La faiblesse et la
fragilité de la nature humaine sont assez connues, et chacun en
éprouve assez les effets en soi-même, pour que personne ne puisse
ignorer combien le sacrement de Pénitence est nécessaire. Si donc le
zèle que les Pasteurs sont obligés d’apporter dans leurs
explications, doit se mesurer sur la grandeur et l’importance de la
matière qu’ils traitent, nous conviendrons volontiers qu’ils ne
pourront jamais paraître assez empressés à faire connaître le sujet
que nous abordons. Le sacrement de Pénitence demande même à être
expliqué avec plus de soin que le Baptême, car le Baptême ne
s’administre qu’une seule fois et ne peut se réitérer, tandis que le
sacrement de Pénitence devient nécessaire, et veut être renouvelé,
toutes les fois que l’on tombe dans le péché après le Baptême. C’est
ce qui a fait dire au Concile de Trente que la Pénitence n’est pas
moins nécessaire pour le salut à ceux qui pèchent après le Baptême,
que le Baptême à ceux qui ne sont pas encore régénérés. De là aussi
cette parole si remarquable de Saint Jérôme, parole approuvée
ensuite sans réserve par tous ceux qui ont écrit sur cette matière :
« La pénitence est une seconde planche . » En effet, lorsque
le vaisseau se brise, l’unique ressource pour sauver sa vie, c’est
de pouvoir saisir une planche au milieu du naufrage ; ainsi, quand
on a perdu l’innocence baptismale, si on n’a pas recours à la
planche de la pénitence, il n’y a plus de salut possible. Et ce que
nous disons ici ne s’adresse pas seulement aux Pasteurs, mais aux
Fidèles eux-mêmes qui ont besoin qu’on excite leur zèle, afin qu’on
n’ait jamais à blâmer en eux d’incurie pour une chose aussi
nécessaire. Pénétrés de la fragilité humaine, leur premier et plus
ardent désir doit être de marcher dans la voie de Dieu, avec le
secours de sa Grâce, sans faux pas et sans chute. Mais cependant
s’ils viennent à tomber quelques fois, qu’ils tournent alors leurs
regards vers l’infinie bonté de Dieu, qui, comme un bon Pasteur,
daigne panser les plaies de ses brebis et les guérir, et qu’ils
comprennent que le remède si salutaire du sacrement de Pénitence ne
doit pas être renvoyé à un autre temps.
§ I. — DU NOM ET DE LA VERTU DE PÉNITENCE.
Mais pour entrer
immédiatement en matière, il convient d’expliquer d’abord les
différentes significations du mot de Pénitence, afin que l’ambiguïté
de cette expression n’induise personne en erreur. Les uns prennent
la Pénitence pour la Satisfaction. D’autres, d’un sentiment tout
opposé à la doctrine de la Foi catholique, prétendent que la
Pénitence n’est autre chose qu’une vie nouvelle, sans repentir du
passé. Voilà pourquoi il faut montrer que ce mot a plusieurs sens
différents.
Premièrement, on dit de
quelqu’un qu’il se repent lorsqu’une chose qui lui était agréable
auparavant, commence à lui déplaire ; que cette chose soit bonne ou
mauvaise, peu importe. tel est le repentir de ceux « dont la
tristesse est selon le monde », et non selon Dieu ; repentir
qui opère la mort, et non le salut.
Un autre repentir,
c’est la douleur que l’on éprouve non pas à cause de Dieu, mais à
cause de soi-même, après avoir commis une mauvaise action, qui
auparavant nous souriait.
Un troisième repentir
enfin, est celui qui ne se borne pas au regret sincère et profond du
mal que l’on a fait, ni même à des signes extérieurs qui expriment
ce regret, mais qui vient principalement ou uniquement de ce que
nous avons offensé Dieu.
Le nom de Pénitence
convient également à ces trois sortes de repentir.
Mais quand nous lisons
dans les Saintes Ecritures que Dieu se repentit , évidemment
ce n’est là qu’une métaphore. Cette manière de parler est toute
humaine et conforme à nos habitudes. Nos Livres Saints l’emploient
pour exprimer que Dieu a résolu de changer quelque chose, parce
qu’en cela Dieu semble ne pas agir autrement que les hommes qui,
après avoir fait une chose dont ils se repentent, travaillent de
toutes leurs forces à la changer. C’est dans ce sens qu’il est écrit
que Dieu « se repentit d’avoir créé l’homme », — « et
d’avoir fait roi Saül . »
Cependant il faut
observer une grande différence entre ces trois sortes de Pénitence.
La première est un défaut ; la seconde n’est que l’affliction d’une
âme agitée et troublée. Et la troisième est tout ensemble une Vertu
et un sacrement. C’est dans ce dernier sens que nous allons entendre
ici le mot de Pénitence.
Mais d’abord nous avons
à parler de la Pénitence considérée comme vertu non seulement parce
que les Pasteurs sont obligés de former les Fidèles à toutes les
vertus en général, mais encore parce que les actes de cette vertu
sont comme la matière sur laquelle s’exerce l’action du sacrement de
Pénitence. Et de fait, si l’on ne connaît d’abord la vertu de
Pénitence, il est impossible de jamais bien comprendre l’efficacité
du Sacrement.
En premier lieu on doit
donc exhorter les Fidèles à faire tous leurs efforts et à déployer
toute leur ardeur pour obtenir ce repentir du cœur, que nous
appelons la vertu de Pénitence. Sans lui, la Pénitence extérieure
est peu profitable. Or cette Pénitence intérieure consiste à
retourner à Dieu du fond du cœur, à détester sincèrement les péchés
que nous avons commis, et à être fermement décidés et absolument
résolus à réformer nos mauvaises habitudes et nos mœurs corrompues.
Mais en même temps nous devons avoir l’espérance que Dieu nous
pardonnera, et nous fera miséricorde. A cette Pénitence vient
toujours se joindre, comme inséparable compagne de la détestation du
péché, une douleur, une tristesse, qui est une véritable émotion, un
trouble, et même une passion, comme plusieurs l’appellent. Voilà
pourquoi quelques saints Pères définissent la Pénitence par ces
sortes de tourments de l’âme. Cependant il est nécessaire que la Foi
précède la Pénitence. Personne sans la Foi ne peut se convertir à
Dieu. D’où il suit qu’on ne peut en aucune façon considérer la Foi
comme une partie de la Pénitence. Mais que cette Pénitence
intérieure soit une vertu, comme nous l’avons dit, c’est ce que
démontrent clairement les nombreux Commandements que Dieu nous en
fait. Car la Loi ne prescrit que les actes qui s’accomplissent par
vertu. Or, personne ne peut nier qu’il ne soit bon et louable de se
repentir quand, comment, et comme il le faut. Et c’est là
précisément ce qui fait la vertu de Pénitence.
Il arrive quelquefois
que les hommes n’ont pas un repentir proportionné à leurs péchés ;
et même, comme le dit Salomon : « Il y en a qui se réjouissent,
lorsqu’ils ont fait le mal. » D’autres, au contraire,
s’abandonnent à tel point au chagrin et à la désolation, qu’ils
viennent à désespérer entièrement de leur salut. Tel semble avoir
été Caïn, qui disait : « Mon crime est trop grand pour obtenir le
pardon. » Et tel fut certainement Judas que « le repentir de
son crime conduisit à se pendre lui-même, » perdant ainsi la vie
et son âme tout ensemble. La vertu de Pénitence nous aide donc à
garder une juste mesure dans notre douleur.
Ce qui prouve encore
que la Pénitence est une vertu, c’est la fin que se propose celui
qui se repent véritablement de son péché. Il veut d’abord effacer sa
faute et laver toutes les taches et toutes les souillures de son
âme. Ensuite il désire satisfaire à Dieu pour ses iniquités. Or
c’est là évidemment un acte de justice. Car s’il ne peut y avoir de
justice stricte et rigoureuse entre Dieu et les hommes, puisqu’ils
sont séparés par un intervalle infini, cependant il est certain
qu’il existe entre eux une sorte de justice, que l’on peut comparer
à celle que nous trouvons entre un père et ses enfants, entre un
maître et ses serviteurs.
La troisième fin que se
propose celui qui se repent, c’est de rentrer en grâce avec Dieu,
dont il a encouru l’inimitié et la disgrâce par la laideur de son
péché. toutes choses qui montrent assez que la Pénitence est
véritablement une vertu.
Mais il est nécessaire
d’apprendre aux Fidèles par quels degrés on peut s’élever jusqu’à
cette vertu divine.
D’abord la miséricorde
de Dieu nous prévient, et tourne nos cœur s vers Lui, pour nous
convertir. C’est cette grâce que demandait le Prophète, quand il
disait : « Convertissez-nous à vous, Seigneur, et nous serons
convertis ! »
Ensuite illuminés par
cette lumière, nous tendons vers Dieu par la Foi. Car comme l’Apôtre
nous l’assure : « Celui qui veut aller à Dieu doit croire qu’il
existe, et qu’il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent. »
Puis viennent les
mouvements de crainte, c’est alors que frappé par la considération
des supplices rigoureux qu’il a mérités, le pécheur détache son cœur
du péché. C’est à cet état d’âme que semblent se rapporter ces
paroles d’Isaïe: « Nous sommes devenus comme celle qui approche
du temps où elle doit enfanter, et qui crie au milieu des douleurs
qu’elle ressent. »
A ces sentiments se
joint l’espérance d’obtenir miséricorde du Seigneur, espérance qui
nous relève de notre abattement, et nous fait prendre la résolution
d’amender notre vie et nos mœurs.
Enfin la Charité
enflamme nos cœur s et fait naître en nous cette crainte filiale qui
convient à des enfants généreux et bien nés. Dés lors ne craignant
plus qu’une seule chose, qui est de blesser en quoi que ce soit la
majesté de Dieu, nous abandonnons entièrement l’habitude du péché.
Tels sont les degrés
par lesquels on parvient à cette sublime vertu de la Pénitence,
vertu qui doit être à nos yeux toute céleste et toute divine, car la
sainte Ecriture lui promet le Royaume des cieux. Ainsi il est écrit
dans Saint Matthieu: « Faites pénitence, car le Royaume des
cieux est proche. » Et dans Ezéchiel: « Si l’impie fait
pénitence de tous les péchés qu’il a commis ; s’il garde tous mes
préceptes ; s’il accomplit le jugement et la justice, il vivra et ne
mourra point. » Et dans un autre endroit: « je ne veux point
la mort de l’impie, mais qu’il se convertisse de sa voie, et qu’il
vive » Or, toutes ces paroles doivent évidemment s’entendre de
la Vie Eternelle et bienheureuse.
§ II. — DE LA PÉNITENCE CONSIDÉRÉE COMME SACREMENT.
Quant à la Pénitence
extérieure, il faut enseigner que c’est elle qui constitue, à
proprement parler, le Sacrement, et qu’elle consiste dans certaines
actions extérieures et sensibles qui expriment ce qui se passe dans
l’intérieur de l’âme. Mais avant tout il nous semble qu’il faut
instruire les Fidèles des raisons pour lesquelles Notre-Seigneur
Jésus-Christ a placé la Pénitence au nombre des Sacrements. Or la
raison principale a été certainement de lever tous les doutes que
nous aurions pu concevoir sur la rémission de nos péchés. Quoique
Dieu en effet nous l’ait promise (cette rémission) dans ces paroles
du Prophète : « Si l’impie fait pénitence, etc., », nous n’en
serions pas moins dans de continuelles inquiétudes sur la vérité de
notre repentir, car personne ne peut se fier au jugement qu’il porte
sur ses propres actions. C’est donc pour détruire toute inquiétude à
cet égard, que notre Seigneur a fait de la Pénitence un Sacrement
capable de nous donner la confiance que nos péchés nous sont
pardonnés par l’absolution du Prêtre, et par suite de mettre plus de
calme dans notre conscience par cette Foi légitime que nous devons
avoir dans la vertu des Sacrements. Lorsqu’en effet le Prêtre nous
absout de nos fautes suivant la forme du Sacrement, ses paroles
n’ont point d’autre sens que celles de Notre-Seigneur au paralytique
: « Mon fils, ayez confiance, vos péchés vous sont remis ! »
En second lieu,
personne ne peut obtenir le salut que par Jésus-Christ, et par les
mérites de sa Passion. Il était donc très convenable en soi, et très
utile pour nous qu’il y eût un Sacrement qui ferait couler sur nos
âmes le Sang de Jésus-Christ ; un Sacrement qui par sa vertu et son
efficacité serait capable d’effacer tous les péchés commis après le
Baptême, et nous obligerait à reconnaître que c’est à notre divin
Sauveur, et à Lui seul, que nous devons le bienfait de notre
réconciliation.
Or, que la Pénitence
soit un véritable Sacrement, c’est ce que les Pasteurs n’auront pas
de peine à démontrer. Le Baptême est un Sacrement parce qu’il efface
tous les péchés, et spécialement celui que nous contractons à notre
origine. Par la même raison, la Pénitence qui efface tous les péchés
de désirs et d’actions volontairement commis après le Baptême, doit
être un véritable Sacrement, au sens propre du mot. D’ailleurs, (et
c’est ici la raison principale), dès lors que ce que le Prêtre et le
pénitent font au dehors et d’une manière sensible, exprime nettement
les effets qui s’opèrent dans l’âme, qui oserait soutenir que la
Pénitence ne renferme pas toutes les propriétés d’un véritable
Sacrement ? Un Sacrement est le signe d’une chose sacrée. Or, d’une
part, le pécheur qui se repent exprime très bien par ses paroles et
par ses actions qu’il a détaché son cœur du péché, et d’autre part
les paroles et les actions du Prêtre expriment aussi sensiblement
que Dieu, par sa miséricorde, remet Lui-même les péchés. Au reste
une preuve évidente de cette vérité se trouve dans ces paroles du
Sauveur : « Je vous donnerai les clefs du Royaume des cieux ;
et dans celles-ci: Tout ce que vous délierez sur la terre, sera
délié dans le ciel. » Car l’absolution prononcée par le Prêtre
exprime la rémission des péchés qu’elle produit dans l’âme.
Mais il ne suffit pas
d’apprendre aux Fidèles que la Pénitence est un Sacrement, ils
doivent savoir encore qu’elle est du nombre de ceux qui peuvent se
réitérer. L’Apôtre Saint Pierre ayant demandé à Notre-Seigneur si
l’on pouvait accorder jusqu’à sept fois le pardon d’un péché, reçut
cette réponse « Je ne vous dis pari jusqu’à sept fois, mais
jusqu’à soixante-dix fois sept fois. » Si donc on doit traiter
avec des personnes qui paraissent se défier de la bonté et de la
clémence infinie de Dieu, il faut raffermir leur courage, et relever
leurs espérances vis-à -vis de la Grâce divine. Et l’on obtiendra
facilement ce but, soit en leur citant ce passage que nous venons de
rappeler, et une foule d’autres qui se rencontrent si souvent dans
la sainte Ecriture, soit en empruntant les arguments et les raisons
de Saint Jean Chrysostome, dans son livre: De ceux qui sont
tombés, et ceux de Saint Ambroise, dans ses traités: De la
Pénitence.
§ III. — MATIÈRE ET FORME DU SACREMENT DE PÉNITENCE.
Rien ne doit être plus
connu des Fidèles que la matière du Sacrement de Pénitence. Il faut
donc leur faire remarquer que la grande différence entre ce
Sacrement et les autres, c’est que la matière de ces derniers est
toujours une chose naturelle ou artificielle, tandis que les actes
du pénitent, la Contrition, la Confession, et la Satisfaction sont,
dit le Concile de Trente, comme la matière de ce Sacrement.
Et ces actes sont nécessaires, de la part du pénitent, pour
l’intégrité du Sacrement, et pour l’entière rémission des péchés.
Ceci est d’institution divine. Aussi bien les actes dont nous
parlons sont regardés comme les parties mêmes de la Pénitence. Et si
le saint Concile dit simplement qu’ils sont comme la matière
du Sacrement, ce n’est pas à dire qu’ils ne sont pas la vraie
matière ; mais c’est qu’ils ne sont pas du genre des autres matières
sacramentelles, lesquelles se prennent au dehors, comme l’eau dans
le Baptême et le chrême dans la Confirmation. Que si quelques-uns
ont regardé les péchés eux-mêmes comme la matière du sacrement de
Pénitence, leur sentiment ne paraît pas contraire au nôtre, si l’on
veut y regarder de près. De même que nous disons du bois, qu’il est
la matière du feu, parce que le feu le consume ; ainsi nous pouvons
très bien dire des péchés, qu’ils sont la matière de la Pénitence,
puisque ce Sacrement les efface et les consume en quelque sorte.
Les Pasteurs ne doivent
pas négliger non plus d’instruire les Fidèles de la forme de ce
Sacrement. Cela ne peut qu’exciter davantage leur ferveur quand ils
voudront le recevoir, et leur inspirer plus de respect et de
vénération pour s’en approcher. Or voici cette forme: Je vous
absous. On pourrait déjà la tirer de ces paroles du Sauveur :
« Tout ce que vous délierez sur la terre, sera délié dans le
ciel. » Mais les Apôtres nous l’ont transmise comme l’ayant
reçue de Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même. D’ailleurs puisque
les Sacrements signifient ce qu’ils produisent, ces paroles: Je
vous absous, montrent très bien que la rémission des péchés
s’opère par l’administration de ce Sacrement ; par conséquent il est
clair qu’elles en sont la forme complète. Les péchés, en effet, sont
comme des liens qui tiennent nos âmes enchaînées, et que le
sacrement de Pénitence vient briser. Et le Prêtre ne dit pas moins
la vérité, lorsqu’il prononce ces paroles sur un pénitent qui par la
vivacité d’une Contrition parfaite, accompagnée du vœu de la
Confession, a déjà obtenu de Dieu le pardon de ses péchés.
A ces paroles, on
ajoute plusieurs prières qui ne sont pas nécessaires pour la forme
du Sacrement, mais qui ont pour but d’écarter tout ce qui pourrait
empêcher sa vertu et son efficacité par la faute de celui auquel il
est administré.
Quelles actions de
grâces ne doivent donc point rendre à Dieu les pécheurs, de ce qu’Il
a donné un si grand pouvoir aux Prêtres de son Eglise ? Il ne s’agit
plus maintenant comme autrefois, sous la Loi ancienne, du témoignage
du Prêtre qui se bornait à déclarer que le lépreux était guéri. non,
le pouvoir des Prêtres dans l’Eglise est si étendu qu’ils ne se
contentent pas de déclarer que le pécheur est absous de ses péchés,
mais qu’ils donnent réellement, comme Ministres du Seigneur,
l’Absolution qui est ratifiée en même temps par Dieu Lui-même,
Auteur et Principe de la grâce et de la justification.
Quant aux rites
prescrits pour la réception de ce Sacrement, les Fidèles auront soin
de s’y conformer exactement. Par là ils graveront plus profondément
dans leurs cœur s le souvenir de ce qu’ils lui devront, c’est-à-dire
la grâce d’avoir été réconciliés, comme des serviteurs avec le plus
doux des maîtres, ou plutôt comme des enfants avec le meilleur des
pères ; et puis ils comprendront mieux aussi comment ceux qui le
veulent, (et tous doivent le vouloir), peuvent prouver à Dieu leur
reconnaissance pour un si grand bienfait.
Tout pécheur qui se
repent, doit donc en premier lieu se jeter aux pieds du Prêtre, avec
des sentiments d’humilité et d’abaissement, afin qu’en s’humiliant
ainsi, d’une part il apprenne à reconnaître plus aisément qu’il doit
arracher de son cœur jusqu’à la racine de l’orgueil qui a été la
source et le principe de toutes les fautes qu’il déplore, et d’autre
part qu’il sache révérer dans le Prêtre, qui est son juge légitime,
la Personne et la puissance de Jésus-Christ Lui-même. Car dans
l’administration du sacrement de Pénitence, comme dans tous les
autres Sacrements, le Prêtre tient la place de Notre-Seigneur.
Puis il confessera tous
ses péchés les uns après les autres, de manière à convenir qu’il
mérite les châtiments les plus grands et les plus rigoureux.
Ensuite, il implorera le pardon de ses fautes. nous trouvons dans
Saint Denys les témoignages les plus formels sur l’antiquité de
toutes ces pratiques.
§ IV. — DES EFFETS DU SACREMENT DE PÉNITENCE.
Mais rien ne sera plus
utile aux Fidèles, rien ne leur donnera plus d’empressement à
recevoir le sacrement de Pénitence que d’entendre les Pasteurs
expliquer souvent les grands avantages que nous en retirons. Ils
comprendront alors que la Pénitence est comme un arbre, dont les
racines sont amères, mais dont les fruits sont pleins de douceur.
Et d’abord la Pénitence
possède la vertu de nous rétablir dans la grâce de Dieu, et de nous
unir à Lui par une étroite amitié.
Ensuite cette
réconciliation produit ordinairement chez les personnes pieuses, qui
reçoivent ce Sacrement avec Foi et piété, une paix profonde, une
tranquillité parfaite de conscience, et des joies ineffables de
l’Esprit Saint.
Il n’y a point
d’ailleurs de crime si grand et si horrible, qui ne puisse être
effacé par le sacrement de Pénitence, non seulement une fois, mais
deux fois, mais toujours. Dieu Lui-même nous en donne l’assurance
par ces paroles du prophète: « Si l’impie fait pénitence de tous
les péchés qu’il a commis, s’il garde mes commandements, s’il
pratique le jugement et la justice, il vivra de la vie et il ne
mourra point ; et Je ne me souviendrai point de toutes les iniquités
qu’il a commises. » C’est là ce qui a fait dire à Saint Jean:
« Si nous confessons nos péchés, Dieu est fidèle et juste pour
nous les pardonner. » Et plus loin : « Si quelqu’un a péché,
dit-il, sans excepter aucune sorte de péché, nous avons pour avocat
auprès du Père, Jésus-Christ qui est juste, qui est Lui-même
propitiation pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais
pour ceux du monde entier. »
Si nous lisons dans
l’Écriture que certains personnages n’ont point obtenu de Dieu
miséricorde, bien qu’ils l’eussent demandée avec ardeur, nous savons
que cela tenait à ce qu’ils n’avaient pas un repentir et une douleur
sincères de leurs fautes. Ainsi lorsque nous trouvons dans nos
Saints Livres, ou dans les saints Pères, quelques passages qui
semblent affirmer que certains péchés sont irrémissibles, il faut
entendre par là que le pardon de ces péchés est extrêmement
difficile à obtenir. De même qu’il est des maladies que l’on dit
incurables parce qu’elles inspirent au malade l’horreur des
médicaments qui pourraient le guérir ; de même il y a des péchés
dont on n’obtient pas le pardon parce qu’ils font repousser la grâce
de Dieu, cet unique remède du salut. C’est dans ce sens que Saint
Augustin disait: « Lorsqu’un homme arrivé à la connaissance de
Dieu par la grâce de Jésus-Christ, blesse ensuite la Charité
fraternelle, et que s’élevant contre la grâce même, il s’abandonne
aux fureurs de l’envie, le mal de son péché est tel qu’il ne peut
même s’abaisser à en demander pardon, quoique d’ailleurs les remords
de sa conscience le forcent à reconnaître et à avouer sa faute. »
Mais pour revenir aux
effets du sacrement de Pénitence, la vertu d’effacer les péchés lui
est tellement propre, qu’il est impossible de l’obtenir, ni même de
l’espérer par un autre moyen. « Si vous ne faites pénitence,
dit notre Seigneur, vous périrez tous. » II est vrai que ces
paroles ne s’appliquent qu’aux péchés graves et mortels. Cependant
les péchés légers, que l’on nomme véniels, exigent aussi leur genre
de pénitence. « Car, dit Saint Augustin, cette espèce de
pénitence qui se fait tous les jours dans l’Eglise pour les péchés
véniels serait tout-à -fait vaine, si ces péchés pouvaient se
remettre sans pénitence. »
Mais comme ce n’est pas
assez, dans les choses qui sont de pratique, de donner des notions
et des explications générales, les Pasteurs auront soin d’expliquer
séparément tout ce que les fidèles ont besoin de savoir sur les
qualités de la véritable et salutaire Pénitence. Or ce Sacrement a
cela de particulier que, outre la matière et la forme qui sont
communes à tous les Sacrements en général, il contient de plus,
comme nous l’avons déjà remarqué, la Contrition, la Confession, la
Satisfaction, qui sont nécessaires pour le rendre entier et parfait.
Ce qui a fait dire à Saint Jean Chrysostome « La Pénitence porte
le pécheur à tout endurer volontiers. La Contrition est dans son
cœur, la Confession sur les lèvres, et l’humilité ou la Satisfaction
salutaire dans toutes ses œuvres. » Or ces trois parties sont
semblables à celles qui entrent nécessairement dans la composition
d’un tout. De même que le corps humain est formé de plusieurs
membres, les mains, les pieds, les yeux, et d’autres parties
semblables dont une seule ne saurait lui manquer sans que nous le
trouvions imparfait, — tandis qu’il est parfait lorsqu’il les
possède toutes, — de même aussi la Pénitence est tellement composée
de ces trois parties que si la Contrition et la Confession qui
justifient le pécheur sont seules requises d’une manière absolue
pour la constituer dans son essence, elle n’en reste pas moins
nécessairement imparfaite et défectueuse, quand elle ne possède
point en même temps la Satisfaction. Ces trois parties sont donc
inséparables et si bien liées les unes aux autres, que la Contrition
renferme la résolution et la volonté de se confesser et de
satisfaire, que la Contrition et le désir de satisfaire impliquent
la Confession, et que la Satisfaction est la suite des deux autres.
La raison que l’on peut
donner de la nécessité de ces trois parties, c’est que nous
offensons Dieu de trois manières, en pensées, en paroles et en
actions. Il était donc juste et raisonnable, en nous soumettant aux
clefs de l’Eglise, d’apaiser la colère de Dieu et d’obtenir de Lui
le pardon de nos péchés par les mêmes moyens que nous avons employés
à outrager son infinie Majesté. Mais on peut encore donner une autre
raison de cette nécessité. La Pénitence est une sorte de
compensation pour les péchés, émanant du cœur du pécheur, et fixée
au gré de Dieu, contre qui le péché a été commis. II faut donc d’une
part que le pénitent ait la volonté de faire cette compensation, ce
qui implique spécialement la Contrition, et que de l’autre il se
soumette au jugement du Prêtre qui tient la place de Dieu, afin que
ce même Prêtre puisse fixer une peine proportionnée à la grandeur de
ses offenses. De là il est facile de voir le principe et la
nécessité de la Confession et de la Satisfaction.
Mais puisque l’on doit
faire connaître distinctement aux Fidèles la nature et les
propriétés de chacune de ces parties, il faut commencer par la
Contrition, et l’expliquer avec le plus grand soin.. Avec un soin
d’autant plus grand que nous devons l’exciter immédiatement dans
notre cœur, si le souvenir de nos péchés passés se présente à notre
esprit, ou si nous avons le malheur d’en commettre de nouveaux. |