Fils d’un berger
“sans grande fortune”, Nicolas Boccasini naquit en 1240, au
bourg de Saint-Barthélemy, aux environs de Trévise. Un de ses
oncles, prêtre, se chargea de l'instruire.
« Dès sa
première jeunesse, Nicolas Boccasino fit preuve d'une haute
intelligence et, ce qui vaut mieux, d'un
grand
cœur. Dieu permit que cette âme virile passât de bonne heure par
l'épreuve de la pauvreté. A l'âge de douze ans environ, il fut
mis en état de se suffire à lui-même. Ce jeune homme, cet enfant
alla à Venise, et, plein d'un courage et d'une science précoces,
se fit le précepteur de jeunes patriciens. Rude métier où les
humiliations ne manquent pas ; métier voisin de la domesticité
et dont plusieurs siècles n'ont pas corrigé la rudesse ».
Le même auteur nous
dit encore que le jeune Nicolas « avait une piété ardente et
un zèle singulier pour le salut des âmes ; il aimait, sur toutes
choses, à entendre la parole de Dieu et avait quelque désir d'en
être un jour le ministre. Sa vocation était toute marquée ».
En effet, à l’âge
de quatorze ans il entra chez les dominicains où il fit sa
profession, probablement en 1257.
« Nicolas de
Trévise – c’est ainsi qu’on l’appelait désormais, explique
Léon Gauthier ― avait attiré sur lui tous les yeux de ses
frères. On parlait de lui dans tous les couvents de l'Ordre,
comme d'un génie et comme d'un saint. Malgré sa modestie,
l'admiration de ses frères le contraignit à recevoir, tour à
tour, tous les honneurs, et à remplir toutes les fonctions de la
famille dominicaine. Il fut d'abord sous-prieur, puis prieur
conventuel, puis enfin provincial de Lombardie. Et, dans toutes
ces dignités, la grâce divine lui communiqua le secret de
demeurer humble, doux et discret ».
Mais, malgré cette
discrétion et cette humilité exemplaire, il était devenu
“l’homme de Dieu” que tous aimaient et voulaient honorer, voila
pourquoi, « en 1296, le chapitre général de l'Ordre des
Prêcheurs [qui se tenait] à Strasbourg, voulut, d'après la
règle, donner un successeur au Maître, ou, comme nous dirions
aujourd'hui, au général de l'Ordre, qui était alors Etienne de
Besançon. Le provincial de Lombardie ― Nicolas de Trévise – fut
élu par acclamation ».
Alors qu’il était
encore Maître général de l’Ordre des Prêcheurs, il fut créé
cardinal prêtre de la Sainte Église romaine, par une lettre de
Boniface VIII en date du 5 décembre 1298, à lui remise par deux
émissaires envoyés par le Pape lui-même. Il était nommé au
diocèse d’Ostie.
« Le Pape ― poursuit
Léon Gauthier ― avait un de ces regards qui percent les âmes,
qui les analysent rapidement et qui en découvrent sans peine les
qua• lités spécialement puissantes. 11 reconnut que la prudence
était chez Boccasino la vertu, non pas la plus belle, mais la
plus utile au gouvernement de l'Église, et il utilisa cette
vertu. Il fit du nouveau cardinal ce que nous appelons
aujourd'hui un diplomate ».
La diplomatie n’est
pas une “science exacte” et souffre bien souvent de
“détournements” qui ne sont pas toujours ni “honnêtes” ni
appréciés de tous, voilà pourquoi la diplomatie de l’Église se
veut honnête, sans mensonge et destinée à tous sans exception,
ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elle puisse être acceptée
et appréciée par tous, mais, en tout état de cause elle doit
être servie avec “prudence et au service de la Vérité”. Nicolas,
malgré son humilité et son désire de rester “dans la solitude et
dans le silence”, accepta par obéissance la charge qui lui était
confiée, ne souhaitant plus désormais autre chose que de servir
dignement le Souverain Pontife qui lui faisait confiance et
l’Église universelle.
Pour mener à bien
sa mission, le cardinal Dominicain dut s’absenter souvent de son
diocèse et aller dans d’autres pays, dont certains étaient en
guerre. C’est au retour de l’un de ses voyages épuisants et
dangereux que Nicolas Boccasino put mesurer l’étendue des dégâts
dont était victime l’Église, car “il ne retrouva point Boniface
à Rome” car un “réseau de trahisons commençait à s'ourdir autour
du Pontife”, dans le but de le faire périr ; réseau qui semble
avoir pour organisateur secret le roi Philippe le Bel. C’était
au début de l’année 1303.
« Il resta des
amis à Boniface au plus fort de son infortune. Deux cardinaux,
deux seulement, restèrent inébranlables au pied du trône
pontifical. Ni la violence d'un Sciarra, ni la fourberie d'un
Nogaret, ni les outrages d'une soldatesque en délire,
n'écartèrent de leur maître outragé ces serviteurs fidèles.
L'histoire a conservé les noms de ces deux derniers amis du
grand Pontife : c'étaient Pierre d'Espagne et Nicolas Boccasino,
évêque d'Ostie ».
Boniface VII ne
s’est pas remis de cette mésaventure cruelle et le 11 octobre
1303 rejoignît la Maison du Père, laissant le siège romain
vacant. Dès lors il fallait élire un nouveau pape. Le conclave
fut donc ouvert à Pérouse et les cardinaux se souvinrent de
celui qui avait été fidèle et qui avait été l’artisan des
rapprochements récents entre l’Église et certains états de
l’Europe, désignèrent, le 22 octobre 1303, Nicolas Boccasini
pour succéder à Boniface VIII. Le 27 du même mois il fut
intronisé et prit le nom de Benoît XI.
La période était
chaotique et, « le premier regard que jeta sur son nouvel
empire le successeur de Boniface, ce premier regard fut triste.
En réalité, le nouveau Pape n'avait d'appui qu'au ciel, et c'est
au ciel seulement qu'il pouvait trouver un sujet de joie. Sauf
le roi Charles de Sicile et l'ancien capitaine général de
Boniface VIII, Charles de Valois, il n'y avait pas alors un seul
prince dans toute la chrétienté sur l'épée duquel le
Souverain-Pontife eût le droit de compter ».
« Aussitôt
après son couronnement – écrit
encore Léon Gauthier ―, Benoît voulut faire cesser ces
luttes, si fatales aux destinées de l'Église, auxquelles les
factions se livraient dans Rome. Tout d'abord, il parut
réussir : son aménité lui concilia l'amour des deux partis qu'il
avait trouvés dans la plus dangereuse effervescence. Lorsqu'il
avait fait son entrée à Rome, les poignards s'aiguisaient ; il y
avait des haines féroces qui se dressaient l'une contre
l'autre ; on craignait de nouvelles effusions de sang, de
nouveaux incendies,
de nouveaux crimes. Quelques jours après l'avènement du
successeur de Boniface, Rome respirait en liberté et tout y
était paisible ; mais en apparence, hélas ! »
Malgré toutes ces
difficultés, Benoit XI, au court de son pontificat qui ne dura
que huit mois, “promut la paix de l’Église, la restauration
de la discipline et le développement de la religion”.
Le roi de France,
de cette France “fille aînée de l’Église”, prônait déjà une
séparation entre l’Église et l’État, en affirmant
solennellement :
« Il faut que l'Église n'ait au
temporel aucun pouvoir sur la république chrétienne ; aux rois
appartient une puissance sans contrôle et Jésus-Christ n'a point
de droit sur les couronnes ».
Ne s’étant pas fait
que des amis, il faut empoisonné et mourut le 7 juillet 1304,
après un an de pontificat. Clément V lui succéda.
« Le 13 février
1734, la cause de sa canonisation fut admise par la sacrée
Congrégation des Rites ; le pape Clément XII donna son
approbation à ce décret qui fut reçu par l'Ordre de saint
Dominique avec des acclamations de joie.
On sait,
toutefois, avec quelle prudente lenteur le Saint-Siège a
toujours voulu procéder en de semblables conjonctures. Plus de
deux ans furent consacrés à préparer seulement les pièces
relatives à la Béatification. Le 21 avril 1736, la Congrégation
des Rites, après avoir consulté le cardinal Ansideo, évêque de
Pérouse, et avoir entendu le promoteur de la foi, répondit
affirmativement à cette question posée autrefois par le pape
Urbain VIII sur une requête de l'évêque de Pérouse : “Est-il
vrai qu'un culte ait été de temps immémorial rendu au
bienheureux Benoît ?”
Par des décrets
en date du 9 novembre et du 15 décembre 1738, une messe et un
office furent accordés au saint successeur de Boniface ; mais,
sans parler ici de son Ordre, dans les seuls diocèses de Trévise
où il était né et de Pérouse où il était mort. On devait en son
honneur célébrer la messe Statuit du Commun d'un confesseur
pontife, avec une oraison propre.
Ce fut sans
doute le 7 juillet 1739 que la fête du bienheureux Benoît fut
célébrée pour la première fois. »
Alphonse Rocha
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