§ I. — NÉCESSITÉ DU BAPTÊME.
Ce que nous avons dit
jusqu’ici de ce Sacrement est très utile à connaître pour les
Fidèles. Mais ce qu’il est absolument nécessaire de ne pas leur
laisser ignorer, c’est que Notre-Seigneur a fait à tous les hommes
une loi de se faire baptiser, loi si rigoureuse que ceux qui ne
seraient pas régénérés en Dieu par la grâce de ce Sacrement, ne
viendraient au monde que pour leur malheur et leur perte éternelle,
que leurs parents d’ailleurs fussent chrétiens ou païens. C’est
pourquoi les Pasteurs ne sauraient expliquer trop souvent ces
paroles de l’Evangile. Si quelqu’un n’est pas régénéré par l’eau
et par l’Esprit, il ne peut entrer dans le Royaume des cieux.
Et cette loi ne regarde
pas seulement les adultes, l’autorité et les témoignages des Pères
établissent qu’elle atteint même les petits enfants, et que l’Eglise
l’a reçue de la tradition apostolique. D’ailleurs, est-il possible
de croire que Notre-Seigneur Jésus-Christ eût refusé aux enfants
le sacrement et la grâce du Baptême, Lui qui disait: Laissez les
petits enfants, et ne tes empêchez pas de venir n moi, parce que le
Royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent ; Lui qui
les embrassait, qui leur imposait les mains, et les bénissait ?
Nous lisons que Saint
Paul baptisa un jour une famille tout entière. Or n’est-il pas assez
naturel de supposer que les enfants qui faisaient partie de cette
famille furent également purifiés par cette eau salutaire ?
La Circoncision qui
était la figure du Baptême apporte aussi son témoignage, et un
témoignage considérable, en faveur du Baptême des enfants. En effet,
personne n’ignore que l’on avait coutume de donner la Circoncision
aux enfants le huitième jour après leur naissance. Or, puisque la
Circoncision, qui dépouille la chair par la main des hommes ,
était utile à ces enfants, pourquoi le Baptême, qui est la
circoncision spirituelle de Jésus-Christ, ne produirait-il pas en
eux ses effets ?
Enfin, comme l’enseigne
l’Apôtre , si la mort a régné par un seul, et par le péché d’un
seul, à plus forte raison ceux qui reçoivent l‘abondance de la Grâce
et du don de la Justice, doivent régner dans la vie par un seul qui
est Jésus-Christ. Or les enfants, par le péché d’Adam, ont contracté
la tache originelle ; à plus forte raison donc peuvent-ils recevoir
la Grâce et la Justice par Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour régner
dans la vie ; ce qui est absolument impossible sans le Baptême.
C’est pourquoi les
Pasteurs enseigneront qu’il est de toute nécessité de baptiser les
enfants, et ensuite de les former peu à peu dés l’âge le plus
tendre, et par les préceptes de la Religion chrétienne, à la
pratique de la vraie piété. Car, comme le Sage l’a très bien dit:
Le jeune homme, même quand il aura vieilli, ne quittera point la
voie qu’il aura suivie dans sa jeunesse. On ne peut douter que
les enfants, au moment où ils reçoivent le Baptême, ne reçoivent en
même temps le don mystérieux de la Foi ; non pas qu’ils croient par
l’adhésion de leur intelligence,
mais parce qu’ils sont
comme revêtus et imprégnés de la Foi de leurs Parents, si leurs
Parents sont croyants, ou s’ils sont infidèles, de la Foi de toute
la société des Saints. (C’est la parole même de Saint Augustin). Car
on peut dire avec vérité que les enfants sont présentés au Baptême
par tous ceux qui désirent les y voir présenter, et dont la charité
les fait admettre dans la Communion du Saint-Esprit.
Il faut donc engager
fortement les Fidèles à porter leurs enfants à l’Eglise, et à les
faire baptiser avec les cérémonies consacrées, dès qu’ils pourront
le faire sans danger. Les enfants n’ont pas d’autre moyen de salut
que le Baptême. Ce serait une faute, et une faute grave, de les
laisser dans la privation de la grâce de ce Sacrement plus longtemps
que la nécessité ne l’exige. Et il ne faut pas oublier que la
faiblesse de leur âge les expose à une infinité de périls mortels.
Quant aux adultes qui
ont le parfait usage de leur raison, et qui sont nés de parents
infidèles, la conduite à tenir est toute différente. Selon la
coutume de la primitive Eglise, il faut les instruire d’abord des
vérités de la Foi chrétienne, et puis les exhorter, les exciter, les
inviter avec la plus grande ardeur à l’embrasser. S’ils se
convertissent au Seigneur, on les avertira de ne pas différer à
recevoir le Baptême au-delà du temps prescrit par l’Eglise. Car il
est écrit: ne tardez pas à vous convertir au Seigneur, et ne
différez pas de jour en jour. Il faut leur apprendre que la
conversion complète ne se trouve que dans la régénération
baptismale. Que plus ils viendront tard au Baptême, plus longtemps
aussi ils demeureront privés de l’usage et de la grâce des autres
Sacrements, qui sont l’âme, en quelque sorte, de toute la Religion
chrétienne, puisque le Baptême seul ouvre les portes qui conduisent
jusqu’à eux ; enfin qu’ils renonceraient également aux avantages
immenses que ce premier Sacrement renferme. C’est qu’en effet l’eau
salutaire du Baptême efface et détruit les taches et les souillures
de tous les péchés commis auparavant, en même temps qu’elle orne
notre âme de cette Grâce divine dont le secours et la force nous
font désormais éviter le mal et conserver la justice et l’innocence,
— deux choses dans lesquelles se résume toute la Vie chrétienne,
comme il est facile de le voir.
Malgré cela l’Eglise
n’est pas dans l’usage de donner le Baptême aux adultes aussitôt
après leur conversion. Elle veut au contraire qu’on le diffère un
certain temps. Ce retard n’entraîne point pour eux les dangers qui
menacent les enfants, ainsi que nous l’avons dit plus haut. Comme
ils ont l’usage de la raison, le désir et la résolution de recevoir
le Baptême, joints au repentir de leurs péchés, leur suffiraient
pour arriver à la grâce et à la justification, si quelque accident
soudain les empêchait de se purifier dans les Fonts salutaires. Au
contraire, ces retards ont bien leur utilité. Puisque l’Eglise est
chargée de veiller, et avec la plus grande sollicitude, à ce que
personne ne s’approche de ce Sacrement par un esprit de
dissimulation et d’hypocrisie, elle connaît et apprécie mieux, en
différant le Baptême, la sincérité de ceux qui le demandent. Voilà
pourquoi les anciens Conciles avaient décrété que les Juifs qui se
convertiraient à la Foi catholique, resteraient pendant plusieurs
mois au rang de simples Catéchumènes, avant d’être admis à recevoir
le Baptême. D’un autre côté ce retard permet d’instruire les Adultes
d’une manière plus parfaite des règles de la Vie chrétienne, et des
principes de la Foi dont ils doivent faire profession. Enfin on rend
à ce Sacrement tout l’honneur qu’il mérite, en le recevant d’une
manière solennelle, et avec les cérémonies de l’Eglise, aux fêtes de
Pâques et de la Pentecôte.
Cependant il y a
quelquefois des raisons graves et même nécessaires de ne pas
différer le Baptême aux Adultes, par exemple s’ils se trouvent en
danger de mort, ou s’ils sont parfaitement instruits des Mystères de
la Foi. C’est ce que firent Saint Philippe et le prince des Apôtres.
Saint Philippe baptisa le serviteur de la reine d’Ethiopie, et Saint
Pierre le centurion Corneille, l’un et l’autre sans aucun retard, et
dès qu’ils eurent déclaré qu’ils étaient prêts à embrasser la Foi.
§ II. — DES DISPOSITIONS NÉCESSAIRES POUR
RECEVOIR LE BAPTEME.
Il faut aussi apprendre
au peuple, et bien lui expliquer quelles doivent être les
dispositions de ceux qui se présentent au Baptême. La première de
toutes, c’est le désir et la volonté ferme d’être baptisés. Puisque
par le Baptême on meurt au péché, et on embrasse une vie nouvelle,
et des principes nouveaux, il est juste de ne le conférer à qui que
ce soit malgré lui, et de ne le donner qu’à ceux qui l’acceptent
volontairement et avec plaisir. La tradition nous apprend que la
coutume a toujours existé de demander à celui que l’on va baptiser
s’il a la volonté de l’être. Et il ne faut pas penser que cette
volonté manque, même chez les plus jeunes enfants, puisque l’Eglise
répond pour eux, et que sa propre volonté à cet égard est bien
évidente.
Les insensés et les
fous qui ont joui quelque temps de leur bon sens, et l’ont perdu
ensuite, ne peuvent pas avoir dans cet état la volonté de recevoir
le baptême. Ils ne doivent donc pas être baptisés, à moins qu’ils ne
soient en danger de mort. Car dans ce cas il faut les baptiser,
pourvu toutefois qu’ils aient manifesté le désir de recevoir ce
Sacrement avant de tomber en démence. Dans le cas contraire, on ne
doit pas les baptiser. Il en est de même de ceux qui sont en
enfance. S’ils n’ont jamais joui de leur bon sens, s’ils n’ont
jamais eu l’usage de leur raison, la coutume et l’autorité de l’Eglise
demandent qu’on les baptise comme les enfants qui viennent de
naître.
Mais outre le désir
formel du Baptême que doivent avoir ceux qui sont raisonnables, la
Foi leur est également nécessaire pour recevoir la grâce du
Sacrement, et nécessaire au même titre que la volonté. Car ce n’est
pas sans motif que Notre-Seigneur a dit: Celui qui croira et qui
sera baptisé sera sauvé. De plus il faut qu’ils aient un
repentir sincère de tous leurs péchés, de toute leur mauvaise
conduite antérieure, et une ferme résolution de ne plus pécher à
l’avenir. Celui qui demanderait le Baptême, sans avoir la volonté
bien arrêtée de corriger, ses habitudes coupables, devrait être
absolument écarté. Rien n’est plus opposé à la grâce et aux effets
du Baptême que les dispositions et les sentiments d’un pécheur qui
ne veut mettre aucun terme à ses désordres. Puisqu’on ne désire ce
Sacrement que pour revêtir Jésus-Christ, et pour s’unir à Lui, c’est
donc un devoir indispensable d’éloigner de l’Ablution sacrée celui
qui se propose de persévérer dans ses vices et dans ses fautes.
D’ailleurs on ne doit jamais abuser en aucune façon de ce qui touche
à Jésus-Christ et à son Eglise. Or ce serait abuser du Baptême, et
le recevoir en vain, du moins en ce qui concerne la sanctification
et le salut, que dé conserver, en le recevant, la volonté de vivre
selon la chair et non pas selon l’esprit. toutefois, même avec cette
disposition, on recevrait véritablement le caractère du Sacrement,
pourvu que le Baptême fût administré régulièrement, et que l’on eût
l’intention de recevoir ce que l’Eglise elle-même a l’intention de
donner. Voilà pourquoi le Prince des Apôtres répondit à cette
multitude d’hommes qui, nous dit l’Ecriture, étaient venus, le cœur
contrit, lui demander, à lui et aux autres Apôtres, ce qu’ils
avaient à faire (pour être sauvés) : Faites pénitence, et que
chacun de vous reçoive le Baptême ; et dans un autre endroit:
Repentez-vous, et convertissez-vous, afin que vos péchés soient
effacés. — De même Saint Paul, dans son épître aux Romains, fait
voir clairement que celui qui est baptisé doit absolument mourir au
péché. Voilà pourquoi il nous avertit de ne point abandonner nos
membres au péché, comme des armes d’iniquités, mais de nous donner à
Dieu, comme étant revenus de la mort à la vie.
Si les Fidèles savent
méditer fréquemment ces Vérités, ils seront d’abord forcés d’admirer
sans réserve la bonté infinie de Dieu, qui sans aucun mérite de
notre part, et par la seule inspiration de sa miséricorde, a bien
voulu nous accorder le bienfait si extraordinaire et si précieux du
baptême. Et s’ils viennent ensuite à considérer combien doit être
pure et éloignée de tout mal la vie de ceux qui ont reçu un présent
si magnifique, ils n’auront aucune peine à comprendre qu’un vrai
Chrétien doit passer tous les jours de sa vie aussi saintement, et
avec autant de piété, que s’il venait seulement de recevoir ce
jour-là le sacrement et la grâce du Baptême.
§ III. — DES EFFETS DU BAPTÊME.
Un des moyens les plus
efficaces pour allumer dans le cœur des Chrétiens le feu du
véritable amour de Dieu, c’est de leur expliquer avec soin les
effets du Baptême. Il faudra donc revenir souvent sur ce sujet, afin
qu’ils sachent bien que ce Sacrement les a élevés à un très haut
degré de dignité, et qu’ils ne doivent jamais souffrir que les
artifices, ou la violence de leurs ennemis les en fassent déchoir.
La première chose à
leur apprendre sur ce point, c’est que tous. nos péchés, soit le
péché originel qui nous vient de nos premiers parents, soit le péché
actuel que nous commettons par notre propre volonté, — quand même ce
péché dépasserait en malice tout ce qu’on peut imaginer, — tous nos
péchés, disons-nous, nous sont remis et pardonnés par la vertu
merveilleuse du Sacrement de Baptême. Longtemps avant
Notre-Seigneur, Ezéchiel avait prédit cet effet: Je verserai sur
vous une eau pure, dit Dieu Lui-même, par la bouche du Prophète,
et vous serez purifiés de toutes vos souillures. Et l’Apôtre
saint Paul, après avoir fait aux Corinthiens une longue énumération
de diverses sortes de péchés, ajoute: C’est ce que vous avez été
autrefois: mais vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés.
Telle a été en effet, et manifestement, la doctrine constante de l’Eglise.
Saint Augustin, dans son livre du Baptême des enfants, dit que
par la qénération du Saint-Esprit, on obtient la rémission des
péchés volontaires, avec celle du péché originel. Et saint
Jérôme à Océanus: Tous les crimes, dit-il, sont pardonnés
dans le Baptême. Et pour qu’il ne put rester aucun doute sur
cette vérité, même après les définitions des autres Conciles, la
sainte assemblée de Trente a prononcé l’anathème contre ceux qui
oseraient penser autrement, et qui auraient la témérité de soutenir
que la rémission des péchés par le Baptême n’est pas entière, et
qu’ils ne sont pas absolument effacés et comme déracinés de l’âme,
mais seulement coupés et rasés en quelques sortes, de manière que
les racines en demeurent encore dans notre cœur. Car, pour
employer les propres expressions du Concile, Dieu ne hait rien
dans ceux qui sont régénérés, parce qu’il n’y a aucune cause de
condamnation dans ceux qui ont été véritablement ensevelis avec
Jésus-Christ par le Baptême, pour mourir ait péché ; qui ne vivent
plus selon la chair ; qui ont dépouillé le vieil homme ; qui se sont
revêtus de l’homme nouveau qui a été créé selon Dieu ; et qui sont
devenus innocents, purs, sans tache, et agréables à Dieu.
Cependant il faut le
reconnaître, et le saint Concile l’a formellement décrété dans le
même endroit, la concupiscence ou le foyer du péché subsiste encore
chez les baptisés ; mais la concupiscence n’est point le péché.
Saint Augustin enseigne que chez les enfants le Baptême remet la
faute de la concupiscence, mais qu’il leur laisse la concupiscence,
pour les exercer. Et ailleurs il dit positivement que la
faute est détruite dans le Baptême, mais que la faiblesse reste.
La concupiscence qui vient du péché n’est autre chose en effet
qu’une inclination ou tendance de l’âme, essentiellement contraire à
la raison ; mais cette tendance cependant est bien différente de la
véritable nature du péché, quand il ne s’y joint ni consentement de
la volonté pour la suivre, ni négligence pour la combattre. Et
lorsque saint Paul a dit: « Je n’aurais pas connu la
concupiscence, si la Loi ne m’avait dit: tu ne convoiteras pas »
il a voulu parler, non des mouvements mêmes de la concupiscence,
mais du vice de la volonté. Nous trouvons la même doctrine dans
saint Grégoire: Si quelqu’un prétend, dit-il, que par le baptême
les péchés sont remis seulement jusqu’à la surface, qu’y a-t-il de
moins chrétien que cette opinion ? Car, par le sacrement de la Foi,
l’âme, entièrement dégagée de ses fautes, n’est plus attachée qu’à
Dieu. Puis, en preuve de ce qu’il affirme, il rapporte les
paroles de Notre Sauveur dans saint Jean: Celui qui a été lavé,
n’a plus besoin que de se laver les pieds, et il est pur dans tout
le reste.
Si l’on veut une image
sensible et une figure frappante de cette vérité, il n’y a à
considérer ce que l’Ecriture rapporte de Naaman, le lépreux de
Syrie. Après s’être baigné sept fois dans le Jourdain, il fut si
parfaitement guéri que sa chair semblait être celle d’un enfant.
Pareillement l’effet propre du Baptême est de nous remettre tous nos
péchés, aussi bien le péché originel que ceux que nous avons commis
par notre propre faute. C’est pour cette fin-là même que notre
Sauveur l’a institué. Le Prince des Apôtres, pour n’en point citer
d’autres, nous l’apprend formellement, quand il dit: Faites
pénitence, et que chacun de vous reçoive le Baptême au nom de
Jésus-Christ, pour la rémission de ses péchés.
Et non seulement le
Baptême remet tous les péché., priais grâce à l’infinie bonté de
Dieu, il remet en même temps toutes les peines qui leur sont dues.
Il est vrai que les Sacrements ont la vertu de nous communiquer les
mérites de la Passion de Jésus-Christ. Mais c’est du Baptême que
l’Apôtre a dit que par lui nous mourons et sommes ensevelis avec
Jésus-Christ. Voilà pourquoi la sainte Eglise a toujours compris
qu’on ne pouvait, sans faire une très grande injure à ce Sacrement,
imposer à celui qui doit le recevoir et être purifié par lui, ces
œuvres de piété que les saints Pères appellent communément des
œuvres satisfactoires. Et ce que nous disons ici n’a rien de
contraire à l’usage de la primitive Eglise, qui ordonnait aux Juifs.
lorsqu’ils recevaient le Baptême, de jeûner pendant quarante jours.
Ce jeune n’avait point rapport à la satisfaction ; mais c’était un
moyen de rappeler à ceux qui recevaient le Baptême, que par respect
pour la dignité de ce Sacrement, ils devaient se livrer sans
interruption pendant quelque temps au jeûne et à la prière.
Mais s’il est
absolument certain que le Baptême remet toutes les peines dues aux
péchés, cependant il n’exempte point de ces châtiments que les
tribunaux humains infligent aux grands criminels. Ainsi celui qui
aurait mérité la mort ne pourrait se soustraire par le Baptême au
supplice ordonné par la loi. Mais on ne saurait trop louer la
religion et la piété de ces princes qui, pour faire éclater
davantage la gloire de Dieu dans ses Sacrements, accorderaient sa
grâce au coupable en cette circonstance, et lui remettraient sa
peine.
De plus le Baptême,
après le court passage de cette vie, nous délivre de toutes les
peines qui sont dues au péché originel. C’est une grâce que la mort
de Jésus-Christ nous a méritée. Comme nous l’avons dit plus haut,
par le Baptême nous mourons avec Jésus-Christ ; or, dit l’Apôtre,
si noirs sommes entés en Lui, par la ressemblance de sa Mort,
nous le serons aussi par la ressemblance de sa Résurrection.
Pourquoi donc, dira
peut-être quelqu’un, ne sommes-nous pas, aussitôt après le Baptême,
et dès cette vie mortelle, délivrés de tous les inconvénients qui
l’accompagnent et rétablis par la vertu de l’ablution sacrée dans
cet état de dignité et de perfection, où Adam le père du genre
humain avait été placé avant son péché ? nous pouvons donner de ce
fait deux principales raisons
La première, c’est que
nous sommes unis au corps de Jésus-.Christ, et que nous en devenons
les membres par le Baptême. Or il ne convenait pas de nous accorder
plus de privilèges qu’à notre Chef lui-même. Notre-Seigneur
Jésus-Christ, tout en possédant dés le premier instant de sa
conception, la plénitude de la Grâce et de la Vérité, n’a point
déposé pour cela la fragilité de la nature humaine qu’il avait
prise, avant d’avoir enduré les tourments de sa Passion et de sa
Mort, et avant de s’être ressuscité Lui-môme à la vie glorieuse de
l’immortalité. Dès lors, qui pourrait s’étonner de voir les Fidèles,
qui possèdent déjà par le Baptême la grâce de la justice céleste,
continuer de vivre encore dans une chair périssable et fragile ?
Quand ils auront supporté pour Jésus-Christ toutes sortes de peines
et de travaux, quand ils auront subi la mort, et qu’ils seront
ensuite revenus à la vie, alors ils seront dignes de jouir avec Lui
de l’éternité bienheureuse.
La seconde raison qui a
fait laisser en nous après le Baptême l’infirmité du corps, les
maladies, le sentiment de la douleur et les mouvements de la
concupiscence, c’est que Dieu voulait nous ménager comme une ample
moisson de mérites de toute sorte, et par ce moyen, nous faire
obtenir un jour des fruits plus abondants de gloire, et de plus
magnifiques récompenses. Si nous souffrons patiemment toutes les
misères de la vie, si avec l’aide de Dieu, nous soumettons les
affections déréglées de notre cœur à l’empire de la raison, nous
avons le droit d’espérer fermement, avec l’Apôtre, que, ayant
bien combattu, achevé notre course et conservé la Foi, le Seigneur
nous réservera la couronne de justice, et que ce juste Juge nous la
rendra au dernier jour. C’est de la même manière que Dieu semble
avoir agi avec les enfants d’Israël. Il les délivra de la servitude
d’Egypte, de la poursuite de Pharaon et de son armée, qu’Il
précipita dans la mer ; et cependant Il ne les introduisit point
immédiatement dans l’heureuse terre de la promesse ; mais
auparavant, Il les fit passer par plusieurs épreuves, et les exposa
à de nombreux périls. Et plus tard, lorsqu’Il les mit en possession
de la terre promise, Il chassa, il est vrai, de cette terre la
plupart de ses habitants, mais II y conserva cependant quelques
nations, qu’on ne put jamais détruire, afin que le peuple de Dieu
eût sans cesse l’occasion d’exercer son courage, et sa vertu
guerrière.
Joignons à cela que si
le Baptême, tout en ornant l’âme des dons célestes, procurait en
même temps les biens du corps, plusieurs probablement voudraient le
recevoir. plutôt à cause de ces avantages temporels et présents, que
par l’espérance de la gloire future. Et cependant les biens que le
Chrétien ne doit jamais perdre de vue, ne sont pas ces biens faux et
incertains qui se voient, mais les biens véritables et éternels qui
ne se voient pas.
Toutefois, la vie
présente, si remplie de misères qu’elle soit, n’est pas sans joies
et sans douceurs. Pour nous en effet, qui sommes comme des branches
entées sur Jésus-Christ par le Baptême, que peut-il y avoir de plus
doux, et de plus désirable, que de prendre la croix sur nos épaules,
de suivre notre Sauveur comme un chef, sans nous laisser ni rebuter
par la fatigue, ni arrêter par les dangers, et de tendre sans cesse
de toutes nos forces à la récompense céleste à laquelle Dieu nous
appelle, pour recevoir de sa main, ceux-ci le laurier de la
virginité, ceux-là, la couronne de la science et de la prédication,
les uns la palme du martyre, les autres enfin les récompenses dues à
leurs vertus ? Or, tous ces titres et tous ces insignes ne
pourraient nous être accordés, si auparavant nous ne nous étions
point exercés dans la carrière de cette vie si pénible, et si nous
n’avions pas remporté la victoire dans le combat.
Pour en revenir aux
effets du Baptême, il faudra expliquer que ce Sacrement, non
seulement nous délivre, par la vertu qui lui est propre, de tout ce
que l’on peut vraiment appeler les maux, mais qu’il nous enrichit
encore des biens et des dons les plus précieux. Ainsi il remplit
notre âme de cette Grâce divine qui nous rend justes, et nous fait
enfants de Dieu, héritiers du salut éternel. Car, comme il est
écrit: celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé ; et
l’Apôtre affirme que l’Eglise a été Purifiée par le Baptême de
l’eau par la parole. Or, d’après le décret du Concile de Trente,
qui nous oblige de le croire sous peine d’anathème, la grâce reçue
dans le Baptême n’efface pas seulement nos péchés, mais elle est
encore comme une qualité divine qui s’attache à l’âme, c’est comme
un rayon, une lumière qui en absorbe toutes les taches, et qui la
rend plus belle et plus brillante. Cette vérité se déduit aussi très
clairement de l’Ecriture sainte, lorsqu’elle dit que « la grâce
est répandue dans nos cœurs, et qu’elle est un gage du
Saint-Esprit. »
Mais cette grâce que le
Baptême communique est accompagnée du glorieux cortège de toutes les
vertus qui, par un don spécial de Dieu, pénètrent dans l’âme en même
temps qu’elle. L’Apôtre écrivait à Tite: « Dieu nous a sauvés
par l’eau de la régénération et du renouvellement du Saint-Esprit,
qu’Il a répandu sur nous avec abondance, par Jésus-Christ notre
Sauveur. » Et Saint Augustin affirme que ces paroles, Il a
répandu en abondance, doivent s’entendre de toute la rémission
des péchés et de l’abondance de toutes les vertus.
Le Baptême nous unit
aussi et nous attache à Jésus-Christ comme des membres à leur chef.
C’est la tête qui communique à chaque partie du corps la force et le
mouvement nécessaires pour remplir les fonctions oui lui sont
propres. De même aussi c’est de la plénitude de notre Seigneur
Jésus-Christ que se répand sur tous ceux qui sont justifiés, cette
Vertu, cette Grâce divine qui nous rend capables d’accomplir tous
les devoirs de la Piété chrétienne.
Et personne ne doit
trouver étrange qu’avec une aussi grande abondance de vertus qui
viennent orner et fortifier notre âme, nous ne puissions cependant
commencer. ou du moins achever aucune bonne œuvre, sans les
peines et les difficultés les plus grandes. Ce n’est pas que Dieu
dans sa bonté ne nous ait accordé réellement les vertus qui
engendrent les bonnes œuvres. Mais c’est crue, même après le
Baptême, la lutte acharnée de la chair contre l’esprit n’est pas
finie. Au contraire. Et il serait indigne d’un Chrétien de se
décourager dans cette lutte, ou de se laisser abattre. S’il s’appuie
sur la bonté de Dieu, et s’il s’applique chaque jour à bien vivre,
il doit garder dans son cœur l’espérance certaine que bientôt il
trouvera facile et agréable tout ce qui est honnête, tout ce qui
est juste, tout ce qui est saint. Méditons souvent ces saintes
pensées, pratiquons avec joie ce qu’elles nous enseignent, et le
Dieu de la paix sera avec nous.
En outre le Baptême
imprime dans notre âme un caractère ineffaçable. Mais nous n’avons
plus besoin d’en parler ici. Car nous avons développé plus haut, en
traitant des Sacrements en général, toutes les explications qui se
rapportent à cet objet. II est facile de les y trouver. Cependant,
comme c’est en se fondant sur la nature et la vertu de ce caractère
que l’Eglise a décidé que le Baptême ne pouvait jamais être réitéré,
les Pasteurs ne négligeront pas de le rappeler souvent aux Fidèles,
afin de prévenir toute erreur à cet égard. Au reste, cette doctrine
est celle que professe l’Apôtre dans ces paroles: « il n’y a
qu’un Seigneur, une Foi, un Baptême. » Ensuite quand il exhorte
les Romains à conserver soigneusement la vie, qu’ils ont reçue de
Jésus-Christ, en mourant avec Lui par le Baptême, ce qu’il
ajoute , si Jésus-Christ est mort pour le péché, il n’est mort
qu’une fois, ne semble-t-il pas vouloir dire ouvertement que si
Jésus-Christ ne peut mourir une seconde fois, il ne nous est pas
permis non plus à nous-mêmes de mourir deux fois par le Baptême.
Aussi la Sainte Eglise fait-elle publiquement profession de
n’admettre qu’un seul Baptême. Et pour trouver cette doctrine
absolument conforme à la raison et à la nature de ce Sacrement, il
suffit de se rappeler que le Baptême est une régénération
spirituelle. De même que selon l’ordre de la nature nous ne naissons
et ne venons au monde qu’une seule fois, de même encore, pour parler
le langage de Saint Augustin, qu’il est impossible de rentrer dans
le sein de sa mère, ainsi il ne peut y avoir non plus qu’une seule
génération spirituelle, et dans aucun cas, le Baptême ne peut être
renouvelé.
Et que personne ne
s’imagine que l’Eglise le renouvelle, lorsque dans l’incertitude si
le Baptême a eu lieu, elle fait l’ablution sacrée, en disant: si
tu as été baptisé, je ne te baptise pas de nouveau, mais si tu ne
l’as pas été, je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du
Saint-Esprit. Ce n’est point là recommencer le Baptême d’une
manière criminelle, c’est au contraire remplir un devoir très saint
que de l’administrer ainsi sous condition.
Cependant les Pasteurs
ont quelques précautions à prendre sur ce point, pour éviter des
fautes journalières qui sont très contraires au respect dû au
Sacrement. Ainsi, il en est qui ne croient pas commettre la moindre
faute en baptisant sous condition tous ceux qu’on leur présente
indistinctement. Si on leur apporte un enfant, ils ne songent point
du tout à s’informer, s’il a été baptisé auparavant, mais ils le
baptisent eux-mêmes sur le champ. Bien plus, s’ils savent que le
Sacrement a été administré à la maison, ils n’hésitent point à
réitérer l’Ablution sainte, en y joignant les cérémonies prescrites.
Cependant ils ne sauraient agir ainsi sans faire un sacrilège, et
sans contracter cette indignité que les Auteurs ecclésiastiques
appellent une irrégularité. Le Pape Alexandre n’autorise cette
manière de baptiser qu’à l’égard de ceux sur le Baptême desquels,
après un examen attentif, il reste encore quelque doute. Dans tous
les autres cas, il n’est lainais permis d’administrer de nouveau ce
Sacrement, même sous condition.
Enfin après tous les
avantages que nous retirons du Baptême, il en est un dernier auquel
tous les autres se rapportent, c’est de nous ouvrir la porte du
ciel, que le péché nous tenait auparavant fermée. Au reste, ces
effets que nous attribuons à l’efficacité du Baptême, nous pouvons
parfaitement les inférer de ceux qui, au témoignage de l’Evangile,
se manifestèrent au Baptême de Notre-Seigneur. Les cieux s’ouvrirent
alors, et l’on vit le Saint-Esprit descendre sur Jésus-Christ sous
la forme d’une colombe. Ce prodige signifiait que ceux qui sont
baptisés reçoivent les dons du Saint-Esprit, et que la porte du ciel
leur est ouverte, non à la vérité pour qu’ils entrent dans la
jouissance de la gloire céleste, immédiatement après leur Baptême,.
mais quand le temps sera venu ; c’est-à-dire, lorsque délivrés de
toutes les misères terrestres, qui ne sauraient atteindre la vie des
bienheureux, ils se dépouilleront de leur condition mortelle, pour
jouir de l’immortalité.
Tels sont les effets du
Baptême. A ne considérer que la vertu du Sacrement, ils sont, sans
aucun doute, les mêmes pour tous. Mais si l’on s’arrête aux
dispositions de ceux qui le reçoivent, il est bien certain que
chacun en tire une grâce céleste, et des fruits plus ou moins
abondants, suivant l’état particulier de son cœur.
§ IV. — DES PRIÈRES ET DES CÉRÉMONIES DU
BAPTÊME.
Il ne nous reste plus
maintenant qu’à parler en peu de mots et d’une manière claire, des
Prières, des Rites et des Cérémonies du Baptême. Ce que l’Apôtre dit
du don des langues qu’il est inutile quand les Fidèles ne
comprennent pas ce que l’on dit, peut s’appliquer presque aussi
bien aux Rites et aux Cérémonies du Baptême. Ce sont là en effet les
signes et l’image visible des effets invisibles de ce Sacrement.
Mais si les fidèles ignorent le sens et la portée de ces signes, on
ne voit plus guère à quoi les Cérémonies peuvent être utiles. Il
faut donc que les Pasteurs travaillent à les faire bien comprendre,
et à persuader aux Chrétiens que si elles ne sont pas absolument
nécessaires, elles sont cependant très importantes, et dignes de
toute notre vénération. C’est de quoi il est aisé de les convaincre
en leur rappelant et l’autorité de ceux qui les ont établies, (et
qui ne sont autres que les Apôtres), et la fin pour laquelle elles
ont été instituées. Elles nous portent en effet à administrer le
Baptême plus religieusement, et plus saintement ; elles placent pour
ainsi dire sous nos yeux les effets admirables et les dons divins
renfermés dans ce Sacrement ; enfin elles impriment plus fortement
dans nos cœurs le souvenir des immenses bienfaits de Dieu.
Mais pour mettre un
certain ordre dans leurs explications, et pour aider en même temps
la mémoire de leurs auditeurs, les Pasteurs devront ramener à trois
catégories toutes les Cérémonies et toutes les Prières dont l’Eglise
se sert dans l’administration du Baptême. La première renfermera les
Cérémonies qui ont lieu avant que l’on soit arrivé aux Fonts, la
seconde celles qui se pratiquent aux Fonts mêmes, et la troisième
celles qui suivent l’administration du Sacrement.
En premier lieu, il
faut préparer l’eau que l’on doit employer dans le Baptême. On la
consacre en y mêlant l’huile de l’Onction mystique, mais cette
consécration ne se fait point dans tous les temps. Selon la coutume
de nos ancêtres, on attend pour cela certains Jours de Fêtes qui
passent à bon droit pour les plus saints et les plus solennels de
l’année. C’est aux vigiles de ces Fêtes que l’on bénit l’eau de
l’Ablution sacrée ; et même autrefois, dans la primitive Eglise, le
Baptême n’était administré que ces jours-là, quand la nécessité
n’obligeait point d’agir autrement. Et quoique l’Eglise n’ait pas
jugé à propos de conserver cet usage, à cause des dangers habituels
de la vie, cependant elle a toujours religieusement gardé la coutume
de ne bénir l’eau et les Fonts du Baptême, que dans les saints jours
de Pâques et de la Pentecôte.
Après cette bénédiction
de l’eau, il faut expliquer les autres Cérémonies qui précèdent
immédiatement le Baptême. On apporte, ou l’on conduit ceux qui
doivent être baptisés, aux portes de l’église ; et là on les oblige
à s’arrêter, parce qu’ils sont indignes d’entrer dans la Maison de
Dieu, tant qu’ils n’ont pas brisé le joug de l’esclavage le plus
honteux, et qu’ils ne se sont pas consacrés entièrement à
Notre-Seigneur Jésus-Christ, et à son très légitime empire. Alors le
Prêtre leur demande ce qu’ils désirent de l’Eglise. Sur leur
réponse, il les instruit d’abord de la Foi Chrétienne dont ils
doivent faire profession au Baptême. Cette instruction se fait sous
forme de catéchisme. On ne peut douter que cette coutume ne soit un
effet du commandement même que fit notre Sauveur aux Apôtres, quand
Il leur dit : « Allez par tout le monde, enseignez toutes les
nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du
Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que Je vous ai
commandé. » Ces paroles font bien voir qu’il ne faut pas
administrer le Baptême, avant d’avoir exposé, au moins en abrégé,
les principaux articles de notre sainte Religion.
Or cette instruction se
faisant par manière de catéchisme, c’est-à-dire, par une suite de
plusieurs interrogations, les réponses doivent être données par
celui qui veut être baptisé, s’il est adulte, et, s’il est enfant,
par le répondant ou Parrain, qui s’engage solennellement pour lui.
Vient ensuite
l’Exorcisme, qui a pour objet de chasser le démon, de détruire ses
forces, et d’affaiblir son pouvoir ; il consiste en prières et en
Formules sacrées et religieuses.
A l’Exorcisme se
joignent d’autres Cérémonies, qui, pour être mystiques, n’en ont pas
moins une signification propre et très claire. Ainsi le sel que l’on
met dans la bouche de celui que l’on baptise, signifie évidemment
que par la profession de la Foi et par le don de la Grâce il va être
délivré de la corruption de ses péchés, prendre le goût des œuvres
saintes, et aimer à se nourrir de la divine Sagesse. — ensuite on
fait le signe de la Croix sur son front, sur ses yeux, sur sa
poitrine, sur ses épaules et sur ses oreilles, pour montrer que
l’effet du Baptême est d’ouvrir et de fortifier les sens, afin que
le Chrétien puisse recevoir Dieu en lui, comprendre ses
Commandements et les observer. Aussitôt après on lui met de la
salive sur les narines et sur les oreilles, et on l’introduit aux
Fonts baptismaux. Cette cérémonie nous rappelle l’aveugle de l’Evangile
sur les yeux duquel Notre-Seigneur mit un peu de boue faite avec de
la salive, et qu’Il envoya ensuite se laver dans la piscine de Siloe,
où il recouvra aussitôt la vue. Ainsi telle est la vertu de l’eau
sacrée du Baptême, qu’elle éclaire notre âme d’une Lumière céleste
et lui fait comprendre la doctrine sainte du Salut.
Ces préliminaires
achevés, on se rend aux Fonts. Là, on accomplit encore d’autres
Rites et d’autres Cérémonies, qui comprennent en abrégé les
obligations imposées au Chrétien. D’abord le prêtre demande par
trois fois, à celui qui va être baptisé: « Renoncez-vous à Satan,
à toutes ses œuvres, et à toutes ses pompes ? » et à chaque
demande il répond, lui, ou le Parrain en son nom: « Oui, j’y
renonce. » Ainsi donc celui qui se consacre au service de
Jésus-Christ doit promettre en premier lieu, avec toute la sincérité
et toute la religion possibles, d’abandonner le démon et le monde,
et désormais de les regarder sans cesse comme ses plus cruels
ennemis. Puis, le Prêtre l’arrête devant les Fonts sacrés, et lui
fait cette question « Croyez-vous en Dieu le Père tout Puissant ? »
Il répond « Oui, j’y crois. » Interrogé de même sur chacun
des autres Articles du Symbole, il fait une profession solennelle de
Foi, profession qui, avec la promesse précédente, contient
certainement toutes les obligations et tous les principes de la Loi
chrétienne.
Mais lorsque le moment
d’administrer le Baptême est enfin arrivé, le Prêtre lui demande
s’il veut être baptisé. Sur l’affirmation qu’il en donne lui-même,
ou que le Parrain donne en son nom, s’il ne parle pas encore,
aussitÔt on fait couler sur lui l’eau salutaire, au nom du Père, et
du Fils, et du Saint-Esprit. L’homme n’avait été si justement
condamné que pour avoir volontairement obéi au serpent, ainsi
Notre-Seigneur n’a voulu inscrire au nombre des siens que le soldat
de bonne volonté qui mériterait le salut éternel, en obéissant de
son plein gré à ses divins Commandements.
Le Baptême étant
achevé, le Prêtre fait sur le haut de la tête du baptisé une onction
avec le saint Chrême, afin qu’il sache que dès ce moment il est uni
et attaché à Jésus-Christ, comme un membre à son chef, qu’il vient
d’être enté sur son Corps, et que son nom de Chrétien lui vient de
Christ, comme celui de Christ vient de chrême.
Quant à la
signification du saint Chrême, elle se révèle très bien, dit Saint
Ambroise , dans la Prière que fait alors le Prêtre.
Il revêt le nouveau
baptisé d’une robe blanche, en disant: « Recevez cet habit blanc, et
portez-le sans souillure ou tribunal de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
afin que vous obteniez la Vie éternelle. » Aux enfants qui ne
portent pas encore la robe, on donne un petit linge blanc, qu’on
leur met sur la tête, en prononçant les mêmes paroles. Ce symbole
représente tout à la fois, selon les Saints Docteurs, la gloire de
la Résurrection, pour laquelle nous venons de naître par le
Baptême ; l’éclat et la beauté dont ce Sacrement orne notre âme
après l’avoir purifiée des souillures du péché ; et enfin
l’innocence et l’intégrité des mœurs, que le nouveau baptisé doit
conserver toute sa vie.
Puis, on lui met à la
main un cierge allumé. C’est la figure de la Foi embrasée par la
Charité, qui lui a été communiquée par le Baptême, et qu’il doit
ensuite entretenir et augmenter par la pratique des bonnes œuvres.
Enfin, on donne un nom
au baptisé, mais ce nom, on doit toujours l’emprunter à un
personnage que sa piété et ses vertus éminentes ont fait placer au
nombre des Saints. La ressemblance du nom le portera à imiter sa
justice et sa sainteté ; et non seulement il l’imitera, mais encore
il voudra l’invoquer comme un Protecteur et un Avocat auprès de
Dieu, qui l’aidera à sauver tout ensemble, et son âme et son corps.
On doit donc blâmer
fortement ceux qui affectent de donner aux enfants des noms de
personnages païens, et particulièrement de ceux qui ont été les plus
impies. Ils font bien voir par là le peu d’estime et de respect
qu’ils ont pour la Piété chrétienne, puisqu’ils prennent plaisir à
rappeler la mémoire de ces hommes mauvais, et qu’ils veulent que les
Fidèles aient continuellement les oreilles frappées de ces noms
profanes.
Si les Pasteurs ont
soin d’expliquer tout ce que nous venons de dire du Sacrement de
Baptême, ils n’auront pas de peine à voir qu’il ne manque rien
d’essentiel à l’instruction des Chrétiens sur cette matière. En
effet nous avons montré ce que signifie le nom de ce Sacrement,
quelle est sa nature et son essence, et de quelles parties il se
compose. nous avons dit par qui il a été institué, qui sont ceux qui
peuvent et qui doivent l’administrer, et quelles personnes il faut
admettre comme guides pour soutenir la faiblesse des nouveaux
baptisés. nous avons dit aussi à qui le Baptême peut être donné,
quelles doivent être les dispositions de ceux qui le reçoivent,
quelle est sa vertu et son efficacité. Enfin nous avons expliqué,
autant que notre sujet le demandait, les Rites et les Cérémonies qui
en accompagnent l’administration. Et la raison principale qui oblige
les Pasteurs à ne point négliger l’enseignement de ces vérités,
c’est qu’elles doivent faire l’objet continuel des pensées et de la
sollicitude des Chrétiens, qui voudront rester fidèles aux promesses
solennelles et sacrées de leur Baptême, et mener une vie qui réponde
è la profession si sainte du nom qu’ils ont l’honneur de porter. |