

Revenant d'un long voyage, — j'ai
été en effet jusqu'au Pont pour les besoins de l'Église et pour visiter des
amis, — et ramenant un corps brisé et l'âme un peu mal-en-point, à peine ai-je
tenu dans les mains la lettre de votre piété, j'ai aussitôt tout oublié, en
recevant les témoins de la voix qui m'est la plus agréable et de la main la plus
chère. Puisque donc à cause de votre lettre je me suis senti tellement mieux,
vous pouvez imaginer quel prix j'attache à votre rencontre, que le Dieu saint
accorde de réaliser là où ce sera moins pénible et où vous nous inviterez
vous-même ; il ne me serait pas pénible, si vous gagniez la demeure située près
d'Euphémias pour notre rencontre, parce que j'échapperais de la sorte aux ennuis
de ces lieux-ci et que j'ai hâte de retrouver votre amitié qui ne connaît pas de
feinte.
Par ailleurs, le voyage jusqu'à
Nazianze m'est devenu sans doute nécessaire par le départ soudain de Grégoire,
l'évêque très aimé de Dieu, départ dont la raison reste inconnue jusqu'à ce
jour.
Quant à l'homme, dont j'avais parlé
à votre perfection et que vous espériez vous aussi voir maintenant prêt, sachez
que, pris d'une longue maladie et souffrant désormais des yeux par suite de
l'ancien mal et de la maladie récente, il est devenu totalement inapte aux
activités à exercer; un autre, nous n'en avons point. C'est pourquoi il vaut
mieux, bien qu'ils nous en aient confié le soin, qu'ils désignent eux-mêmes
quelqu'un d'entre eux. Il faut en effet penser, qu'ils se virent contraints de
parler comme ils l'ont fait, mais que leur cœur voulait ce qu'ils demandèrent
dès le début : que leur supérieur soit l'un des leurs. Si leur choix se porte
sur quelqu'un de nouvellement initié, que cela plaise ou non à Macédonius,
qu'ils le désignent. Vous lui donnerez la bénédiction d'usage comme cela
convient, le Seigneur en tout vous aidant et vous accordant la grâce nécessaire
à cela.
A propos des clercs, les canons
parlent d'une manière indéterminée, ordonnant que les clercs fautifs ne subiront
qu'une seule peine, la suspense de leurs fonctions, soit qu'ils occupent un
grade dans la hiérarchie, qui qu'ils accomplissent un service qui ne comporte
pas l'imposition des mains.
Celle qui pendant le voyage a
laissé mourir l'enfant qu'elle venait de mettre au monde, si pouvant le sauver
elle a négligé de le faire, soit qu'elle crût cacher par là son péché, soit
qu'elle y fût poussée par une pensée bestiale et inhumaine, sera considérée
comme coupable de meurtre. Mais si elle n'a pu l'entourer de soins et le
nouveau-né a péri, par suite de la solitude et du manque du nécessaire, la mère
doit en être excusée.
La veuve, si c'est une esclave,' ne
tombe pas dans une grande faute en contractant un second mariage sous forme
d'enlèvement; par conséquent il ne faut pas lui en faire grief : ce n'est pas
des formes qu'on a à décider, mais de l'intention. Évidemment, il lui reste de
faire la pénitence des digames.
Les différences que présentent les
meurtres involontaires, je me rappelle les avoir exposées autant que cela
m'était possible dans ma lettre d'il y a quelque temps à votre piété; je n'y
puis rien ajouter, et il appartient à votre prudence de renforcer ou de diminuer
les pénitences, selon la particularité de chaque cas.
Ceux qui entrèrent en campagne
contre les bandits, si ce sont des laïcs, seront privés de la participation aux
saints dons; et s'ils sont clercs, déposés ; car : "Quiconque s'est servi de
l'épée, dit l'Écriture, périra par l'épée".
Celui qui a tué volontairement,
puis s'en est repenti restera vingt ans sans communier aux dons sanctifiés.
Les vingt années lui seront
comptées de la manière suivante : pendant quatre ans il doit être avec les
pleurants se tenant à l'extérieur de la porte de la maison de prière, et
demandera aux fidèles qui entrent, de prier pour lui, en confessant publiquement
son iniquité; après ces quatre ans il sera reçu parmi les auditeurs et sortira
avec eux de l'église, cela pendant cinq ans; pendant sept ans il priera avec les
prosternés et sortira de l'église avec eux; pendant quatre ans il assistera
simplement parmi les fidèles, mais ne participera pas à l'offrande; et lorsque
tout cela sera accompli, il prendra part aux dons sanctifiés.
Celui qui a tué involontairement
restera dix ans sans communier aux dons sanctifiés. Les dix ans lui seront fixés
de la manière suivante : il sera deux ans parmi les pleurants, trois avec les
auditeurs, quatre parmi les prosternés, il assistera simplement pendant un an et
ensuite il sera admis aux saints dons.
Celui qui a commis l'adultère
restera quinze ans sans communier aux dons sanctifiés, quatre ans comme
pleurant, cinq comme auditeur, quatre comme prosterné, et deux ans comme simple
assistant.
Le fornicateur restera sept ans
sans communier aux dons sanctifiées,
deux comme pleurant et deux comme
auditeur et deux comme prosterné et un comme simple assistant et la huitième
année il sera reçu à la communion.
Celle qui a fait profession de
virginité puis a failli à sa promesse, arrangera sa vie de manière à accomplir
le temps de pénitence de l'adultère. La même règle vaut aussi pour ceux qui ont
promis de vivre la vie de moine et ont failli.
Celui qui a volé, si s'en repentant
il s'en est accusé spontanément, ne sera empêché que pendant un an de communier
aux dons sanctifiés avec les fidèles; s'il est convaincu de cela par d'autres,
il en sera empêché pendant deux ans, et son temps lui sera partagé en
prostration et simple assistance, et alors il sera admis à la communion.
Celui qui s'est montré impudique
avec des mâles se verra fixer le temps de pénitence de l'adultère.
Celui qui confesse un péché impie
commis sur des animaux observera dans la pénitence les mêmes temps.
Le parjure restera sans communier
pendant dix ans, deux ans comme pleurant, trois comme auditeur, quatre comme
prosterné, un an comme simple assistant et alors il sera jugé digne de la
communion.
Celui qui confesse avoir usé de
magie ou de philtres parcourra dans la pénitence les temps du meurtrier, traité
comme s'il s'était spontanément accusé de ce péché.
Le violateur de tombeaux restera
sans communier pendant dix ans, deux comme pleurant, trois comme auditeur,
quatre, comme prosterné, un an comme simple assistant et alors il sera reçu.
L'inceste entre frères aura le
temps de pénitence du meurtrier.
L'union par mariage des personnes
apparentés à un degré prohibant le mariage, si elle a eu lieu, vu qu'elle est un
péché, recevra les temps de pénitence des adultères.
Le lecteur, qui a eu commerce
charnel avec sa fiancée avant le mariage, aura un an de suspense, puis sera
admis au lectorat, restant sans avancement; s'il a eu commerce sans qu'il y ait
eu fiançailles il sera démis de son service, De même le sous-diacre.
Le diacre qui s'est souillé les
lèvres par le péché et avoue n'avoir péché que jusque-là, sera suspendu de sa
fonction liturgique, mais sera admis à communier aux saints dons avec les
diacres. La même chose vaut aussi pour le prêtre. Mais si un clerc est convaincu
d'avoir fait quelque chose de plus, dans quelque grade qu'il soit, il sera
déposé.
Celui qui fut complice dans l'un
des péchés précités et ne l'a pas avoué, mais en fut convaincu, il sera aussi
longtemps en pénitence, que l'auteur du péché.
Celui qui a eu recours à des devins
ou à leurs semblables, se verra
imposer le temps de pénitence du
meurtrier.
Celui qui a renié le Christ et
apostasié le mystère du salut doit prendre rang parmi les pleurants et faire
pénitence tout le temps de sa vie; il ne sera admis à la communion du saint don
qu'au moment où il quitte la vie, et cela à cause de la foi en la miséricorde de
Dieu.
Si néanmoins chacun de ceux qui
sont tombés dans les péchés précités, se montre plein de zèle dans le temps de
la pénitence, celui à qui la bonté de Dieu a confié le pouvoir de lier et de
délier, ne méritera pas de blâme, s'il se montre miséricordieux et diminue la
durée de la pénitence, en constatant le repentir extraordinaire du pécheur,
puisque le récit de l'Écriture sainte nous apprend que le repentir accompagné
d'une douleur très grande obtient rapidement le pardon de la Bonté de Dieu.
A celui qui s'est souillé par le
péché avec sa sœur issue du même père ou de la même mère on interdira l'accès de
la maison de prière, tant qu'il n'aura pas renoncé à ce commerce illicite et
criminel; quand il sera venu à résipiscence de cet horrible péché, il fera trois
ans comme pleurant, se tenant à la porte des maisons de prières et demandant au
peuple qui se rend à la prière, qu'ils aient pitié de lui et adressent au
Seigneur chacun en son particulier des prières de supplication pour lui; après
cela il sera admis à l'audition seule et après l'audition de la lecture des
Écritures et de la prédication on le fera sortir sans l'admettre à la prière;
ensuite, "s'il a cherché le Seigneur avec des larmes" et s'est prosterné devant
Lui le cœur contrit dans une grande humiliation, on lui accordera la prostration
pendant trois autres années; ainsi, lorsqu'il aura montré des fruits dignes de
pénitence, on l'admettra la dixième année à la prière avec les fidèles sans
participation à l'offrande; et après qu'il aura assisté avec les fidèles pendant
deux ans à la prière, on le jugera digne de la communion du saint don.
La même norme sera aussi appliquée
à ceux qui s'unissent à leurs brus.
Celui qui abandonne la femme
légitimement épousée et en prend une autre, tombe dans le péché d'adultère,
selon la décision du Seigneur. Nos pères ont fixé à leur propos comme pénitence,
un an parmi les pleurants, deux parmi les auditeurs, trois parmi les prosternés,
la septième année d'assister simplement avec les fidèles et alors être jugés
dignes de l'offrande, s'il se repentent de leurs péchés avec des larmes.
La même norme vaudra aussi pour
ceux qui prennent pour épouses deux sœurs, bien qu'en des temps successifs.
Ceux qui, emportés par une passion
furieuse, pèchent avec leurs marâtres, seront soumis à la même règle de
pénitence que ceux qui pèchent avec leurs sœurs.
Nos pères ont gardé le silence sur
la polygamie successive, vu qu'elle est propre aux bêtes et étrangère au genre
humain. Quant à nous, elle nous semble un péché plus grand que la fornication;
c'est pourquoi il est normal de faire subir à ces gens-là les temps de
pénitence, je veux dire de faire un an parmi les pleurants, trois parmi les
auditeurs, autres trois parmi les prosternés, et alors être reçus.
Ceux qui durant l'incursion des
barbares apostasièrent à la foi en Dieu, en prêtant des serments païens et
mangeant des mets impurs dans les temples des idoles de magie, ceux-là feront
les pénitences déjà fixées par nos pères : s'ils ont été soumis de force à des
tortures pénibles et n'ont pu supporté les tourments et furent ainsi poussés au
reniement, ils seront pendant trois ans exclus de l'église, deux parmi les
auditeurs, trois parmi les prosternés, et alors admis à la communion. Si au
contraire sans y avoir été grandement contraints ils ont trahi la foi en Dieu et
touché à la table des démons et ont juré des serments païens, ils seront pendant
trois ans exclus de l'église, entendront les lectures deux ans, prieront avec
les prosternés trois ans, pendant trois autres années assisteront avec les
fidèles à la supplication et alors seront admis à la communion du saint don.
Quant aux parjures aussi, s'ils ont
transgressé leurs serments sous la force et la contrainte, ils seront soumis à
des pénitences plus légères, de manière à être réconciliés au bout de six ans;
mais s'ils ont trahi leur foi jurée sans y avoir été contraints, ils feront deux
ans avec les pleurants, deux parmi les auditeurs, cinq parmi les prosternés, et,
autorisés pendant deux autres années à participer à la prière sans l'offrande,
enfin, après avoir ainsi témoigné d'un repentir remarquable, ils seront admis de
nouveau à la communion du Corps du Christ.
Ceux qui ont recours aux devins et
suivent les coutumes païennes, ou bien introduisent chez eux des gens en vue de
découvrir les sortilèges ou de s'en purifier, seront sujets à la pénitence des
six ans, un an parmi les pleurants, un an parmi les auditeurs, trois ans parmi
les prosternés, un an d'assistance simple avec les fidèles et alors ils seront
reçus.
Nous vous avons exposé tout cela,
afin que vous examiniez bien les fruits de la pénitence; certainement, ce n'est
pas sur la durée de la pénitence que se fondera notre jugement, mais nous ferons
attention à la qualité du repentir. Si, cependant, ils se laissent difficilement
arracher à leurs habitudes et préfèrent être esclaves des plaisirs de la chair
que de servir le Seigneur, et n'acceptent pas de vivre selon l'évangile, nous
n'aurons rien de commun avec eux; on nous a en effet enseigné, à propos d'un
peuple désobéissant et entêté, d'obéir au précepte : "Tâche de sauver ton âme à
toi".
C'est pourquoi ne nous laissons pas
entraîner à la perdition avec eux, mais dans la crainte du jugement sévère et
tenant devant les yeux le terrible jour de la rétribution finale du Seigneur, ne
veuillions pas nous laisser entraîner à la perdition par suite des péchés
d'autrui. Si les jugements terribles du Seigneur ne nous ont pas corrigés, ni de
si grandes plaies ne nous ont amené sa résipiscence, - car le Seigneur nous a
abandonnés à cause de notre iniquité et nous a livrés aux mains des barbares et
le peuple fut emmené en captivité en pays ennemi et livré à la dispersion, à
cause de ces péchés qu'avaient osé commettre ceux qui portent le Nom du Christ,
- si donc ces gens-là n'ont pas reconnu ni compris que la colère de Dieu vint
sur nous à cause de cela, qu'avons-nous de commun avec eux ? Bien au contraire
nous devons prendre Dieu à témoin contre eux de nuit et de jour, en public et en
privé; et ne nous permettons pas de nous laisser entraîner par leurs ruses, en
priant Dieu avant tout de les gagner et les délivrer des pièges du malin, et si
nous n'y arrivons pas, cherchons du moins à sauver nos âmes de l'éternelle
condamnation.
DE LA LETTRE ÉCRITE AU MEME BIENHEUREUX AMPHILOQUE
QUE LE
SEIGNEUR N'IGNORE NI LE JOUR NI L'HEURE DE LA FIN
Aux délicats encratites, à propos
de leur grave question, pourquoi nous ne mangeons pas de toutes choses, on
répondra que nous abhorrons aussi nos excréments. Car, pour ce qui est de la
valeur, pour nous "la viande est égale aux légumes", mais pour ce qui est de la
distinction entre utile et nuisible, de même que nous séparons parmi les légumes
le nuisible de l'avantageux, de même nous distinguons parmi les viandes l'utile
du nuisible. Ainsi la ciguë est aussi un légume, comme la chair du vautour est
aussi de la viande; cependant aucun homme sensé ne mange de la jusquiame, ni ne
touche à la chair de chien, à moins qu'une grande nécessité n'y oblige, auquel
cas ne commet pas d'iniquité celui qui en mange.
Il nous est arrivé une lettre qui
porte en tête le nom de Diodore, mais dont le reste convient à tout autre
personne qu'à Diodore; il me semble qu'un homme habile a pris votre nom,
désireux d'inspirer ainsi confiance à ses auditeurs; qui, interrogé par
quelqu'un, s'il lui était licite d'épouser la sœur de sa femme défunte, n'a pas
été horrifié par la question, mais au contraire écouta calmement la question et
vint en aide à l'impudent désir avec bien de l'audace et de l'argutie. Si j'
avais eu entre les mains la lettre même, je vous l'aurais expédiée et vous
auriez vous-même la possibilité de prendre la défense de votre personne et de la
vérité; mais comme celui qui nous l'a montrée, l'a reprise et la promène comme
un trophée contre nous, qui avions interdit dès le début une telle union, disant
qu'il en avait l'autorisation écrite, je vous envoie la présente lettre, afin
que de deux côtés nous attaquions ce faux discours et que nous ne lui laissions
aucun pouvoir, qui le mettrait en état de nuire facilement à ses auditeurs.
En premier lieu, nous citerons ce
qui en pareil cas est primordial, la coutume en vigueur chez nous, que nous
pouvons avancer comme ayant force de loi, puisque nos institutions nous ont été
transmises par des saints; or, la voici : Si quelqu'un sous l'empire de la
passion impure en vient à contracter l'union illégitime avec deux sœurs
successivement, cette union ne sera point considérée comme mariage légitime et
ils ne seront point admis à l'assemblée de l'église, avant de s'être séparés
l'un de l'autre. Par conséquent, même si l'on n'avait rien d'autre à ajouter, la
coutume suffirait à elle seule pour nous garder du mal. Mais comme l'auteur de
la lettre a tenté d'introduire un si grand mal dans la vie des fidèles par une
argumentation de mauvais aloi, il nous est nécessaire à nous aussi de ne pas
négliger l'aide du raisonnement, bien que la conviction intime de chacun est
supérieure au raisonnement pour les choses totalement évidentes.
Il est écrit, dit-il, dans le
Lévitique : "Tu n'épouseras pas comme rivale de ta femme sa propre sœur, en
découvrant sa nudité avec celle de ta femme, du vivant de celle-ci"; or, dit-il,
il en ressort clairement, qu'il est permis de la prendre pour épouse, après la
mort de la première femme. Je répondrai à cela en premier lieu que, "les
prescriptions de la loi s'adressent à ceux qui sont sous la loi"; sinon, nous
serions aussi soumis aux lois de la circoncision, du sabbat, et de l'abstention
de certains mets; car, nous ne saurions "accepter le joug de la servitude de la
loi", si nous y trouvons une contribution à nos plaisirs, et ne recourir "à la
liberté du Christ" que lorsqu'une prescription légale nous paraît pénible. On
nous avait demandé s'il est écrit qu'on peut prendre pour épouse la sœur de la
femme défunte; nous avons donné la réponse sûre et vraie, que ce n'est pas
écrit; or, déduire par le raisonnement ce qui a été tu, c'est faire oeuvre de
législateur, non de juge. Sinon, il serait de la même manière possible à
quiconque le voudrait d'oser épouser la sœur de sa femme même du vivant de
celle-ci; car ce même sophisme convient aussi à ce cas; il est en effet écrit,
dira-t-on, "tu n'épouseras pas la sœur de ta femme, pour en faire rivale de ta
femme"; donc il n'est pas interdit de l'épouser si la rivalité est hors de
cause; en fait, l'homme qui caresse sa passion affirmera que le caractère des
deux sœurs exclut toute jalousie; la raison donc de l'interdiction d'épouser
toutes les deux étant levée, quel empêchement y a-t-il d'épouser les deux
sœurs ? Mais dira-t-on, cela n'est pas contenu dans l'Écriture. L'autre non plus
n'y est pas contenu, mais le raisonnement par déduction autorise également l'un
et l'autre.
Or, il eût fallu recourir à la
suite immédiate du texte de la législation, pour éviter toute difficulté; le
législateur, en effet, ne semble pas avoir voulu comprendre toute sorte de
péchés, mais interdire spécialement ceux des Égyptiens, qu'Israël avait quittés
et ceux des Cananéens, chez qui il se transportait; en voici le texte : "Vous
n'agirez point selon les usages de l'Égypte, que vous avez habitée, vous
n'agirez point selon les usages du pays de Canaan où je vous introduirai : vous
ne suivrez pas leurs coutumes".
Par conséquent, il en ressort que
cette espèce de péché n'existait pas chez les païens; c'est pourquoi le
législateur n'avait pas besoin de les mettre en garde, mais il se contenta de
mentionner la coutume traditionnelle pour stigmatiser l'acte honteux. Pourquoi
donc a-t-il tu le péché moindre en interdisant ce qui était plus grave ? Parce
qu'il pensa que l'exemple du patriarche Jacob qui avait épousé deux sœurs
simultanément, pourrait porter au mal grand nombre de gens voluptueux.
Et nous, que devons-nous faire ?
Dire ce qui fut écrit ou bien
rechercher ce qui fut tu ? Par exemple, que père et fils ne dussent avoir la
même concubine n'est pas contenu dans les lois en question, mais le prophète le
juge digne de la plus grande condamnation : "Le fils et le père, dit-il, vont
chez la même fille". Que d'espèces de péchés impurs n'a pas inventés la science
des démons pour les enseigner aux hommes, sur lesquels la divine Écriture a
gardé le silence, préférant ne pas se souiller par l'énumération des actes
honteux, mais stigmatisa les impuretés par des désignations générales, comme le
fait aussi l'apôtre Paul en disant : "Que la fornication ni aucune impureté ne
soient pas même nommées parmi vous, ainsi qu'il convient à des saints",
entendant sous le nom d'impureté les actes innommables entre mâles ou entre
femmes. Par conséquent le silence de l'Écriture ne comporte aucunement la
liberté d'action pour les voluptueux.
Pour moi, je dis même que notre cas
n'a point été passé sous silence, mais au contraire véhémentement interdit par
le législateur; car l'interdiction : "Aucun de vous n'approchera de sa proche
parente pour découvrir sa nudité", comprend aussi cette sorte de proche
parenté ; qu'y a-t-il, en effet, de plus proche à l'homme que sa propre femme,
ou plutôt, que sa propre chair ? car"ils ne sont plus deux, mais une seule
chair". Or par l'intermédiaire de la femme, la sœur de celle-ci entre dans la
proche parenté de l'homme; car de même que l'on n'épousera pas la mère de sa
femme, ni la fille de sa femme, parce que l'on n'épouse ni sa propre mère ni sa
propre fille, de même on n'épousera pas la sœur de sa femme, parce que l'on
n'épouse pas aussi sa propre sœur. Réciproquement, il ne sera pas permis à la
femme non plus d'épouser les proches parents de son mari, car les obligations de
la parenté sont les mêmes pour tous les deux.
Pour moi, je déclare d'autre part à
tout homme qui pense au mariage, que "la figure de ce monde passe et que le
temps est bien bref : que ceux qui ont une femme soient comme s'ils n'en avaient
point"; et s'il m'objecte le "croissez et multipliez-vous", je me rirai de celui
qui ne distingue pas les époques où les lois furent portées. Les secondes noces
sont un secours contre la fornication, non un moyen de débauche : "S'ils ne
peuvent garder la continence, qu'ils se marient", dit-il, mais non point qu'ils
commettent l'iniquité en se mariant.
Or, ces gens-là, qui par suite de
leur passion honteuse ont les yeux de l'âme pleins de chassie, ne font même pas
attention à la nature, qui depuis toujours a distingué les appellations
désignant la parenté.
Depuis quelle parenté nommera-ton
leurs enfants ? Dira-t-on qu'ils sont frères entre eux ou bien cousins les uns
des autres ? car l'un et l'autre leur conviendra pour la confusion de la
parenté. Ô homme, ne fais pas de la tante une marâtre de tes enfants en bas-âge,
ni n'arme celle qui doit les entourer d'une affection de mère, de jalousies
implacables; seule en effet la haine des marâtres continue son inimitié même
après la mort, ou plutôt, ceux qui se combattaient pour d'autres raisons
pardonnent à leur ennemis morts et prient pour eux, tandis que les marâtres se
mettent à haïr la morte qu'elles ont remplacée.
Résumons ce qui a été dit; si
quelqu'un aspire au mariage selon la loi de Dieu, l'univers entier s'offre à
lui; mais si son désir émane d'une passion impure, raison de plus pour qu'il
soit exclu de l'église afin d'apprendre à "traiter son corps en toute sainteté,
sans se livrer aux emportements de la passion". Désireux d'en dire plus, je m'en
retiens eu égard à la longueur de la lettre. Je souhaite que mon exhortation
l'emporte sur la passion, ou bien, que cette souillure impie ne contamine point
notre pays, mais reste cantonnée dans les lieux mêmes où l'on a osé la
commettre.
J'ai lu votre lettre avec la plus
grande longanimité et je me suis demandé pourquoi, ayant la possibilité de nous
présenter une apologie brève et facile par des actes, vous préférez persister
dans ce dont on vous accuse, et vous vous efforcez de trouver un remède à une
situation qui n'en admet aucun.
Nous ne sommes pas les premiers, ni
les seuls, cher Parégorios, à légiférer que des femmes ne peuvent cohabiter avec
des hommes; lisez donc le canon porté par nos saints pères du concile de Nicée,
qui a clairement interdit qu'il y ait des femmes cohabitant avec des clercs.
Ce qui rend le célibat respectable,
c'est précisément de s'abstenir de la compagnie des femmes; par conséquent, si
quelqu'un en fait nominalement profession, tout en agissant comme ceux qui sont
mariés avec une femme, il montrera qu'il cherche à se faire attribuer le respect
dû à la virginité, sans s'abstenir de la malhonnête du plaisir.
Vous auriez dû céder à notre
instance d'autant plus facilement, que vous affirmez être libre de toute
affection charnelle; je veux bien croire qu'un homme qui a eu soixante-dix ans
ne cohabite pas avec une femme par passion charnelle, et ce n'est point pour une
faute commise que nous avons décidé ce que nous avons décidé; mais, parce que
l'Apôtre nous a enseigné à "ne point être pierre d'achoppement ou scandale pour
notre frère"; or nous savons que l'acte fait en toute honnêteté par les uns sera
cause de péché pour d'autres; à cause de cela nous conformant à l'ordonnance des
saints pères, nous avons ordonné que vous vous sépariez de la femme. Pourquoi
donc accusez-vous le chorévèque et mentionnez-vous son inimitié de longue date ?
Pourquoi nous accusez-vous, nous, de prêter une oreille facile à l'admission des
calomnies, et pas vous-même, qui n'admettez pas de vous séparer de la compagnie
de cette femme ? Éloignez-la donc de votre maison et faites-la entrer dans un
monastère; qu'elle demeure, elle, parmi les vierges consacrées et, vous,
faites-vous servir par des hommes, "afin que le Nom de Dieu ne soit pas
déshonoré à cause de vous". Tant que vous ne ferez pas cela, les milliers de
raisons que vous exposez par vos lettres ne vous serviront à rien, bien au
contraire, vous finirez par être suspendu de vos fonctions et aurez à rendre
compte au Seigneur de votre suspense. Et si vous osez exercer votre sacerdoce
sans vous corriger, vous serez anathème parmi tout le peuple fidèle et ceux qui
vous recevront à leur communion seront rejetés de toute église.
Je suis bien attristé de ce que les
ordonnances de nos pères sont désormais sans vigueur et que toute exacte
observance est bannie des Églises; et j'ai bien peur que les progrès d'une telle
indifférence n'amènent une totale confusion dans l'administration de l'Église.
Les clercs au service de l'Église,
la coutume régnant depuis toujours dans les Églises de Dieu ne les admettait
qu'après une rigoureuse épreuve; et l'on examinait attentivement toute leur
conduite, s'ils n'étaient pas grossiers dans leurs paroles, ou adonnés à la
boisson, ou prompts à la querelle, si leur jeunesse a été éduquée de manière à
pouvoir vivre dans "la sainteté, sans laquelle personne ne saurait voir le
Seigneur". A cet examen s'adonnaient les prêtres et les diacres qui vivaient
avec eux et en référaient aux chorévèques; ceux-ci à leur tour, après avoir reçu
les avis des témoins véridiques et averti à ce sujet l'évêque du lieu,
inscrivaient enfin le clerc dans les rangs du clergé.
Tandis qu'à présent, d'abord vous
nous avez écarté et sans même daigner en référer à nous, vous avez concentré en
votre personne toute l'autorité sur cette question; ensuite, négligeant même
totalement l'affaire, vous avez laissé à des prêtres et des diacres le soin
d'introduire dans le service de l'Église les sujets indignes qu'ils voulaient,
sans aucun examen de leur conduite, par considération de la parenté ou de tout
autre sympathie. Par suite de cela, chaque bourg compte un grand nombre de
clercs, mais aucun d'eux n'est digne de l'autel, comme vous l'attestez
vous-mêmes, qui manquez de sujets pour les nominations aux postes.
Puis donc que je vois la situation
devenue intolérable, surtout à présent, où par crainte du service militaire, un
grand nombre s'inscrivent au service de l'Église, je suis forcé de renouveler
les prescriptions canoniques des pères et je vous ordonne de m'envoyer la liste
des clercs de chaque bourg, par qui chacun d'eux fut admis, et quelle est sa
conduite. Gardez d'autre part vous aussi la liste, afin de comparer vos écrits
avec les nôtres, et qu'il ne soit permis à personne d'y ajouter son nom quand
bon lui semblera.
De la sorte, s'il y en a qui sont
portés par les prêtres sur la liste après la première indiction, ils seront
rejetés parmi les laïcs et leur examen canonique sera repris par vous; et s'ils
sont dignes, vous dé citerez de leur admission; car "purifiez l'Église, en
bannissant d'elle les indignes". Dorénavant donc examinez ceux qui sont dignes
et admettez-les, mais ne les inscrivez point sur les rôles du clergé avant d'en
référer à nous; sinon, sachez-le bien, celui qui sera admis au service de
l'Église sans notre avis sera considéré comme laïc.
Que l'on ait simplement soupçonné
et raconté l'affaire étrange dont je vous entretiens dans cette lettre, m'a
rempli l'âme de peine et m'a semblé jusqu'au dernier moment incroyable. Ma
lettre donc à ce sujet, celui qui a quelque chose à se reprocher la recevra
comme un remède; qui n'a rien à se reprocher comme un préservatif, et qui n'a
cure de rien,- Dieu préserve qu'il y en ait parmi nous -, comme un acte
d'accusation.
De quoi parlé-je ? On dit que
certains d'entre vous reçoivent de l'argent de ceux qu'ils ordonnent et couvrent
cela du nom de piété.
Ce qui est pire; car si l'on fait
le mal sous prétexte de bien faire, l'on est digne d'un double châtiment; parce
que l'on fait le mal et qu'on se sert du bien comme d'un complice pour commettre
le péché. Si cela a eu lieu, qu'il ne se fasse plus désormais, mais soit
corrigé; il faut en effet dire à celui qui reçoit l'argent ce que les apôtres
dirent à celui qui voulait en donner pour acheter une participation aux dons du
saint Esprit : "Que la perdition emporte toi et ton argent". Car plus légère est
la faute de celui qui par ignorance veut acheter le don de Dieu que celle de
celui qui la vend; en effet la vente a déjà eu lieu et si tu vends ce que tu as
reçu gratuitement, c'est toi qui es pour ainsi dire vendu à Satan et seras privé
du don de Dieu, puisque tu introduis l'escroquerie dans le domaine spirituel et
dans l'Église, où l'on nous a confié le Corps et le Sang du Christ. Cela ne doit
point se faire. La raison fallacieuse qu'ils se donnent, la voici. Ils croient
ne point commettre de faute, du fait qu'il ne reçoivent pas à l'avance, au
moment de l'ordination, mais reçoivent après l'ordination. Or, quel que soit le
temps où l'on reçoit, c'est toujours recevoir de l'argent.
Je vous en prie, laissez de côté ce
revenu, on plutôt cette offrande qui mérite l'enfer et ne vous rendez pas
indignes d'accomplir les saints mystères en vous souillant les mains par de
telles perceptions. Veuillez m'en excuser, je n'ai pas voulu y croire d'abord,
mais convaincu par la suite, j'en viens à la menace suivante : si quelqu'un
après la lettre présente fait rien de tel, il quittera les autels de ce lieu et
en cherchera un autre, où il pourra acheter le don de Dieu et le revendre; car,
"nous et les Églises de Dieu nous n'avons point une telle coutume". J'ajouterai
en terminant : C'est l'avarice qui est à l'origine de tout cela, or "l'avarice
est la racine de tous les vices" et est appelée en même temps "une idolâtrie";
ne préférez donc pas les idoles au Christ pour un peu d'argent; et n'imitez pas
Judas, en trahissant une seconde fois Celui qui une première fois a été crucifié
pour nous; car les champs aussi bien que les mains qui reçoivent de tels fruits
seront appelés "champ du sang".
Les dogmes et enseignements que
l'Église garde en dépôt nous sont en partie parvenus par l'enseignement écrit,
le reste nous l'avons reçu de la Tradition apostolique transmise jusqu'à nous
sous la discipline de l'arcane; mais les unes et les autres ont la même autorité
en matière de foi, et personne, qui ait la moindre idée des institutions
ecclésiastiques, n'oserait y contredire. Si en effet nous essayions de laisser
de côté les traditions non-écrites, parce qu'elles n'auraient point grande
valeur, nous porterions, sans nous en apercevoir, atteinte à des points capitaux
de l'évangile, bien plus, nous ne laisserions à la prédication catéchétique
qu'un vain nom. Par exemple, pour ne mentionner tout d'abord qu'un point, le
premier et le plus commun : le fait que se signent du signe de la croix ceux qui
ont mis leur espérance dans le Nom de notre Seigneur Jésus Christ, qui nous l'a
enseigné par écrit ? De nous tourner vers l'orient pendant la prière, quelle
proposition écrite nous l'a enseigné ? Les paroles de l'invocation du saint
Esprit pour la consécration du pain d'action de grâces et du calice de la
bénédiction, quel saint nous les a-t-il laissés par écrit ? En effet, nous ne
nous contentons pas de ce dont l'apôtre ou l'évangile ont gardé le souvenir,
mais nous faisons précéder et ajoutons autre chose, parce que nous estimons que
cela a grande valeur pour le mystère eucharistique, l'ayant ainsi reçu de la
Tradition non-écrite. Nous récitons des prières sur l'eau baptismale et l'huile
de l'onction et de plus sur le candidat au baptême, d'après quel texte ? N'est
pas d'après la Tradition arcane et secrète ? Même plus : l'onction même de
l'huile, quelle proposition écrite nous a appris à le faire ? Et la triple
immersion baptismale, d'où provient-elle ? Et tout le reste qui se rapporte au
baptême, de renoncer à Satan et à ses messagers, de quelle écriture provient-il
? N'est-ce pas de cet enseignement non-public et secret, que nos pères ont gardé
en l'entourant d'un silence à l'abri de toute curiosité et indiscrétion, sachant
bien par expérience que le caractère vénérable des sacrements est bien gardé par
la discipline de l'arcane ? En effet ce que les non-initiés ne devaient même pas
soupçonner, était-il normal d'en rendre l'enseignement public en le mettant par
écrit ?
La raison d'être de la Tradition
non-écrite, c'est que la connaissance des dogmes, exposées à des discussions, ne
soit avilie par suite de l'accoutumance. Autre chose les dogmes, autre chose la
prédication catéchétique, car les dogmes restent enveloppées de silence, le
catéchisme est publié. Une sorte de silence est aussi le manque de clarté
qu'emploie l'Écriture pour rendre le sens des dogmes difficile à comprendre, en
vue de l'utilité de ceux qui les lisent.
De là vient que tous nous nous
tournons vers l'orient pendant la prière, mais nous sommes un petit nombre à
savoir que nous cherchons par là l'antique patrie, le paradis. Et nous faisons
nos prières debout le premier jour de la semaine, mais nous n'en connaissons pas
tous la raison; car, ressuscités que nous sommes avec le Christ et obligés
d'aspirer vers les choses célestes, nous ne rappelons pas seulement à notre
esprit par la station debout pendant la prière la grâce, qui nous a été accordée
en ce jour de résurrection, mais aussi que ce premier jour de la semaine semble
être en quelque sorte l'image de l'éternité à venir; c'est justement parce qu'il
est le début des jours que Moïse dit à son sujet non pas "le premier", mais le
jour "un". Vu que ce jour revient à plusieurs reprises, il est en même temps un
et huitième, manifestant par lui-même le jour vraiment un et huitième que le
psalmiste rappelle dans l'inscription de certains psaumes, et qui représente par
lui-même l'état qui suivra notre temps présent, ce jour sans fin, sans nuit,
sans succession, l'éternité sans terme et toujours nouvelle. Il est donc
nécessaire que l'Église enseigne à ses disciples de faire leurs prières en se
tenant debout, afin que par le continuel rappel de la vie sans fin, nous ne
négligions point les moyens d'atteindre ce passage.
De même, toute la sainte
cinquantaine des jours après Pâques est un rappel de la résurrection espérée.
Car ce jour un et premier, multiplié sept fois par sept constitue les sept
semaines de la sainte cinquantaine; commençant et finissant par un, elle déroule
ce même un cinquante fois; elle imite ainsi l'éternité, commençant, comme dans
un mouvement cyclique, au même point et terminée au même; pendant cette
cinquantaine la coutume de l'Église nous a appris à préférer la station debout
pour la prière, transportant pour ainsi dire notre esprit du présent à l'avenir
par ce rappel manifeste. Par ailleurs chaque fois que nous plions les genoux et
que nous nous relevons, nous démontrons en acte avoir été jetés à terre par
notre péché et rappelés au ciel par la Miséricorde de Celui qui nous a créés.
Le jour entier ne me suffirait pas
pour exposer le sens caché des traditions non-écrites de l'Église. Je laisse
tout le reste de côté mais la profession même de la foi, de croire à un Père et
un Fils et un saint Esprit, de quelle tradition écrite la tenons-nous ? Si c'est
par suite de la Tradition baptismale, selon le principe de notre foi, de devoir
croire ce en quoi nous avons été baptisés, que nous confirmons notre profession
à notre baptême, alors qu'ils nous permettent aussi de confirmer notre doxologie
à notre foi. Si cependant ils rejettent la forme de notre doxologie parce
qu'elle n'est point contenue dans la Tradition écrite, qu'ils nous donnent les
preuves par la Tradition écrite de notre profession de foi et de tout ce que
nous avons énuméré. Après tout cela, alors qu'il y a tant de choses non-écrites
et d'une si grande importance pour le mystère de notre foi, ne nous
permettront-ils pas d'employer un mot qui est venu jusqu'à nous, transmise par
nos pères, et que nous avons trouvé, nous, conservé dans la simplicité de la
Tradition des Églises non-perverties, mot qui possède une vertu non des moindres
et contribue grandement à la compréhension du mystère ?
Quant à dire que la doxologie "avec
le saint Esprit" n'est contenue ni dans la tradition ni dans l'écriture, nous
répondons qui si l'on n'admet rien d'autre qui ne fût écrit, qu'on n'admette pas
cela non plus; si par contre la plus grande partie de la tradition transmise
sous le sceau de l'arcane a droit de cité chez nous sans avoir été transmise par
écrit, alors nous recevrons cela aussi.
D'ailleurs j'estime qu'il est
conforme au précepte de l'apôtre de rester aussi fidèle aux traditions
non-écrites : "Je vous loue, dit-il, de vous souvenir de tout ce que je vous ai
donné et de garder les traditions telles que je vous les ai transmises"; de même
: "Gardez les traditions que vous avez reçues soit de vive-voix soit par
lettre"; or l'une de celles-ci, s'il en fût, est la tradition qui nous occupe,
que les prédicateurs de la foi ont dès le début transmis à leurs successeurs, et
l'ont enracinée profondément dans l'église par une longue pratique, l'usage n'en
ayant été interrompu en aucun moment.
Si donc faute d'une preuve par
écrit, nous vous présentions, comme cela se fait dans les tribunaux, une foule
de témoins, n'obtiendrions nous donc pas votre sentence favorable? Pour moi, je
le crois bien : "Car, sur la foi de deux et trois témoins toute chose sera
confirmée".
Et si nous vous démontrions que le
temps si long déjà écoulé témoigne clairement en notre faveur, n'aurions-nous
pas raison de litre que votre accusation contre nous n'est pas recevable? Car
les croyances anciennes jouissent d'un préjugé favorable, tirant leur
respectabilité de leur antiquité aux cheveux blancs.
Prends garde à toi, ô prêtre, et à
ceux que tu instruis et faites attention en t'acquittant du ministère qui t'a
été confié; car on ne t'a pas remis un ministère terrestre, mais céleste, non
humain, mais angélique.
Applique-toi à te montrer ouvrier
irréprochable, qui marche dans le droit chemin de la vérité. Ne te présentez
jamais à la synaxe eucharistique avec des sentiments d'inimitié contre
quelqu'un, afin de ne pas éloigner le Paraclet un jour de synaxe. Évite les
procès, évite totalement les querelles, reste au contraire caché dans l'église,
priant et lisant l'Écriture sainte jusqu'à l'heure de la célébration des divins
mystères; présente-toi alors à l'autel avec componction sans regarder de-ci
de-là, mais tes tenant devant le Roi céleste avec sainte frayeur et crainte. Ne
récite pas en hâte par complaisance humaine et n'abrège pas les prières; pendant
la supplication "n'aie égard à la personne d'aucun homme", mais aie le regard
fixé sur le Roi qui est là devant toi et les puissances célestes, qui assistent
tout autour. Rends-toi dignes des exigences des saints canons. Ne concélèbre pas
avec ceux que les canons rejettent.
Vois donc, devant qui tu te
présente, comment tu célèbres, à qui tu donne l'eucharistie. Attention, n'oublie
pas le précepte du Maître et celui des saints apôtres : "Ne donnez pas, dit-Il,
les saints dons aux chiens, et ne jetez pas les perles devant les pourceaux";
"Voyez ces chiens", et le reste.
Prends garde à ne pas céder au
respect humain et craindre un homme pour ta ruine; ne livre pas le Fils de Dieu
à des mains indignes. Prends garde à ne pas te laisser intimider par aucun
puissant de la terre; ne craigne en cette heure-là même celui qui porte la
couronne impériale, lorsque tu te présente à l'autel pour célébrer.
Faites attention comment vous
remettez le don divin à ceux qui l'emportent dans leurs maisons; je décline,
moi, toute responsabilité, c'est vous qui en répondrez. À ceux qui en sont
dignes donnez la divine communion gratuitement, comme vous l'avez reçue; ne la
donnez pas à ceux que les divins canons ont exclus, car ils sont comptés parmi
les païens, et malheur à ceux qui la leur donnent avant qu'ils ne fassent retour
à l'église.
Prenez garde à ce qu'une souris ou
rien de semblable ne touche aux divins sacrements; que le vent ou la fumée ne
l'atteignent point, que des hommes sacrilèges ne l'administrent point.
(Faites attention à la manière de
consommer et .purifier les saints dons au terme de la divine liturgie, de peur
que dans votre hâte vous ne laissiez tomber par terre une "perle" (particule
sacrée); prenez garde à ce que le saint calice ne reste pas avec du liquide et
s'en salisse de poussière, et ne vous éloignez qu'après avoir purifié tous les
deux vases sacrés.
Faites attention, s'il reste une
partie des saints dons, il n'est permis qu'aux seuls prêtres de les consommer.
Mais si cela ne peut se faire et que vous ayez sous la main suffisamment
d'enfants bien sages, amenez-les, qu'ils les consomment, puis restent à jeun
jusqu'à la cinquième heure. Prenez garde à ce que des insectes ne tombent dans
le saint calice ou ne se posent sur le pain sacré; prenez garde à ce que rien
d'autre ne touche aux divins sacrements).
En observant ces prescriptions-ci
et d'autres semblables, vous sauverez votre âme et celle de vos auditeurs.
De communier chaque jour et
participer ainsi au saint corps et sang du Christ est bon et utile, puisque
lui-même dit : "Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui
et il a une vie éternelle".
Qui donc peut mettre en doute que
la communion fréquente ne soit l'équivalent d'une vie multipliée? Nous du moins,
nous communions quatre lois par semaine, le dimanche, le mercredi, le vendredi
et le samedi; aux autres jours aussi, s'il s'y lait la mémoire d'un saint.
Que le lait qu'un homme ait été
forcé en temps de persécution, en l'absence d'un prêtre ou d'un ministre du
culte, de prendre la communion de sa propre main, ne lut nullement une faute
grave, il est superflu de vouloir le prouver, car la longue coutume en atteste
la pratique. En effet, tous les ermites, qui vivent dans les déserts sans la
présence d'un prêtre, gardent chez eux la communion et se communient eux-mêmes.
Bien plus, à Alexandrie et en Égypte, chacun, même laïc, garde la plupart du
temps la communion dans sa maison et se communie lui-même quand il veut ; car
une lois que le prêtre a terminé le sacrifice et a donné la communion, celui qui
a reçu toute sa part, en communiant chez lui chaque jour, doit croire qu'il
reçoit la communion et communie normalement de la main de celui qui la lui a
donnée au début; car, dans l'église aussi, le prêtre donne la parcelle et celui
qui la reçoit la garde en son pouvoir, et puis la porte à la bouche de sa propre
main. Or l'effet est le même, qu'on reçoive du prêtre une seule parcelle ou bien
plusieurs parcelles à la lois.
Vous avez bien fait de nous faire
parvenir vos nouvelles et de nous les faire parvenir par l'homme même, qui sans
aucun écrit eût suffi à nous consoler dans nos soucis et renseigner exactement
sûr la situation; nombreuses étaient en effet les questions, que nous voulions
voir répondre à quelqu'un qui connu à fond la situation, vu que des rumeurs
fausses étaient parvenues jusqu'à nous : tout cela notre très-désiré frère
Théodose, notre frère dans la prêtrise, nous l'a exposé avec clarté et en
connaissance de cause.
Les conseils donc que nous nous
serions données à nous-même, nous les donnons par écrit à votre piété; nombreux
sont ceux qui ont eu à subir ce qui vous arrive et cela non seulement dans le
temps présent, mais même dans le passé; innombrables en sont les exemples que
les récits historiques nous rapportent par écrit ou que nous avons appris de nos
ancêtres par la tradition non-écrite; les épreuves pour le Nom du Christ se sont
abattues sur les personnes, mais aussi sur les villes, de ceux qui ont mis en
lui leur espérance. Et cependant tout est passé et aucune de nos tribulations ne
comporte de peine sans terme; de même que la grêle et les torrents et tours les
malheurs indépendants de notre volonté, les uns ont pu, très facilement même,
nuire et dévaster, d'autres se heurtant à une résistance ont plutôt subi que
causé du tort; de même, les violentes épreuves agitées contre l'Église se sont
montrées plus faibles que la fermeté de la foi au Christ; et comme le nuage de
grêle passa et le torrent fut englouti par le ravin, car celui-là se fondit dans
le ciel serein, celui-ci disparut dans le sol, laissant sec et sans humidité le
lit qu'il parcourait -, il en est ainsi des malheurs qui vous accablent : encore
un peu et ils ne seront plus, pourvu que nous daignions ne pas voir le présent
immédiat, mais tenir le regard fixé par l'espérance à ce qui nous attend un tout
petit peu plus loin.
L'épreuve est-elle lourde ?
Supportons, mes frères, ce qui coûte de la peine, car personne ne conquiert la
couronne de la victoire sans blessures dans les luttes et sans s'être couvert de
poussière dans l'arène. Ces mêmes tours du démon sont-ils sans poids et ceux
qu'il a envoyés contre nous sont-ils désagréables certes, pour être à un tel
Service, mais négligeables, parce que Dieu a joint la faiblesse à leur ruse ?
Prenons garde alors à la sentence de condamnation, si nous poussons de hauts
gémissements pour de si petites souffrances; le seul objet digne de
gémissements, c'est la perte de celui-là même, qui pour une gloire passagère, —
si tant est qu'il faille appeler gloire l'inconduite publique de quelqu'un, — se
voit privé de l'honneur éternel dû aux justes. Vous êtes les enfants des
confesseurs, les enfants des martyrs, qui ont résisté au péché jusqu'au sang;
que chacun prenne exemple sur ceux de sa famille pour défendre la vraie foi ;
aucun de vous n'a subi la torture des peignes de fer; aucun de vous n'a vu sa
maison confisquée ; nous n'avons pas habité les lieux d'exil, nous n'avons pas
fait connaissance avec la prison. Quelle épreuve avons-nous eu à souffrir, à
moins que la peine ne soit justement de n'en avoir point et que nous n'ayons pas
été estimés dignes de souffrir pour le Christ.
Mais, si c'est parce qu'un tel
s'est emparé de la maison de prières, tandis que vous adorez le Créateur du ciel
et de la terre en plein air, que vous en avez de la peine, songez que les onze
apôtres étaient enfermés dans le cénacle, alors que les juifs qui ont crucifié
le Seigneur, accomplissaient les rites judaïques d'adoration dans le fameux
temple. Judas, qui a préféré mourir pendu que vivre dans la honte, a montré une
conduite préférable à celle de ceux, qui ont perdu toute pudeur devant le mépris
général et pour cette raison se montrent impudents devant toute turpitude.
Gardez-vous de vous laisser tromper
par leurs discours mensongers, qui affichent la rectitude dans la foi; car ce
sont des profiteurs de la foi au Christ, non des chrétiens, eux qui préfèrent à
la vie selon la vérité de vivre comme cela les avantage à chaque coup :
lorsqu'ils crurent le moment venir d'occuper le siège vacant, ils se rangèrent
du côté des ennemis de Dieu; et lorsqu'ils virent leurs peuples s'en
effaroucher, ils refirent à nouveau l'attitude orthodoxe. Je ne sais pas si l'on
peut les dire évêques; je ne saurais compter pas même parmi les prêtres du
Christ celui que des mains sacrilèges ont établi dans sa prélature en vue de la
destruction de la foi. Tel est mon jugement. Quant à vous, dans la mesure où
vous êtes dans ma communion, vous serez évidemment du même avis; si au contraire
vous en faites à votre guise, chacun est certes maître de sa décision, mais
nous, nous sommes "innocents de ce sang".
Je vous écris cela, non pas que je
manque de confiance en vous, mais pour raffermir la volonté indécise de certains
d'entre vous, en leur faisant connaître ma propre pensée ; — ainsi certains ne
se laisseront pas surprendre d'accepter leur communion, ni ne s'exposeront,
aussitôt la paix faite, à de graves difficultés pour se faire admettre dans
l'assemblée sacerdotale, en recevant d'eux l'imposition des mains.
Tout le clergé de la ville et celui
des campagnes, ainsi que tout le peuple qui craint Dieu, nous les saluons par
votre entremise.
Question : S'il est permis,
lorsque par hasard l'on se trouve quelque part en compagnie d'hérétiques, de
païens ou de juifs, de prendre un repas avec eux, ou de les saluer.
Réponse : La salutation
simple, c’est-à-dire, la commune, le Seigneur ne l'a interdite à propos de
personne, puisqu'il dit : "Si vous ne saluez que vos amis, que faites-vous
d'extraordinaire ? Les païens n'en font-ils pas autant ?" Quant à la
commensalité, nous avons, concernant ceux qu'il faut éviter, le précepte de
l'apôtre, qui dit : "Je vous ai écrit dans ma lettre de ne point avoir de
relations avec les impudiques, mais il ne s'agissait pas absolument de tous les
impudiques de ce monde, ni des cupides, ni des rapaces, ni des idolâtres, sinon
il vous faudrait sortir de ce monde. Or, j'ai voulu simplement dire que si un
homme portant le nom de frère, était impudique ou cupide ou idolâtre ou
diffamateur ou ivrogne ou rapace, de nous abstenir même de prendre un repas avec
un tel homme".



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