Bonifacia Rodriguez Castro naît en 1837 à Salamanque (Espagne)
dans une famille très chrétienne. Son père est un artisan tailleur. A l’âge de
15 ans, elle doit travailler dans la passementerie à laquelle elle s’est initiée
afin d’aider sa mère devenue veuve, ayant à sa charge une famille nombreuse.
Très tôt, Bonifacia expérimente les dures conditions de la femme travailleuse à
cette époque : horaires épuisants et maigre salaire. Elle monte son propre
atelier de passementerie où elle travaille avec le plus grand recueillement,
imitant la vie cachée de la Sainte Famille de Nazareth. A partir de 1865, sa
mère, qui a perdu tous ses autres enfants sauf une fille qui s’est mariée,
travaille aussi dans l’atelier de Bonifacia. Elles mènent toutes les deux une
vie de grande piété. Bonifacia nourrit un amour de prédilection pour la Vierge
Marie Immaculée, dogme que le bienheureux Pie IX a promulgué naguère (1854),
ainsi que pour saint Joseph que Léon XIII déclare Patron de l’Église universelle
(1870). Un groupe de jeunes filles, amies de Bonifacia, se joint à elle,
attirées par le témoignage de sa vie. Elles se réunissent dans sa maison-atelier,
spécialement les soirées de Dimanche et jours de fête, pour se libérer des
amusements dangereux qui les guettent. Elles décident ensemble de faire une
“Association de l’Immaculée et de Saint Joseph” qu’elles nomment ensuite
“l’Association Joséphine”.
Bonifacia, qui se sent appelée à la vie religieuse, songe à
entrer dans un couvent de dominicaines à Salamanque. C’est alors qu’elle
rencontre un jésuite, le Père Francisco Butinyà qui l’en dissuade. Lui aussi est
dévoré d’un grand zèle apostolique pour le monde des travailleurs. Il est en
train d’écrire un livre intitulé : “La lumière de l’artisan, ou, collection de
vies d’illustres fidèles qui se sont sanctifiés dans des professions humbles”.
Le Père pense à une nouvelle Congrégation féminine qui servirait à protéger les
femmes travailleuses par le moyen de femmes travailleuses. Il propose à
Bonifacia d’en être la cofondatrice avec lui. Ce projet reçoit le soutien
enthousiaste de l’évêque de Salamanque, Mgr Lluch i Garriga, qui promulgue le
décret d’érection de l’Institut, dénommé : “Congrégation des Servantes de Saint
Joseph” (7 janvier 1874). Son but est de rendre sa dignité à la femme pauvre
sans travail “en la préservant du danger de se perdre”. Quant au Père Butinyà,
il pense qu’il faut sanctifier le travail en l’unissant à la prière. « Ainsi,
écrit-il, la prière ne sera pas un obstacle pour le travail, ni le travail ne
vous enlèvera le recueillement de la prière. » Bonifacia fait donc sa fondation
avec six autres compagnes…dont sa mère. Leur résidence n’est autre que leur
atelier. En somme, elles avaient l’intuition implicite que « la société est
parfois tentée de tout convertir en marchandise et en gain, en mettant de côté
les valeurs et la dignité qui n’ont pas de prix » (Jean Paul II – homélie de
béatification). Or, la personne qui est “l’image et la demeure de Dieu” doit
être “protégée (…) quelle que soit sa condition sociale ou son activité
professionnelle” (Id). « La vie d’un travailleur vaut tout l’or du monde » dira
plus tard Mgr Cardjin, fondateur de la J.O.C. C’est vrai, mais cela ne se disait
pas à l’époque, du moins dans ces termes-là, et, d’autre part, le projet de vie
de Bonifacia paraissait trop audacieux. Aussi rencontre-t-il immédiatement
l’opposition du clergé séculier de Salamanque. Le Père Butinyà est exilé hors
d’Espagne et l’évêque, transféré à Barcelone.
Les directeurs de la Communauté nommés par le nouvel évêque
sèment imprudemment la désunion entre les sœurs. Bonifacia, la fondatrice,
s’emploie à défendre le charisme de son Institut, mais on profite d’un voyage
qu’elle entreprend à Gérone pour la destituer. S’ensuivent humiliations et
calomnies. Sa seule réponse est le silence, l’humilité et le pardon. Puis elle
obtient d’aller fonder un nouvel Atelier à Zamora où elle peut vivre son idéal
(25 juillet 1883). Mais, quand arrive l’approbation pontificale de Léon XIII aux
Servantes de Saint Joseph (1er juillet 1901), la maison de Zamora en
est exclue. Malgré tout, Bonifacia, poussée par son désir de communion, décide
d’aller voir ses sœurs de Salamanque, mais, quand elle arrive à la maison de
Sainte Thérèse, on lui dit : “nous avons reçu l’ordre de ne pas vous
accueillir”. Le cœur transpercé, elle revient à Zamora, consciente qu’elle ne
reverra plus jamais Salamanque, mais avec la certitude que la réunification de
la Communauté se fera après sa mort, laquelle survient en 1905 ; et
effectivement, la maison de Zamora s’unit au reste de la Congrégation le 23
janvier 1907. De nos jours, les “Servantes de Saint Joseph” poursuivent “l’œuvre
(de leur fondatrice) dans le monde avec simplicité, joie et abnégation.”
(Jean-Paul II)
Mentionnée
au Martyrologe le 8 août, elle est béatifiée en 2003 et canonisée en 2011. |