DES SACREMENTS
LIVRE II

 

 

LIVRE II

Il y eut aussi dans le déluge une figure anticipée du baptême. Nous avons commencé à l'expliquer hier. Qu'est le déluge, sinon le moyen de préserver le juste pour propager la justice, de faire mourir le péché ? C'est pour cela que le Seigneur, dès qu'il vit se multiplier les fautes des hommes, préserva le juste seul avec sa descendance, tandis qu'il ordonnait à l'eau de dépasser même le sommet des montagnes. Aussi ce déluge fit-il périr toute la corruption de la chair, tandis que la race et le modèle du juste subsistèrent seuls. N'est-ce pas ce déluge qu'est le baptême où sont effacés tous les péchés, tandis que seuls ressuscitent l'esprit et la grâce du juste ?

Il y a beaucoup d'espèces de baptêmes, mais il n'y a qu'un seul baptême, s'écrie l'apôtre. Pourquoi ? Il y a les baptêmes des païens, mais ce ne sont pas des baptêmes. Ce sont des ablutions, ce ne peut être des baptêmes. La chair est lavée, la faute n'est pas effacée. Au contraire, cette ablution en fait contracter une. D'autre part, il y avait les baptêmes des Juifs, les uns superflus, les autres en figure, et la figure elle-même nous est utile, parce qu'elle est messagère de vérité.

Qu'a-t-on lu hier ? Un ange, dit-on, descendait à certain moment dans la piscine et chaque fois que l'ange était descendu, l'eau s'agitait, et le premier qui y était descendu était guéri de n'importe quelle maladie qui le tenait. Cela représente la figure de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui devait venir.
Un ange. Pourquoi ? C'est qu'il est lui-même l'Ange du grand conseil. A certain moment, parce qu'il était réservé pour la dernière heure, pour arrêter le jour à son déclin même et différer son déclin. Chaque fois que l'ange était descendu l'eau s'agitait. Tu dis peut-être : « Pourquoi ne s'agite-t-elle pas maintenant ? » Écoute la raison : « Les signes sont pour les incroyants, la foi pour les croyants. »

Celui qui était descendu le premier était guéri de n'importe quelle maladie. Que signifie le premier ? Est-ce par le temps ou par la dignité ? Comprends-le dans les deux sens. S'il s'agit du temps, le premier qui était descendu était guéri d'abord, c'est qu'il s'agit du peuple juif plutôt que du peuple des païens. S'il s'agit de la dignité, le premier qui était descendu, c'est celui qui avait la crainte de Dieu, le souci de la justice, la grâce de la charité, l'amour de la pureté, c'est lui qui était guéri de préférence. Cependant à cette époque un seul était sauvé. A cette époque, dis-je, en figure, celui qui était descendu le premier était seul guéri. Combien plus grande est la grâce de l'Église dans laquelle tous ceux qui descendent sont sauvés.

Mais voyez le mystère. Notre-Seigneur Jésus-Christ vint à la piscine ; beaucoup de malades gisaient. Et assurément beaucoup de malades gisaient là où un seul était guéri. Alors il dit à ce paralytique : « Descends ». Celui-ci répondit: «Je n'ai pas d'homme.» Vois où tu es baptisé, d'où vient le baptême, sinon de la croix du Christ, de la mort du Christ. Là est tout le mystère : il a souffert pour toi. C'est en lui que tu es racheté, c'est en lui que tu es sauvé.

« Je n'ai pas d'homme, » dit-il. C'est-à-dire, la mort est venue par un homme et la résurrection vient par un homme. Il ne pouvait descendre, il ne pouvait être sauvé celui qui ne croyait pas que Notre-Seigneur Jésus avait pris chair d'une vierge. Mais celui-ci qui attendait le médiateur entre Dieu et les hommes, l'homme Jésus, en attendant celui dont il est dit : « Et le Seigneur enverra un homme pour les sauver, » celui-ci disait : « Je n'ai pas d'homme. » Et pour cette raison il mérita sa guérison parce qu'il croyait en celui qui venait. Il eût pourtant été meilleur et plus parfait s'il avait cru que celui dont il attendait la venue était déjà arrivé.

Vois maintenant le détail. Nous avons dit qu'il y avait eu une figure anticipée dans le Jourdain, quand ce Naaman le lépreux fut purifié. Cette jeune servante d'entre les captifs, qui est-elle, sinon celle qui avait les traits de l'Église et représentait sa figure ? Il était captif, en effet, le peuple des païens. Il était captif. Je ne parle pas de cette captivité imposée à un peuple par un ennemi quelconque ; mais je parle de cette captivité qui est plus grande, quand le diable, avec les siens, impose une cruelle domination et soumet à son joug les pécheurs.

Tu as donc là un baptême, un autre dans le déluge. Tu as une troisième espèce de baptême quand nos pères ont été baptisés dans la mer Rouge. Tu en as une quatrième espèce dans la piscine, quand l'eau s'agitait. Maintenant, je te le demande, dois-tu croire que tu as la présence de la Trinité dans ce baptême que le Christ administre dans l'Église ?

Ainsi donc Notre-Seigneur Jésus-Christ dit encore à ses apôtres dans l'évangile : « Allez, baptisez les nations au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » C'est la parole du Sauveur.

Dis-moi, homme, Élie a appelé le feu du ciel, et le feu est descendu du ciel. Élisée a invoqué le nom du Seigneur, et le fer de la cognée qui avait coulé remonta de l'eau. Voilà une autre espèce de baptême. Pourquoi ? C'est que tout homme, avant le baptême, s'enfonce et coule comme du fer ; dès qu'il a été baptisé, il n'imite plus le fer, mais il s'élève comme une espèce plus légère d'arbre fruitier. Il y a donc ici encore une autre figure. C'était une cognée au moyen de laquelle on coupait le bois. Le manche se détacha de la cognée, c'est-à-dire que le fer coula. Le fils de prophète ne sut que faire, mais il sut seulement prier le prophète Élisée et demander un remède. Alors celui-ci mit le bois (dans l'eau) et le fer remonta. Tu vois donc que c'est la croix du Christ qui allège l'infirmité de tous les hommes.

Voici autre chose, bien que nous ne suivions pas l'ordre des faits. Car qui pourrait saisir tout ce que le Christ a fait, comme l'ont dit les apôtres ? Moïse était arrivé au désert et le peuple avait soif. Il était arrivé à la fontaine de Mara et il voulut boire. Aussitôt qu'il y eut puisé, il en sentit l'amertume et il lui fut dès lors impossible de boire. C'est pour cela que Moïse mit du bois dans la fontaine, et l'eau qui était d'abord amère commença à s'adoucir.

Qu'est-ce que cela signifie, sinon que toute créature sujette à la corruption est une eau amère pour tous ? Même si elle est douce pour un moment, même si elle est agréable pour un moment, elle est amère, elle qui ne peut ôter le péché. Dès que tu auras bu, tu auras soif, dès que tu auras goûté sa douceur, tu sentiras de nouveau son amertume. C'est donc de l'eau amère. Mais dès qu'elle aura reçu la croix du Christ, le sacrement céleste, elle commence à être douce et agréable et justement agréable, puisqu'elle fait s'éloigner la faute. Si donc la puissance des baptêmes en figure a été si grande, combien plus grande est la puissance du baptême en vérité.

Maintenant donc regardons : le prêtre vient, il dit une prière près de la fontaine, il invoque le nom du Père, la présence du Fils et de l'Esprit-Saint , il se sert de paroles célestes. Ces paroles divines, ce sont celles du Christ disant que nous baptisions au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Si à la parole d'un homme, à l'invocation d'un saint la Trinité se trouvait présente, combien plus n'est-elle pas présente là où agit la parole éternelle ? Vous voulez être sûrs que l'Esprit-Saint est descendu ? Tu as entendu dire qu'il est descendu comme une colombe. Pourquoi comme une colombe ? Pour que les incroyants soient appelés à la foi. Au début il a fallu qu'il y ait un signe ; dans la suite il faut qu'il y ait perfection.

Voici autre chose. Après la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ, les apôtres étaient réunis et priaient le jour de la Pentecôte, et soudain il se fit un grand bruit, comme si un vent soufflait avec violence, et on vit comme des langues de feu qui se séparaient. Qu'est-ce cela signifie d'autre que la descente du Saint-Esprit qui voulut se manifester même d'une manière corporelle aux incroyants, c'est-à-dire d'une manière corporelle par un signe, d'une manière spirituelle par le sacrement ? C'est donc une preuve manifeste de sa venue ; mais à nous, on offre le privilège de la foi, parce qu'au début il y avait des signes pour les incroyants, tandis que pour nous, qui sommes déjà dans le plein développement de l'Église, il nous faut saisir la vérité non par un signe, mais par la foi.

Examinons maintenant ce qu'on appelle le baptême. Tu es venu à la fontaine, tu y es descendu, tu as aperçu le grand-prêtre, tu as vu les lévites et le prêtre à la fontaine. Qu'est-ce que le baptême ?

Au début notre Dieu fit l'homme immortel, à condition qu'il ne goûtât pas du péché. Il commit le péché, il devint sujet à la mort, il fut chassé du paradis. Mais le Seigneur qui voulait faire durer ses bienfaits et détruire toutes les ruses du serpent, arracher aussi tout ce qui avait nui, porta tout d'abord une sentence contre l'homme : « Tu es terre et tu retourneras en terre, » et il rendit l'homme sujet à la mort. C'était une sentence divine, elle ne pouvait être cassée par l'humanité. On trouva un remède : que l'homme mourût et ressuscitât. Pourquoi ? Afin que ce qui avait tout d'abord servi de condamnation servît de bienfait. Qu'est-ce d'autre que la mort ? Tu demandes comment ? Parce que la mort, par son intervention, met fin au péché. Quand nous mourons, en effet, nous cessons de pécher . Il semblait donc qu'on avait satisfait à la sentence, puisque l'homme qui avait été fait immortel, à condition toutefois de ne pas pécher, devenait mortel dès ce moment. Cependant, pour que la faveur divine durât sans interruption, l'homme est mort, mais le Christ trouva la résurrection, c'est-à-dire qu'il voulut rétablir le bienfait céleste qui avait été perdu par la ruse du serpent. Les deux choses sont donc en notre faveur : la mort est la fin des péchés et la résurrection est la réparation de la nature. Cependant, pour que la ruse ou les embûches du diable ne l'emportent pas en ce monde, on trouva le baptême. Écoute ce que l'Écriture dit de ce baptême, ou plutôt le Fils de Dieu : les pharisiens ne voulurent pas recevoir le baptême de Jean, ils ont méprisé le dessein de Dieu. Le baptême est donc le dessein de Dieu. Quelle grâce, là où est le dessein de Dieu ! Écoute donc. Ainsi, pour dénouer en ce monde l'étreinte du diable, on a trouvé le moyen de faire mourir l'homme de son vivant et de le faire ressusciter de son vivant. Qu'est-ce que de son vivant ? C'est-à-dire vivant de la vie de son corps, alors qu'il viendrait à la fontaine et serait plongé dans la fontaine. D'où vient l'eau, sinon de la terre ? On satisfait donc à la sentence divine sans l'engourdissement de la mort. Le fait que tu te baignes casse cette sentence : « Tu es terre et tu retourneras en terre. » La sentence est exécutée, il y a place pour le bienfait et le remède du ciel. L'eau vient donc de la terre. D'autre part, nos moyens de vivre ne permettaient pas que nous fussions recouverts de terre et que nous en ressuscitions. Puis, ce n'est pas la terre qui lave, mais c'est l'eau qui lave. Ainsi la fontaine est comme une sépulture.

On t'a demandé : « Crois-tu en Dieu le Père tout-puissant ? » Tu as répondu : « Je crois, » et tu as été baigné, c'est-à-dire enseveli. Une seconde fois on t'a demandé : « Crois-tu en Notre Seigneur Jésus-Christ et en sa croix ? » Tu as répondu : « Je crois, » et tu as été baigné, et par là tu as été enseveli avec le Christ. Car celui qui est enseveli avec le Christ ressuscite avec le Christ. On t'a demandé une troisième fois : « Crois-tu aussi en l'Esprit-Saint ? » Tu as répondu : « Je crois, » et tu as été baigné une troisième fois, afin que ta triple confession détruisît les chutes répétées du passé.

De plus, pour vous donner un exemple, le saint apôtre Pierre avait paru succomber, lors de la passion du Seigneur, à cause de la faiblesse de la condition humaine. Pour effacer et réparer cette faute, lui qui l'avait tout d'abord renié, il est interrogé une troisième fois par le Christ lui demandant s'il aimait le Christ. Alors il répondit : « Tu le sais, Seigneur, je t'aime. » Il répondit une troisième fois pour être absous une troisième fois.

Si donc le Père remet le péché, le Fils le remet de même et aussi l'Esprit-Saint. Que nous soyons baptisés en un seul nom, c'est-à-dire au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ne t'en étonne pas : il ne parle que d'un nom là où il n'y a qu'une substance, une divinité, une majesté. C'est le nom dont il est dit : « C'est en lui que tous doivent être sauvés. » C'est en ce nom que vous avez tous été sauvés, que vous avez été rendus à la grâce de vie.

L'apôtre s'écrie donc, comme vous l'avez entendu lire à l'instant : « Quiconque est baptisé, c'est dans la mort de Jésus qu'il est baptisé. » Que signifie dans la mort ? C'est que de même que le Christ est mort, tu as aussi à goûter la mort ; de même que le Christ est mort au péché et vit pour Dieu, tu as aussi à être mort aux anciens attraits des péchés, par le sacrement de baptême, et ressuscité par la grâce du Christ. C'est donc une mort, non par la réalité d'une mort corporelle, mais en symbole. Quand donc tu es baigné, tu prends la ressemblance de sa mort et de sa sépulture, tu reçois le sacrement de sa croix, puisque le Christ a été attaché à la croix et que son corps y a été fixé par des clous. Quand donc tu es crucifié, tu es attaché au Christ, tu es attaché avec les clous de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour que le diable ne puisse t'en détacher. Qu'ils te tiennent, ces clous du Christ, que retire la faiblesse de la nature humaine.

Tu as donc été baigné, tu t'es approché du prêtre. Que t'a-t-il dit ? « Dieu le Père tout-puissant, a-t-il dit, qui t'a fait renaître de l'eau et de l'Esprit-Saint et qui t'a pardonné tes péchés, te oint lui-même dans la vie éternelle. » Vois où tu as été oint : dans la vie éternelle, dit-il. Ne préfère pas cette vie-ci à celle-là. Si, par exemple, il survient un ennemi, s'il veut t'enlever ta foi, s'il profère des menaces de mort pour qu'on s'écarte du droit chemin, vois ce que tu as à choisir. Ne choisis pas ce en quoi tu n'as pas été oint, mais choisis ce en quoi tu as été oint, en sorte que tu préfères la vie éternelle à la vie temporelle.

    

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