Bertrand
était fils d'Aton, seigneur de L'Isle-Jourdain en
Gascogne, et de Gervaise, donc petit-fils du comte de
Toulouse, Guillaume Taillefer (950-1037). Cousin des
comtes Guillaume IV (1060-1093) et Raymond IV de
Saint-Gilles (1093-1105), Bertrand fut élevé
probablement, comme tous les jeunes nobles de son temps,
dans le cliquetis des armes, et certainement adoubé
chevalier : militaribus armis est decoratus,
écrit Vital son biographe. Même si nous ne savons rien
de précis sur sa jeunesse – nous ignorons jusqu'à sa
date de naissance – nous sommes en droit de supposer par
quel cheminement sa vocation parvint à maturité.
L'Église du
XIe siècle livrait un dur combat, celui de sa propre
réforme. Libérer les institutions de l'emprise des
laïcs, régénérer le clergé diocésain rongé par la
simonie (trafic des sacrements et des charges
pastorales) ou le nicolaïsme (concubinage ou mariage des
prêtres), réformer les chanoines et leur faire mener la
vie commune, restaurer la dignité de la papauté et la
crédibilité du pontife romain, prendre en compte les
aspirations du peuple de Dieu, telle était l'ambition de
l'Église. Cette lutte contre les méfaits de la
féodalisation porte le nom de Réforme grégorienne:
inspirée par le moine Hildebrand, qui devint le pape
Grégoire VII (1073-1085), elle s'en prit surtout à
l'ingérence des laîcs dans les investitures abbatiales
ou épiscopales et à l'incontinence des clercs. Combat de
longue haleine, la réforme grégorienne fut menée d'abord
par les papes Grégoire VI, Léon IX, Étienne IX, Nicolas
II et Alexandre II.
Le tournant
décisif, au plan romain, sera pris en 1059, lorsque
Nicolas II, soutenu par Hildebrand, réformera l'élection
du pape et la confiera strictement aux cardinaux. En
même temps, sous l'influence de saint Pierre Damien,
Nicolas II insiste auprès des clercs sur la nécessité de
la vie commune pour réaliser l'idéal évangélique.
Partout on redécouvre la règle de Saint-Augustin et
les mêmes mots reviennent dans les écrits de tous les
réformateurs: conversion, vie commune, vie
régulière...
C'est le
choix que fit le jeune Bertrand de L'Isle en demandant à
l'évêque de Toulouse, Izarn (1071-1105), son admission
dans le chapitre de la cathédrale Saint-Étienne.
Mêlé à la
vie comtale et ecclésiastique de Toulouse, Bertrand n'a
pas pu ignorer l'enjeu de sa vocation, ni la portée de
son engagement. Il a sans doute vécu de l'intérieur le
drame de l'évêque Izarn, réformateur intransigeant et
autoritaire, arrivé presque à la limite du conflit avec
la papauté à propos de la construction de la basilique
St-Sernin en 1082.
Mais
Bertrand n'eut pas le loisir de suivre les étapes du
conflit. La réputation du jeune chanoine avait dépassé
les limites du pays toulousain: à la mort de leur
évêque, Auger (1079-1083), le clergé et le peuple
commingeois vinrent lui proposer l'épiscopat.
Lorsqu'il
se fit transporter au pied de l'autel de la chapelle
Notre Dame, dans sa cathédrale reconstruite, le 16
octobre 1123, l'évêque Bertrand voulut donner à sa mort
la signification qu'appelaient ses quarante années
d'épiscopat: rendre son âme à Dieu entouré de son clergé
qu'il avait réformé, au milieu de son peuple qu'il avait
libéré, guéri, soigné, évangélisé, au cœur de cette cité
qu'il avait relevée de ses ruines. Et ce peuple ne s'y
est pas trompé, qui l'a immédiatement considéré comme un
saint, s'est mis à le prier et à lui demander des
grâces.
Devenu
évêque, Bertrand de L'Isle a participé aux conciles
réformateurs de Bordeaux (1093), de Clermont (1095) et
aussi à celui de Poitiers (1100) qui a décidé
l'excommunication du roi Philippe Ier. Tout le reste de
son temps a été consacré à son diocèse et l'histoire ne
nous en dit pas plus long.
Alors,
faut-il en rester là faute de documents sûrs ? Lorsqu'on
ressent la densité morale et spirituelle d'une vie, on
est souvent victime de la tentation d'en rajouter ...
Mais nous n'avons pas besoin d'en rajouter au sujet de
saint Bertrand: il suffit de lire attentivement le
recueil du notaire Vital et d'en comprendre la
signification.
Source :
http://www.cathedrale-saint-bertrand.org/saint-bertrand.html |