DEUXIÈME SECTION
LA PROFESSION DE
LA FOI CHRETIENNE
Les symboles de
la foi
185 Qui
dit " Je crois ", dit " J’adhère à ce que nous croyons ". La
communion dans la foi a besoin d’un langage commun de la foi,
normatif pour tous et unissant dans la même confession de foi.
186 Dès
l’origine, l’Église apostolique a exprimé et transmis sa propre foi
en des formules brèves et normatives pour tous (cf. Rm 10, 9 ; 1 Co
15, 3-5 ; etc.). Mais très tôt déjà, l’Église a aussi voulu
recueillir l’essentiel de sa foi en des résumés organiques et
articulés, destinés surtout aux candidats au Baptême :
Cette synthèse
de la foi n’a pas été faite selon les opinions humaines ; mais de
toute l’Écriture a été recueilli ce qu’il y a de plus important,
pour donner au complet l’unique enseignement de la foi. Et comme la
semence de sénevé contient dans une toute petite graine un grand
nombre de branches, de même ce résumé de la foi renferme-t-il en
quelques paroles toute la connaissance de la vraie piété contenue
dans l’Ancien et le Nouveau Testament (S. Cyrille de Jérusalem,
catech. ill. 5, 12 : PG 33, 521-524).
187 On
appelle ces synthèses de la foi " professions de foi " puisqu’elles
résument la foi que professent les chrétiens. On les appelle
" Credo " en raison de ce qui en est normalement la première
parole : " Je crois ". On les appelle également " Symboles de la
foi ".
188 Le
mot grec symbolon signifiait la moitié d’un objet brisé (par
exemple un sceau) que l’on présentait comme un signe de
reconnaissance. Les parties brisées étaient mises ensemble pour
vérifier l’identité du porteur. Le " symbole de la foi " est donc un
signe de reconnaissance et de communion entre les croyants.
Symbolon signifie ensuite recueil, collection ou sommaire. Le
" symbole de la foi " est le recueil des principales vérités de la
foi. D’où le fait qu’il sert de point de référence premier et
fondamental de la catéchèse.
189 La
première " profession de foi " se fait lors du Baptême. Le " symbole
de la foi " est d’abord le symbole baptismal. Puisque le
Baptême est donné " au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit "
(Mt 28, 19), les vérités de foi professées lors du Baptême sont
articulées selon leur référence aux trois personnes de la Sainte
Trinité.
190 Le
Symbole est donc divisé en trois parties : " d’abord il est question
de la première Personne divine et de l’œuvre admirable de la
création ; ensuite, de la seconde Personne divine et du mystère de
la Rédemption des hommes ; enfin de la troisième Personne divine,
source et principe de notre sanctification " (Catech. R. 1, 1, 3).
Ce sont là " les trois chapitres de notre sceau (baptismal) " (S.
Irénée, dem. 100).
191 " Ces
trois parties sont distinctes quoique liées entre elles. D’après une
comparaison souvent employée par les Pères, nous les appelons
articles. De même, en effet, que dans nos membres, il y a
certaines articulations qui les distinguent et les séparent, de
même, dans cette profession de foi, on a donné avec justesse et
raison le nom d’articles aux vérités que nous devons croire en
particulier et d’une manière distincte " (Catech. R. 1, 1, 4). Selon
une antique tradition, attestée déjà par S. Ambroise, on a aussi
coutume de compter douze articles du Credo, symbolisant par
le nombre des apôtres l’ensemble de la foi apostolique (cf. symb.
8 : PL 17, 1158D).
192
Nombreux ont été, tout au long des siècles, en réponse aux besoins
des différentes époques, les professions ou symboles de la foi : les
symboles des différentes Églises apostoliques et anciennes (cf. DS
1-64), le Symbole " Quicumque ", dit de S. Athanase (cf. DS 75-76),
les professions de foi de certains Conciles (Tolède : DS 525-541 ;
Latran : DS 800-802 ; Lyon : DS 851-861 ; Trente : DS 1862-1870) ou
de certains papes, tels la " Fides Damasi " (cf. DS 71-72) ou le
" Credo du Peuple de Dieu " [SPF] de Paul VI (1968).
193 Aucun
des symboles des différentes étapes de la vie de l’Église ne peut
être considéré comme dépassé et inutile. Ils nous aident à atteindre
et à approfondir aujourd’hui la foi de toujours à travers les divers
résumés qui en ont été faits.
Parmi tous les
symboles de la foi, deux tiennent une place toute particulière dans
la vie de l’Église :
194 Le
Symbole des apôtres, appelé ainsi parce qu’il est considéré à
juste titre comme le résumé fidèle de la foi des apôtres. Il est
l’ancien symbole baptismal de l’Église de Rome. Sa grande autorité
lui vient de ce fait : " Il est le symbole que garde l’Église
romaine, celle où a siégé Pierre, le premier des apôtres, et où il a
apporté la sentence commune " (S. Ambroise, symb. 7 : PL 17, 1158D).
195 Le
Symbole dit de Nicée-Constantinople tient sa grande autorité du
fait qu’il est issu des deux premiers Conciles œcuméniques (325 et
381). Il demeure commun, aujourd’hui encore, à toutes les grandes
Églises de l’Orient et de l’Occident.
196 Notre
exposé de la foi suivra le Symbole des apôtres qui constitue,
pour ainsi dire, " le plus ancien catéchisme romain ". L’exposé sera
cependant complété par des références constantes au Symbole de
Nicée-Constantinople, souvent plus explicite et plus détaillé.
197 Comme
au jour de notre Baptême, lorsque toute notre vie a été confiée " à
la règle de doctrine " (Rm 6, 17), accueillons le Symbole de notre
foi qui donne la vie. Réciter avec foi le Credo, c’est entrer en
communion avec Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, c’est
entrer aussi en communion avec l’Église toute entière qui nous
transmet la foi et au sein de laquelle nous croyons :
Ce Symbole est
le sceau spirituel, il est la méditation de notre cœur et la garde
toujours présente, il est, à coup sûr, le trésor de notre âme (S.
Ambroise, symb. 1 : PL 17, 1155C).
CHAPITRE PREMIER
JE CROIS EN DIEU
LE PERE
198 Notre
profession de foi commence par Dieu, car Dieu est " Le
premier et Le dernier " (Is 44, 6), le Commencement et la Fin de
tout. Le Credo commence par Dieu le Père, parce que le Père
est la Première Personne Divine de la Très Sainte Trinité ; notre
Symbole commence par la création du ciel et de la terre, parce que
la création est le commencement et le fondement de toutes les œuvres
de Dieu .
Article 1
" JE CROIS EN
DIEU LE PERE TOUT-PUISSANT CREATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE "
Paragraphe 1. JE
CROIS EN DIEU
199 " Je
crois en Dieu " : cette première affirmation de la profession de foi
est aussi la plus fondamentale. Tout le Symbole parle de Dieu, et
s’il parle aussi de l’homme et du monde, il le fait par rapport à
Dieu. Les articles du Credo dépendent tous du premier, tout comme
les commandements explicitent le premier. Les autres articles nous
font mieux connaître Dieu tel qu’il s’est révélé progressivement aux
hommes. " Les fidèles font d’abord profession de croire en Dieu " (Catech.
R. 1, 2, 2).
I. " Je crois en
un seul Dieu "
200 C’est
avec ces paroles que commence le Symbole de Nicée-Constantinople. La
confession de l’Unicité de Dieu, qui a sa racine dans la Révélation
Divine dans l’Ancienne Alliance, est inséparable de celle de
l’existence de Dieu et tout aussi fondamentale. Dieu est Unique : il
n’y a qu’un seul Dieu : " La foi chrétienne confesse qu’il y a un
seul Dieu, par nature, par substance et par essence " (Catech. R. 1,
2, 8).
201 A
Israël, son élu, Dieu S’est révélé comme l’Unique : " Écoute,
Israël ! Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur Un. Tu aimeras le
Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta
force " (Dt 6, 4-5). Par les prophètes, Dieu appelle Israël et
toutes les nations à se tourner vers Lui, l’Unique : " Tournez-vous
vers Moi et vous serez sauvés, tous les confins de la terre, car Je
suis Dieu, il n’y en a pas d’autre (...). Oui, devant Moi tout genou
fléchira, par Moi jurera toute langue en disant : en Dieu seul sont
la justice et la force " (Is 45, 22-24 ; cf. Ph 2, 10-11).
202 Jésus
Lui-même confirme que Dieu est " l’unique Seigneur " et qu’il faut
L’aimer " de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit et
de toutes ses forces " (cf. Mc 12, 29-30). Il laisse en même temps
entendre qu’Il est Lui-même " le Seigneur " (cf. Mc 12, 35-37).
Confesser que " Jésus est Seigneur " est le propre de la foi
chrétienne. Cela n’est pas contraire à la foi en Dieu l’Unique.
Croire en l’Esprit Saint " qui est Seigneur et qui donne la Vie "
n’introduit aucune division dans le Dieu unique :
Nous croyons
fermement et nous affirmons simplement, qu’il y a un seul vrai Dieu,
immense et immuable, incompréhensible, Tout-Puissant et ineffable,
Père et Fils et Saint Esprit : Trois Personnes, mais une Essence,
une Substance ou Nature absolument simple (Cc. Latran IV : DS 800).
II. Dieu révèle
son nom
203 A son
peuple Israël Dieu s’est révélé en lui faisant connaître son nom. Le
nom exprime l’essence, l’identité de la personne et le sens de sa
vie. Dieu a un nom. Il n’est pas une force anonyme. Livrer son nom,
c’est se faire connaître aux autres ; c’est en quelque sorte se
livrer soi-même en se rendant accessible, capable d’être connu plus
intimement et d’être appelé, personnellement.
204 Dieu
s’est révélé progressivement et sous divers noms à son peuple, mais
c’est la révélation du nom divin faite à Moïse dans la théophanie du
buisson ardent, au seuil de l’Exode et de l’alliance du Sinaï qui
s’est avérée être la révélation fondamentale pour l’Ancienne et la
Nouvelle Alliance.
Le Dieu vivant
205 Dieu
appelle Moïse du milieu d’un buisson qui brûle sans se consumer.
Dieu dit à Moïse : " Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu
d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob " (Ex 3, 6). Dieu est
le Dieu des pères, Celui qui avait appelé et guidé les patriarches
dans leurs pérégrinations. Il est le Dieu fidèle et compatissant qui
se souvient d’eux et de Ses promesses ; Il vient pour libérer leurs
descendants de l’esclavage. Il est le Dieu qui par delà l’espace et
le temps le peut et le veux et qui mettra Sa Toute Puissance en
œuvre pour ce dessein.
" Je suis Celui
qui suis "
Moïse dit à
Dieu : " Voici, je vais trouver les Israélites et je leur dis : ‘Le
Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous’. Mais s’ils me disent :
‘quel est son nom ?’, que leur dirai-je ? " Dieu dit à Moïse : " Je
Suis Celui qui Suis ". Et il dit : " Voici ce que tu diras aux
Israélites : ‘Je suis’ m’a envoyé vers vous. (...) C’est mon nom
pour toujours, c’est ainsi que l’on m’invoquera de génération en
génération " (Ex 3, 13-15).
206 En
révélant Son nom mystérieux de YHWH, " Je Suis Celui qui Est " ou
" Je Suis Celui qui Suis " ou aussi " Je Suis qui Je Suis ", Dieu
dit Qui Il est et de quel nom on doit L’appeler. Ce nom Divin est
mystérieux comme Dieu est mystère. Il est tout à la fois un nom
révélé et comme le refus d’un nom, et c’est par là même qu’il
exprime le mieux Dieu comme ce qu’Il est, infiniment au-dessus de
tout ce que nous pouvons comprendre ou dire : Il est le " Dieu
caché " (Is 45, 15), son nom est ineffable (cf. Jg 13, 18), et Il
est le Dieu qui Se fait proche des hommes :
207 En
révélant son nom, Dieu révèle en même temps sa fidélité qui est de
toujours et pour toujours, valable pour le passé (" Je suis le Dieu
de tes pères ", Ex 3, 6), comme pour l’avenir : (" Je serai avec
toi ", Ex 3,12). Dieu qui révèle son nom comme " Je suis " se révèle
comme le Dieu qui est toujours là, présent auprès de son peuple pour
le sauver.
208
Devant la présence attirante et mystérieuse de Dieu, l’homme
découvre sa petitesse. Devant le buisson ardent, Moïse ôte ses
sandales et se voile le visage (cf. Ex 3, 5-6) face à la Sainteté
Divine. Devant la gloire du Dieu trois fois saint, Isaïe s’écrie :
" Malheur à moi, je suis perdu ! Car je suis un homme aux lèvres
impures " (Is 6, 5). Devant les signes divins que Jésus accomplit,
Pierre s’écrie : " Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un
pécheur " (Lc 5, 8). Mais parce que Dieu est saint, Il peut
pardonner à l’homme qui se découvre pécheur devant lui : " Je ne
donnerai pas cours à l’ardeur de ma colère (...) car je suis Dieu et
non pas homme, au milieu de toi je suis le Saint " (Os 10, 9).
L’apôtre Jean dira de même : " Devant Lui nous apaiseront notre
cœur, si notre cœur venait à nous condamner, car Dieu est plus grand
que notre cœur, et Il connaît tout " (1 Jn 3, 19-20).
209 Par
respect pour sa sainteté, le peuple d’Israël ne prononce pas le nom
de Dieu. Dans la lecture de l’Écriture Sainte le nom révélé est
remplacé par le titre divin " Seigneur " (Adonaï, en grec
Kyrios). C’est sous ce titre que sera acclamée la Divinité de
Jésus : " Jésus est Seigneur ".
" Dieu de
tendresse et de pitié "
210 Après
le péché d’Israël, qui s’est détourné de Dieu pour adorer le veau
d’or (cf. Ex 32), Dieu écoute l’intercession de Moïse et accepte de
marcher au milieu d’un peuple infidèle, manifestant ainsi son amour
(cf. Ex 33, 12-17). A Moïse qui demande de voir Sa gloire, Dieu
répond : " Je ferai passer devant toi toute ma bonté [beauté] et je
prononcerai devant toi le nom de YHWH " (Ex 33, 18-19). Et le
Seigneur passe devant Moïse et proclame : " YHWH, YHWH, Dieu de
tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en
fidélité " (Ex 34, 5-6). Moïse confesse alors que le Seigneur est un
Dieu qui pardonne (cf. Ex 34, 9).
211 Le nom divin " Je suis " ou
" Il est " exprime la fidélité de Dieu qui, malgré l’infidélité du
péché des hommes et du châtiment qu’il mérite, " garde sa grâce à
des milliers " (Ex 34, 7). Dieu révèle qu’Il est " riche en
miséricorde " (Ep 2, 4) en allant jusqu’à donner son propre Fils. En
donnant sa vie pour nous libérer du péché, Jésus révélera qu’Il
porte Lui-même le nom divin : " quand vous aurez élevé le Fils de
l’homme, alors vous saurez que ‘Je suis’ " (Jn 8, 28).
Dieu seul EST
212 Au
cours des siècles, la foi d’Israël a pu déployer et approfondir les
richesses contenues dans la révélation du nom divin. Dieu est
unique, hormis Lui pas de dieux (cf. Is 44, 6). Il transcende le
monde et l’histoire. C’est Lui qui a fait le ciel et la terre :
" Eux périssent, Toi tu restes ; tous, comme un vêtement ils s’usent
(...) mais Toi, le même, sans fin sont tes années " (Ps 102, 27-28).
En Lui " n’existe aucun changement, ni l’ombre d’une variation " (Jc
1, 17). Il est " Celui qui est ", depuis toujours et pour toujours,
et c’est ainsi qu’Il demeure toujours fidèle à Lui-même et à ses
promesses.
213 La
révélation du nom ineffable " Je suis celui qui suis " contient donc
la vérité que Dieu seul EST. C’est en ce sens que déjà la traduction
des Septante et à sa suite la Tradition de l’Église, ont compris le
nom divin : Dieu est la plénitude de l’Être et de toute perfection,
sans origine et sans fin. Alors que toutes les créatures ont reçu de
Lui tout leur être et leur avoir, Lui seul est son être même et Il
est de Lui-même tout ce qu’Il est.
III. Dieu ,
" Celui qui est ", est Vérité et Amour
214 Dieu,
" Celui qui est ", s’est révélé à Israël comme Celui qui est " riche
en grâce et en fidélité " (Ex 34, 6). Ces deux termes expriment de
façon condensée les richesses du nom divin. Dans toutes ses œuvres
Dieu montre sa bienveillance, sa bonté, sa grâce, son amour ; mais
aussi sa fiabilité, sa constance, sa fidélité, sa vérité. " Je rends
grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité " (Ps 138, 2 ; cf. Ps
85, 11). Il est la Vérité, car " Dieu est Lumière, en Lui point de
ténèbres " (1 Jn 1, 5) ; Il est " Amour ", comme l’apôtre Jean
l’enseigne (1 Jn 4, 8).
Dieu est Vérité
215
" Vérité, le principe de ta parole ! Pour l’éternité, tes justes
jugements " (Ps 119, 160). " Oui, Seigneur Dieu, c’est Toi qui es
Dieu, tes paroles sont vérité " (2 S 7, 28) ; c’est pourquoi les
promesses de Dieu se réalisent toujours (cf. Dt 7, 9). Dieu est la
Vérité même, ses paroles ne peuvent tromper. C’est pourquoi on peut
se livrer en toute confiance à la vérité et à la fidélité de sa
parole en toutes choses. Le commencement du péché et de la chute de
l’homme fut un mensonge du tentateur qui induit à douter de la
parole de Dieu, de sa bienveillance et de sa fidélité.
216 La
vérité de Dieu est sa sagesse qui commande tout l’ordre de la
création et du gouvernement du monde (cf. Sg 13, 1-9). Dieu qui,
seul, a créé le ciel et la terre (cf. Ps 115, 15), peut seul donner
la connaissance véritable de toute chose créée dans sa relation à
Lui (cf. Sg 7, 17-21).
217 Dieu
est vrai aussi quand Il se révèle : l’enseignement qui vient de Dieu
est " une doctrine de vérité " (Ml 2, 6). Quand Il enverra son Fils
dans le monde ce sera " pour rendre témoignage à la Vérité " (Jn 18,
37) : " Nous savons que le Fils de Dieu est venu et qu’Il nous a
donné l’intelligence afin que nous connaissions le Véritable " (1 Jn
5, 20 ; cf. Jn 17, 3).
Dieu est Amour
218 Au
cours de son histoire, Israël a pu découvrir que Dieu n’avait qu’une
raison de s’être révélé à lui et de l’avoir choisi parmi tous les
peuples pour être à lui : son amour gratuit (cf. Dt 4, 37 ; 7, 8 ;
10, 15). Et Israël de comprendre, grâce à ses prophètes, que c’est
encore par amour que Dieu n’a cessé de le sauver (cf. Is 43, 1-7) et
de lui pardonner son infidélité et ses péchés (cf. Os 2).
219
L’amour de Dieu pour Israël est comparé à l’amour d’un père pour son
fils (Os 11, 1). Cet amour est plus fort que l’amour d’une mère pour
ses enfants (cf. Is 49, 14-15). Dieu aime son Peuple plus qu’un
époux sa bien-aimée (cf. Is 62, 4-5) ; cet amour sera vainqueur même
des pires infidélités (cf. Ez 16 ; Os 11) ; il ira jusqu’au don le
plus précieux : " Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils
unique " (Jn 3, 16).
220
L’amour de Dieu est " éternel " (Is 54, 8) : " Car les montagnes
peuvent s’en aller et les collines s’ébranler, mais mon amour pour
toi ne s’en ira pas " (Is 54, 10). " D’un amour éternel, je t’ai
aimé ; c’est pourquoi je t’ai conservé ma faveur " (Jr 31, 3).
221 S.
Jean va encore plus loin lorsqu’il atteste : " Dieu est Amour " (1
Jn 4, 8. 16) : l’Être même de Dieu est Amour. En envoyant dans la
plénitude des temps son Fils unique et l’Esprit d’Amour, Dieu révèle
son secret le plus intime (cf. 1 Co 2, 7-16 ; Ep 3, 9-12) : Il est
Lui-même éternellement échange d’amour : Père, Fils et Esprit Saint,
et Il nous a destinés à y avoir part.
IV. La portée de
la foi en Dieu Unique
222
Croire en Dieu, l’Unique, et L’aimer de tout son être a des
conséquences immenses pour toute notre vie :
223 C’est
connaître la grandeur et la majesté de Dieu : " Oui, Dieu est si
grand qu’Il dépasse notre science " (Jb 36, 26). C’est pour cela que
Dieu doit être " premier servi " (Ste Jeanne d’Arc, dictum).
224 C’est
vivre en action de grâce : si Dieu est l’Unique, tout ce que
nous sommes et tout ce que nous possédons vient de Lui : " Qu’as-tu
que tu n’aies reçu ? " (1 Co 4, 7). " Comment rendrai-je au Seigneur
tout le bien qu’Il m’a fait ? " (Ps 116, 12).
225 C’est
connaître l’unité et la vraie dignité de tous les hommes : tous,
ils sont faits " à l’image et à la ressemblance de Dieu " (Gn 1,
26).
226 C’est
bien user des choses créées : la foi en Dieu l’Unique nous amène
à user de tout ce qui n’est pas Lui dans la mesure où cela nous
rapproche de Lui, et à nous en détacher dans la mesure où cela nous
détourne de Lui (cf. Mt 5, 29-30 ; 16, 24 ; 19, 23-24) :
Mon Seigneur et
mon Dieu, prends-moi tout ce qui m’éloigne de Toi. Mon Seigneur et
mon Dieu, donne-moi tout ce qui me rapproche de Toi. Mon Seigneur et
mon Dieu, détache-moi de moi-même pour me donner tout à Toi (S.
Nicolas de Flüe, prière).
227 C’est
faire confiance à Dieu en toute circonstance, même dans
l’adversité. Une prière de Ste. Thérèse de Jésus l’exprime
admirablement :
Que rien ne te
trouble / Que rien ne t’effraie
Tout passe /
Dieu ne change pas
La patience
obtient tout / Celui qui a Dieu
Ne manque de
rien / Dieu seul suffit.
(Poes. 9)
EN BREF
228
" Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’Unique Seigneur... "
(Dt 6, 4 ; Mc 12, 29). " Il faut nécessairement que l’Être suprême
soit unique, c’est-à-dire sans égal. (...) Si Dieu n’est pas unique,
il n’est pas Dieu " (Tertullien, Marc. 1, 3).
229
La foi en Dieu nous amène à nous tourner vers Lui seul comme vers
notre première origine et notre fin ultime, et ne rien Lui préférer
ou Lui substituer.
230 Dieu, en se révélant, demeure
mystère ineffable : " Si tu Le comprenais, ce ne serait pas Dieu "
(S. Augustin, serm. 52, 6, 16 : PL 38, 360).
231 Le Dieu de notre foi s’est
révélé comme Celui qui est ;
Il s’est fait connaître comme " riche en grâce et en fidélité " (Ex
34, 6). Son Être même est Vérité et Amour.
Paragraphe 2. LE
PERE
I. " Au nom du
Père et du Fils et du Saint Esprit "
232 Les
chrétiens sont baptisés " au nom du Père et du Fils et du
Saint-Esprit " (Mt 28, 19). Auparavant ils répondent " Je crois " à
la triple interrogation qui leur demande de confesser leur foi au
Père, au Fils et à l’Esprit : " La foi de tous les chrétiens repose
sur la Trinité " (S. Césaire d’Arles, symb. : CCL 103, 48).
233 Les
chrétiens sont baptisés " au nom " du Père et du Fils et du
Saint-Esprit et non pas " aux noms " de ceux-ci (cf. Profession de
foi du pape Vigile en 552 : DS 415) car il n’y a qu’un seul Dieu, le
Père tout puissant et son Fils unique et l’Esprit Saint : la Très
Sainte Trinité.
234 Le
mystère de la Très Sainte Trinité est le mystère central de la foi
et de la vie chrétienne. Il est le mystère de Dieu en Lui-même. Il
est donc la source de tous les autres mystères de la foi ; il est la
lumière qui les illumine. Il est l’enseignement le plus fondamental
et essentiel dans la " hiérarchie des vérités de foi " (DCG 43).
" Toute l’histoire du salut n’est autre que l’histoire de la voie et
des moyens par lesquels le Dieu vrai et unique, Père, Fils et
Saint-Esprit, se révèle, se réconcilie et s’unit les hommes qui se
détournent du péché " (DCG 47).
235 Dans
ce paragraphe, il sera exposé brièvement de quelle manière est
révélé le mystère de la Bienheureuse Trinité (I), comment l’Église a
formulé la doctrine de la foi sur ce mystère (II), et enfin,
comment, par les missions divines du Fils et de l’Esprit Saint, Dieu
le Père réalise son " dessein bienveillant " de création, de
rédemption et de sanctification (III).
236 Les
Pères de l’Église distinguent entre la Theologia et l’Oikonomia,
désignant par le premier terme le mystère de la vie intime du
Dieu-Trinité, par le second toutes les œuvres de Dieu par lesquelles
Il Se révèle et communique Sa vie. C’est par l’Oikonomia que
nous est révélée la Theologia ; mais inversement, c’est la
Theologia qui éclaire toute l’Oikonomia. Les œuvres de
Dieu révèlent qui Il est en Lui-même ; et inversement, le mystère de
Son Être intime illumine l’intelligence de toutes Ses œuvres. Il en
est ainsi, analogiquement, entre les personnes humaines. La personne
se montre dans son agir, et mieux nous connaissons une personne,
mieux nous comprenons son agir.
237 La
Trinité est un mystère de foi au sens strict, un des " mystères
cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus s’ils ne sont révélés
d’en haut " (Cc. Vatican I : DS 3015). Dieu certes a laissé des
traces de son être trinitaire dans son œuvre de Création et dans sa
Révélation au cours de l’Ancien Testament. Mais l’intimité de Son
Être comme Trinité Sainte constitue un mystère inaccessible à la
seule raison et même à la foi d’Israël avant l’Incarnation du Fils
de Dieu et la mission du Saint Esprit .
II. La
révélation de Dieu comme Trinité
Le Père révélé
par le Fils
238
L’invocation de Dieu comme " Père " est connue dans beaucoup de
religions. La divinité est souvent considérée comme " père des dieux
et des hommes ". En Israël, Dieu est appelé Père en tant que
Créateur du monde (cf. Dt 32, 6 ; Ml 2, 10). Dieu est Père plus
encore en raison de l’alliance et du don de la Loi à Israël son
" fils premier-né " (Ex 4, 22). Il est aussi appelé Père du roi
d’Israël (cf. 2 S 7, 14). Il est tout spécialement " le Père des
pauvres ", de l’orphelin et de la veuve qui sont sous sa protection
aimante (cf. Ps 68, 6).
239 En
désignant Dieu du nom de " Père ", le langage de la foi indique
principalement deux aspects : que Dieu est origine première de tout
et autorité transcendante et qu’il est en même temps bonté et
sollicitude aimante pour tous ses enfants. Cette tendresse parentale
de Dieu peut aussi être exprimée par l’image de la maternité (cf. Is
66, 13 ; Ps 131, 2) qui indique davantage l’immanence de Dieu,
l’intimité entre Dieu et Sa créature. Le langage de la foi puise
ainsi dans l’expérience humaine des parents qui sont d’une certaine
façon les premiers représentants de Dieu pour l’homme. Mais cette
expérience dit aussi que les parents humains sont faillibles et
qu’ils peuvent défigurer le visage de la paternité et de la
maternité. Il convient alors de rappeler que Dieu transcende la
distinction humaine des sexes. Il n’est ni homme, ni femme, il est
Dieu. Il transcende aussi la paternité et la maternité humaines (cf.
Ps 27, 10), tout en en étant l’origine et la mesure (cf. Ep 3, 14 ;
Is 49, 15) : Personne n’est père comme l’est Dieu.
240 Jésus
a révélé que Dieu est " Père " dans un sens inouï : Il ne l’est pas
seulement en tant que Créateur, Il est éternellement Père en
relation à son Fils unique, qui éternellement n’est Fils qu’en
relation au Père : " Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père,
comme nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le
Fils veut bien Le révéler " (Mt 11, 27).
241 C’est
pourquoi les apôtres confessent Jésus comme " le Verbe qui était au
commencement auprès de Dieu et qui est Dieu " (Jn 1, 1), comme
" l’image du Dieu invisible " (Col 1, 15), comme " le
resplendissement de sa gloire et l’effigie de sa substance " (He 1,
3).
242 A
leur suite, suivant la tradition apostolique, l’Église a confessé en
325 au premier Concile œcuménique de Nicée que le Fils est
" consubstantiel " au Père, c’est-à-dire un seul Dieu avec lui. Le
deuxième Concile œcuménique, réuni à Constantinople en 381, a gardé
cette expression dans sa formulation du Credo de Nicée et a confessé
" le Fils unique de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles,
lumière de lumière, vrai Dieu du vrai Dieu, engendré non pas créé,
consubstantiel au Père " (DS 150).
Le Père et le
Fils révélés par l’Esprit
243 Avant
sa Pâque, Jésus annonce l’envoi d’un " autre Paraclet " (Défenseur),
l’Esprit Saint. A l’œuvre depuis la création (cf. Gn 1, 2), ayant
jadis " parlé par les prophètes " (Symbole de Nicée-Constantinople),
il sera maintenant auprès des disciples et en eux (cf. Jn 14, 17),
pour les enseigner (cf. Jn 14, 26) et les conduire " vers la vérité
tout entière " (Jn 16, 13). L’Esprit Saint est ainsi révélé comme
une autre personne divine par rapport à Jésus et au Père.
244
L’origine éternelle de l’Esprit se révèle dans sa mission
temporelle. L’Esprit Saint est envoyé aux apôtres et à l’Église
aussi bien par le Père au nom du Fils, que par le Fils en personne,
une fois retourné auprès du Père (cf. Jn 14, 26 ; 15, 26 ; 16, 14).
L’envoi de la personne de l’Esprit après la glorification de Jésus
(cf. Jn 7, 39) révèle en plénitude le mystère de la Sainte Trinité.
245 La
foi apostolique concernant l’Esprit a été confessée par le deuxième
Concile œcuménique en 381 à Constantinople : " Nous croyons dans
l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; il procède du
Père " (DS 150). L’Église reconnaît par là le Père comme " la source
et l’origine de toute la divinité " (Cc. Tolède VI en 638 : DS 490).
L’origine éternelle de l’Esprit Saint n’est cependant pas sans lien
avec celle du Fils : " L’Esprit Saint qui est la Troisième Personne
de la Trinité, est Dieu, un et égale au Père et au Fils, de même
substance et aussi de même nature. (...) Cependant, on ne dit pas
qu’il est seulement l’Esprit du Père, mais à la fois l’Esprit du
Père et du Fils " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 527). Le Credo du
Concile de Constantinople de l’Église confesse : " Avec le Père et
le Fils il reçoit même adoration et même gloire " (DS 150).
246 La
tradition latine du Credo confesse que l’Esprit " procède du Père
et du Fils (filioque) ". Le Concile de Florence, en 1438,
explicite : " Le Saint Esprit tient son essence et son être à la
fois du Père et du Fils et Il procède éternellement de l’Un comme de
l’Autre comme d’un seul Principe et par une seule spiration... Et
parce que tout ce qui est au Père, le Père Lui-même l’a donné à Son
Fils unique en L’engendrant, à l’exception de son être de Père,
cette procession même du Saint Esprit à partir du Fils, Il la tient
éternellement de son Père qui L’a engendré éternellement " (DS
1300-1301).
247
L’affirmation du filioquene figurait pas dans le symbole
confessé en 381 à Constantinople. Mais sur la base d’une ancienne
tradition latine et alexandrine, le Pape S. Léon l’avait déjà
confessée dogmatiquement en 447 (cf. DS 284) avant même que Rome ne
connût et ne reçût, en 451, au Concile de Chalcédoine, le symbole de
381. L’usage de cette formule dans le Credo a été peu à peu admis
dans la liturgie latine (entre le VIIIe et le XIe
siècle). L’introduction du filioque dans le Symbole de
Nicée-Constantinople par la liturgie latine constitue cependant,
aujourd’hui encore, un différend avec les Églises orthodoxes.
248 La tradition
orientale exprime d’abord le caractère d’origine première du Père
par rapport à l’Esprit. En confessant l’Esprit comme " issu du
Père " (Jn 15, 26), elle affirme que celui-ci est issu du
Père par le Fils (cf. AG 2). La tradition occidentale exprime
d’abord la communion consubstantielle entre le Père et le Fils en
disant que l’Esprit procède du Père et du Fils (filioque).
Elle le dit " de manière légitime et raisonnable " (Cc. Florence en
1439 : DS 1302), car l’ordre éternel des personnes divines dans leur
communion consubstantielle implique que le Père soit l’origine
première de l’Esprit en tant que " principe sans principe " (DS
1331), mais aussi qu’en tant que Père du Fils unique, Il soit avec
Lui " l’unique principe d’où procède l’Esprit Saint " (Cc. Lyon II
en 1274 : DS 850). Cette légitime complémentarité, si elle n’est pas
durcie, n’affecte pas l’identité de la foi dans la réalité du même
mystère confessé.
III. La Sainte
Trinité dans la doctrine de la foi
La formation du
dogme trinitaire
249 La
vérité révélée de la Sainte Trinité a été dès les origines à la
racine de la foi vivante de l’Église, principalement au moyen du
baptême. Elle trouve son expression dans la règle de la foi
baptismale, formulée dans la prédication, la catéchèse et la prière
de l’Église. De telles formulations se trouvent déjà dans les écrits
apostoliques, ainsi cette salutation, reprise dans la liturgie
eucharistique : " La grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu
et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous " (2 Co 13,
13 ; cf. 1 Co 12, 4-6 ; Ep 4, 4-6).
250 Au
cours des premiers siècles, l’Église a cherché de formuler plus
explicitement sa foi trinitaire tant pour approfondir sa propre
intelligence de la foi que pour la défendre contre des erreurs qui
la déformaient. Ce fut l’œuvre des Conciles anciens, aidés par le
travail théologique des Pères de l’Église et soutenus par le sens de
la foi du peuple chrétien.
251 Pour
la formulation du dogme de la Trinité, l’Église a dû développer une
terminologie propre à l’aide de notions d’origine philosophique :
" substance ", " personne " ou " hypostase ", " relation ", etc. Ce
faisant, elle n’a pas soumis la foi à une sagesse humaine mais a
donné un sens nouveau, inouï à ces termes appelés à signifier
désormais aussi un mystère ineffable, " infiniment au-delà de tout
ce que nous pouvons concevoir à la mesure humaine " (SPF 9).
252
L’Église utilise le terme " substance " (rendu aussi parfois par
" essence " ou par " nature ") pour désigner l’être divin dans son
unité, le terme " personne " ou " hypostase " pour désigner le Père,
le Fils et le Saint-Esprit dans leur distinction réelle entre eux,
le terme " relation " pour désigner le fait que leur distinction
réside dans la référence des uns aux autres.
Le dogme de la
Sainte Trinité
253 La
Trinité est Une. Nous ne confessons pas trois dieux, mais un
seul Dieu en trois personnes : " la Trinité consubstantielle " (Cc.
Constantinople II en 553 : DS 421). Les personnes divines ne se
partagent pas l’unique divinité mais chacune d’elles est Dieu tout
entier : " Le Père est cela même qu’est le Fils, le Fils cela même
qu’est le Père, le Père et le Fils cela même qu’est le Saint-Esprit,
c’est-à-dire un seul Dieu par nature " (Cc. Tolède XI en 675 : DS
530). " Chacune des trois personnes est cette réalité, c’est-à-dire
la substance, l’essence ou la nature divine " (Cc. Latran IV en
1215 : DS 804).
254 Les
personnes divines sont réellement distinctes entre elles. " Dieu
est unique mais non pas solitaire " (Fides Damasi : DS 71).
" Père ", " Fils ", " Esprit Saint " ne sont pas simplement des noms
désignant des modalités de l’être divin, car ils sont réellement
distincts entre eux : " Celui qui est le Fils n’est pas le Père, et
celui qui est le Père n’est pas le Fils, ni le Saint-Esprit n’est
celui qui est le Père ou le Fils " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 530).
Ils sont distincts entre eux par leurs relations d’origine : " C’est
le Père qui engendre, le Fils qui est engendré, le Saint-Esprit qui
procède " (Cc. Latran IV en 1215 : DS 804). L’Unité divine est
Trine.
255 Les
personnes divines sont relatives les unes aux autres. Parce
qu’elle ne divise pas l’unité divine, la distinction réelle des
personnes entre elles réside uniquement dans les relations qui les
réfèrent les unes aux autres : " Dans les noms relatifs des
personnes, le Père est référé au Fils, le Fils au Père, le
Saint-Esprit aux deux ; quand on parle de ces trois personnes en
considérant les relations, on croit cependant en une seule nature ou
substance " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 528). En effet, " tout est un
[en eux] là où l’on ne rencontre pas l’opposition de relation " (Cc.
Florence en 1442 : DS 1330). " A cause de cette unité, le Père est
tout entier dans le Fils, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Fils
est tout entier dans le Père, tout entier dans le Saint-Esprit ; le
Saint-Esprit tout entier dans le Père, tout entier dans le Fils "
(Cc. Florence en 1442 : DS 1331).
256 Aux
Catéchumènes de Constantinople, S. Grégoire de Nazianze, que l’on
appelle aussi " le Théologien ", confie ce résumé de la foi
trinitaire :
Avant toutes choses, gardez-moi ce bon dépôt, pour lequel je vis et
je combats, avec lequel je veux mourir, qui me fait supporter tous
les maux et mépriser tous les plaisirs : je veux dire la profession
de foi en le Père et le Fils et le Saint-Esprit. Je vous la confie
aujourd’hui. C’est par elle que je vais tout à l’heure vous plonger
dans l’eau et vous en élever. Je vous la donne pour compagne et
patronne de toute votre vie. Je vous donne une seule Divinité et
Puissance, existant Une dans les Trois, et contenant les Trois d’une
manière distincte. Divinité sans disparate de substance ou de
nature, sans degré supérieur qui élève ou degré inférieur qui
abaisse. (...) C’est de trois infinis l’infinie connaturalité. Dieu
tout entier chacun considéré en soi-même (...), Dieu les Trois
considérés ensemble (...). Je n’ai pas commencé de penser à l’Unité
que la Trinité me baigne dans sa splendeur. Je n’ai pas commencé de
penser à la Trinité que l’unité me ressaisit ... (or. 40, 41 : PG
36, 417).
IV. Les œuvres
divines et les missions trinitaires
257 " O
Trinité lumière bienheureuse, O primordiale unité " (LH, hymne " O
lux beata Trinitas " de vêpres) ! Dieu est éternelle béatitude, vie
immortelle, lumière sans déclin. Dieu est amour : Père, Fils et
Esprit Saint. Librement Dieu veut communiquer la gloire de sa vie
bienheureuse. Tel est le " dessein bienveillant " (Ep 1, 9) qu’il a
conçu dès avant la création du monde en son Fils bien-aimé, " nous
prédestinant à l’adoption filiale en celui-ci " (Ep 1, 4-5),
c’est-à-dire " à reproduire l’image de Son Fils " (Rm 8, 29) grâce à
" l’Esprit d’adoption filiale " (Rm 8, 15). Ce dessein est une
" grâce donnée avant tous les siècles " (2 Tm 1, 9-10), issue
immédiatement de l’amour trinitaire. Il se déploie dans l’œuvre de
la création, dans toute l’histoire du salut après la chute, dans les
missions du Fils et de l’Esprit, que prolonge la mission de l’Église
(cf. AG 2-9).
258 Toute
l’économie divine est l’œuvre commune des trois personnes divines.
Car de même qu’elle n’a qu’une seule et même nature, la Trinité n’a
qu’une seule et même opération (cf. Cc Constantinople II en 553 : DS
421). " Le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont pas trois
principes des créatures mais un seul principe " (Cc. Florence en
1442 : DS 1331). Cependant, chaque personne divine opère l’œuvre
commune selon sa propriété personnelle. Ainsi l’Église confesse à la
suite du Nouveau Testament (cf. 1 Co 8, 6) : " un Dieu et Père de
qui sont toutes choses, un Seigneur Jésus-Christ pour qui sont
toutes choses, un Esprit Saint en qui sont toutes choses " (Cc.
Constantinople II : DS 421). Ce sont surtout les missions divines de
l’Incarnation du Fils et du don du Saint-Esprit qui manifestent les
propriétés des personnes divines.
259 Œuvre
à la fois commune et personnelle, toute l’économie divine fait
connaître et la propriété des personnes divines et leur unique
nature. Aussi, toute la vie chrétienne est communion avec chacune
des personnes divines, sans aucunement les séparer. Celui qui rend
gloire au Père le fait par le Fils dans l’Esprit Saint ; celui qui
suit le Christ, le fait parce que le Père l’attire (cf. Jn 6, 44) et
que l’Esprit le meut (cf. Rm 8, 14).
260 La
fin ultime de toute l’économie divine, c’est l’entrée des créatures
dans l’unité parfaite de la Bienheureuse Trinité (cf. Jn 17, 21-23).
Mais dès maintenant nous sommes appelés à être habités par la Très
Sainte Trinité : " Si quelqu’un m’aime, dit le Seigneur, il gardera
ma parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons à lui, et nous
ferons chez lui notre demeure " (Jn 14, 23) :
O mon Dieu,
Trinité que j’adore, aidez-moi à m’oublier entièrement pour
m’établir en Vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était
dans l’éternité ; que rien ne puisse troubler ma paix ni me faire
sortir de Vous, ô mon Immuable, mais que chaque minute m’emporte
plus loin dans la profondeur de votre mystère ! Pacifiez mon âme.
Faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos.
Que je ne Vous y laisse jamais seul, mais que je sois là, toute
entière, toute éveillée en ma foi, toute adorante, toute livrée à
votre action créatrice (Prière de la Bienheureuse Élisabeth de la
Trinité).
EN BREF
261
Le mystère de la Très Sainte Trinité est le mystère central de la
foi et de la vie chrétienne. Dieu seul peut nous en donner la
connaissance en Se révélant comme Père, Fils et Saint-Esprit.
262
L’Incarnation du Fils de Dieu révèle que Dieu est le Père éternel,
et que le Fils est consubstantiel au Père, c’est-à-dire qu’il est en
lui et avec lui le même Dieu unique.
263
La mission du Saint-Esprit, envoyé par le Père au nom du Fils (cf.
Jn 14, 26) et par le Fils " d’auprès du Père " (Jn 15, 26) révèle
qu’il est avec eux le même Dieu unique. " Avec le Père et le Fils il
reçoit même adoration et même gloire ".
264
" Le Saint-Esprit procède du Père en tant que source première et,
par le don éternel de celui-ci au Fils, du Père et du Fils en
communion " (S. Augustin, Trin. 15, 26, 47).
265
Par la grâce du baptême " au nom du Père et du Fils et du
Saint-Esprit ", nous sommes appelés à partager la vie de la
Bienheureuse Trinité, ici-bas dans l’obscurité de la foi, et au-delà
de la mort, dans la lumière éternelle (cf. SPF 9).
266 " La foi catholique consiste en
ceci : vénérer un seul Dieu dans la Trinité, et la Trinité dans
l’Unité, sans confondre les personnes, sans diviser la substance :
car autre est la personne du Père, autre celle du Fils, autre celle
de l’Esprit Saint ; mais du Père, du Fils et de l’Esprit Saint une
est la divinité, égale la gloire, coéternelle la majesté " (Symbolum
" Quicumque " (DS 75).
267
Inséparables dans ce qu’elles sont, les personnes divines sont aussi
inséparables dans ce qu’elles font. Mais dans l’unique opération
divine chacune manifeste ce qui lui est propre dans la Trinité,
surtout dans les missions divines de l’Incarnation du Fils et du don
du Saint-Esprit.
Paragraphe 3. LE
TOUT-PUISSANT
268 De
tous les attributs divins, seule la Toute-Puissance de Dieu est
nommée dans le Symbole : la confesser est d’une grande portée pour
notre vie. Nous croyons qu’elle est universelle, car Dieu qui
a tout créé (cf. Gn 1, 1 ; Jn 1, 3), régit tout et peut tout ;
aimante, car Dieu est notre Père (cf. Mt 6, 9) ; mystérieuse,
car seule la foi peut la discerner lorsqu’ " elle se déploie dans la
faiblesse " (2 Co 12, 9 ; cf. 1 Co 1, 18).
" Tout ce qu’Il
veut, Il le fait "
(Ps 115, 3)
269 Les
Saintes Écritures confessent à maintes reprises la puissance
universelle de Dieu. Il est appelé " Le Puissant de Jacob " (Gn
49, 24 ; Is 1, 24 e.a.), " le Seigneur des armées ", " le Fort, le
Vaillant " (Ps 24, 8-10). Si Dieu est Tout-Puissant " au ciel et sur
la terre " (Ps 135, 6), c’est qu’il les a faits. Rien ne lui est
donc impossible (cf. Jr 32, 17 ; Lc 1, 37) et il dispose à son gré
de son œuvre (cf. Jr 27, 5) ; il est le Seigneur de l’univers dont
il a établi l’ordre qui lui demeure entièrement soumis et
disponible ; il est le Maître de l’histoire : il gouverne les cœurs
et les événements selon son gré (cf. Est 4, 17b ; Pr 21, 1 ; Tb 13,
2) : " Ta grande puissance est toujours à ton service, et qui peut
résister à la force de ton bras ? " (Sg 11, 21).
" Tu as pitié de
tous, parce que Tu peux tout "
(Sg 11, 23)
270 Dieu
est le Père Tout-Puissant. Sa paternité et sa puissance
s’éclairent mutuellement. En effet, il montre sa Toute-Puissance
paternelle par la manière dont Il prend soin de nos besoins (cf. Mt
6, 32) ; par l’adoption filiale qu’il nous donne (" Je serai pour
vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles, dit le
Seigneur Tout-Puissant " : 2 Co 6, 18) ; enfin par sa miséricorde
infinie, puisqu’il montre sa puissance au plus haut point en
pardonnant librement les péchés.
271 La
Toute-Puissance divine n’est nullement arbitraire : " En Dieu la
puissance et l’essence, la volonté et l’intelligence, la sagesse et
la justice sont une seule et même chose, de sorte que rien ne peut
être dans la puissance divine qui ne puisse être dans la juste
volonté de Dieu ou dans sa sage intelligence " (S. Thomas d’A., s.
th. 1, 25, 5, ad 1).
Le mystère de
l’apparente impuissance de Dieu
272 La
foi en Dieu le Père Tout-Puissant peut-être mise à l’épreuve par
l’expérience du mal et de la souffrance. Parfois Dieu peut sembler
absent et incapable d’empêcher le mal. Or, Dieu le Père a révélé sa
Toute-Puissance de la façon la plus mystérieuse dans
l’abaissement volontaire et dans la Résurrection de son Fils, par
lesquels Il a vaincu le mal. Ainsi, le Christ crucifié est
" puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu
est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est
plus fort que les hommes " (1 Co 1, 24-25). C’est dans la
Résurrection et dans l’exaltation du Christ que le Père a " déployé
la vigueur de sa force " et manifesté " quelle extraordinaire
grandeur revêt sa puissance pour nous les croyants " (Ep 1, 19-22).
273 Seule
la foi peut adhérer aux voies mystérieuses de la Toute-Puissance de
Dieu. Cette foi se glorifie de ses faiblesses afin d’attirer sur
elle la puissance du Christ (cf. 2 Co 12, 9 ; Ph 4, 13). De cette
foi, la Vierge Marie est le suprême modèle, elle qui a cru que
" rien n’est impossible à Dieu " (Lc 1, 37) et qui a pu magnifier le
Seigneur : " Le Puissant fit pour moi des merveilles, saint est son
nom " (Lc 1, 49).
274
" Rien n’est donc plus propre à affermir notre Foi et notre
Espérance que la conviction profondément gravée dans nos âmes que
rien n’est impossible à Dieu. Car tout ce que [le Credo] nous
proposera ensuite à croire, les choses les plus grandes, les plus
incompréhensibles, aussi bien que les plus élevées au-dessus des
lois ordinaires de la nature, dès que notre raison aura seulement
l’idée de la Toute-Puissance divine, elle les admettra facilement et
sans hésitation aucune " (Catech. R. 1, 2, 13).
EN BREF
275
Avec Job, le juste, nous confessons : " Je sais que Tu es
Tout-Puissant : ce que Tu conçois, Tu peux le réaliser " (Jb 42, 2).
276 Fidèle au témoignage de
l’Écriture, l’Église adresse souvent sa prière au " Dieu
Tout-Puissant et éternel " (" omnipotens sempiterne Deus... "),
croyant fermement que " rien
n’est impossible à Dieu " (Lc 1, 37 ; cf. Gn 18, 14 ; Mt 19, 26).
277 Dieu manifeste sa
Toute-Puissance en nous convertissant de nos péchés et en nous
rétablissant dans son amitié par la grâce : " Dieu, qui donnes
la preuve suprême de ta puissance, lorsque tu patientes et prends
pitié... " (MR,
collecte du 26e dimanche).
278 A
moins de croire que l’amour de Dieu est Tout-Puissant, comment
croire que le Père a pu nous créer, le Fils nous racheter, l’Esprit
Saint nous sanctifier ?
Paragraphe 4. LE
CREATEUR
279 " Au
commencement, Dieu créa le ciel et la terre " (Gn 1, 1). C’est avec
ces paroles solennelles que commence l’Écriture Sainte. Le Symbole
de la foi reprend ces paroles en confessant Dieu le Père
Tout-puissant comme " le Créateur du ciel et de la terre ", " de
l’univers visible et invisible ". Nous parlerons donc d’abord du
Créateur, ensuite de sa création, enfin de la chute du péché dont
Jésus-Christ, le Fils de Dieu, est venu nous relever.
280 La
création est le fondement de " tous les desseins salvifiques
de Dieu ", " le commencement de l’histoire du salut " (DCG 51) qui
culmine dans le Christ. Inversement, le mystère du Christ est la
lumière décisive sur le mystère de la création ; il révèle la fin en
vue de laquelle, " au commencement, Dieu créa le ciel et la terre "
(Gn 1, 1) : dès le commencement, Dieu avait en vue la gloire de la
nouvelle création dans le Christ (cf. Rm 8, 18-23).
281 C’est
pour cela que les lectures de la Nuit Pascale, célébration de la
création nouvelle dans le Christ, commencent par le récit de la
création ; de même, dans la liturgie byzantine, le récit de la
création constitue toujours la première lecture des vigiles des
grandes fêtes du Seigneur. Selon le témoignage des anciens,
l’instruction des catéchumènes pour le baptême suit le même chemin
(cf. Ethérie, pereg. 46 : PLS 1, 1089-1090 ; S. Augustin, catech. 3,
5).
I. La catéchèse
sur la Création
282 La catéchèse
sur la Création revêt une importance capitale. Elle concerne les
fondements mêmes de la vie humaine et chrétienne : car elle
explicite la réponse de la foi chrétienne à la question élémentaire
que les hommes de tous les temps se sont posée : " D’où
venons-nous ? " " Où allons-nous ? " " Quelle est notre origine ? "
" Quelle est notre fin ? " " D’où vient et où va tout ce qui
existe ? " Les deux questions, celle de l’origine et celle de la
fin, sont inséparables. Elles sont décisives pour le sens et
l’orientation de notre vie et de notre agir.
283 La
question des origines du monde et de l’homme fait l’objet de
nombreuses recherches scientifiques qui ont magnifiquement enrichi
nos connaissances sur l’âge et les dimensions du cosmos, le devenir
des formes vivantes, l’apparition de l’homme. Ces découvertes nous
invitent à admirer d’autant plus la grandeur du Créateur, de lui
rendre grâce pour toutes ses œuvres et pour l’intelligence et la
sagesse qu’il donne aux savants et aux chercheurs. Avec Salomon,
ceux-ci peuvent dire : " C’est Lui qui m’a donné la science vraie de
ce qui est, qui m’a fait connaître la structure du monde et les
propriétés des éléments (...) car c’est l’ouvrière de toutes choses
qui m’a instruit, la Sagesse " (Sg 7, 17-21).
284 Le
grand intérêt réservé à ces recherches est fortement stimulé par une
question d’un autre ordre, et qui dépasse le domaine propre des
sciences naturelles. Il ne s’agit pas seulement de savoir quand et
comment a surgi matériellement le cosmos, ni quand l’homme est
apparu, mais plutôt de découvrir quel est le sens d’une telle
origine : si elle est gouvernée par le hasard, un destin aveugle,
une nécessité anonyme, ou bien par un Être transcendant, intelligent
et bon, appelé Dieu. Et si le monde provient de la sagesse et de la
bonté de Dieu, pourquoi le mal ? D’où vient-il ? Qui en est
responsable ? Et y en a-t-il une libération ?
285
Depuis ses débuts, la foi chrétienne a été confrontée à des réponses
différentes de la sienne sur la question des origines. Ainsi, on
trouve dans les religions et les cultures anciennes de nombreux
mythes concernant les origines. Certains philosophes ont dit que
tout est Dieu, que le monde est Dieu, ou que le devenir du monde est
le devenir de Dieu (panthéisme) ; d’autres ont dit que le monde est
une émanation nécessaire de Dieu, s’écoulant de cette source et
retournant vers elle ; d’autres encore ont affirmé l’existence de
deux principes éternels, le Bien et le Mal, la Lumière et les
Ténèbres, en lutte permanente (dualisme, manichéisme) ; selon
certaines de ces conceptions, le monde (au moins le monde matériel)
serait mauvais, produit d’une déchéance, et donc à rejeter ou à
dépasser (gnose) ; d’autres admettent que le monde ait été fait par
Dieu, mais à la manière d’un horloger qui l’aurait, une fois fait,
abandonné à lui-même (déisme) ; d’autres enfin n’acceptent aucune
origine transcendante du monde, mais y voient le pur jeu d’une
matière qui aurait toujours existé (matérialisme). Toutes ces
tentatives témoignent de la permanence et de l’universalité de la
question des origines. Cette quête est propre à l’homme.
286
L’intelligence humaine peut, certes, déjà trouver une réponse à la
question des origines. En effet, l’existence de Dieu le Créateur
peut être connue avec certitude par ses œuvres grâce à la lumière de
la raison humaine (cf. DS 3026), même si cette connaissance est
souvent obscurcie et défigurée par l’erreur. C’est pourquoi la foi
vient confirmer et éclairer la raison dans la juste intelligence de
cette vérité : " Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été
formés par une parole de Dieu, de sorte que ce que l’on voit
provient de ce qui n’est pas apparent " (He 11, 3).
287 La
vérité de la création est si importante pour toute la vie humaine
que Dieu, dans sa tendresse, a voulu révéler à son Peuple tout ce
qui est salutaire à connaître à ce sujet. Au-delà de la connaissance
naturelle que tout homme peut avoir du Créateur (cf. Ac 17, 24-29 ;
Rm 1, 19-20), Dieu a progressivement révélé à Israël le mystère de
la création. Lui qui a choisi les patriarches, qui a fait sortir
Israël d’Égypte, et qui, en élisant Israël, l’a créé et formé (cf.
Is 43, 1), il se révèle comme celui à qui appartiennent tous les
peuples de la terre, et la terre entière, comme celui qui, seul, " a
fait le ciel et la terre " (Ps 115, 15 ; 124, 8 ; 134, 3).
288
Ainsi, la révélation de la création est inséparable de la révélation
et de la réalisation de l’alliance de Dieu, l’Unique, avec son
Peuple. La création est révélée comme le premier pas vers cette
alliance, comme le premier et universel témoignage de l’amour
Tout-Puissant de Dieu (cf. Gn 15, 5 ; Jr 33, 19-26). Aussi, la
vérité de la création s’exprime-t-elle avec une vigueur croissante
dans le message des prophètes (cf. Is 44, 24), dans la prière des
psaumes (cf. Ps 104) et de la liturgie, dans la réflexion de la
sagesse (cf. Pr 8, 22-31) du Peuple élu.
289 Parmi
toutes les paroles de l’Écriture Sainte sur la création, les trois
premiers chapitres de la Genèse tiennent une place unique. Du point
de vue littéraire ces textes peuvent avoir diverses sources. Les
auteurs inspirés les ont placés au commencement de l’Écriture de
sorte qu’ils expriment, dans leur langage solennel, les vérités de
la création, de son origine et de sa fin en Dieu, de son ordre et de
sa bonté, de la vocation de l’homme, enfin du drame du péché et de
l’espérance du salut. Lues à la lumière du Christ, dans l’unité de
l’Écriture Sainte et dans la Tradition vivante de l’Église, ces
paroles demeurent la source principale pour la catéchèse des
mystères du " commencement " : création, chute, promesse du salut.
II. La création
– œuvre de la Sainte Trinité
290 " Au
commencement, Dieu créa le ciel et la terre " (Gn 1, 1) : trois
choses sont affirmées dans ces premières paroles de l’Écriture : le
Dieu éternel a posé un commencement à tout ce qui existe en dehors
de lui. Lui seul est créateur (le verbe " créer " – en hébreu
bara – a toujours pour sujet Dieu). La totalité de ce qui existe
(exprimé par la formule " le ciel et la terre ") dépend de Celui qui
lui donne d’être.
291 " Au
commencement était le Verbe (...) et le Verbe était Dieu. (...) Tout
a été fait par lui et sans lui rien n’a été fait " (Jn 1, 1-3). Le
Nouveau Testament révèle que Dieu a tout créé par le Verbe Éternel,
son Fils bien-aimé. C’est en lui " qu’ont été créées toutes choses,
dans les cieux et sur la terre (...) tout a été créé par lui et pour
lui. Il est avant toute chose et tout subsiste en lui " (Col 1,
16-17). La foi de l’Église affirme de même l’action créatrice de
l’Esprit Saint : il est le " donateur de vie " (Symbole de
Nicée-Constantinople), " l’Esprit Créateur " (" Veni, Creator
Spiritus "), la " Source de tout bien " (Liturgie byzantine,
Tropaire des vêpres de Pentecôte).
292
Insinuée dans l’Ancien Testament (cf. Ps 33, 6 ; 104, 30 ; Gn 1,
2-3), révélée dans la Nouvelle Alliance, l’action créatrice du Fils
et de l’Esprit, inséparablement une avec celle du Père, est
clairement affirmée par la règle de foi de l’Église : " Il n’existe
qu’un seul Dieu (...) : il est le Père, il est Dieu, il est le
Créateur, il est l’Auteur, il est l’Ordonnateur. Il a fait toutes
choses par lui-même, c’est-à-dire par son Verbe et par sa
Sagesse " (S. Irénée, hær. 2, 30, 9), " par le Fils et l’Esprit "
qui sont comme " ses mains " (ibid., 4, 20, 1). La création est
l’œuvre commune de la Sainte Trinité.
III. " Le monde
a été créé pour la gloire de Dieu "
293 C’est
une vérité fondamentale que l’Écriture et la Tradition ne cessent
d’enseigner et de célébrer : " Le monde a été créé pour la gloire de
Dieu " (Cc. Vatican I : DS 3025). Dieu a créé toutes choses,
explique S. Bonaventure, " non pour accroître la Gloire, mais pour
manifester et communiquer cette gloire " (sent. 2, 1, 2, 2, 1). Car
Dieu n’a pas d’autre raison pour créer que son amour et sa bonté :
" C’est la clef de l’amour qui a ouvert sa main pour produire les
créatures " (S. Thomas d’A., sent. 2, prol.) Et le premier Concile
du Vatican explique :
Dans sa bonté et
par sa force toute-puissante, non pour augmenter sa béatitude, ni
pour acquérir sa perfection, mais pour la manifester par les biens
qu’il accorde à ses créatures, ce seul vrai Dieu a, dans le plus
libre dessein, tout ensemble, dès le commencement du temps, créé de
rien l’une et l’autre créature, la spirituelle et la corporelle (DS
3002).
294 La
gloire de Dieu c’est que se réalise cette manifestation et cette
communication de sa bonté en vue desquelles le monde a été créé.
Faire de nous " des fils adoptifs par Jésus-Christ : tel fut le
dessein bienveillant de Sa volonté à la louange de gloire de
sa grâce " (Ep 1, 5-6) : " Car la gloire de Dieu, c’est l’homme
vivant, et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu : si déjà la
révélation de Dieu par la création procura la vie à tous les êtres
qui vivent sur la terre, combien plus la manifestation du Père par
le Verbe procure-t-elle la vie à ceux qui voient Dieu " (S. Irénée,
hær. 4, 20, 7). La fin ultime de la création, c’est que Dieu, " qui
est le Créateur de tous les êtres, devienne enfin ‘tout en tous’ (1
Co 15, 28), en procurant à la fois sa gloire et notre béatitude "
(AG 2).
IV. Le mystère
de la création
Dieu crée par
sagesse et par amour
295 Nous
croyons que Dieu a créé le monde selon sa sagesse (cf. Sg 9, 9). Il
n’est pas le produit d’une nécessité quelconque, d’un destin aveugle
ou du hasard. Nous croyons qu’il procède de la volonté libre de Dieu
qui a voulu faire participer les créatures à son être, sa sagesse et
sa bonté : " Car c’est toi qui créas toutes choses ; tu as voulu
qu’elles soient, et elles furent créées " (Ap 4, 11). " Que tes
œuvres sont nombreuses, Seigneur ! Toutes avec sagesse tu les fis "
(Ps 104, 24). " Le Seigneur est bonté envers tous, ses tendresses
vont à toutes ses œuvres " (Ps 145, 9).
Dieu crée " de
rien "
296 Nous
croyons que Dieu n’a besoin de rien de préexistant ni d’aucune aide
pour créer (cf. Cc. Vatican I : DS 3022). La création n’est pas non
plus une émanation nécessaire de la substance divine (cf. Cc.
Vatican I : DS 3023-3024). Dieu crée librement " de rien " (DS 800 ;
3025) :
Quoi
d’extraordinaire si Dieu avait tiré le monde d’une matière
préexistante ? Un artisan humain, quand on lui donne un matériau, en
fait tout ce qu’il veut. Tandis que la puissance de Dieu se montre
précisément quand il part du néant pour faire tout ce qu’il veut (S.
Théophile d’Antioche, Autol. 2, 4 : PG 6, 1052).
297 La
foi en la création " de rien " est attestée dans l’Écriture comme
une vérité pleine de promesse et d’espérance. Ainsi la mère des sept
fils les encourage au martyre :
Je ne sais
comment vous êtes apparus dans mes entrailles ; ce n’est pas moi qui
vous ai gratifiés de l’esprit et de la vie ; ce n’est pas moi qui ai
organisé les éléments qui composent chacun de vous. Aussi bien le
Créateur du monde, qui a formé le genre humain et qui est à
l’origine de toute chose, vous rendra-t-il, dans sa miséricorde, et
l’esprit et la vie, parce que vous vous méprisez maintenant
vous-mêmes pour l’amour de ses lois (...). Mon enfant, regarde le
ciel et la terre et vois tout ce qui est en eux, et sache que Dieu
les a faits de rien et que la race des hommes est faite de la même
manière (2 M 7, 22-23. 28).
298
Puisque Dieu peut créer de rien, il peut, par l’Esprit Saint, donner
la vie de l’âme à des pécheurs en créant en eux un cœur pur (cf. Ps
51, 12), et la vie du corps aux défunts par la Résurrection, Lui
" qui donne la vie aux morts et appelle le néant à l’existence " (Rm
4, 17). Et puisque, par sa Parole, il a pu faire resplendir la
lumière des ténèbres (cf. Gn 1, 3), il peut aussi donner la lumière
de la foi à ceux qui l’ignorent (cf. 2 Co 4, 6).
Dieu crée un
monde ordonné et bon
299
Puisque Dieu crée avec sagesse, la création est ordonnée : " Tu as
tout disposé avec mesure, nombre et poids " (Sg 11, 20). Créée dans
et par le Verbe éternel, " image du Dieu invisible " (Col 1, 15),
elle est destinée, adressée à l’homme, image de Dieu (cf. Gn 1, 26),
appelé à une relation personnelle avec Dieu. Notre intelligence,
participant à la lumière de l’Intellect divin, peut entendre ce que
Dieu nous dit par sa création (cf. Ps 19, 2-5), certes non sans
grand effort et dans un esprit d’humilité et de respect devant le
Créateur et son œuvre (cf. Jb 42, 3). Issue de la bonté divine, la
création participe à cette bonté (" Et Dieu vit que cela était bon
(...) très bon " : Gn 1, 4. 10. 12. 18. 21. 31). Car la création est
voulue par Dieu comme un don adressé à l’homme, comme un héritage
qui lui est destiné et confié . L’Église a dû, à maintes reprises,
défendre la bonté de la création, y compris du monde matériel (cf.
DS 286 ; 455-463 ; 800 ; 1333 ; 3002).
Dieu transcende
la création et lui est présent
300 Dieu
est infiniment plus grand que toutes ses œuvres (cf. Si 43, 28) :
" Sa majesté est plus haute que les cieux " (Ps 8, 2), " à sa
grandeur point de mesure " (Ps 145, 3). Mais parce qu’Il est le
Créateur souverain et libre, cause première de tout ce qui existe,
Il est présent au plus intime de ses créatures : " En Lui nous avons
la vie, le mouvement et l’être " (Ac 17, 28). Selon les paroles de
S. Augustin, Il est " plus haut que le plus haut de moi, plus intime
que le plus intime " (Conf. 3, 6, 11).
Dieu maintient
et porte la création
301 Avec
la création, Dieu n’abandonne pas sa créature à elle-même. Il ne lui
donne pas seulement d’être et d’exister, il la maintient à chaque
instant dans l’être, lui donne d’agir et la porte à son terme.
Reconnaître cette dépendance complète par rapport au Créateur est
une source de sagesse et de liberté, de joie et de confiance :
Oui, tu aimes
tout ce qui existe, et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as
fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé.
Et comment une chose aurait-elle subsisté, si tu ne l’avais voulue ?
Ou comment ce que tu n’aurais pas appelé aurait-il été conservé ?
Mais tu épargnes tout, parce que tout est à toi, Maître ami de la
vie (Sg 11, 24-26).
V. Dieu réalise
son dessein : la divine providence
302 La
création a sa bonté et sa perfection propres, mais elle n’est pas
sortie tout achevée des mains du Créateur. Elle est créée dans un
état de cheminement (" in statu viæ ") vers une perfection
ultime encore à atteindre, à laquelle Dieu l’a destinée. Nous
appelons divine providence les dispositions par lesquelles Dieu
conduit sa création vers cette perfection :
Dieu garde et
gouverne par sa providence tout ce qu’Il a créé, " atteignant avec
force d’une extrémité à l’autre et disposant tout avec douceur " (Sg
8, 1). Car " toutes choses sont à nu et à découvert devant ses
yeux " (He 4, 13), même celles que l’action libre des créatures
produira (Cc. Vatican I : DS 3003).
303 Le
témoignage de l’Écriture est unanime : la sollicitude de la divine
providence est concrète et immédiate, elle prend soin
de tout, des moindres petites choses jusqu’aux grands événements du
monde et de l’histoire. Avec force, les livres saints affirment la
souveraineté absolue de Dieu dans le cours des événements : " Notre
Dieu, au ciel et sur la terre, tout ce qui lui plaît, Il le fait "
(Ps 115, 3) ; et du Christ il est dit : " S’Il ouvre, nul ne
fermera, et s’Il ferme, nul n’ouvrira " (Ap 3, 7) ; " Il y a
beaucoup de pensées dans le cœur de l’homme, seul le dessein de Dieu
se réalisera " (Pr 19, 21).
304 Ainsi
voit-on l’Esprit Saint, auteur principal de l’Écriture Sainte,
attribuer souvent des actions à Dieu, sans mentionner des causes
secondes. Ce n’est pas là " une façon de parler " primitive, mais
une manière profonde de rappeler la primauté de Dieu et sa
Seigneurie absolue sur l’histoire et le monde (cf. Is 10, 5-15 ; 45,
5-7 ; Dt 32, 39 ; Si 11, 14) et d’éduquer ainsi à la confiance en
Lui. La prière des Psaumes est la grande école de cette confiance
(cf. Ps 22 ; 32 ; 35 ; 103 ; 138 ; e.a.).
305 Jésus
demande un abandon filial à la providence du Père céleste qui prend
soin des moindres besoins de sens enfants : " Ne vous inquiétez donc
pas en disant : qu’allons-nous manger ? qu’allons-nous boire ? (...)
Votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela. Cherchez
d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par
surcroît " (Mt 6, 31-33 ; cf. 10, 29-31).
La providence et
les causes secondes
306 Dieu
est le Maître souverain de son dessein. Mais pour sa réalisation, Il
se sert aussi du concours des créatures. Ceci n’est pas un signe de
faiblesse, mais de la grandeur et de la bonté du Dieu Tout-puissant.
Car Dieu ne donne pas seulement à ses créatures d’exister, il leur
donne aussi la dignité d’agir elles-mêmes, d’être causes et
principes les unes des autres et de coopérer ainsi à
l’accomplissement de son dessein.
307 Aux
hommes, Dieu accorde même de pouvoir participer librement à sa
providence en leur confiant la responsabilité de " soumettre " la
terre et de la dominer (cf. Gn 1, 26-28). Dieu donne ainsi aux
hommes d’être causes intelligentes et libres pour compléter l’œuvre
de la Création, en parfaire l’harmonie pour leur bien et celui de
leur prochains. Coopérateurs souvent inconscients de la volonté
divine, les hommes peuvent entrer délibérément dans le plan divin,
par leurs actions, par leurs prières, mais aussi par leurs
souffrances (cf. Col 1, 24). Ils deviennent alors pleinement
" collaborateurs de Dieu " (1 Co 3, 9 ; 1 Th 3, 2) et de son Royaume
(cf. Col 4, 11).
308 C’est
une vérité inséparable de la foi en Dieu le Créateur : Dieu agit en
tout agir de ses créatures. Il est la cause première qui opère dans
et par les causes secondes : " Car c’est Dieu qui opère en nous à la
fois le vouloir et l’opération même, au profit de ses bienveillants
desseins " (Ph 2, 13 ; cf. 1 Co 12, 6). Loin de diminuer la dignité
de la créature, cette vérité la rehausse. Tirée du néant par la
puissance, la sagesse et la bonté de Dieu, elle ne peut rien si elle
est coupée de son origine, car " la créature sans le Créateur
s’évanouit " (GS 36, § 3) ; encore moins peut-elle atteindre sa fin
ultime sans l’aide de la grâce (cf. Mt 19, 26 ; Jn 15, 5 ; Ph 4,
13).
La providence et
le scandale du mal
309 Si
Dieu le Père Tout-puissant, Créateur du monde ordonné et bon, prend
soin de toutes ses créatures, pourquoi le mal existe-t-il ? A cette
question aussi pressante qu’inévitable, aussi douloureuse que
mystérieuse, aucune réponse rapide ne saura suffire. C’est
l’ensemble de la foi chrétienne qui constitue la réponse à cette
question : la bonté de la création, le drame du péché, l’amour
patient de Dieu qui vient au devant de l’homme par ses alliances,
par l’Incarnation rédemptrice de son Fils, par le don de l’Esprit,
par le rassemblement de l’Église, par la force des sacrements, par
l’appel à une vie bienheureuse à laquelle les créatures libres sont
invitées d’avance à consentir, mais à laquelle elles peuvent aussi
d’avance, par un mystère terrible, se dérober. Il n’y a pas un
trait du message chrétien qui ne soit pour une part une réponse à la
question du mal.
310 Mais
pourquoi Dieu n’a-t-il pas créé un monde aussi parfait qu’aucun mal
ne puisse y exister ? Selon sa puissance infinie, Dieu pourrait
toujours créer quelque chose de meilleur (cf. S. Thomas d’A., s. th.
1, 25, 6). Cependant dans sa sagesse et sa bonté infinies, Dieu a
voulu librement créer un monde " en état de voie " vers sa
perfection ultime. Ce devenir comporte, dans le dessein de Dieu,
avec l’apparition de certains êtres, la disparition d’autres, avec
le plus parfait aussi le moins parfait, avec les constructions de la
nature aussi les destructions. Avec le bien physique existe donc
aussi le mal physique, aussi longtemps que la création n’a
pas atteint sa perfection (cf. S. Thomas d’A., s. gent. 3, 71).
311 Les
anges et les hommes, créatures intelligentes et libres, doivent
cheminer vers leur destinée ultime par choix libre et amour de
préférence. Ils peuvent donc se dévoyer. En fait, ils ont péché.
C’est ainsi que le mal moral est entré dans le monde, sans
commune mesure plus grave que le mal physique. Dieu n’est en aucune
façon, ni directement ni indirectement, la cause du mal moral (cf.
S. Augustin, lib. 1, 1, 1 : PL 32, 1221-1223 ; S. Thomas d’A., s.
th. 1-2, 79, 1). Il le permet cependant, respectant la liberté de sa
créature, et, mystérieusement, il sait en tirer le bien :
Car le Dieu
Tout-puissant (...), puisqu’il est souverainement bon, ne laisserait
jamais un mal quelconque exister dans ses œuvres s’il n’était assez
puissant et bon pour faire sortir le bien du mal lui-même (S.
Augustin, enchir. 11, 3).
312
Ainsi, avec le temps, on peut découvrir que Dieu, dans sa providence
toute-puissante, peut tirer un bien des conséquences d’un mal, même
moral, causé par ses créatures : " Ce n’est pas vous, dit Joseph à
ses frères, qui m’avez envoyé ici, c’est Dieu ; (...) le mal que
vous aviez dessein de me faire, le dessein de Dieu l’a tourné en
bien afin de (...) sauver la vie d’un peuple nombreux " (Gn 45, 8 ;
50, 20 ; cf. Tb 2, 12-18 vulg.). Du mal moral le plus grand qui ait
jamais été commis, le rejet et le meurtre du Fils de Dieu, causé par
les péchés de tous les hommes, Dieu, par la surabondance de sa grâce
(cf. Rm 5, 20), a tiré le plus grand des biens : la glorification du
Christ et notre Rédemption. Le mal n’en devient pas pour autant un
bien.
313
" Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu " (Rm 8, 28). Le
témoignage des saints ne cesse de confirmer cette vérité :
Ainsi, S.
Catherine de Sienne dit à " ceux qui se scandalisent et se révoltent
de ce qui leur arrive " : " Tout procède de l’amour, tout est
ordonné au salut de l’homme, Dieu ne fait rien que dans ce but "
(dial. 4, 138).
Et S. Thomas
More, peu avant son martyre, console sa fille : " Rien ne peut
arriver que Dieu ne l’ait voulu. Or, tout ce qu’il veut, si mauvais
que cela puisse nous paraître, est cependant ce qu’il y a de
meilleur pour nous " (Margarita Roper, Epistula ad Aliciam
Alington (mense augusti 1534).
Et Lady Julian
of Norwich : " J’appris donc, par la grâce de Dieu, qu’il fallait
m’en tenir fermement à la foi, et croire avec non moins de fermeté
que toutes choses seront bonnes...
Et
tu verras que toutes choses seront bonnes ". " Thou shalt see
thyself that all MANNER of thing shall be well " (rev. 13, 32).
314 Nous
croyons fermement que Dieu est le Maître du monde et de l’histoire.
Mais les chemins de sa providence nous sont souvent inconnus. Ce
n’est qu’au terme, lorsque prendra fin notre connaissance partielle,
lorsque nous verrons Dieu " face à face " (1 Co 13, 12), que les
voies nous seront pleinement connues, par lesquelles, même à travers
les drames du mal et du péché, Dieu aura conduit sa création
jusqu’au repos de ce Sabbat (cf. Gn 2, 2) définitif, en vue
duquel Il a créé le ciel et la terre.
EN BREF
315
Dans la création du monde et de l’homme, Dieu a posé le premier et
universel témoignage de son amour tout-puissant et de sa sagesse, la
première annonce de son " dessein bienveillant " qui trouve sa fin
dans la nouvelle création dans le Christ.
316
Bien que l’œuvre de la création soit particulièrement attribuée au
Père, c’est également vérité de foi que le Père, le Fils et l’Esprit
Saint sont l’unique et indivisible principe de la création.
317
Dieu seul a créé l’univers librement, directement, sans aucune aide.
318 Aucune créature n’a le pouvoir
infini qui est nécessaire pour " créer " au sens propre du mot,
c’est-à-dire de produire et de donner l’être à ce qui ne l’avait
aucunement (appeler à l’existence ex nihilo)
(cf. DS 3624).
319
Dieu a créé le monde pour manifester et pour communiquer sa gloire.
Que ses créatures aient part à Sa vérité, à Sa bonté et à Sa beauté,
voilà la gloire pour laquelle Dieu les a créées.
320
Dieu qui a créé l’univers le maintient dans l’existence par son
Verbe, " ce Fils qui soutient l’univers par sa parole puissante "
(He 1, 3) et par son Esprit Créateur qui donne la vie.
321 La divine
Providence, ce sont les dispositions par lesquelles Dieu conduit
avec sagesse et amour toutes les créatures jusqu’à leur fin ultime.
322
Le Christ nous invite à l’abandon filial à la Providence de notre
Père céleste (cf. Mt 6, 26-34), et l’apôtre S. Pierre reprend : " De
toute votre inquiétude, déchargez-vous sur lui, car il prend soin de
vous " (1 P 5, 7 ; cf. Ps 55, 23).
323
La providence divine agit aussi par l’agir des créatures. Aux êtres
humains, Dieu donne de coopérer librement à ses desseins.
324
La permission divine du mal physique et du mal moral est un mystère
que Dieu éclaire par son Fils, Jésus-Christ, mort et ressuscité pour
vaincre le mal. La foi nous donne la certitude que Dieu ne
permettrait pas le mal s’il ne faisait pas sortir le bien du mal
même, par des voies que nous ne connaîtrons pleinement que dans la
vie éternelle.
Paragraphe 5. LE
CIEL ET LA TERRE
325 Le
Symbole des apôtres professe que Dieu est " le Créateur du ciel et
de la terre ", et le Symbole de Nicée-Constantinople explicite :
" ... de l’univers visible et invisible ".
326 Dans
l’Écriture Sainte, l’expression " ciel et terre " signifie : tout ce
qui existe, la création toute entière. Elle indique aussi le lien, à
l’intérieur de la création, qui à la fois unit et distingue ciel et
terre : " La terre ", c’est le monde des hommes (cf. Ps 115, 16)
" Le ciel " ou " les cieux " peut désigner le firmament (cf. Ps 19,
2), mais aussi le " lieu " propre de Dieu : " notre Père aux cieux "
(Mt 5, 16 ; cf. Ps 115, 16) et, par conséquent, aussi le " ciel "
qui est la gloire eschatologique. Enfin, le mot " ciel " indique le
" lieu " des créatures spirituelles – les anges – qui entourent
Dieu.
327 La
profession de foi du quatrième Concile du Latran affirme que Dieu
" a tout ensemble, dès le commencement du temps, créé de rien l’une
et l’autre créature, la spirituelle et la corporelle, c’est-à-dire
les anges et le monde terrestre ; puis la créature humaine qui tient
des deux, composée qu’elle est d’esprit et de corps " (DS 800 ; cf.
DS 3002 et SPF 8).
I. Les Anges
L’existence des
anges – une vérité de foi
328
L’existence des êtres spirituels, non corporels, que l’Écriture
Sainte nomme habituellement anges, est une vérité de foi. Le
témoignage de l’Écriture est aussi net que l’unanimité de la
Tradition.
Qui sont-ils ?
329 S.
Augustin dit à leur sujet : " ‘Ange’ désigne la fonction, non pas la
nature. Tu demandes comment s’appelle cette nature ? – Esprit. Tu
demandes la fonction ? – Ange ; d’après ce qu’il est, c’est un
esprit, d’après ce qu’il fait, c’est un ange " (Psal. 103, 1, 15).
De tout leur être, les anges sont serviteurs et messagers de
Dieu. Parce qu’ils contemplent " constamment la face de mon Père qui
est aux cieux " (Mt 18, 10), ils sont " les ouvriers de sa parole,
attentifs au son de sa parole " (Ps 103, 20).
330 En
tant que créatures purement spirituelles, ils ont
intelligence et volonté : ils sont des créatures personnelles (cf.
Pie XII : DS 3801) et immortelles (cf. Lc 20, 36). Ils dépassent en
perfection toutes les créatures visibles. L’éclat de leur gloire en
témoigne (cf. Dn 10, 9-12).
Le Christ " avec
tous ses anges "
331 Le
Christ est le centre du monde angélique. Ce sont ses anges à Lui :
" Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire avec tous ses
anges ... " (Mt 25, 31). Ils sont à Lui parce que créés par
et pour lui : " Car c’est en lui qu’ont été créées toutes
choses, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les
invisibles : trônes, seigneuries, principautés, puissances ; tout a
été créé par lui et pour lui " (Col 1, 16). Ils sont à Lui plus
encore parce qu’Il les a faits messagers de son dessein de salut :
" Est-ce que tous ne sont pas des esprits chargés d’un ministère,
envoyés en service pour ceux qui doivent hériter le salut ? " (He 1,
14).
332 Ils
sont là, dès la création (cf. Jb 38, 7, où les anges sont appelés
" fils de Dieu ") et tout au long de l’histoire du salut, annonçant
de loin ou de près ce salut et servant le dessein divin de sa
réalisation : ils ferment le paradis terrestre (cf. Gn 3, 24),
protègent Lot (cf. Gn 19), sauvent Agar et son enfant (cf. Gn 21,
17), arrêtent la main d’Abraham (cf. Gn 22, 11), la loi est
communiquée par leur ministère (cf. Ac 7, 53), ils conduisent le
Peuple de Dieu (cf. Ex 23, 20-23), ils annoncent naissances (cf. Jg
13) et vocations (cf. Jg 6, 11-24 ; Is 6, 6), ils assistent les
prophètes (cf. 1 R 19, 5), pour ne citer que quelques exemples.
Enfin, c’est l’ange Gabriel qui annonce la naissance du Précurseur
et celle de Jésus lui-même (cf. Lc 1, 11. 26).
333 De
l’Incarnation à l’Ascension, la vie du Verbe incarné est entourée de
l’adoration et du service des anges. Lorsque Dieu " introduit le
Premier-né dans le monde, il dit : ‘Que tous les anges de Dieu
l’adorent’ " (He 1, 6). Leur chant de louange à la naissance du
Christ n’a cessé de résonner dans la louange de l’Église : " Gloire
à Dieu ... " (Lc 2, 14). Ils protègent l’enfance de Jésus (cf. Mt 1,
20 ; 2, 13. 19), servent Jésus au désert (cf. Mc 1, 12 ; Mt 4, 11),
le réconfortent dans l’agonie (cf. Lc 22, 43), alors qu’il aurait pu
être sauvé par eux de la main des ennemis (cf. Mt 26, 53) comme
jadis Israël (cf. 2 M 10, 29-30 ; 11, 8). Ce sont encore les anges
qui " évangélisent " (Lc 2, 10) en annonçant la Bonne Nouvelle de
l’Incarnation (cf. Lc 2, 8-14), et de la Résurrection (cf. Mc 16,
5-7) du Christ. Ils seront là au retour du Christ qu’ils annoncent
(cf. Ac 1, 10-11), au service de son jugement (cf. Mt 13, 41 ; 24,
31 ; Lc 12, 8-9).
Les anges dans
la vie de l’Église
334 D’ici
là toute la vie de l’Église bénéficie de l’aide mystérieuse et
puissante des anges (cf. Ac 5, 18-20 ; 8, 26-29 ; 10, 3-8 ; 12,
6-11 ; 27, 23-25).
335 Dans
sa liturgie, l’Église se joint aux anges pour adorer le Dieu trois
fois saint ; elle invoque leur assistance (ainsi dans In
Paradisum deducant te angeli... de la Liturgie des défunts [OEx
50], ou encore dans l’" Hymne chérubinique " de la Liturgie
byzantine [(Liturgie de S. Jean Chrysostome]), elle fête plus
particulièrement la mémoire de certains anges (S. Michel, S.
Gabriel, S. Raphaël, les anges gardiens).
336 Du
début (de l’existence) (cf. Mt 18, 10) au trépas (cf. Lc 16, 22), la
vie humaine est entourée de leur garde (cf. Ps 34, 8 ; 91, 10-13) et
de leur intercession (cf. Jb 33, 23-24 ; Za 1, 12 ; Tb 12, 12).
" Chaque fidèle a à ses côtés un ange comme protecteur et pasteur
pour le conduire à la vie " (S. Basile, Eun. 3, 1 : PG 29, 656B).
Dès ici-bas, la vie chrétienne participe, dans la foi, à la
société bienheureuse des anges et des hommes, unis en Dieu.
II. Le Monde
visible
337 C’est
Dieu lui-même qui a créé le monde visible dans toute sa richesse, sa
diversité et son ordre. L’Écriture présente l’œuvre du Créateur
symboliquement comme une suite de six jours " de travail " divin qui
s’achèvent sur le " repos " du septième jour (Gn 1, 1 – 2, 4). Le
texte sacré enseigne, au sujet de la création, des vérités révélées
par Dieu pour notre salut (cf. DV 11) qui permettent de
" reconnaître la nature profonde de la création, sa valeur et sa
finalité qui est la gloire de Dieu " (LG 36) :
338 Il
n’existe rien qui ne doive son existence à Dieu créateur. Le
monde a commencé quand il a été tiré du néant par la parole de
Dieu ; tous les êtres existants, toute la nature, toute l’histoire
humaine s’enracinent en cet événement primordial : c’est la genèse
même par laquelle le monde est constitué, et le temps commencé (cf.
S. Augustin, Gen. Man. 1, 2, 4 : PL 35, 175).
339 Chaque
créature possède sa bonté et sa perfection propres. Pour chacune
des œuvres des " six jours " il est dit : " Et Dieu vit que cela
était bon ". " C’est en vertu de la création même que toutes les
choses sont établies selon leur consistance, leur vérité, leur
excellence propre avec leur ordonnance et leurs lois spécifiques "
(GS 36, § 2). Les différentes créatures, voulues en leur être
propre, reflètent, chacune à sa façon, un rayon de la sagesse et de
la bonté infinies de Dieu. C’est pour cela que l’homme doit
respecter la bonté propre de chaque créature pour éviter un usage
désordonné des choses, qui méprise le Créateur et entraîne des
conséquences néfastes pour les hommes et pour leur ambiance.
340 L’interdépendance
des créatures est voulue par Dieu. Le soleil et la lune, le
cèdre et la petite fleur, l’aigle et le moineau : les innombrables
diversités et inégalités signifient qu’aucune créature ne se suffit
à elle-même, qu’elles n’existent qu’en dépendance les unes des
autres, pour se compléter mutuellement, au service les unes des
autres.
341 La
beauté de l’univers : L’ordre et l’harmonie du monde créé
résultent de la diversité des êtres et des relations qui existent
entre eux. L’homme les découvre progressivement comme lois de la
nature. Ils font l’admiration des savants. La beauté de la création
reflète l’infinie beauté du Créateur. Elle doit inspirer le respect
et la soumission de l’intelligence de l’homme et de sa volonté.
342 La
hiérarchie des créatures est exprimée par l’ordre des " six
jours ", qui va du moins parfait au plus parfait. Dieu aime toutes
ses créatures (cf. Ps 145, 9), il prend soin de chacune, même des
passereaux. Néanmoins, Jésus dit : " Vous valez mieux qu’une
multitude de passereaux " (Lc 12, 6-7), ou encore : " Un homme vaut
plus qu’une brebis " (Mt 12, 12).
343 L’homme
est le sommet de l’œuvre de la création. Le récit inspiré
l’exprime en distinguant nettement la création de l’homme de celle
des autres créatures (cf. Gn 1, 26).
344 Il
existe une solidarité entre toutes les créatures du fait
qu’elles ont toutes le même Créateur, et que toutes sont ordonnées à
sa gloire :
Loué sois-tu,
Seigneur, dans toutes tes créatures,
spécialement
messire le frère Soleil,
par qui tu nous
donnes le jour la lumière ;
il est beau,
rayonnant d’une grande splendeur,
et de toi, le
Très-Haut, il nous offre le symbole. ...
Loué sois-tu,
mon Seigneur, pour sœur Eau,
qui est très
utile et très humble,
précieuse et
chaste. ...
Loué sois-tu,
mon Seigneur, pour sœur notre mère la Terre
qui nous porte
et nous nourrit,
qui produit la
diversité des fruits
avec les fleurs
diaprées et les herbes. ...
Louez et
bénissez mon Seigneur,
rendez-lui grâce
et servez-le
en toute
humilité.
(S. François
d’Assise, cant.)
345 Le Sabbat
– fin de l’œuvre des " six jours ". Le texte sacré dit que
" Dieu conclut au septième jour l’ouvrage qu’Il avait fait " et
qu’ainsi " le ciel et la terre furent achevés ", et que Dieu, au
septième jour, " chôma " et qu’Il sanctifia et bénit ce jour (Gn 2,
1-3). Ces paroles inspirées sont riches en enseignements
salutaires :
346 Dans
la création Dieu a posé un fondement et des lois qui demeurent
stables (cf. He 4, 3-4), sur lesquels le croyant pourra s’appuyer
avec confiance, et qui lui seront le signe et le gage de la fidélité
inébranlable de l’alliance de Dieu (cf. Jr 31, 35-37 ; 33, 19-26).
De son côté, l’homme devra rester fidèle à ce fondement et respecter
les lois que le Créateur y a inscrites.
347 La
création est faite en vue du Sabbat et donc du culte et de
l’adoration de Dieu. Le culte est inscrit dans l’ordre de la
création (cf. Gn 1, 14). " Ne rien préférer au culte de Dieu ", dit
la règle de S. Benoît (reg. 43, 3), indiquant ainsi le juste ordre
des préoccupations humaines.
348 Le
Sabbat est au cœur de la loi d’Israël. Garder les commandements,
c’est correspondre à la sagesse et à la volonté de Dieu exprimées
dans son œuvre de création.
349 Le
huitième jour. Mais pour nous, un jour nouveau s’est levé : le
jour de la Résurrection du Christ. Le septième jour achève la
première création. Le huitième jour commence la nouvelle création.
Ainsi, l’œuvre de la création culmine en l’œuvre plus grande de la
rédemption. La première création trouve son sens et son sommet
dansla nouvelle création dans le Christ, dont la splendeur dépasse
celle de la première (cf. MR, Vigile Pascale 24 : prière après la
première lecture).
EN BREF
350
Les anges sont des créatures spirituelles qui glorifient Dieu sans
cesse et qui servent ses desseins salvifiques envers les autres
créatures : " Les anges concourent à tout ce qui est bon pour nous "
(S. Thomas d’A., s. th. 1, 114, 3, ad 3).
351
Les anges entourent le Christ, leur Seigneur. Ils le servent
particulièrement dans l’accomplissement de sa mission salvifique
envers les hommes.
352
L’Église vénère les anges qui l’aident dans son pèlerinage
terrestre. et qui protègent tout être humain.
353
Dieu a voulu la diversité de ses créatures et leur bonté propre,
leur interdépendance et leur ordre. Il a destiné toutes les
créatures matérielles au bien du genre humain. L’homme, et toute la
création à travers lui, est destiné à la gloire de Dieu.
354
Respecter les lois inscrites dans la création et les rapports qui
dérivent de la nature des choses, est un principe de sagesse et un
fondement de la morale.
Paragraphe 6.
L’HOMME
355
" Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme
et femme il les créa " (Gn 1, 27). L’homme tient une place unique
dans la création : il est " à l’image de Dieu " (I) ; dans sa propre
nature il unit le monde spirituel et le monde matériel (II) ; il est
créé " homme et femme " (III) ; Dieu l’a établi dans son amitié
(IV).
I. " A l’image
de Dieu "
356 De
toutes les créatures visibles, seul l’homme est " capable de
connaître et d’aimer son Créateur " (GS 12, § 3) ; il est " la seule
créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même " (GS 24, §
3) ;lui seul est appelé à partager, par la connaissance et l’amour,
la vie de Dieu. C’est à cette fin qu’il a été créé, et c’est là la
raison fondamentale de sa dignité :
Quelle raison
T’a fait constituer l’homme en si grande dignité ? L’amour
inestimable par lequel Tu as regardé en Toi-même Ta créature, et Tu
T’es épris d’elle ; car c’est par amour que Tu l’as créée, c’est par
amour que Tu lui as donné un être capable de goûter Ton Bien éternel
(Ste. Catherine de Sienne, dial. 4, 13 : ed. G. Cavallini [Roma
1995] p. 43).
357 Parce
qu’il est à l’image de Dieu l’individu humain a la dignité de
personne : il n’est pas seulement quelque chose, mais quelqu’un.
Il est capable de se connaître, de se posséder et de librement se
donner et entrer en communion avec d’autres personnes, et il est
appelé, par grâce, à une alliance avec son Créateur, à Lui offrir
une réponse de foi et d’amour que nul autre ne peut donner à sa
place.
358 Dieu
a tout créé pour l’homme (cf. GS 12, § 1 ; 24, § 3 ; 39, § 1), mais
l’homme a été créé pour servir et aimer Dieu et pour Lui offrir
toute la création :
Quel est donc
l’être qui va venir à l’existence entouré d’une telle
considération ? C’est l’homme, grande et admirable figure vivante,
plus précieux aux yeux de Dieu que la création toute entière : c’est
l’homme, c’est pour lui qu’existent le ciel et la terre et la mer et
la totalité de la création, et c’est à son salut que Dieu a attaché
tant d’importance qu’il n’a même pas épargné son Fils unique pour
lui. Car Dieu n’a pas eu de cesse de tout mettre en œuvre pour faire
monter l’homme jusqu’à lui et le faire asseoir à sa droite (S. Jean
Chrysostome, serm. in Gen. 2, 1 : PG 54, 587D-588A).
359 " En
réalité, c’est seulement dans le mystère du Verbe incarné que
s’éclaire véritablement le mystère de l’homme " (GS 22, § 1) :
Saint Paul nous
apprend que deux hommes sont à l’origine du genre humain : Adam et
le Christ ... Le premier Adam, dit-il, a été créé comme un être
humain qui a reçu la vie ; le dernier est un être spirituel qui
donne la vie. Le premier a été créé par le dernier, de qui il a reçu
l’âme qui le fait vivre ... Le second Adam a établi son image dans
le premier Adam alors qu’il le modelait. De là vient qu’il en a
endossé le rôle et reçu le nom, afin de ne pas laisser perdre ce
qu’il avait fait à son image. Premier Adam, dernier Adam : le
premier a commencé, le dernier ne finira pas. Car le dernier est
véritablement le premier, comme il l’a dit lui-même : " Je suis le
Premier et le Dernier " (S. Pierre Chrysologue, serm. 117, 1-2 : PL
52, 520B).
360 Grâce
à la communauté d’origine le genre humain forme une
unité. Car Dieu " a fait sortir d’une souche unique toute la
descendance des hommes " (Ac 17, 26 ; cf. Tb 8, 6) :
Merveilleuse
vision qui nous fait contempler le genre humain dans l’unité de son
origine en Dieu (...) ; dans l’unité de sa nature, composée
pareillement chez tous d’un corps matériel et d’une âme
spirituelle ; dans l’unité de sa fin immédiate et de sa mission dans
le monde ; dans l’unité de son habitation : la terre, des biens de
laquelle tous les hommes, par droit de nature, peuvent user pour
soutenir et développer la vie ; unité de sa fin surnaturelle : Dieu
même, à qui tous doivent tendre ; dans l’unité des moyens pour
atteindre cette fin ; (...) dans l’unité de son rachat opéré pour
tous par le Christ (Pie XII, enc. " Summi pontificatus "; cf. NA 1).
361
" Cette loi de solidarité humaine et de charité " (Ibid.),
sans exclure la riche variété des personnes, des cultures et des
peuples, nous assure que tous les hommes sont vraiment frères.
II. " Un de
corps et d’âme "
362 La
personne humaine, créée à l’image de Dieu, est un être à la fois
corporel et spirituel. Le récit biblique exprime cette réalité avec
un langage symbolique, lorsqu’il affirme que " Dieu modela l’homme
avec la glaise du sol ; il insuffla dans ses narines une haleine de
vie et l’homme devint un être vivant " (Gn 2, 7). L’homme tout
entier est donc voulu par Dieu.
363
Souvent, le terme âme désigne dans l’Écriture Sainte la
vie humaine (cf. Mt 16, 25-26 ; Jn 15, 13) ou toute la
personne humaine (cf. Ac 2, 41). Mais il désigne aussi ce qu’il
y a de plus intime en l’homme (cf. Mt 26, 38 ; Jn 12, 27) et de plus
grande valeur en lui (cf. Mt 10, 28 ; 2 M 6, 30), ce par quoi il est
plus particulièrement image de Dieu : " âme " signifie le
principe spirituel en l’homme.
364 Le
corps de l’homme participe à la dignité de l’" image de Dieu " :
il est corps humain précisément parce qu’il est animé par l’âme
spirituelle, et c’est la personne humaine toute entière qui est
destinée à devenir, dans le Corps du Christ, le Temple de l’Esprit
(cf. 1 Co 6, 19-20 ; 15, 44-45) :
Corps et âme,
mais vraiment un, l’homme, dans sa condition corporelle, rassemble
en lui-même les éléments du monde matériel qui trouvent ainsi, en
lui, leur sommet, et peuvent librement louer leur Créateur. Il est
donc interdit à l’homme de dédaigner la vie corporelle. Mais au
contraire il doit estimer et respecter son corps qui a été créé par
Dieu et qui doit ressusciter au dernier jour (GS 14, § 1).
365
L’unité de l’âme et du corps est si profonde que l’on doit
considérer l’âme comme la " forme " du corps (cf. Cc. Vienne en
1312 : DS 902) ; c’est-à-dire, c’est grâce à l’âme spirituelle que
le corps constitué de matière est un corps humain et vivant ;
l’esprit et la matière, dans l’homme, ne sont pas deux natures
unies, mais leur union forme une unique nature.
366
L’Église enseigne que chaque âme spirituelle est immédiatement créée
par Dieu (cf. Pie XII, enc. " Humani generis ", 1950 : DS 3896 ; SPF
8) – elle n’est pas " produite " par les parents – ; elle nous
apprend aussi qu’elle est immortelle (cf. Cc. Latran V en 1513 : DS
1440) : elle ne périt pas lors de sa séparation du corps dans la
mort, et s’unira de nouveau au corps lors de la résurrection finale.
367
Parfois il se trouve que l’âme soit distinguée de l’esprit. Ainsi S.
Paul prie pour que notre " être tout entier, l’esprit, l’âme et le
corps " soit gardé sans reproche à l’Avènement du Seigneur (1 Th 5,
23). L’Église enseigne que cette distinction n’introduit pas une
dualité dans l’âme (Cc. Constantinople IV en 870 : DS 657).
" Esprit " signifie que l’homme est ordonné dès sa création à sa fin
surnaturelle (Cc. Vatican I : DS 3005 ; cf. GS 22, § 5), et que son
âme est capable d’être surélevée gratuitement à la communion avec
Dieu (cf. Pie XII, Enc. " Humani generis ", 1950 : DS 3891).
368 La
tradition spirituelle de l’Église insiste aussi sur le cœur,
au sens biblique de " fond de l’être " (Jr 31, 33) où la personne se
décide ou non pour Dieu (cf. Dt 6, 5 ; 29, 3 ; Is 29, 13 ; Ez 36,
26 ; Mt 6, 21 ; Lc 8, 15 ; Rm 5, 5).
III. " Homme et
femme il les créa "
Égalité et
différence voulues par Dieu
369
L’homme et la femme sont créés, c’est-à-dire ils sont
voulus par Dieu : dans une parfaite égalité en tant que
personnes humaines, d’une part, et d’autre part dans leur être
respectif d’homme et de femme. " Être homme ", " être femme " est
une réalité bonne et voulue par Dieu : l’homme et la femme ont une
dignité inamissible qui leur vient immédiatement de Dieu leur
créateur (cf. Gn 2, 7. 22). L’homme et la femme sont, avec une même
dignité, " à l’image de Dieu ". Dans leur " être-homme " et leur
" être-femme ", ils reflètent la sagesse et la bonté du Créateur.
370 Dieu
n’est aucunement à l’image de l’homme. Il n’est ni homme ni femme.
Dieu est pur esprit en lequel il n’y a pas place pour la différence
des sexes. Mais les " perfections " de l’homme et de la femme
reflètent quelque chose de l’infinie perfection de Dieu : celles
d’une mère (cf. Is 49, 14-15 ; 66, 13 ; Ps 130, 2-3) et celles d’un
père et époux (cf. Os 11, 1-4 ; Jr 3, 4-19).
" L’un pour
l’autre " – " une unité à deux "
371 Créés
ensemble, l’homme et la femme sont voulus par Dieu l’un
pour l’autre. La Parole de Dieu nous le fait entendre par divers
traits du texte sacré. " Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il
faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie " (Gn 2, 18).
Aucun des animaux ne peut être ce " vis-à-vis " de l’homme (Gn 2,
19-20). La femme que Dieu " façonne " de la côte tirée de l’homme et
qu’il amène à l’homme, provoque de la part de l’homme un cri
d’admiration, une exclamation d’amour et de communion : " C’est l’os
de mes os et la chair de ma chair " (Gn 2, 23). L’homme découvre la
femme comme un autre " moi ", de la même humanité.
372
L’homme et la femme sont faits " l’un pour l’autre " : non pas que
Dieu ne les aurait faits qu’" à moitié " et " incomplets " ; Il les
a créés pour une communion de personnes, en laquelle chacun peut
être " aide " pour l’autre parce qu’ils sont à la fois égaux en tant
que personnes (" os de mes os... ") et complémentaires en tant que
masculin et féminin (MD 7). Dans le mariage, Dieu les unit de
manière que, en formant " une seule chair " (Gn 2, 24), ils puissent
transmettre la vie humaine : " Soyez féconds, multipliez, emplissez
la terre " (Gn 1, 28). En transmettant à leur descendants la vie
humaine, l’homme et la femme comme époux et parents, coopèrent d’une
façon unique à l’œuvre du Créateur (cf. GS 50, § 1).
373 Dans
le dessein de Dieu, l’homme et la femme ont la vocation de
" soumettre " la terre (cf. Gn 1, 28) comme " intendants " de Dieu.
Cette souveraineté ne doit pas être une domination arbitraire et
destructrice. A l’image du Créateur " qui aime tout ce qui existe "
(Sg 11, 24), l’homme et la femme sont appelés à participer à la
Providence divine envers les autres créatures. De là, leur
responsabilité pour le monde que Dieu leur a confié.
IV. L’homme au
Paradis
374 Le
premier homme n’a pas seulement été créé bon, mais il a été
constitué dans une amitié avec son Créateur et une harmonie avec
lui-même et avec la création autour de lui telles qu’elles ne seront
dépassées que par la gloire de la nouvelle création dans le Christ.
375
L’Église, en interprétant de manière authentique le symbolisme du
langage biblique à la lumière du Nouveau Testament et de la
Tradition, enseigne que nos premiers parents Adam et Eve ont été
constitué dans un état " de sainteté et de justice originelle " (Cc.
Trente : DS 1511). Cette grâce de la sainteté originelle était une
" participation à la vie divine " (LG 2).
376 Par
le rayonnement de cette grâce toutes les dimensions de la vie de
l’homme étaient confortées. Tant qu’il demeurait dans l’intimité
divine, l’homme ne devait ni mourir (cf. Gn 2, 17 ; 3, 19), ni
souffrir (cf. Gn 3, 16). L’harmonie intérieure de la personne
humaine, l’harmonie entre l’homme et la femme (cf. Gn 2, 25), enfin
l’harmonie entre le premier couple et toute la création constituait
l’état appelé " justice originelle ".
377 La
" maîtrise " du monde que Dieu avait accordée à l’homme dès le
début, se réalisait avant tout chez l’homme lui-même comme
maîtrise de soi. L’homme était intact et ordonné dans tout son
être, parce que libre de la triple concupiscence (cf. 1 Jn 2, 16)
qui le soumet aux plaisirs des sens, à la convoitise des biens
terrestres et à l’affirmation de soi contre les impératifs de la
raison.
378 Le
signe de la familiarité avec Dieu, c’est que Dieu le place dans le
jardin (cf. Gn 2, 8). Il y vit " pour cultiver le sol et le garder "
(Gn 2, 15) : le travail n’est pas une peine (cf. Gn 3, 17-19), mais
la collaboration de l’homme et de la femme avec Dieu dans le
perfectionnement de la création visible.
379 C’est
toute cette harmonie de la justice originelle, prévue pour l’homme
par le dessein de Dieu, qui sera perdu par le péché de nos premiers
parents.
EN BREF
380
" Dieu, Tu as fait l’homme à ton image et tu lui as confié
l’univers, afin qu’en Te servant, toi, son Créateur, il règne sur la
création " (MR, prière eucharistique IV, 118).
381
L’homme est prédestiné à reproduire l’image du Fils de Dieu fait
homme – " image du Dieu invisible " (Col 1, 15) – afin que le Christ
soit le premier-né d’une multitude de frères et de sœurs (cf. Ep 1,
3-6 ; Rm 8, 29).
382
L’homme est " un de corps et d’âme " (GS 14, § 1). La doctrine de la
foi affirme que l’âme spirituelle et immortelle est créée
immédiatement par Dieu.
383
" Dieu n’a pas créé l’homme solitaire : dès l’origine, ‘il les créa
homme et femme’ (Gn 1, 27) ; leur société réalise la première forme
de communion entre personnes " (GS 12, § 4).
384
La révélation nous fait connaître l’état de sainteté et de justice
originelles de l’homme et de la femme avant le péché : de leur
amitié avec Dieu découlait la félicité de leur existence au paradis.
Paragraphe 7. LA
CHUTE
385 Dieu
est infiniment bon et toutes ses œuvres sont bonnes. Cependant,
personne n’échappe à l’expérience de la souffrance, des maux dans la
nature – qui apparaissent comme liés aux limites propres des
créatures –, et surtout à la question du mal moral. D’où vient le
mal ? " Je cherchais d’où vient le mal et je ne trouvais pas de
solution " dit S. Augustin (conf. 7, 7, 11), et sa propre quête
douloureuse ne trouvera d’issue que dans sa conversion au Dieu
vivant. Car " le mystère de l’iniquité " (2 Th 2, 7) ne s’éclaire
qu’à la lumière du mystère de la piété (cf. 1 Tm 3, 16). La
révélation de l’amour divin dans le Christ a manifesté à la fois
l’étendue du mal et la surabondance de la grâce (cf. Rm 5, 20). Nous
devons donc considérer la question de l’origine du mal en fixant le
regard de notre foi sur Celui qui, seul, en est le Vainqueur (cf. Lc
11, 21-22 ; Jn 16, 11 ; 1 Jn 3, 8).
I. La où le
péché a abondé, la grâce a surabondé
La réalité du
péché
386 Le
péché est présent dans l’histoire de l’homme : il serait vain de
tenter de l’ignorer ou de donner à cette obscure réalité d’autres
noms. Pour essayer de comprendre ce qu’est le péché, il faut d’abord
reconnaître le lien profond de l’homme avec Dieu, car en
dehors de ce rapport, le mal du péché n’est pas démasqué dans sa
véritable identité de refus et d’opposition face à Dieu, tout en
continuant à peser sur la vie de l’homme et sur l’histoire.
387 La
réalité du péché, et plus particulièrement du péché des origines, ne
s’éclaire qu’à la lumière de la Révélation divine. Sans la
connaissance qu’elle nous donne de Dieu on ne peut clairement
reconnaître le péché, et on est tenté de l’expliquer uniquement
comme un défaut de croissance, comme une faiblesse psychologique,
une erreur, la conséquence nécessaire d’une structure sociale
inadéquate, etc. C’est seulement dans la connaissance du dessein de
Dieu sur l’homme que l’on comprend que le péché est un abus de la
liberté que Dieu donne aux personnes créées pour qu’elles puissent
l’aimer et s’aimer mutuellement.
Le péché
originel – une vérité essentielle de la foi
388 Avec
la progression de la Révélation est éclairée aussi la réalité du
péché. Bien que le Peuple de Dieu de l’Ancien Testament ait connu
d’une certaine manière la condition humaine à la lumière de
l’histoire de la chute narrée dans la Genèse, il ne pouvait pas
atteindre la signification ultime de cette histoire, qui se
manifeste seulement à la lumière de la Mort et de la Résurrection de
Jésus-Christ (cf. Rm 5, 12-21). Il faut connaître le Christ comme
source de la grâce pour connaître Adam comme source du péché. C’est
l’Esprit-Paraclet, envoyé par le Christ ressuscité, qui est venu
" confondre le monde en matière de péché " (Jn 16, 8) en révélant
Celui qui en est le Rédempteur.
389 La
doctrine du péché originel est pour ainsi dire " le revers " de la
Bonne Nouvelle que Jésus est le Sauveur de tous les hommes, que tous
ont besoin du salut et que le salut est offert à tous grâce au
Christ. L’Église qui a le sens du Christ (cf. 1 Co 2, 16) sait bien
qu’on ne peut pas toucher à la révélation du péché originel sans
porter atteinte au mystère du Christ.
Pour lire le
récit de la chute
390 Le
récit de la chute (Gn 3) utilise un langage imagé, mais il affirme
un événement primordial, un fait qui a eu lieu au commencement de
l’histoire de l’homme (cf. GS 13, § 1). La Révélation nous donne
la certitude de foi que toute l’histoire humaine est marquée par la
faute originelle librement commise par nos premiers parents (cf. Cc.
Trente : DS 1513 ; Pie XII : DS 3897 ; Paul VI, discours 11 juillet
1966).
II. La chute des
anges
391
Derrière le choix désobéissant de nos premiers parents il y a une
voix séductrice, opposée à Dieu (cf. Gn 3, 4-5) qui, par envie, les
fait tomber dans la mort (cf. Sg 2, 24). L’Écriture et la Tradition
de l’Église voient en cet être un ange déchu, appelé Satan ou diable
(cf. Jn 8, 44 ; Ap 12, 9). L’Église enseigne qu’il a été d’abord un
ange bon, fait par Dieu. " Le diable et les autres démons ont certes
été créés par Dieu naturellement bons, mais c’est eux qui se sont
rendus mauvais " (Cc. Latran IV en 1215 : DS 800).
392
L’Écriture parle d’un péché de ces anges (cf. 2 P 2, 4).
Cette " chute " consiste dans le choix libre de ces esprits créés,
qui ont radicalement et irrévocablement refusé Dieu et son
Règne. Nous trouvons un reflet de cette rébellion dans les paroles
du tentateur à nos premiers parents : " Vous deviendrez comme Dieu "
(Gn 3, 5). Le diable est " pécheur dès l’origine " (1 Jn 3, 8),
" père du mensonge " (Jn 8, 44).
393 C’est
le caractère irrévocable de leur choix, et non un défaut de
l’infinie miséricorde divine, qui fait que le péché des anges ne
peut être pardonné. " Il n’y a pas de repentir pour eux après la
chute, comme il n’y a pas de repentir pour les hommes après la
mort " (S. Jean Damascène, f. o. 2, 4 : PG 94, 877C).
394
L’Écriture atteste l’influence néfaste de celui que Jésus appelle
" l’homicide dès l’origine " (Jn 8, 44), et qui a même tenté de
détourner Jésus de la mission reçue du Père (cf. Mt 4, 1-11).
" C’est pour détruire les œuvres du diable que le Fils de Dieu est
apparu " (1 Jn 3, 8). La plus grave en conséquences de ces œuvres a
été la séduction mensongère qui a induit l’homme à désobéir à Dieu.
395 La
puissance de Satan n’est cependant pas infinie. Il n’est qu’une
créature, puissante du fait qu’il est pur esprit, mais toujours une
créature : il ne peut empêcher l’édification du Règne de Dieu.
Quoique Satan agisse dans le monde par haine contre Dieu et son
Royaume en Jésus-Christ, et quoique son action cause de graves
dommages – de nature spirituelle et indirectement même de nature
physique – pour chaque homme et pour la société, cette action est
permise par la divine Providence qui avec force et douceur dirige
l’histoire de l’homme et du monde. La permission divine de
l’activité diabolique est un grand mystère, mais " nous savons que
Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment " (Rm 8, 28).
III. Le péché
originel
L’épreuve de la
liberté
396 Dieu
a créé l’homme à son image et l’a constitué dans son amitié.
Créature spirituelle, l’homme ne peut vivre cette amitié que sur le
mode de la libre soumission à Dieu. C’est ce qu’exprime la défense
faite à l’homme de manger de l’arbre de la connaissance du bien et
du mal, " car du jour où tu en mangeras, tu mourras " (Gn 2, 17).
" L’arbre de la connaissance du bien et du mal " (Gn 2, 17) évoque
symboliquement la limite infranchissable que l’homme, en tant que
créature, doit librement reconnaître et respecter avec confiance.
L’homme dépend du Créateur, il est soumis aux lois de la création et
aux normes morales qui règlent l’usage de la liberté.
Le premier péché
de l’homme
397
L’homme, tenté par le diable, a laissé mourir dans son cœur la
confiance envers son créateur (cf. Gn 3, 1-11) et, en abusant de sa
liberté, a désobéi au commandement de Dieu. C’est en cela
qu’a consisté le premier péché de l’homme (cf. Rm 5, 19). Tout
péché, par la suite, sera une désobéissance à Dieu et un manque de
confiance en sa bonté.
398 Dans
ce péché, l’homme s’est préféré lui-même à Dieu, et par là
même, il a méprisé Dieu : il a fait choix de soi-même contre Dieu,
contre les exigences de son état de créature et dès lors contre son
propre bien. Constitué dans un état de sainteté, l’homme était
destiné à être pleinement " divinisé " par Dieu dans la gloire. Par
la séduction du diable, il a voulu " être comme Dieu " (cf. Gn 3,
5), mais " sans Dieu, et avant Dieu, et non pas selon Dieu " (S.
Maxime le Confesseur, ambig. : PG 91, 1156C).
399
L’Écriture montre les conséquences dramatiques de cette première
désobéissance. Adam et Eve perdent immédiatement la grâce de la
sainteté originelle (cf. Rm 3, 23). Ils ont peur de ce Dieu (cf. Gn
3, 9-10) dont ils ont conçu une fausse image, celle d’un Dieu jaloux
de ses prérogatives (cf. Gn 3, 5).
400 L’harmonie dans laquelle
ils étaient, établie grâce à la justice originelle, est détruite ;
la maîtrise des facultés spirituelles de l’âme sur le corps est
brisée (cf. Gn 3, 7) ; l’union de l’homme et de la femme est soumise
à des tensions (cf. Gn 3, 11-13) ; leurs rapports seront marqués par
la convoitise et la domination (cf. Gn 3, 16). L’harmonie avec la
création est rompue : la création visible est devenue pour l’homme
étrangère et hostile (cf. Gn 3, 17. 19). A cause de l’homme, la
création est soumise " à la servitude de la corruption " (Rm 8, 20).
Enfin, la conséquence explicitement annoncée pour le cas de la
désobéissance (cf. Gn 2, 17) se réalisera : l’homme " retournera à
la poussière de laquelle il est formé " (Gn 3, 19). La mort fait
son entrée dans l’histoire de l’humanité (cf. Rm 5, 12).
401
Depuis ce premier péché, une véritable " invasion " du péché inonde
le monde : le fratricide commis par Caïn sur Abel (cf. Gn 4, 3-15) ;
la corruption universelle à la suite du péché (cf. Gn 6, 5. 12 ; Rm
1, 18-32) ; de même, dans l’histoire d’Israël, le péché se manifeste
fréquemment, surtout comme une infidélité au Dieu de l’alliance et
comme transgression de la Loi de Moïse ; après la Rédemption du
Christ aussi, parmi les chrétiens, le péché se manifeste de
nombreuses manières (cf. 1 Co 1-6 ; Ap 2-3). L’Écriture et la
Tradition de l’Église ne cessent de rappeler la présence et
l’universalité du péché dans l’histoire de l’homme :
Ce que la
révélation divine nous découvre, notre propre expérience le
confirme. Car l’homme, s’il regarde au-dedans de son cœur, se
découvre également enclin au mal, submergé de multiples maux qui ne
peuvent provenir de son Créateur, qui est bon. Refusant souvent de
reconnaître Dieu comme son principe, l’homme a, par le fait même,
brisé l’ordre qui l’orientait à sa fin dernière, et, en même temps,
il a rompu toute harmonie, soit par rapport à lui-même, soit par
rapport aux autres hommes et à toute la création (GS 13, § 1).
Conséquences du
péché d’Adam pour l’humanité
402 Tous
les hommes sont impliqués dans le péché d’Adam. S. Paul l’affirme :
" Par la désobéissance d’un seul homme, la multitude (c’est-à-dire
tous les hommes) a été constituée pécheresse " (Rm 5, 19) : " De
même que par un seul homme le péché est entré dans le monde et par
le péché la mort, et qu’ainsi la mort est passée en tous les hommes,
du fait que tous ont péché... " (Rm 5, 12). A l’universalité du
péché et de la mort l’apôtre oppose l’universalité du salut dans le
Christ : " Comme la faute d’un seul a entraîné sur tous les hommes
une condamnation, de même l’œuvre de justice d’un seul (celle du
Christ) procure à tous une justification qui donne la vie " (Rm 5,
18).
403 A la suite de S. Paul
l’Église a toujours enseigné que l’immense misère qui opprime les
hommes et leur inclination au mal et à la mort ne sont pas
compréhensibles sans leur lien avec le péché d’Adam et le fait qu’il
nous a transmis un péché dont nous naissons tous affectés et qui est
" mort de l’âme " (cf. Cc. Trente : DS 1512). En raison de cette
certitude de foi, l’Église donne le Baptême pour la rémission des
péchés même aux petits enfants qui n’ont pas commis de péché
personnel (cf. Cc. Trente : DS 1514).
404
Comment le péché d’Adam est-il devenu le péché de tous ses
descendants ? Tout le genre humain est en Adam " comme l’unique
corps d’un homme unique " (S. Thomas d’A., mal. 4, 1) Par cette
" unité du genre humain " tous les hommes sont impliqués dans le
péché d’Adam, comme tous sont impliqués dans la justice du Christ.
Cependant, la transmission du péché originel est un mystère que nous
ne pouvons pas comprendre pleinement. Mais nous savons par la
Révélation qu’Adam avait reçu la sainteté et la justice originelles
non pas pour lui seul, mais pour toute la nature humaine : en cédant
au tentateur, Adam et Eve commettent un péché personnel, mais
ce péché affecte la nature humaine qu’ils vont transmettre
dans un état déchu (cf. Cc. Trente : DS 1511-1512). C’est un
péché qui sera transmis par propagation à toute l’humanité,
c’est-à-dire par la transmission d’une nature humaine privée de la
sainteté et de la justice originelles. Et c’est pourquoi le péché
originel est appelé " péché " de façon analogique : c’est un péché
" contracté " et non pas " commis ", un état et non pas un acte.
405
Quoique propre à chacun (cf. Cc. Trente : DS 1513), le péché
originel n’a, en aucun descendant d’Adam, un caractère de faute
personnelle. C’est la privation de la sainteté et de la justice
originelles, mais la nature humaine n’est pas totalement corrompue :
elle est blessée dans ses propres forces naturelles, soumise à
l’ignorance, à la souffrance et à l’empire de la mort, et inclinée
au péché (cette inclination au mal est appelée " concupiscence ").
Le Baptême, en donnant la vie de la grâce du Christ, efface le péché
originel et retourne l’homme vers Dieu, mais les conséquences pour
la nature, affaiblie et inclinée au mal, persistent dans l’homme et
l’appellent au combat spirituel.
406 La
doctrine de l’Église sur la transmission du péché originel s’est
précisée surtout au cinquième siècle, en particulier sous
l’impulsion de la réflexion de S. Augustin contre le pélagianisme,
et au seizième siècle, en opposition à la Réforme protestante.
Pélage tenait que l’homme pouvait, par la force naturelle de sa
volonté libre, sans l’aide nécessaire de la grâce de Dieu, mener une
vie moralement bonne ; il réduisait ainsi l’influence de la faute
d’Adam à celle d’un mauvais exemple. Les premiers réformateurs
protestants, au contraire, enseignaient que l’homme était
radicalement perverti et sa liberté annulée par le péché des
origines ; ils identifiaient le péché hérité par chaque homme avec
la tendance au mal (concupiscentia), qui serait
insurmontable. L’Église s’est spécialement prononcée sur le sens du
donné révélé concernant le péché originel au deuxième Concile
d’Orange en 529 (cf. DS 371-372) et au Concile de Trente en 1546
(cf. DS 1510-1516).
Un dur combat...
407 La
doctrine sur le péché originel – liée à celle de la Rédemption par
le Christ – donne un regard de discernement lucide sur la situation
de l’homme et de son agir dans le monde. Par le péché des premiers
parents, le diable a acquis une certaine domination sur l’homme,
bien que ce dernier demeure libre. Le péché originel entraîne " la
servitude sous le pouvoir de celui qui possédait l’empire de la
mort, c’est-à-dire du diable " (Cc. Trente : DS 1511 ; cf. He 2,
14). Ignorer que l’homme a une nature blessée, inclinée au mal,
donne lieu à de graves erreurs dans le domaine de l’éducation, de la
politique, de l’action sociale (cf. CA 25) et des mœurs.
408 Les
conséquences du péché originel et de tous les péchés personnels des
hommes confèrent au monde dans son ensemble une condition
pécheresse, qui peut être désignée par l’expression de Saint Jean :
" le péché du monde " (Jn 1, 29). Par cette expression on signifie
aussi l’influence négative qu’exercent sur les personnes les
situations communautaires et les structures sociales qui sont le
fruit des péchés des hommes (cf. RP 16).
409 Cette
situation dramatique du monde qui " tout entier gît au pouvoir du
mauvais " (1 Jn 5, 19 ; cf. 1 P 5, 8) fait de la vie de l’homme un
combat :
Un dur combat
contre les puissances des ténèbres passe à travers toute l’histoire
des hommes ; commencé dès les origines, il durera, le Seigneur nous
l’a dit, jusqu’au dernier jour. Engagé dans cette bataille, l’homme
doit sans cesse combattre pour s’attacher au bien ; et non sans
grands efforts, avec la grâce de Dieu, il parvient à réaliser son
unité intérieure (GS 37, § 2).
IV. " Tu ne l’as
pas abandonné au pouvoir de la mort "
410 Après
sa chute, l’homme n’a pas été abandonné par Dieu. Au contraire, Dieu
l’appelle (cf. Gn 3, 9) et lui annonce de façon mystérieuse la
victoire sur le mal et le relèvement de sa chute (cf. Gn 3, 15). Ce
passage de la Genèse a été appelé " Protévangile ", étant la
première annonce du Messie rédempteur, celle d’un combat entre le
serpent et la Femme et de la victoire finale d’un descendant de
celle-ci.
411 La
tradition chrétienne voit dans ce passage une annonce du " nouvel
Adam " (cf. 1 Co 15, 21-22. 45) qui, par son " obéissance jusqu’à la
mort de la Croix " (Ph 2, 8) répare en surabondance la désobéissance
d’Adam (cf. Rm 5, 19-20). Par ailleurs, de nombreux Pères et
docteurs de l’Église voient dans la femme annoncée dans le
" protévangile " la mère du Christ, Marie, comme " nouvelle Eve ".
Elle a été celle qui, la première et d’une manière unique, a
bénéficié de la victoire sur le péché remportée par le Christ : elle
a été préservée de toute souillure du péché originel (cf. Pie IX :
DS 2803) et durant toute sa vie terrestre, par une grâce spéciale de
Dieu, elle n’a commis aucune sorte de péché (cf. Cc. Trente : DS
1573).
412 Mais
pourquoi Dieu n’a-t-il pas empêché le premier homme de pécher ?
S. Léon le Grand répond : " La grâce ineffable du Christ nous a
donné des biens meilleurs que ceux que l’envie du démon nous avait
ôtés " (serm. 73, 4 : PL 54, 396). Et S. Thomas d’Aquin : " Rien ne
s’oppose à ce que la nature humaine ait été destinée à une fin plus
haute après le péché. Dieu permet, en effet, que les maux se fassent
pour en tirer un plus grand bien. D’où le mot de S. Paul : ‘Là où le
péché a abondé, la grâce a surabondé’ (Rm 5, 20). Et le chant de
l’‘Exultet’ : ‘O heureuse faute qui a mérité un tel et un si grand
Rédempteur’ " (S. Thomas d’A., s. th. 3, 1, 3, ad 3 ; l’Exsultet
chante ces paroles de saint Thomas).
EN BREF
413
" Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de la perte des
vivants (...). C’est par l’envie du diable que la mort est entrée
dans le monde " (Sg 1, 13 ; 2, 24).
414
Satan ou le diable et les autres démons sont des anges déchus pour
avoir librement refusé de servir Dieu et son dessein. Leur choix
contre Dieu est définitif. Ils tentent d’associer l’homme à leur
révolte contre Dieu.
415
" Établi par Dieu dans un état de sainteté, l’homme séduit par le
Malin, dès le début de l’histoire, a abusé de sa liberté, en se
dressant contre Dieu et en désirant parvenir à sa fin hors de Dieu "
(GS 13, § 1).
416
Par son péché, Adam, en tant que premier homme, a perdu la sainteté
et la justice originelles qu’il avait reçues de Dieu non seulement
pour lui, mais pour tous les humains.
417 A
leur descendance, Adam et Eve ont transmis la nature humaine blessée
par leur premier péché, donc privée de la sainteté et la justice
originelles. Cette privation est appelée " péché originel ".
418
En conséquence du péché originel, la nature humaine est affaiblie
dans ses forces, soumise à l’ignorance, à la souffrance et à la
domination de la mort, et inclinée au péché (inclination appelée
" concupiscence ").
419
" Nous tenons donc, avec le Concile de Trente, que le péché originel
est transmis avec la nature humaine, ‘non par imitation, mais par
propagation’, et qu’il est ainsi ‘propre à chacun’ " (SPF 16).
420
La victoire sur le péché remportée par le Christ nous a donné des
biens meilleurs que ceux que le péché nous avait ôtés : " La où le
péché a abondé, la grâce a surabondé " (Rm 5, 20).
421
" Pour la foi des chrétiens, ce monde a été fondé et demeure
conservé par l’amour du créateur ; il est tombé, certes, sous
l’esclavage du péché, mais le Christ, par la Croix et la
Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et l’a libéré... " (GS 2,
§ 2). |