si cruel, en a été chassé. L'amour du prochain établit
entre tous les habitants les plus bienveillants rapports. On y trouve aussi
une prudence longue et persévérante : la cité est gardée par des sentinelles
vigilantes, parce que l'âme qui épouse cette reine, possède toutes les
richesses éternelles ; elle ne peut les posséder en possédant les richesses
de la terre ; car si la mort, c'est-à-dire l'amour des richesses, entrait
dans cette âme, elle perdrait sur-le-champ sa fortune, et serait par le fait
même exilé de la cité et plongée dans la plus grande misère. Mais si elle
reste fidèle à son épouse, elle partage toujours avec elle ses trésors.
13. Qui voit ces merveilles ? l'âme qui a la lumière de
la foi : la pauvreté revêt celui qui l'épouse d'une admirable pureté. Elle
lui enlève les vaines richesses qui la souillaient ; elle l'éloigne des
sociétés mauvaises et lui en procure de bonnes ; elle le guérit des
engourdissements de la négligence, et chasse loin de lui les embarras du
monde. Elle lui ôte l'amertume des richesses de la vie présente et lui en
laisse la douceur : les épines tombent, et la rose reste dans toute sa
beauté. Elle purge l'âme de toutes les humeurs corrompues de l'amour
déréglé, et la dispose à se nourrir des vertus, qui ont une douceur extrême.
Elle lui donne deux serviteurs qui font tout dans sa maison ; la haine et
l'amour. La haine des vices et de la sensualité la purifie de tonte
souillure, et l'amour des vertus se charge de l'embellir, en effaçant toute
inquiétude servile, et en y mettant la paix d'une sainte crainte.
14. Dès qu'elle s'est attachée à la pauvreté, l'âme
trouve toutes les vertus, les grâces, les douceurs et les consolations
qu'elle peut désirer. Elle ne craint pas d'ennemis, car personne ne peut lui
faire la guerre ; elle ne craint pas la faim et les privations, parce que la
foi l'éclaire, et que son espérance est en moi, son Créateur, qui donne
toutes les richesses, et qui nourrit toutes les créatures par les soins de
ma providence. A-t-on jamais vu ou entendu dire qu'un de mes vrais
serviteurs, un époux fidèle de la pauvreté soit mort de faim ? Non,
certainement ; mais beaucoup sont morts au milieu de leurs richesses, parce
qu'ils ne se confiaient pas en moi.
15. Je ne manque jamais à mes pauvres bien-aimés qui ne
cessent jamais d'espérer en moi. Je veille toujours sur eux comme un bon et
tendre père. Avec quelle joie et quelle liberté d'âme ils viennent à moi !
parce qu'ils savent, à la lumière de là foi, que, depuis le premier jusqu'au
dernier jour de la vie, ma providence ne cesse d'agir dans toutes les choses
spirituelles ou temporelles.
16. Quelquefois, il est vrai, je permets qu'ils
souffrent parce que je veux qu'ils grandissent dans la foi et clans
l'espérance d'être largement récompensés de toutes leurs peines. Mais je ne
les abandonne dans aucune nécessité ; ils éprouvent toujours ma providence
infinie, et goûtent le lait d'une douceur divine. Loin de craindre
l'amertume de la mort corporelle, ils la demandent avec un ardent désir
parce qu'ils sont déjà morts aux sens comme aux richesses, et qu'ils aiment
éperdument la vraie pauvreté, qu'ils ont prise pour épouse. Ils vivent tous
les jours dans ma volonté, ils sont prêts à tout souffrir, la chaleur, le
froid, la nudité, la faim, la soif, les mépris, les affronts ; ils soupirent
même après la mort, parce qu'ils voudraient donner leur vie, par amour pour
moi, qui suis leur vie, et verser leur sang par amour du sang répandu pour
eux.
17. Contemple mes pauvres apôtres et mes glorieux
martyrs : Pierre, Paul, Étienne, et Laurent qui semblait être, non pas sur
du feu, mais sur des fleurs douces et odoriférantes. Il disait en riant à
son bourreau : "Ce côté est cuit, tourne l'autre et mange". La flamme
ardente de la charité divine étouffait le feu méprisable qui attaquait son
corps. Les pierres d'Étienne ne lui semblaient-elles pas des roses ? Quelle
était la cause de ces prodiges ? L'amour qui leur avait fait épouser la
royale pauvreté. Ils avaient abandonné tout l'univers par amour pour moi ;
ils l'avaient choisie à la sainte lumière de la foi, avec une espérance
ferme et une prompte obéissance. Ils obéissaient aux conseils et aux
préceptes de mon Fils bien-aimé spirituellement et réellement.
18. Ils désiraient la mort et ils supportaient la vie
avec peine, non pas pour fuir le travail, mais pour s'unir à moi, qui suis
leur fin. Pourquoi ne craignaient-ils pas la mort, que l'homme craint
naturellement ? Parce que leur épouse, la vraie pauvreté, les rassurait, en
leur ôtant tout amour de leur corps et des richesses de la terre ; ils
avaient saintement foulé aux pieds et vaincu l'amour naturel par la lumière
de l'amour divin surnaturel. Comment dans cet état un homme pourrait-il se
plaindre de la mort du corps, lui qui désire perdre la vie, qu'il trouve
amère et longue ? Comment aurait-il quelque regret de perdre ces frivoles
richesses qu'il méprise depuis si longtemps avec tant d'ardeur ? Qu'y a-t-il
d'étonnant ? Celui qui n'aime pas une chose ne la regrette pas ; il se
réjouit plutôt quand il perd ce qu'il déteste. De quelque côté que tu
regardes, tu trouveras mes chers pauvres goûtant la paix et le repos
parfaits.
19. Dans les malheureux, au contraire, qui possèdent
les richesses du monde avec un amour si déréglé, tu trouveras le désordre et
des peines insupportables, quoiqu'il n'en paraisse souvent rien à
l'extérieur. Qui n'eût pas cru que Lazare était dans la plus grande
détresse, et que le riche maudit était dans la paix et la joie ? Il n'en
était rien cependant : le riche souffrait plus au milieu de son abondance
temporelle que le pauvre Lazare, dévoré par la lèpre. Dans Lazare, la
volonté propre était morte ; il vivait en moi, qui le soulageais et le
consolais de ses peines. Dans le riche, au contraire, sa volonté était
vivante et devenait son tourment. Lorsque Lazare était repoussé par les
hommes et surtout par le mauvais riche, lorsqu'il n'avait personne pour
laver ses blessures et lui porter le moindre Secours ma providence envoyait
quelque animal sans raison, qui léchait ses ulcères. A la fin de leur vie,
la lumière de la foi montre Lazare dans la gloire, et le riche au milieu des
supplices de l'enfer.
20. Oui, les riches sont dévorés par la tristesse, et
mes chers pauvres sont plongés dans une sainte joie. Je les tiens près de
mon cœur, je les nourris du lait de mes consolations. Parce qu'ils ont tout
quitté par amour pour moi, je me donne à eux tout entier. L'Esprit Saint est
pour eux comme une mère tendre qui prend soin de leur âme et de leur corps
partout où ils se trouvent. J'envoie même des animaux sauvages pour les
servir, quand ils en ont besoin. Lorsqu'un solitaire est malade, je fais en
sorte qu'un autre solitaire aille le visiter et l'assister. Tu sais bien que
plusieurs fois je t'ai forcée de sortir de ta cellule contre ton habitude,
pour secourir quelques pauvres malades. Toi-même, n'as-tu pas éprouvé ainsi
ma providence ? Et quand tu n'avais aucune créature pour t'assister, t'ai-je
fait défaut, moi qui suis ton créateur ?
21. Non, jamais je ne manque à ceux qui espèrent en
moi : ma douce providence leur est assurée, homme est dans les délices et la
magnificence. Il donne à son corps les soins et les mets recherchés ; il est
cependant toujours malade. Mais si, par amour pour moi, il se méprise
lui-même, s'il embrasse la pauvreté volontaire et ne garde qu'un vêtement
pour couvrir son corps, pourquoi retrouve-t-il la force et la santé ? Rien
ne semble lui nuire, et il devient insensible au froid, au chaud et à la
nourriture la plus grossière. C'est que ma providence se charge de lui, dès
qu'il se confie entièrement à mes soins, en mourant à lui-même. Tu vois, ma
chère fille, dans quel repos vivent mes pauvres bien-aimés.
1. Je t'ai dit, ma chère fille, quelque chose sur ma
providence, qui assiste de toute manière les créatures. Je t'ai montré que
dès l'instant où j'ai créé le premier monde, et que j'ai fait le second, qui
est l'homme, à mon image et ressemblance, j'ai toujours manifesté ma
providence ; et tout ce que j'ai fait, que je fais et que je ferai, doit
servir à votre salut, parce que je veux votre sanctification et que je
dispose tout pour cette fin.
2. Les méchants ne le voient pas, parce qu'ils se
sont privés de la lumière ; ils ne comprennent rien et se scandalisent de
moi. Je les supporte avec patience, je les attends jusqu'au dernier instant,
fournissant aux besoins des pécheurs comme à ceux des justes, dans toutes
les choses spirituelles et temporelles.
3. Je t'ai dit quelques mots de l'imperfection des
richesses, et de la misère où elles conduisent ceux qui les possèdent avec :
un amour déréglé. Je t'ai parlé de l'excellence de la pauvreté, et de
l'abondance des richesses que cette pauvreté procure à l'homme qui l'a
choisie pour épouse. Elle a pour compagne et pour sœur l'abaissement, dont
je t'entretiendrai en te parlant de l'obéissance. Je t'ai montré combien
cette vertu me plaît, et combien elle est l'objet des tendres soins de ma
providence.
4. Tout ce que je t'ai dit à la louange de cette
grande vertu, et de la sainte foi qui fait parvenir l'âme à cet état
supérieur, doit augmenter ton espérance et te porter à frapper sans cesse à
la porte de ma miséricorde. Sois fermement persuadée que je remplirai ton
désir et celui de mes serviteurs et de ,mes amis qui souffrent tant de
peines jusqu'à la mort. Prends courage et réjouis-toi en moi, parce que je
suis ton défenseur et ton consolateur en toute chose. Tu vois que j'ai
répondu à ce que tu m'avais demandé sur ma providence, en te montrant que je
pourvois avec bonté à tous les besoins de mes créatures ; et tu sais que je
ne méprise jamais vos saints désirs.
1. Alors cette âme fut tout enivrée de la sainte
pauvreté, toute dilatée, par l'éternelle et souveraine grandeur, toute
transformée dans l'abîme de l'ineffable et infinie providence. Il lui
semblait être délivrée de son corps, tant elle était ravie et embrasée par
le feu de la charité. Son intelligence contemplait la Majesté divine, et
elle disait à Dieu le Père :
2. O Père éternel, ô Feu, abîme de Charité,
éternelle Beauté, éternelle Sagesse, éternelle Bonté, éternelle Clémence !
Espérance et Refuge des pécheurs, Largesse inestimable, Bien éternel,
infini ! O feu d'amour ! avez-vous donc besoin de votre créature ? Il me
semble qu'elle vous manque ; car vous agissez comme si vous ne pouviez vivre
sans elle, vous qui êtes la vie dont vit toute chose, et sans laquelle rien
ne peut vivre. Pourquoi donc vous passionner ainsi pour votre créature ?
Pourquoi l'aimer éperdument, vous qui êtes heureux en vous-même ? Pourquoi
vous plaire en elle, en être avide et affamé, désirer tant son salut, la
chercher d'une manière si admirable, lorsqu'elle vous fuit ? Vous vous
approchez, elle s'éloigne. Pouviez-vous venir plus près, puisque vous avez
revêtu votre Verbe de notre humanité ?
3. Que dirais-je encore ? je balbutie, je pousse des
cris vers vous. Ah ! oui, je ne puis plus parler, parce que la langue est
trop faible pour exprimer ce que l'âme éprouve et comprend lorsqu'elle vous
désire, vous, le Bien suprême, infini. N'est-il pas juste que je répète
cette parole de l'apôtre saint Paul : "Non, l’œil n'a pas vu, l'oreille n'a
pas entendu, le cœur n'a pas senti ce que j'ai vu, ce que Dieu prépare à
ceux qui l'aiment". Mais qu'as-tu vu ? J'ai vu les secrets de Dieu, dont
l'homme ne peut parler, que dis-je ! non, je ne puis y parvenir avec des
sens si lourds et si charnels. Je dirai seulement, ô mon âme, que tu as vu
et goûté les profondeurs inénarrables de la souveraine et éternelle
Providence.
4. Et maintenant je vous rends grâces, ô Père, de
l'immense bonté que vous avez montrée envers moi, qui en suis si indigne.
Mais, parce que je sais que vous voulez bien satisfaire tous les saints
désirs, et que votre Vérité ne peut tromper, je souhaite que vous
m'expliquiez un peu la vertu d'obéissance et son excellence, ainsi que vous
me l'avez promis, afin que je me passionne pour elle et que je ne m'en
éloigne jamais. Qu'il plaise à votre Majesté de me parler de sa perfection,
du lieu où je pourrai la trouver, de ce qui peut me la faire perdre et de ce
qui peut me la procurer ; par quel signe saurai-je que je la possède ou que
j'en suis privée ?
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