5-La sainteté

Introduction

Dieu “inventa” les saints

Nous avons vu au chapître précédent que la miséricorde, c’est l’Amour qui se penche sur les malheureux. Et qui est plus malheureux que le pécheur? Dès lors, on comprend mieux l’étonnant processus de l’Amour. Dieu crée et par amour donne la liberté aux hommes, lesquels s’en serviront bien mal. Cela, Dieu le savait de toute éternité, et son Amour avait, dès le début de l’humanité, mis en oeuvre sa Miséricorde et préparé le Berger-Rédempteur qui viendrait sauver les brebis égarées. Son Amour allait encore plus loin puisque déjà Il prévoyait de demander à certaines âmes privilégiées, particulièrement généreuses et pures, de vivre, avec Lui, les heures douloureuses de la Passion de son Fils; ici il s’agit de certains saints qui furent, durant leur vie, associés à l’agonie et au crucifiement de Jésus: François d’Assise, Marthe Robin, Padre Pio, Gemma Galganni, etc...

L’Écriture sainte, celle dont la rédaction a précédé la venue du Christ, révèle Dieu-Créateur aimant ses créatures. Dieu se révéla à Abraham et à ses enfants... Plus tard, quand le peuple hébreu se trouva dans le malheur en Égypte, “Dieu entendit son cri”, et Dieu “se pencha vers son peuple” et Dieu eut pitié de ses enfants. Alors, pour les faire sortir d’Égypte, Dieu se choisit un homme, “un homme humble”, Moïse... Et Moïse conduisit le peuple là où Dieu voulait le mener pour qu’Il pût se révéler à Lui. Cependant la traversée du désert était dure, et le peuple se rebellait, et Moïse “en grande colère, se plaignait amèrement à Dieu.” De nouveau Dieu entendit son peuple et le fit entrer dans la terre promise. Le peuple hébreu était un peuple à la “nuque raide”, mais malgré ses infidélités, ses chutes et ses nombreux péchés, Dieu le préparait sans relâche à recevoir le Rédempteur.

Dieu le Père envoya son Fils pour réparer les dégâts: car l’Homme n’avait pas observé la Loi de Dieu, et sa machine humaine s’était fortement déréglée. Le Verbe de Dieu vint chez les hommes et, “tout Fils de Dieu qu’Il était, Il se soumit au Père, Il se fit obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur une croix”: car Fils de Dieu et Fils de l’Homme, Jésus-Christ devait réparer tous les dégâts causés par l’inobservance de la Loi. C’est pourquoi Dieu l’a exalté en Le ressuscitant... L’Homme était sauvé, mais encore blessé... Alors Dieu voulut associer les hommes à son dessein d’Amour, et leur demanda de participer à l’Œuvre du Fils, de l’achever, en quelque sorte... Et Dieu “inventa” les saints, ceux qui devaient achever dans leur propre chair ce qui “manquait” aux souffrances du Christ, pour son Corps qui est l’Église, c’est-à-dire la Grande Œuvre de Dieu, l’Œuvre merveilleuse et gigantesque destinée à intégrer toute sa Création[1]. Dieu “inventa” les saints, et leur demanda de faire ce qu’Adam n’avait pas su faire: se soumettre à sa Loi, observer ses Règles d’Amour, c’est-à-dire ses Commandements, seuls garants de la réussite et du bonheur de toute sa Création.

Les saints de Dieu s’engagèrent à se soumettre totalement à la volonté très sainte et très aimante de Dieu-Créateur. Les saints de Dieu s’offrirent pour que leur Seigneur puisse accomplir en eux ses desseins d’Amour et de bonheur pensés de toute éternité. Et, ce faisant, les saints de Dieu découvrirent la liberté... Et les saints de Dieu connurent la joie de Dieu, la joie de l’Amour offert par Dieu, la joie de l’Amour reçu et de l’Amour donné. Et tous les saints de Dieu ont connu le Bonheur. Soyons heureux, nous tous du XXIème siècle, le chemin vers la sainteté est toujours ouvert... La porte du bonheur aussi. 

Vouloir seulement répondre simplement aux desseins d’amour de Dieu sur nous et sur chacun de nous, c’est cela que tous les saints ont accompli avec amour, et souvent héroïquement. Mais c’étaient des saints!... Beaucoup de personnes se disent:

 Cela, bien sûr, n’est pas pour nous, pas pour le commun des mortels.

Pourtant, tous ceux qui ont un peu essayé de suivre Jésus-Christ s’aperçoivent rapidement que sa Loi n’est pas contrainte, et que, être “soumis” à sa Loi, c’est devenir vraiment libre.

Relisons ce qui précède: Dieu “inventa” les saints, et les saints de Dieu s’engagèrent à se soumettre totalement à la volonté très sainte et très aimante de Dieu-Créateur. Et aussi: les saints de Dieu s’offrirent pour que leur Seigneur puisse accomplir en eux ses desseins d’Amour pensés de toute éternité.

Dieu inventa les saints!!! et il y eut des hommes qui répondirent: c’étaient des humbles... Dieu voulut qu’il y ait, déjà sur cette terre, des hommes qui fassent totalement sa volonté, qui suivent ses Lois avec amour, et découvrent ainsi le Bonheur. Car Dieu voulait le bonheur des hommes, de tous les hommes. Et les saints ont tous été heureux, malgré les épreuves inévitables dans ce monde où tant de rouages ont été déréglés. Dieu trouva des saints, et Dieu les rendit heureux, et Dieu fut plein de joie!

5-1-L’appel à la sainteté

Jésus nous accueille dans sa Maison, dans son Cœur. Jésus nous appelle, tous sans exception: les bons, les moins bons, les mauvais qui doivent se convertir. Jésus nous appelle tous: les pauvres, les petits, les malades, les affligés, ceux qui souffrent et ceux qui sont bien portants. Jésus nous appelle tous, les pauvres et même les riches dont le cœur est pauvre. Jésus appelle tous les hommes, les ignorants et les savants dont les cœurs s’ouvrent à sa Parole et à son enseignement. Jésus nous appelle tous: “Venez à Moi, vous tous qui peinez, et Je vous soulagerai. Venez à Moi... vous tous...”

Contemplons la Croix glorieuse du Sacré-Cœur. Contemplons-la, émerveillés et ravis... Contemplons, Jésus, dont le Cœur est ouvert pour nous accueillir tous. Et écoutons, notre Seigneur...

 Venez à Moi, les bénis de mon Père, vous qui M’aimez et vous efforcez de Me suivre en suivant mon commandement d’amour qui est de vous aimer les uns les autres pour prouver que vous M’aimez.

 Venez à Moi vous tous qui M’aimez car je suis doux et humble de Cœur. Venez à Moi, vous les doux au cœur humble et pur, vous les bienheureux de l’amour qui savez comprendre les âmes déchirées, les âmes pécheresses, les âmes qui Me cherchent sans encore Me trouver...

 Venez à Moi, vous les handicapés du cœur, Je vous apprendrai la joie de l’espérance. Venez à Moi, vous tous qui pleurez, Je vous consolerai...

 Venez à Moi, vous qui souffrez dans votre corps et dans votre cœur. Votre fardeau trop lourd, Je vous le porterai si vous voulez Me le confier...

 Venez à Moi aussi, vous qui touchez le désespoir, et vivez dans les ténèbres... Venez à Moi, Je vous découvrirai la Lumière...

 Venez à Moi, vous dont on a rempli le cœur de haine, venez à Moi, Je vous soulagerai de ce fardeau dont l’enfer vous a écrasés.

 Venez à Moi, vous tous les hommes mes frères: même si vous ne Me connaissez pas, Moi Je vous connais, Moi, Je vous aime, Moi, Je vous attends. Venez, Je vous accueillerai tous dans mon Cœur ouvert pour vous...

Dieu appelle tous les hommes. Jésus nous veut tous saints, car la sainteté c’est notre bonheur. Malheureusement trop d’âmes ne répondent pas à l’appel du Seigneur. Alors le Cœur de Dieu “souffre”, et c’est cette souffrance de Dieu que ressentent les saints.

Contemplons le Sacré-Cœur de Jésus, la Croix glorieuse de son Amour. Écoutons Jésus. Émerveillons-nous de ses paroles. Oui, Jésus nous veut tous. Cela nous le savons, dans nos intellects, mais notre foi est encore bien balbutiante; et souvent les saints pleurent parce que tant d’hommes ne répondent pas à ses appels.  Les cœurs de ceux qui aiment Jésus ont souvent mal avec le sien, parce qu’Il n’est pas aimé.  Les saints ne comprennent pas le monde athée dans lequel ils sont placés... et ils souffrent avec Jésus de la haine qui les entoure.

Jésus nous appelle tous. Mais tant d’hommes semblent ne pas L’entendre... Jésus nous attend... mais tant d’hommes ne répondent pas à ses appels. Les saints savent que le vrai bonheur c’est de répondre aux appels d’amour du Christ; eux ils sont heureux, mais pourtant leur bonheur ne sera pas complet tant que ceux que Jésus aime n’auront pas répondu à son amour.

Car l’essentiel c’est d’atteindre le but; l’essentiel c’est la sainteté à laquelle Dieu nous appelle. Or Dieu appelle tous les hommes, absolument tous à la sainteté: ce ne doit donc pas être si difficile que cela...

5-1-1-Tous sont appelés, mais peu sont élus. Pourquoi?

Ce qui nous effraie

Ce qui nous effraie dans la sainteté, ce sont les épreuves subies par les saints, telles qu’elles nous sont racontées dans de nombreuses biographies. La vie des saints serait un exploit permanent. Ils auraient vécu des épreuves et des souffrances inouïes; ils auraient été constamment en contemplation, auraient connu des visions et des extases extraordinaires et auraient réalisé des œuvres étonnantes, sinon pendant leur vie, du moins après leur mort. Ils auraient même eu souvent maille à partir avec le démon. Tout cela nous fait très peur, et inévitablement nous nous disons:

“Tout ça, vous comprenez, ce n’est pas pour moi. Moi je dois gagner ma vie et je n’ai pas de temps à perdre dans les extases. Il y a les enfants qui attendent et que je ne peux pas laisser. Et mon mari, et ma femme, et mes affaires, ou encore mes malades, mes élèves, etc... Quant au démon, n’en parlons pas, j’aurais bien trop peur de le rencontrer et je préfère ne pas être saint ou sainte, et le laisser à sa place, là où il est. Les aventures du Curé d’Ars ou de Padre PIO ne sont pas pour moi.”

Voilà le genre de raisonnement que peuvent tenir tous les pauvres gens de l’ordinaire, le commun des mortels, ceux que l’on a tendance à appeler, les pauvres du Seigneur.

Pourtant la sainteté, c’est pour tous les hommes

Les pauvres du Seigneur? Mais ce sont ceux que le Seigneur chérissait le plus, les bénéficiaires de ses béatitudes: “Bienheureux les pauvres de cœur...” S’ils sont bienheureux, c’est qu’ils sont des saints! C’est donc qu’ils ont atteint le but, la sainteté. C’est donc que la sainteté, c’est pour tout le monde. Pour les pauvres, les petits, les vertueux et les imparfaits, ceux qui ont bon caractère et ceux qui sont impatients. Les intelligents, et ceux qui le sont moins. Les forts et les faibles qui rament difficilement sur le chemin... Tous les pauvres du Seigneur sont appelés à la sainteté... La sainteté serait-elle donc à la portée de tous les hommes?

5-1-2-Pourquoi la sainteté?

Dieu est saint, Dieu est pur, Dieu est innocent, Dieu est le Tout-Puissant, le Tout-Autre, Dieu est le Créateur, le Maître qui peut tout. Oui, mais Dieu est Amour. Dieu a créé l’homme par Amour, et à son image. Donc, à l’origine, l’homme était saint, était pur et innocent. Créé par Amour, pour répondre à l’Amour, pour être la joie de l’Amour, l’homme avait une vocation propre, un état: c’était la sainteté dans l’Amour. Cela ne devait lui coûter aucun effort, sinon la joie de dire “Oui”; de dire “Oui”, librement, à la Volonté de Dieu, Volonté intrinsèquement bonne puisqu’elle est Amour, de dire amoureusement “Oui” à l’Amour créateur. La sainteté de l’homme, c’était sa vocation propre, c’était son bonheur dans le Bonheur de Dieu.

Mais la sainteté aujourd’hui, la sainteté pour les hommes pécheurs qui se sont repentis mais qui restent marqués par leurs fautes, qui restent blessés dans leur chair et dans leur cœur, qu’est-ce que c’est? La sainteté est-elle encore possible, est-elle toujours la vocation de l’homme, de l’homme ordinaire qui n’est pas un géant, est-elle possible à tous les hommes? Est-elle notre vocation à chacun de nous? Une seule réponse: oui, nous sommes encore tous appelés à la sainteté. Mais une nouvelle question se pose: comment faire?

5-1-3-La sainteté? Comment faire?

Si nous étions attentifs à écouter le Seigneur à chaque instant, à Le suivre toujours, à nous couler dans sa volonté et son Amour, Il nous conduirait forcément à la sainteté, puisque c’est ce qu’Il désire, puisque c’est pour cela qu’Il nous a créés. Au fond nous n’avons rien d’autre à faire qu’à L’aimer et à Le laisser faire. C’est tout simple et facile. Y avons-nous jamais pensé?. C’est curieux comme les choses les plus simples sont celles auxquelles on pense le moins! Et qui souvent paraissent les plus difficiles...

La vie tout ordinaire de la Sainte Vierge nous fait comprendre que l’on peut se sanctifier dans tous les états de vie. L’essentiel, c’est de faire la volonté de Dieu, c’est de répondre à ses desseins d’amour sur nous. Chacun est appelé à une mission particulière, celle pour laquelle il a été créé, et là où il sera le plus heureux, car parfaitement adapté à la tâche qui lui reviendra, quand le temps des épreuves sera accompli. C’est cela la vocation. 

Le Seigneur appelle tous les hommes, mais, parfois, Il désire que certains se consacrent plus spécialement à son service. Oui, mais comment? Et où? Pour de nombreuses personnes, le choix de la vocation est relativement aisé, mais pour d’autres, surtout de nos jours, c’est plus difficile, et il semble que le Seigneur mette comme des obstacles à leur recherche, comme s’Il cherchait à leur enseigner ce qui, plus tard, leur sera indispensable: vertus, connaissances, blessures afin de mieux comprendre les souffrance des cœurs meurtris, et d’accomplir leur propre sainteté.

De toute éternité Dieu a préparé notre place dans son éternité bienheureuse et dans son Corps mystique; notre place et notre fonction. Là sera notre bonheur, et là sera notre meilleure capacité d’amour. Car tout est amour dans le Royaume de Dieu et dans le Corps du Christ. Notre fonction dans le Corps achevé du Christ, c’est sur la terre que nous avons à nous y préparer. C’est cela notre vocation à la sainteté; mais par quels moyens?

5-1-4-La sainteté: vocation universelle

On connaît, sur la terre, une multitude de vocations différentes. Beaucoup d’hommes et de femmes seront des pères et des mères de famille: merveille que ces vocations qui participent à l’ouvrage de Dieu Créateur. D’autres se consacrent totalement à des services plus spécifiques; ils seront religieux, moines, ou prêtres. Au sein de toutes ces vocation que l’on pourrait appeler génériques, d’autres vocations naîtront: enseignants, artistes, médecins, chimistes, physiciens, mécaniciens, artisans, architectes, etc... La sainteté peut naître de toutes ces vocations où Dieu appelle chacun. Car tous les hommes sont appelés à la sainteté, notre seule véritable vocation.

Cela semble simple, à première vue, mais il faut toutefois ajouter que toujours, et quels que soient les états de vie vers la sainteté  il y aura la souffrance: c’est inévitable, car celui qui est uni à Dieu, qui ne désire que Dieu et la réalisation de ses desseins, ne peut pas ne pas être triste, voire très douloureux, quand il constate que Dieu n’est pas connu, pas aimé à cause de Satan, l’ennemi commun à Dieu et aux hommes. La détresse devant le spectacle du monde qui se perd est inévitable... Jésus a souffert beaucoup à la vue du monde pécheur. Jésus a pleuré sur nous, et Jésus est mort en souffrant toutes nos souffrances pour nous en délivrer en nous délivrant du péché. Parfois même Jésus demande à ses saints de l’accompagner sur son Chemin de Croix...

Tout cela c’est normal et entre dans ce que nous appelons vocation. Pourtant bien des choses nous étonnent: pourquoi des vies trop courtes, et d’autres apparemment trop longues? Pourquoi tant de vies constamment bouleversées? Pourquoi tellement de martyrs? Pourquoi les calomnies, pourquoi tant d’incompréhensions? On ne peut que répondre: c’est dans l’ordre des choses: tous ceux qui veulent agir, et qui agissent vraiment, sont toujours critiqués. Cela fait comme partie de la vocation.

5-1-5-Les obstacles à la vocation

Pour certaines personnes, on a parfois l’impression que Seigneur se plaît à contrarier la vocation à laquelle Il les appelle; les cas sont fréquents. Ainsi, le cardinal de Bérulle aurait souhaité une vie retirée pour prier et contempler Dieu: il dut, quoique prêtre et fondateur de l’Oratoire de France, mener une vie très agitée dans le monde du XVIIème siècle. Madame Acarie voulait être religieuse: on la maria de force. Gaston de Renty voulait être chartreux: lui aussi dut se marier. Le saint Curé d’Ars désirait le cloître: il dut rester attaché dans son confessionnal. Et tant et tant d’hommes et de femmes qui furent ainsi détournés de la vocation à laquelle ils aspiraient et qu’ils croyaient la leur!

Il y a aussi ceux dont on ne veut pas, comme saint Benoît Labre qui ne fut accepté dans aucun couvent, parce que le Seigneur le voulait dans la rue, avec les plus misérables, les mendiants, les méprisés, les sans toit... Qui, spontanément, chercherait une telle vocation? Pourtant, c’est là que Dieu le voulait!... Il était méprisé de tous, et pourtant, quand il mourut, la ville entière s’écria spontanément: “Le saint est mort! Le saint est mort!” Mystère de la volonté et des désirs de Dieu! Il appelle à son service, et semble fermer toutes les portes qui permettraient d’accomplir ce service.

D’autres fois Dieu semble appeler à une extrême pauvreté, et, à travers des méandres inattendus, il oblige à une vie dans le monde, avec des moyens financiers apparemment incompatibles avec une vie évangélique; mais, un jour, l’intéressé doit constater que ses moyens financiers s’avèrent nécessaires pour accomplir les tâches que Dieu lui réservait. C’est alors que s’applique vraiment la béatitude: “Heureux les pauvres de cœur!” Heureux ceux qui savent utiliser les richesses humaines au service de leurs frères! Heureux seront-ils aussi le jour où ils devront s’en dépouiller!

Dieu appelle tous les hommes à devenir des saints, mais par le chemin qu’Il désire pour chacun d’entre eux. Dieu appelle tous les hommes à être des frères pour son Verbe incarné, Jésus-Christ, mais Il en désire aussi quelques-uns pour pénétrer plus avant dans le mystère de sa vie d’homme, dans le mystère de ses douleurs intimes que nous connaissons si peu. Jésus désire que quelques-uns connaissent les incertitudes qui furent peut-être les siennes dans le désert des tentations ou à Gethsémani... Ce ne sont pas des vocations que l’on choisit délibérément: alors, Jésus ne précise rien, Il appelle mais ne dévoile que du flou, du vague; Il conduit sur des chemins obscurs, étranges, imprévus, voire inconnus... Il appelle, mais là où Il veut mener ces âmes, restera toujours un mystère pour elles. Il ne le leur révèle pas, car, si elles savaient, elles n’iraient probablement pas...

Le Frère Henri Vergès, qui devait mourir martyr en Algérie, écrivit, le Vendredi Saint de 1961, alors qu’il était encore en France, un petit papier que l’on retrouva après sa mort. Il écrivait, entre autres, contemplant Jésus dans l’Eucharistie: “Les trois besoins de l’amour: 1-présence: être avec l’être aimé, 2-dévouement: se donner à l’être aimé, 3-union.”

À l’époque Henri Vergès ne pouvait pas savoir que Dieu voulait faire de lui un témoin, c’est-à-dire un martyr. De nombreux saints ont désiré le martyre, et d’une façon ou d’une autre, ils le furent; mais s’ils avaient connu à l’avance la façon dont ils seraient un jour, martyrisés, auraient-ils pu avoir une vie constamment sereine. Il semble qu’il faut toujours compter avec la faiblesse humaine, et notre Père le sait mieux que nous... Par ailleurs, notre Père connaît aussi nos répugnances, et, comme Il veut par dessus tout que nous vivions dans sa paix et son amour, sauf des cas exceptionnels, Il préfère nous faire avanoer à son rythme à Lui: c’est bien plus sage... Car Dieu est la Sagesse!...

Beaucoup de gens ont été conduits par des événements déconcertants, dans le noir, sur des chemins surprenants, car le Seigneur voulait leur faire acquérir un peu d’humilité, et Lui seul peut réaliser un tel miracle. Alors, il doit dépouiller peu à peu; pas trop vite pour éviter les révoltes. Il laisse dans l’incertitude, dans une certaine insatisfaction, jusqu’à ce que ses futurs saints reconnaissent enfin leur rien, et qu’ils ne se réfugient qu’en Lui, ayant perdu toute gloriole.

5-2-L’Humilité

5-2-1-L’humilité, chemin vers la sainteté

Nous avons dit plus haut que le chemin vers la sainteté était toujours ouvert... Mais comment le trouver ce chemin? Par l’humilité, oui, mais comment trouver l’humilité que Dieu désire? Les saints ont su le trouver ce chemin, car ils savaient qu’ils étaient des petits, des tout petits. Dieu nous fait souvent comprendre à quel point nous sommes petits, faibles, minuscules... moins que rien, néants, perdus dans une immensité vertigineuse...

Constater sa petitesse, ce n’est pas de l’humilité, c’est un constat, et un constat dramatique qui ne résoud rien, bien au contraire. Alors, ce chemin vers la sainteté, toujours ouvert, comment le trouver? Tous les hommes sont des petits, tous vivent à la même échelle et il y a fort peu de saints. Comment ont-ils fait, les saints, pour trouver la perle évangélique, l’humilité que Dieu désire?

5-2-2-Se soumettre à la volonté de Dieu

Le chemin vers la sainteté est toujours ouvert... et Dieu nous attend. Dieu nous attend avec un Amour infini, et sans cesse Il nous redonne le mode d’emploi de la sainteté, ce mode d’emploi que les saints suivirent à la lettre, en s’y engageant radicalement: les saints de Dieu s’engagent à se soumettre totalement à la volonté très sainte et très aimante de Dieu-Créateur. Tous les saints ont suivi le Seigneur, tous les saints ont trouvé le chemin de la paix, le chemin de la liberté, le chemin du bonheur en Dieu, du bonheur de Dieu. Tous les saints ont mis en œuvre le mode d’emploi de la Loi de Dieu, sa Loi d’Amour, la Loi du bonheur. Tous les saints se sont librement soumis à la volonté de Dieu.

Tous les saints ont suivi le mode d’emploi, la grande Règle divine de l’Amour, de sa volonté amoureuse. Apparemment, c’est très simple: alors pourquoi attendre encore, pourquoi traîner les pieds, pourquoi craindre?

5-2-3-N’ayez pas peur

 N’ayez pas peur, petit troupeau, nous a dit Jésus.

 N’ayez pas peur, nous a redit le saint pape Jean-Paul II.

N’ayez pas peur! Alors, pourquoi dans nos cœurs, tout au fond de nous, très loin au fond et très enfoui, y a-t-il encore une crainte étrange, sourde mais tenace? Nous avons peur, une peur diffuse de l’avenir, mais surtout une crainte terrible de ce monde devenu fou car il a rejeté Dieu. Les saints qui ont été tellement éprouvés, ont-ils aussi, parfois, connu cette peur qui nous mord au fond de nous-mêmes? Oh! ce n’est pas une crainte physique, mais une peur métaphysique, insaisissable, sans nom, sans consistance, mais tellement réelle? Parfois, cette peur conduit même au suicide, surtout ceux qui n’ont plus de repère pour continuer leur route... Seigneur, comment ont-ils fait, tes saints, pour maîtriser cette peur qui envahit l’être sans jamais dire son nom?

Prière

Seigneur Jésus, Toi qui connaissais l’avenir, l’avenir des siècles de la terre, Toi qui connaissais les désastres de l’orgueil et de la haine, est-ce cette peur étrange qui Te broya à Gethsémani? Est-ce cette peur qui Te fit crier soudain: “Père, si c’est possible, éloigne de Moi ce calice!” avant de revenir au mode d’emploi de la Loi divine, la volonté de Dieu?  Mais Toi, Jésus, Tu as été Maître de ta peur. Tes saints ont réussi à vaincre cette peur qu’ils ont dû connaître aussi. Le chemin vers la sainteté commence-t-il par la victoire contre cette peur? Ou bien le chemin vers la sainteté est-il toujours accompagné de cette part de ténèbres?

5-2-4-L’offrande des saints

Les saints de Dieu s’offrirent pour que leur Seigneur puisse accomplir en eux ses desseins d’Amour pensés de toute éternité. La pensée éternelle de Dieu pensa sa Création. Dieu est hors du temps, Il est, et tout ce qu’Il désire, est. Mais nous qui sommes dans le temps, nous ne pouvons pas imaginer une pensée immuable et pourtant active. Et nous sommes obligés de prendre les mots du temps et d’avancer dans le temps.

La Pensée divine veut une Œuvre parfaite, émanation de son Amour. Grand Mécanicien, Grand Artiste, Grand Électricien et Technicien maîtrisant toutes les techniques, Dieu construit patiemment dans notre temps qui est dans son Éternité, Il construit toutes les pièces de son Œuvre d’amour. Avec un amour infini Dieu construit chaque petite pièce qui devra entrer dans son Œuvre divine. Ce sont ses desseins; et le bonheur de chaque petite pièce, aussi minuscule soit-elle, c’est de répondre aux desseins du Père, en suivant la Loi qui doit la conduire au Bonheur dans la Grande Mécanique de la création. Et cela librement et avec amour, car l’amour exige la liberté. Et c’est librement et amoureusement que les saints de Dieu s’offrirent pour que leur Seigneur puisse accomplir en eux ses desseins d’Amour pensés de toute éternité.

Dieu a pensé chacun d’entre nous, individuellement. Il nous a façonnés. Dans son Amour Infini, Il prépare chacun de nous pour le rendre capable de tenir sa place et son rôle dans le Corps du Christ enfin achevé. Il prépare chacun de nous à devenir des saints.

Tout cela nous dépasse infiniment. Pourtant, Dieu continue à nous vouloir saints... Et pour cela, un seul chemin: réaliser les desseins que Dieu a prévus pour chacun de nous, et pour cela, commencer par observer sa Loi.

5-3-Bienheureux les cœurs humbles!

5-3-1-L’humilité de Dieu

Qu’est-ce que l’humilité de Dieu?

Nous savons tous à quel point nous sommes petits dans le cosmos, à quel point nous sommes dépendants, totalement dépendants de Dieu qui nous a tout donné gratuitement et qui continue à nous aimer malgré tous nos péchés et nos manques d’obéissance. Nous savons parfaitement que par nous-mêmes nous ne sommes rien, et que nous ne pouvons rien. C’est même tellement effrayant que ça donne le vertige...

Mais alors, pourquoi, dès que nous nous retrouvons à notre échelle humaine, celle dans laquelle nous vivons tous les jours, au milieu des autres hommes, pourquoi recommençons-nous à nous croire quelque chose, et pire, à faire des comparaisons? Des comparaisons toujours en notre faveur, bien sûr. L’orgueil, c’est peut-être un besoin déformé de se comparer à quelque chose ou à quelqu’un: pour se trouver mieux et meilleur que les autres, pour refuser d’obéir. Ou peut-être pour se rassurer, qui sait? Surtout quand la boussole humaine a perdu son repère, son seul repère: Dieu.

Mais alors, l’humilité de Dieu? Le Seigneur Jésus, homme sur la terre, était doux et humble de cœur. Cela se comprend un peu, Jésus devait être notre modèle. Mais l’humilité de Dieu? Dieu n’a pas à se comparer à quelqu’un, on ne sait d’ailleurs pas à qui, puisqu’Il est Unique, seul vrai Dieu et Maître de tout, un seul Dieu, créateur du ciel et de la terre. Et puis, étymologiquement, humilité vient de humus, la terre mêlée de produits organiques en décomposition. Et Dieu est infiniment plus que la terre, sa créature, et bien plus que l’humus. Alors que peut bien signifier cette expression: l’humilité de Dieu?

Un seul Dieu en trois personnes, égales, de même nature et de même substance, s’aimant infiniment d’un même amour, l’Amour. Le Père aime son Fils qu’Il engendre, son Fils, son Unique. Et le Fils, Parole du Père, aime le Père, depuis toute éternité. De cet Amour, éternellement, jaillit l’Esprit, Spirale infinie de l’Amour éternel du Père et du Fils, Amour Créateur et bienheureux pour donner du bonheur et de l’Amour! Tout vient de Dieu. Tout, absolument tout. Rien ne peut se faire sans Lui, sans que sa volonté le veuille. Alors, l’humilité de Dieu? Que veut-on dire par là? Avec Jésus, le Verbe fait homme, on peut comprendre, mais Dieu pris dans son infinité éternelle? Que peut signifier l’humilité de Dieu? 

L’humilité de Dieu! Quel mystère! Comment Dieu, la Trinité Sainte et bienheureuse, Dieu Maître du monde, ou plutôt Maître des mondes et des univers, Créateur du Ciel et de la Terre, Créateur des puissances célestes, et Créateur des hommes, Dieu éternel, Dieu fort, Dieu puissant, Dieu plus grand que tout, comment Dieu peut-il être humble? Évidemment, si nous nous plaçons à notre échelle, dans le monde qui est le nôtre, essayant d’exprimer l’humilité de Dieu avec nos mots humains, évidemment, c’est impossible.

L’humilité de Dieu dans le Fils

Mais Dieu le Père nous envoya son Fils. Le Fils aurait pu venir à nous avec des fracas de tonnerre, avec des signes majestueux dans le ciel, avec des prodiges insignes. Mais ça aurait encore été raté: l’homme est tellement petit et tellement faible qu’il aurait eu peur. Il aurait tremblé, il se serait caché, il aurait cherché à s’enfuir, il n’aurait pas aimé. C’est d’ailleurs ce que faisait le peuple hébreu dans le désert quand Dieu parlait à Moïse.

Dieu qui avait fait l’homme à son image et à sa ressemblance envoya son Fils qui se fit l’un de nous. Dieu se fit à notre image et ressemblance!!! Et voilà le prodige: Dieu se fit homme à notre taille, avec un corps comme le nôtre, avec une âme comme la nôtre, et une sensibilité comme la nôtre. Pour ne pas effaroucher ses petits hommes, Dieu l’Immense, l’Infini, le Puissant, le Fort, le Merveilleux, pour ne pas nous faire peur, Dieu se fit l’un de nous en prenant notre humanité. Ainsi nous n’aurions plus peur. Ainsi nous pourrions L’aimer comme Il le désirait.

Jésus, Verbe de Dieu, égal de Dieu, Fils Unique et Bien-aimé du Père, venu chez les hommes, pour nous, pour nous donner l’Esprit, Jésus, Dieu, s’est fait homme à l’image de l’homme, pour être plus proche de nous et nous montrer comment aimer. Et nous, nous aimons Jésus, nous L’adorons dans son humilité, car Dieu devenu homme n’a pas tiré gloire de sa divinité éternelle, mais Il s’est humilié, devenant obéissant jusqu’à la mort, la mort des esclaves et des malfaiteurs, la mort de la Croix. Jamais Jésus ne nous écrase, mais Il nous fait comprendre, humblement et patiemment, ce qu’est l’humilité de Dieu et comment il faut aimer.

5-3-2-L’humilité, grandeur de Jésus-Christ

L’humilité de Jésus est-elle, en réalité, le reflet de sa grandeur? Comment par sa douceur et son humilité nous révèle-Il sa puissance divine? Notre cœur se tait et adore. Jésus fut un homme, un homme exceptionnel, mais un homme tout de même, et un homme simple, un homme de tous les jours pourrait-on dire. Toutes ses qualités exceptionnelles d’intelligence, de bonté, de perspicacité, de connaissance des cœurs et de discernement des esprits, Il les cachait si bien qu’aux yeux de ses compatriotes Il n’était que le fils du Charpentier. Pourtant, Il était Dieu aussi, mais Il le cachait; et souvent, Il ne voulait même pas, qu’on Le reconnût comme le Messie.

L’anonymat de Jésus à Nazareth est toujours surprenant. On disserte beaucoup sur sa vie privée, mais on oublie toujours quelque chose: quelles étaient ses relations de Fils de Dieu avec le Père? Cette question est bien indiscrète, mais il est difficile d’imaginer que sa divinité, sa deuxième nature, ait disparu soudainement de son Cœur et de sa mémoire après s’être manifestée l’espace d’un éclair, le jour de sa majorité. L’Évangile semble parfois, mais hélas! de trop rares fois, soulever le voile de son mystère; toutefois c’est tellement fugitif qu’on n’a pas le temps d’appréhender la réalité. Aussi, pour tenter de déchiffrer le mystère du Christ, Dieu et Homme, allons-nous contempler Jésus et Le suivre quand Il s’éloignait, chaque matin, à l’aube, dans le petit jardin de Nazareth, ou bien, comme Il le fera plus tard, dans la montagne ou la campagne pour prier.


[1] Col 1, 24

   

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