Ce que nous avons dit
jusqu’ici des Sacrements en général, suffit pour faire comprendre
combien il est nécessaire de savoir ce que la Foi catholique
enseigne sur chaque Sacrement en particulier, si l’on veut être
instruit comme il convient de la Doctrine chrétienne, et pratiquer
la vraie piété. Il y a plus: quiconque lira Saint Paul avec un peu
d’attention sera forcé de conclure qu’une connaissance parfaite du
Baptême est absolument requise pour les Fidèles ; tant il rappelle
souvent, en termes solennels et remplis de l’Esprit de Dieu, le
souvenir de ce Mystère ! tant il en relève avec soin le côté divin,
et s’efforce de le mettre sous nos yeux, pour nous y faire
contempler et imiter la Mort, la Sépulture et la Résurrection de
notre Rédempteur . C’est pourquoi les Pasteurs ne doivent jamais
croire qu’ils ont trop fait, ou déployé trop de zèle, pour parler de
ce Sacrement. Ils ne se contenteront pas d’en expliquer, à l’exemple
de nos ancêtres, les divers mystères, la veille de Pâques ou de la
Pentecôte, dans ces deux jours où l’Eglise autrefois avait coutume
d’administrer ce Sacrement avec un respect si profond et des
cérémonies solennelles, — ils devront encore saisir dans les autres
temps toutes les occasions d’en dire quelque chose. Une des plus
favorables sera la circonstance du Baptême à administrer à
quelqu’un, et lorsqu’ils verront un certain nombre de personnes
assister à cette cérémonie. Alors il leur sera facile, sinon de
passer en revue tous les points qui se rapportent à ce Sacrement, du
moins d’en développer un ou deux, avec d’autant plus de fruit que
les Fidèles auront sous les yeux des rites sacrés, où ils verront
exprimées d’une manière sensible les vérités qu’ils entendront, et
qu’ils seront occupés à les contempler avec plus d’attention et de
piété. De là il résultera que chacun, frappé de ce qui se fera pour
un autre sous ses yeux, ne manquera pas de se rappeler les
obligations qu’il a contractées lui-même avec Dieu au jour de son
Baptême, et il sera amené à se demander si sa vie et ses mœurs sont
bien celles que suppose et exige la profession de Chrétien.
§ I. — CE QUE C’EST QUE LE BAPTÊME POUR LE
NOM ET POUR LA CHOSE.
Pour mettre de l’ordre
et de la clarté en cette matière, il convient d’expliquer d’abord la
nature et l’essence du Sacrement, après avoir donné toutefois le
sens du mot lui-même.
Ce mot de Baptême
est comme on le sait un mot grec, qui, dans les Saintes Ecritures,
ne signifie pas seulement cette ablution qui est unie au Sacrement,
mais encore toute sorte d’ablution, et quelquefois même la
Passion. toutefois les Auteurs ecclésiastiques s’en servent pour
exprimer, non une ablution corporelle quelconque, mais uniquement
celle qui se fait dans le Sacrement, et qui, de plus. Est toujours
accompagnée de la forme prescrite des paroles. C’est dans ce sens
que les Apôtres l’ont employé très souvent, après Notre-Seigneur
Jésus-Christ.
Les Saints Pères ont
encore donné au Baptême d’autres dénominations. Ainsi, parce que, en
recevant le Baptême, on fait en même temps profession de toute la
Foi chrétienne, Saint Augustin l’appelle le Sacrement de la Foi.
et parce que la foi que nous professons dans le Baptême illumine nos
cœur », d’autres lui ont donné le nom d’illumination.
Souvenez-vous, dit l’Apôtre aux Hébreux, de ces premiers
jours, où après avoir été illuminés, vous avez soutenu la grande
épreuve des afflictions. Saint Paul parle évidemment du temps où
les Hébreux avaient reçu le Baptême. Saint Jean Chrysostome, dans un
discours qu’il prononça devant les Catéchumènes, l’appelle encore,
tantôt sépulture, plantation, croix de Jésus-Christ.
Expressions dont il est facile de trouver la raison dans l’Epître
aux Romains. Enfin Saint Denys le nomme le principe des saints
Commandements, parce qu’il est comme la porte par laquelle on entre
dans la Société chrétienne, et que c’est par ce Sacrement que l’on
commence à obéir aux préceptes divins. Voilà en peu de mots ce que
l’on pourra dire sur le nom de Baptême.
Quant à la définition
de la chose, on peut en trouver plusieurs dans les Auteurs
ecclésiastiques. La plus juste et la plus convenable est celle qui
se tire des paroles de Notre-Seigneur dans Saint Jean, et de
l’Apôtre dans l’Epître aux Ephésiens. Quand le Sauveur dit:
Celui qui ne sera pas régénéré par l’eau et par l’Esprit, ne pourra
pas entrer dans le Royaume de Dieu ; lorsque l’Apôtre, parlant
de l’Eglise, nous enseigne que Jésus-Christ l’a purifiée par
l’eau dans la parole ; n’en résulte-t-il pas que le Baptême peut
très bien et avec justesse se définir le Sacrement de la
Régénération dans l’eau par la parole ? Par la nature, nous
naissons d’Adam, et nous naissons enfants de colère ; mais par le
Baptême nous renaissons en Jésus-Christ, comme enfants de la
miséricorde, car Dieu a donné le pouvoir de devenir
enfants de Dieu à tous les hommes qui croient en son nom, qui ne
sont nés ni du sang, ni de la volonté de la chair, ni de. la volonté
de l’homme, mais de Dieu.
Au reste, quelles que
soient les expressions que l’on emploie pour définir le Baptême et
l’expliquer, ce qu’il faut apprendre au peuple, c’est que ce
Sacrement consiste dans une ablution à laquelle doivent
nécessairement s’unir les paroles solennelles que Notre-Seigneur a
déterminées et fixées Lui-même. Ainsi l’ont toujours enseigné les
Saints Pères ; et Saint Augustin en particulier l’affirme de la
manière la plus formelle et la plus nette: La parole,
dit-il, s’unit à l’élément, et le Sacrement existe. Les
Fidèles ont besoin d’être parfaitement instruits sur ce point.
Autrement, ils pourraient tomber dans cette erreur assez commune, et
qui consiste à croire que l’eau conservée dans les Fonts baptismaux
pour l’administration du Sacrement est le Sacrement lui-même. Le
Baptême n’existe que lorsque l’on verse l’eau sur quelqu’un, en
prononçant au même moment les paroles instituées par Notre-Seigneur.
Nous avons dit, en
traitant des Sacrements en général, que chacun d’eux se compose de
la matière et de la forme. Les Pasteurs auront donc soin de bien
faire connaître la matière et la forme du Baptême.
La matière, ou
l’élément de ce Sacrement, c’est toute espèce d’eau naturelle, eau
de mer, de rivière, de marais, de puits, de fontaine, en un mot tout
ce qui porte simplement le nom d’eau, et rien de plus. En effet
notre Sauveur a dit: Celui qui ne sera pas régénéré par l’eau et
par l’Esprit, ne pourra pas entrer dans le Royaume de Dieu.
Saint Paul enseigne que l’Eglise a été purifiée par l’eau.
Et nous lisons aussi dans Saint Jean: qu’il y en a trois qui
rendent témoignage sur la terre, l’esprit, l’eau et le sang.
Plusieurs autres endroits de l’Ecriture renferment la même vérité.
S. Jean-Baptiste, il
est vrai, disait que notre Seigneur viendrait, et qu’Il
baptiserait dans le Saint-Esprit et dans le feu. Mais ces
paroles ne doivent nullement s’entendre de la matière du Baptême. Il
faut les rapporter à l’effet intérieur que le Saint-Esprit opère
dans l’âme, ou plutôt au miracle qui se manifesta le jour de la
Pentecôte , lorsque le Saint-Esprit descendit du ciel sur les
Apôtres, sous la forme du feu, miracle que Notre-Seigneur leur avait
prédit, en disant: Jean a baptisé. dans l’eau, mais vous, sous
peu de jours, vous serez baptisés dans le Saint-Esprit.
C’est également cette
matière de notre Sacrement que Dieu, selon les Saintes Ecritures, a
voulu exprimer par des figures, et par les oracles des Prophètes.
Ainsi le Déluge qui purifia la terre, parce que la malice des
hommes était à son comble, et que toutes leurs pensées étaient
tournées vers le mal, le Déluge était une figure et une image de
l’eau du Baptême. C’est le témoignage formel du Prince des Apôtres,
dans sa première épître. et Saint Paul, écrivant aux Corinthiens,
leur déclare que le passage de la mer Rouge avait la même
signification. Et nous ne parlons pas de l’ablution du Syrien Naaman,
ni de la vertu miraculeuse de la piscine probatique, ni de plusieurs
autres choses de ce genre dans lesquelles il est facile d’apercevoir
autant de symboles de ce Mystère.
Quant aux Prophètes qui
l’avaient annoncé, personne ne peut en douter. Et ces eaux
auxquelles le Prophète Isaïe invite avec tant de zèle tous ceux qui
ont soif et celles qu’Ezéchiel voyait en esprit sortir du temple ,
et cette fontaine que Zacharie montrait dans l’avenir à la maison
de David, et aux habitants de Jérusalem, comme une source préparée
pour purifier le pécheur et la femme impure, toutes ces eaux
excellentes n’étaient-elles pas la figure et le signe de l’eau
salutaire du Baptême ?
Au reste, la nature
même et la vertu de ce Sacrement demandaient que l’eau en fût la
matière propre. Saint Jérôme, écrivant à Océanus , le démontre très
bien, et par de nombreuses raisons.
Mais les Pasteurs,
traitant le même sujet, enseigneront avant tout aux Fidèles que ce
Sacrement étant absolument nécessaire à tous sans aucune exception,
pour obtenir la Vie éternelle, rien n’était plus indiqué ni plus
convenable, pour en devenir la matière, que l’eau, qui se trouve
partout et que l’on peut se procurer si facilement. Au surplus l’eau
représente admirablement l’effet du Baptême. Elle lave les
souillures du corps, et par là elle exprime très bien l’action et
l’efficacité de ce Sacrement sur l’âme, qu’il purifie de ses péchés.
Enfin l’eau a la propriété de rafraîchir les corps, comme le Baptême
a la vertu d’éteindre en grande partie l’ardeur des passions.
Mais si l’eau naturelle
et sans aucun mélange est une matière suffisante pour administrer le
Baptême dans tous les cas de nécessité, cependant c’est un usage
constant dans l’Eglise catholique, fondé sur la tradition des
Apôtres, d’ajouter à l’eau le saint Chrême, quand on donne ce
Sacrement avec les cérémonies prescrites ; ce qui en représente plus
clairement encore les effets. Le peuple doit savoir également que,
si dans la nécessité, on peut employer une eau dont on doute si elle
est telle que le Sacrement l’exige, c’est cependant une vérité
incontestable que jamais et pour aucune cause le Baptême ne peut
exister, s’il n’est administré avec de l’eau naturelle.
Après avoir expliqué la
première des deux choses qui constituent le Baptême, c’est-à-dire la
matière, les Pasteurs n’auront pas moins de zèle pour instruire les
Fidèles de la forme, seconde partie du Sacrement, tout aussi
indispensable que l’autre. Ils devront même apporter à ces
explications un soin et un labeur d’autant plus soutenus, que la
connaissance d’un aussi saint Mystère n’est pas seulement propre à
donner par elle-même à leurs peuples une vive satisfaction — effet
ordinaire de la science des choses de Dieu — mais qu’elle est encore
infiniment désirable, à cause de l’usage presque journalier qu’on
est obligé d’en faire. Il arrive souvent en effet, comme nous le
verrons plus tard, et plus en détail, que des gens du peuple, et
presque toujours de simples femmes, sont obligés d’administrer le
Baptême. C’est donc une chose nécessaire d’apprendre et d’expliquer
à tous les Fidèles sans exception, et d’une manière bien exacte,
tout ce qui tient à l’essence de ce Sacrement.
Ainsi les Pasteurs
enseigneront, en termes très clairs et à la portée de tous, que la
forme essentielle et parfaite du Baptême est dans ces mots: Je te
baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. C’est en
ces termes en effet qu’elle fut donnée par Jésus-Christ, notre
Sauveur et notre Dieu, lorsqu’Il dit formellement à ses Apôtres
Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, et
du Fils, et du Saint-Esprit. Par ce mot : baptisez,
l’Eglise catholique, inspirée de Dieu, a toujours compris que dans
la forme de ce Sacrement, il fallait exprimer l’action du ministre.
Et c’est ce que l’on fait, en disant: Je te baptise. Mais,
outre les ministres, il fallait encore exprimer et la personne qui
reçoit le Baptême, et la cause principale qui produit le Sacrement.
Voilà pourquoi l’on ajoute le mot: te, et le nom de chacune
des trois Personnes de la Sainte Trinité. De sorte que la forme
entière et complète du Sacrement est renfermée dans ces paroles que
nous venons de citer: Je te baptise au nom du Père, et du Fils,
et du Saint-Esprit. Ce n’est pas en effet la Personne seule du
Fils qui opère l’effet de ce Sacrement, quoique Saint Jean dise:
c’est Lui qui baptise , mais ce sont les trois Personnes de la
Sainte Trinité ensemble. Et si l’on dit: Au nom, et non pas,
dans les noms, c’est pour marquer qu’il n’y a qu’une seule
nature et une seule divinité dans la Trinité. Ce mot ne se rapporte
donc point aux Personnes ; il désigne la substance, la vertu, la
puissance divine qui est une et la même dans les trois Personnes.
Dans cette forme que
nous venons de donner, comme entière et parfaite, il y a des mots
tellement nécessaires que l’on ne pourrait les supprimer sans
détruire la validité du Sacrement, mais il y en a d’autres qui ne
sont point aussi essentiels, et dont l’omission n’empêche point la
validité. De ce nombre est (dans la langue latine) le mot ego, dont
le sens est renfermé dans le verbe baptizo. Il y a plus ; les
Eglises Grecques ont varié la tournure, et sont dans l’usage de
supprimer complètement ce pronom, persuadées qu’il n’était pas
nécessaire de faire mention du ministre. Ainsi, dans ces Eglises, on
se sert généralement de cette forme: Que le serviteur de
Jésus-Christ soit baptisé au nom du Père, et du Fils, et du
Saint-Esprit. Ces paroles suffisent pour que le Sacrement soit
conféré validement ; le Concile de Florence en a ainsi décidé. Et en
effet, elles expriment assez clairement la vraie propriété de ce
Sacrement, c’est-à-dire l’ablution qui se fait réellement quand on
les prononce.
Si l’on est obligé
d’avouer qu’à un moment donné les Apôtres baptIsaïent seulement au
nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous devons tenir pour certain
qu’ils ne l’ont fait que par l’inspiration du Saint-Esprit. Dans ces
commencements de l’Eglise, ils voulaient donner plus d’éclat à leur
prédication par le nom de Jésus-Christ, et faire connaître davantage
sa puissance divine et sans bornes. D’ailleurs, en examinant la
chose à fond, on voit bientôt qu’il ne manque rien à cette formule
de ce qui a été prescrit par notre Sauveur Lui-même. En effet dire
Jésus-Christ c’est dire par là même la Personne du Père de qui Il a
reçu l’onction sacrée, et la Personne du Saint-Esprit par lequel Il
l’a reçue.
Au reste il est très
permis de douter que les Apôtres aient conféré le Baptême de cette
manière. Saint Ambroise, Saint Basile et plusieurs autres Pères
d’une sainteté et d’une autorité considérables, croient que ce
Baptême donné au nom de Jésus-Christ, n’est autre chose que le
Baptême institué par Jésus-Christ, et qu’il fut ainsi appelé pour le
distinguer du Baptême de Jean, sans qu’il s’ensuive que les Apôtres
se soient écartés pour le conférer de la forme ordinaire et commune,
qui exprime distinctement les trois Personnes. Saint Paul semble se
servir de la même manière de parler dans son épître aux Galates:
Vous tous qui avez été baptisés en Jésus-Christ, vous vous êtes
revêtus de Jésus-Christ. Que signifient ces paroles, sinon que
les Galates avaient été baptisés dans la Foi de Jésus-Christ, mais
non avec une formule différente de celle que notre Dieu et Sauveur
avait Lui-même prescrite ?
Ce que nous venons de
dire suffit pour instruire les Fidèles sur la matière et la forme,
ces deux parties si importantes de l’essence même du Baptême. Mais
pour produire le Sacrement, il y a une manière d’employer l’eau —
manière déterminée par l’Eglise — dont il n’est pas permis de
s’écarter. Les Pasteurs auront donc soin de donner la doctrine sur
ce point, et d’expliquer en peu de mots l’usage et la pratique de l’Eglise.
Elle admet trois manières de baptiser: ou bien en plongeant dans
l’eau ceux que l’on baptise, ou bien en versant l’eau sur eux, ou
enfin en les arrosant par aspersion. Mais de ces trois rites, quel
que soit celui qu’on suive, il est certain que le Baptême est
valide. L’eau n’est employée dans le Baptême que pour signifier
l’ablution intérieure de l’âme, que ce Sacrement opère. Voilà
pourquoi Saint Paul l’appelle un bain. Or il y a également
ablution, soit qu’on plonge dans l’eau, comme on le fit longtemps
dans les premiers siècles de l’Eglise ; soit qu’on verse l’eau,
comme c’est aujourd’hui l’usage général ; soit enfin qu’on fasse
seulement une aspersion, comme Saint Pierre, dit-on, lorsqu’il
convertit et baptisa en un seul jour trois mille personnes.
Peu importe d’ailleurs
que l’on fasse une ou trois ablutions. Saint Grégoire le Grand,
écrivant à Léandre, dit que le Baptême s’est donné dans l’Eglise, et
peut se donner de deux manières. néanmoins les fidèles devront
observer le rite en usage dans leurs églises particulières.
Mais il faut avoir
grand soin d’apprendre au peuple que l’eau doit être versée, non sur
une partie quelconque du corps, mais principalement sur la tête,
parce que la tête est comme le siège où aboutissent tous les sens
intérieurs et extérieurs. De plus, les paroles de la forme du
Sacrement doivent être prononcées non pas avant ou après l’ablution,
mais dans le moment même où cette ablution se fait et par celui-là
même qui la fait.
§ II. — DE L’INSTITUTION DU BAPTÊME.
Après ces explications,
il importe d’enseigner — et de rappeler aux Fidèles — que le
Baptême, comme tous les autres Sacrements, a été institué par
Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mais ce qu’il faut expliquer souvent et
avec soin, c’est que pour le Baptême, il y a deux choses bien
différentes à distinguer: d’une part le temps précis où
Notre-Seigneur l’institua, et de l’autre celui où l’obligation de le
recevoir a été imposée à tous.
Et d’abord, en ce qui
regarde le premier objet, il apparaît clairement que ce Sacrement
fut institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ, lorsque recevant
Lui-même le Baptême par le ministère de Jean, Il voulut bien donner
à l’eau la vertu de nous sanctifier. Saint Grégoire de Nazianze et
Saint Augustin nous assurent que ce fut en ce moment-là même que
l’eau reçut la vertu de nous régénérer pour la vie spirituelle. nous
lisons dans Saint Augustin: Depuis que Jésus-Christ a été plongé
dans l’eau, l’eau a le pouvoir d’effacer tous les péchés. Et
encore: Le Seigneur s’est fait baptiser, non qu’Il eût besoin
d’être purifié, mais pour purifier l’eau au contact de sa Chair sans
tache, et pour lui communiquer la vertu de nous purifier ensuite.
Mais ce qui nous
fournit une preuve sans réplique de cette vérité, c’est que, à ce
moment solennel, la Sainte Trinité tout entière, au nom de laquelle
on confère le Baptême, manifesta sa présence. On entendit la voix du
Père, le Fils était là en personne, et le Saint-Esprit descendit en
forme de colombe. De plus les cieux s’ouvrirent, comme ils s’ouvrent
pour nous par le Baptême.
Que si quelqu’un
demande pourquoi il a plu à notre Seigneur d’attribuer à l’eau une
vertu si admirable et si divine, il faut répondre que cela dépasse
notre intelligence.
Mais ce que nous
pouvons comprendre d’une manière suffisante, c’est que, notre
Sauveur s’étant fait baptiser, l’eau, en touchant sa Chair très
sainte et très pure, se trouva consacrée à l’usage de ce Sacrement.
Mais nous ne devons pas perdre de vue que pour avoir été institué
avant la Passion, le Baptême ne laissa pas d’en tirer toute sa vertu
et toute son efficacité, parce que la Passion était comme la fin à
laquelle le Rédempteur rapportait toutes ses actions.
Quant au temps où
l’obligation de recevoir le Baptême a été imposée à tous, il ne peut
y avoir aucun doute. Les Auteurs ecclésiastiques conviennent que
lorsque notre Seigneur, après sa Résurrection, dit à ses Apôtres:
Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père,
et du Fils, et du Saint-Esprit, au même moment, l’obligation de
recevoir le Baptême fut imposée à tous les hommes qui voudraient se
sauver. Cette conclusion peut se tirer également de ces paroles si
autorisées du Prince des Apôtres: Il nous a fait renaître à
l’espérance de la nie par la Résurrection de Jésus-Christ d’entre
les morts ; et aussi de ces paroles de Saint Paul, qui, en
parlant de l’Eglise, s’exprime ainsi: Il s’est livré pour elle,
afin de la sanctifier en la purifiant par le Baptême de l’eau dans
la parole de vie. tous les deux, en effet, semblent rapporter
l’obligation du Baptême au temps qui suivit la mort du Sauveur, de
sorte que ces paroles de Jésus-Christ: Celui qui ne renaîtra
point de l’eau et de l’esprit, ne pourra entrer dans le Royaume de
Dieu, s’appliquent évidemment au temps qui devait suivre sa
Passion.
Si les Pasteurs ont
soin de traiter ce sujet comme il convient, il est impossible que
les Fidèles ne reconnaissent point l’excellence et la dignité du
Baptême, et ne conçoivent point des sentiments profonds de
vénération et de reconnaissance pour un bienfait si admirable et si
étonnant, surtout s’ils veulent réfléchir que les effets miraculeux,
qui se manifestèrent au Baptême de Notre-Seigneur Jésus-Christ, se
produisent intérieurement par la vertu du Saint-Esprit dans l’âme de
tous ceux qui reçoivent le Baptême. Et de fait, si, comme il arriva
au serviteur d’Elisée, nos yeux pouvaient s’ouvrir de manière à voir
les choses célestes, il n’est personne assez dépourvu de sens
commun, pour ne pas être saisi d’admiration en présence des divins
mystères du Baptême. Mais pourquoi n’en serait-il pas de même, si
les Pasteurs exposaient toutes les richesses de ce Sacrement avec
une clarté si parfaite que les Fidèles fussent capables de les
contempler, sinon avec les yeux du corps, du moins avec les yeux de
l’esprit éclairé par la Foi ?
§ III. — DES MINISTRES DU BAPTÊME.
Voyons maintenant quels
sont les Ministres de ce Sacrement. non seulement il est utile, mais
il est nécessaire de le dire, d’une part, afin que ceux qui sont
chargés de cette fonction, s’appliquent à la remplir saintement et
avec piété ; de l’autre, afin que personne ne sorte des limites de
ses attributions, et ne cherche à s’introduire à contretemps, ou à
pénétrer avec insolence sur le terrain d’autrui. Car, dit l’Apôtre,
il faut garder l’ordre en toutes choses.
Les Fidèles doivent
donc savoir qu’il y a trois classes de Ministres du Baptême. A la
première appartiennent les Evêques et les Prêtres, qui exercent ce
ministère de plein droit, et non en vertu d’un pouvoir
extraordinaire. C’est aux Evêques que Notre-Seigneur a dit dans la
personne des Apôtres: Allez, baptisez ! et si, dès les premiers
temps, ils ont pris l’habitude de laisser aux Prêtres
l’administration du Baptême, c’était uniquement pour ne pas être
obligés d’abandonner la charge plus importante encore de la
prédication. Quant aux Prêtres, la doctrine des Pères et l’usage
constant de l’Eglise attestent qu’ils exercent cette Fonction en
vertu d’un droit qui leur est tellement propre, qu’ils peuvent
baptiser même en présence de l’Evêque. Et de fait, puisqu’ils
étaient établis pour consacrer l’Eucharistie qui est le Sacrement
de la paix et de l’unité, il était tout naturel qu’ils reçussent en
même temps le pouvoir de faire tout ce qui est nécessaire pour
mettre les hommes en participation de cette paix et de cette unité.
Et si quelques Pères ont pu dire que les Prêtres n’avaient pas le
droit de baptiser sans la permission de l’Evêque, cela doit
s’entendre seulement du Baptême que l’on avait coutume d’administrer
plus solennellement à certains jours de l’année.
La seconde classe est
celle des diacres. Mais ils ne peuvent baptiser qu’avec le
consentement de l’Evêque, ou du Prêtre. De nombreux textes des Pères
ne laissent aucun doute sur ce point.
En troisième et dernier
lieu, viennent ceux qui dans le cas de nécessité, peuvent
administrer ce Sacrement, sans les cérémonies habituelles. De ce
nombre sont tous les humains, hommes ou femmes, même les derniers du
peuple et de quelque religion qu’ils soient. En effet, Juifs,
infidèles, hérétiques, quand la nécessité l’exige, tous peuvent
baptiser, pourvu qu’ils aient l’intention de faire ce que fait l’Eglise,
en administrant ce Sacrement. Ainsi l’avaient déjà décidé plusieurs
fois les Pères et les anciens Conciles. Mais la sainte Assemblée de
Trente vient au surplus de prononcer l’anathème contre tous ceux qui
oseraient soutenir que le Baptême donné par les hérétiques au nom du
Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, avec l’intention de faire ce
que fait l’Eglise, n’est pas un Baptême valide et véritable.
Et certes, c’est là
pour nous une belle occasion d’admirer la Bonté parfaite et
l’infinie Sagesse de notre Dieu. Parce que le Baptême est nécessaire
à tous, Il a choisi et institué pour matière de ce Sacrement l’eau,
que l’on trouve partout, et en même temps II n’a voulu refuser à
personne le pouvoir de l’administrer. Seulement, comme nous l’avons
déjà dit, tous n’ont pas le droit de le conférer avec les cérémonies
établies par l’Eglise ; non que ces rites et ces cérémonies soient
quelque chose de plus auguste que le Sacrement lui-même, mais parce
qu’elles sont moins nécessaires.
Au reste, s’il est
permis à tous de baptiser, les Fidèles ne doivent point s’imaginer
pour cela que les convenances n’obligent pas à établir un certain
ordre parmi les divers Ministres de ce Sacrement. Une femme, par
exemple. ne doit pas se permettre d’administrer le Baptême, s’il y a
un homme présent ; ni un Laïque, s’il y a un Clerc ; ni un Clerc
s’il y a un Prêtre. Cependant les sages-femmes qui sont accoutumées
à baptiser ne sont nullement répréhensibles, si dans certains cas,
et en présence d’un homme qui ne sait pas conférer ce Sacrement,
elles se chargent elles-mêmes de cette fonction, qui dans d’autres
circonstances semble convenir beaucoup mieux à l’homme.
§ IV. — DES PARRAINS ET MARRAINES.
Outre ces différents
Ministres qui peuvent, comme nous venons de le dire, administrer le
Baptême, il en est d’autres qu’un usage très ancien de l’Eglise
catholique fait concourir à la cérémonie de la sainte et salutaire
Ablution. Ce sont ceux que nous appelons aujourd’hui Parrains, et
que les auteurs ecclésiastiques appelaient communément autrefois
receveurs, répondants, ou cautions. Comme ces sortes de Fonctions
peuvent être remplies par presque tous les laïques, les Pasteurs
devront les passer en revue avec soin, afin que les Fidèles sachent
bien ce qu’il faut faire pour les remplir convenablement. Avant.
tout, il sera nécessaire d’expliquer pour quelles raisons on a joint
aux Ministres du Sacrement des Parrains et des répondants. Et cette
raison paraîtra très juste et très sage à tous ceux qui voudront se
souvenir que le Baptême est une régénération spirituelle, par
laquelle nous naissons véritablement enfants de Dieu. C’est ainsi
que l’enseigne Saint Pierre: Comme des enfants nouvellement nés,
désirez le lait spirituel, et pur de tout mélange.
Dès qu’un enfant a vu
le jour, il a besoin des secours et des soins d’une nourrice et d’un
maître, pour s’élever d’abord, et ensuite pour s’instruire dans les
sciences et dans les arts. Ainsi ceux qui commencent à vivre de la
vie spirituelle puisée aux Fonts du Baptême, ont besoin d’être
confiés à une personne remplie de Foi et de prudence, capable de les
instruire des préceptes de la religion chrétienne, de les former à
la pratique de toutes les Vertus, et de les faire croître peu à peu
en Jésus-Christ, jusqu’à ce qu’ils deviennent, avec la Grâce de
Dieu, des hommes (des Chrétiens) parfaits.
Et cela est d’autant
plus nécessaire que les Pasteurs chargés de la conduite des
Paroisses, n’ont généralement pas assez de loisir pour se charger du
soin d’instruire les enfants en particulier sur les éléments de la
Foi. Saint Denys nous a laissé un témoignage remarquable de
l’ancienneté de cet usage: Nos divins Maîtres, dit-il, car
c’est ainsi qu’il appelle les Apôtres, ont eu la pensée, et ont
jugé à propos de donner des répondants aux enfants, conformément à
cette sainte coutume qui porte les parents naturels à choisir pour
leurs enfants des personnes éclairées dans les choses de Dieu,
capables de leur tenir lieu de maîtres, et sous la direction
desquels ces enfants doivent passer le reste de leur vie, comme sous
les auspices d’un père spirituel, et du gardien de leur salut.
Le Pape Hygin dit la même chose, et son autorité confirme notre
doctrine.
C’est donc avec une
profonde sagesse que la sainte Eglise a décrété que les liens de
l’affinité spirituelle existeraient non seulement entre celui qui
baptise et celui qui est baptisé, mais encore entre le Parrain, son
Filleul. Et les Parents de ce dernier. De sorte qu’il ne peut y
avoir de légitime mariage entre ces différentes personnes, et que si
par hasard un mariage était contracté dans ces conditions, il serait
nul de plein droit.
Puis il faudra
instruire les Fidèles sur les obligations des Parrains ; on
s’acquitte aujourd’hui de ce devoir avec tant de négligence, qu’il
ne reste plus de cette charge que le nom. On ne paraît même pas
soupçonner qu’elle renferme quelque chose de sacré. Or, en général,
les Parrains ne doivent jamais perdre de vue qu’ils ont contracté
l’obligation spéciale et rigoureuse de considérer dans leurs enfants
spirituels des personnes confiées pour toujours à leurs soins, de
les former avec un grand zèle à toutes les pratiques de la Vie
chrétienne, et de faire tous leurs efforts pour les engager à
remplir fidèlement, pendant leur vie, ce qu’ils ont si
solennellement promis pour eux au Baptême. Ecoutons là-dessus saint
Denys. Voici ce qu’il fait dire à un répondant (au Parrain): Je
promets d’exhorter et d’engager soigneusement cet enfant, lorsqu’il
sera en âge de comprendre la Religion, à renoncer à tout ce qui est
contraire au bien, à professer et à remplir exactement les promesses
qu’il fait maintenant à Dieu. — Vous tous, s’écrie à son tour
saint Augustin , hommes et femmes qui avez reçu des enfants au
Baptême, je vous en avertis, surtout n’oubliez pas que vous êtes
devenus auprès de Dieu les cautions de ceux qu’on vous a vus
recevoir sur les Fonts sacrés. Et en effet n’est-il pas bien
juste que celui qui s’est chargé d’un emploi, ne se lasse jamais de
s’en acquitter avec exactitude, et que celui qui a promis
publiquement d’être le maître et le guide d’un autre, ne se permette
point d’abandonner celui qu’il a pris sous sa garde et sous sa
protection, tant qu’il sait que ce dernier a besoin de ses services
et de son appui ? — Mais quels sont les enseignements que les
Parrains doivent donner à leurs Filleuls ? Saint Augustin nous le
dit en peu de mots, en traitant de leurs obligations. Ils
doivent les avertir de garder la chasteté, d’aimer la justice, de
conserver la charité, et leur apprendre le plus tôt possible, et
avant tout le reste, le symbole, l’Oraison Dominicale, le Décalogue
et les premiers Principes de la Religion chrétienne.
D’après cela, il est
facile de voir à quelles personnes on ne doit point confier la
direction de cette sainte tutelle. Ce sont toutes celles qui ne
veulent pas, ou qui ne peuvent pas s’en acquitter fidèlement et avec
zèle. D’abord le père et la mère sont exclus. Il ne leur est pas
permis d’être les Parrains de leurs enfants. L’Eglise veut nous
faire comprendre par là combien l’éducation spirituelle diffère de
l’éducation selon la chair. Ensuite, on ne doit jamais confier cette
fonction aux hérétiques, aux Juifs, aux infidèles, puisqu’ils ne
pensent et ne cherchent qu’à obscurcir la vérité de la Foi par leurs
mensonges, et à détruire toute la piété chrétienne.
Le Concile de Trente
défend également de faire tenir le même enfant sur les Fonts du
Baptême par plusieurs Parrains ou Marraines. On doit se borner à un
seul Parrain, ou à une seule Marraine, ou du moins prendre seulement
l’un et l’autre. Et en voici la double raison: D’une part la
multitude des maîtres pourrait introduire de la confusion dans la
direction et l’instruction des enfants, de l’autre il était bon de
restreindre les affinités provenant de ce chef, entre un trop grand
nombre de personnes, pour ne point gêner le développement des
alliances dans la société par légitime mariage. |