Benoît XI
Nicolas Boccasini, Pape, Bienheureux
1240-1304

Fils d’un berger “sans grande fortune”, Nicolas Boccasini naquit en 1240, au bourg de Saint-Barthélemy, aux environs de Trévise. Un de ses oncles, prêtre, se chargea de l'instruire.

« Dès sa première jeunesse, Nicolas Boccasino fit preuve d'une haute intelligence et, ce qui vaut mieux, d'un grand cœur. Dieu permit que cette âme virile passât de bonne heure par l'épreuve de la pauvreté. A l'âge de douze ans environ, il fut mis en état de se suffire à lui-même. Ce jeune homme, cet enfant alla à Venise, et, plein d'un courage et d'une science précoces, se fit le précepteur de jeunes patriciens. Rude métier où les humiliations ne manquent pas ; métier voisin de la domesticité et dont plusieurs siècles n'ont pas corrigé la rudesse »[1].

Le même auteur nous dit encore que le jeune Nicolas « avait une piété ardente et un zèle singulier pour le salut des âmes ; il aimait, sur toutes choses, à entendre la parole de Dieu et avait quelque désir d'en être un jour le ministre. Sa vocation était toute marquée ».

En effet, à l’âge de quatorze ans il entra chez les dominicains où il fit sa profession, probablement en 1257.

« Nicolas de Trévise – c’est ainsi qu’on l’appelait désormais, explique Léon Gauthier ― avait attiré sur lui tous les yeux de ses frères. On parlait de lui dans tous les couvents de l'Ordre, comme d'un génie et comme d'un saint. Malgré sa modestie, l'admiration de ses frères le contraignit à recevoir, tour à tour, tous les honneurs, et à remplir toutes les fonctions de la famille dominicaine. Il fut d'abord sous-prieur, puis prieur conventuel, puis enfin provincial de Lombardie. Et, dans toutes ces dignités, la grâce divine lui communiqua le secret de demeurer humble, doux et discret ».

Mais, malgré cette discrétion et cette humilité exemplaire, il était devenu “l’homme de Dieu” que tous aimaient et voulaient honorer, voila pourquoi, « en 1296, le chapitre général de l'Ordre des Prêcheurs [qui se tenait] à Strasbourg, voulut, d'après la règle, donner un successeur au Maître, ou, comme nous dirions aujourd'hui, au général de l'Ordre, qui était alors Etienne de Besançon. Le provincial de Lombardie ― Nicolas de Trévise – fut élu par acclamation ».

Alors qu’il était encore Maître général de l’Ordre des Prêcheurs, il fut créé cardinal prêtre de la Sainte Église romaine, par une lettre de Boniface VIII en date du 5 décembre 1298, à lui remise par deux émissaires envoyés par le Pape lui-même. Il était nommé au diocèse d’Ostie.

« Le Pape ― poursuit Léon Gauthier ― avait un de ces regards qui percent les âmes, qui les analysent rapidement et qui en découvrent sans peine les qua• lités spécialement puissantes. 11 reconnut que la prudence était chez Boccasino la vertu, non pas la plus belle, mais la plus utile au gouvernement de l'Église, et il utilisa cette vertu. Il fit du nouveau cardinal ce que nous appelons aujourd'hui un diplomate ».

La diplomatie n’est pas une “science exacte” et souffre bien souvent de “détournements” qui ne sont pas toujours ni “honnêtes” ni appréciés de tous, voilà pourquoi la diplomatie de l’Église se veut honnête, sans mensonge et destinée à tous sans exception, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elle puisse être acceptée et appréciée par tous, mais, en tout état de cause elle doit être servie avec “prudence et au service de la Vérité”. Nicolas, malgré son humilité et son désire de rester “dans la solitude et dans le silence”, accepta par obéissance la charge qui lui était confiée, ne souhaitant plus désormais autre chose que de servir dignement le Souverain Pontife qui lui faisait confiance et l’Église universelle.

Pour mener à bien sa mission, le cardinal Dominicain dut s’absenter souvent de son diocèse et aller dans d’autres pays, dont certains étaient en guerre. C’est au retour de l’un de ses voyages épuisants et dangereux que Nicolas Boccasino put mesurer l’étendue des dégâts dont était victime l’Église, car “il ne retrouva point Boniface à Rome” car un “réseau de trahisons commençait à s'ourdir autour du Pontife”, dans le but de le faire périr ; réseau qui semble avoir pour organisateur secret le roi Philippe le Bel. C’était au début de l’année 1303.

« Il resta des amis à Boniface au plus fort de son infortune. Deux cardinaux, deux seulement, restèrent inébranlables au pied du trône pontifical. Ni la violence d'un Sciarra, ni la fourberie d'un Nogaret, ni les outrages d'une soldatesque en délire, n'écartèrent de leur maître outragé ces serviteurs fidèles. L'histoire a conservé les noms de ces deux derniers amis du grand Pontife : c'étaient Pierre d'Espagne et Nicolas Boccasino, évêque d'Ostie »[2].

Boniface VII ne s’est pas remis de cette mésaventure cruelle et le 11 octobre 1303 rejoignît la Maison du Père, laissant le siège romain vacant. Dès lors il fallait élire un nouveau pape. Le conclave fut donc ouvert à Pérouse et les cardinaux se souvinrent de celui qui avait été fidèle et qui avait été l’artisan des rapprochements récents entre l’Église et certains états de l’Europe, désignèrent, le 22 octobre 1303, Nicolas Boccasini pour succéder à Boniface VIII. Le 27 du même mois il fut intronisé et prit le nom de Benoît XI.

La période était chaotique et, « le premier regard que jeta sur son nouvel empire le successeur de Boniface, ce premier regard fut triste. En réalité, le nouveau Pape n'avait d'appui qu'au ciel, et c'est au ciel seulement qu'il pouvait trouver un sujet de joie. Sauf le roi Charles de Sicile et l'ancien capitaine général de Boniface VIII, Charles de Valois, il n'y avait pas alors un seul prince dans toute la chrétienté sur l'épée duquel le Souverain-Pontife eût le droit de compter »[3].

« Aussitôt après son couronnement – écrit encore Léon Gauthier ―, Benoît voulut faire cesser ces luttes, si fatales aux destinées de l'Église, auxquelles les factions se livraient dans Rome. Tout d'abord, il parut réussir : son aménité lui concilia l'amour des deux partis qu'il avait trouvés dans la plus dangereuse effervescence. Lorsqu'il avait fait son entrée à Rome, les poignards s'aiguisaient ; il y avait des haines féroces qui se dressaient l'une contre l'autre ; on craignait de nouvelles effusions de sang, de nouveaux incendies, de nouveaux crimes. Quelques jours après l'avènement du successeur de Boniface, Rome respirait en liberté et tout y était paisible ; mais en apparence, hélas ! »[4]

Malgré toutes ces difficultés, Benoit XI, au court de son pontificat qui ne dura que huit mois, “promut la paix de l’Église, la restauration de la discipline et le développement de la religion”.

Le roi de France, de cette France “fille aînée de l’Église”, prônait déjà une séparation entre l’Église et l’État, en affirmant solennellement :

« Il faut que l'Église n'ait au temporel aucun pouvoir sur la république chrétienne ; aux rois appartient une puissance sans contrôle et Jésus-Christ n'a point de droit sur les couronnes ».

Ne s’étant pas fait que des amis, il faut empoisonné et mourut le 7 juillet 1304, après un an de pontificat. Clément V lui succéda.

« Le 13 février 1734, la cause de sa canonisation fut admise par la sacrée Congrégation des Rites ; le pape Clément XII donna son approbation à ce décret qui fut reçu par l'Ordre de saint Dominique avec des acclamations de joie.

On sait, toutefois, avec quelle prudente lenteur le Saint-Siège a toujours voulu procéder en de semblables conjonctures. Plus de deux ans furent consacrés à préparer seulement les pièces relatives à la Béatification. Le 21 avril 1736, la Congrégation des Rites, après avoir consulté le cardinal Ansideo, évêque de Pérouse, et avoir entendu le promoteur de la foi, répondit affirmativement à cette question posée autrefois par le pape Urbain VIII sur une requête de l'évêque de Pérouse : “Est-il vrai qu'un culte ait été de temps immémorial rendu au bienheureux Benoît ?”

Par des décrets en date du 9 novembre et du 15 décembre 1738, une messe et un office furent accordés au saint successeur de Boniface ; mais, sans parler ici de son Ordre, dans les seuls diocèses de Trévise où il était né et de Pérouse où il était mort. On devait en son honneur célébrer la messe Statuit du Commun d'un confesseur pontife, avec une oraison propre.

Ce fut sans doute le 7 juillet 1739 que la fête du bienheureux Benoît fut célébrée pour la première fois. »[5]

Alphonse Rocha


[1] Léon Gautier : Benoît XI : Étude sur la papauté au commencement du XIVe siècle.
[2] Léon Gautier : Benoît XI : Étude sur la papauté au commencement du XIVe siècle, page 48.
[3] Ibidem, page 53.
[4] Léon Gautier : Benoît XI : Étude sur la papauté au commencement du XIVe siècle, pages 57-58.
[5] Ibidem : pages 198-199.

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