LIVRE PREMIER
J'aborde l'explication des
sacrements que vous avez reçus. Il n'aurait pas convenu de la donner plus tôt,
car chez le chrétien la foi vient en premier lieu. Aussi donne-t-on, à Rome, le
nom de fidèles à ceux qui ont été baptisés, et notre père Abraham a été justifié
par la foi, non par les œuvres. Vous avez reçu le baptême, vous avez la foi. Il
m'est interdit d'en juger autrement, car tu n'aurais pas été appelé à la grâce,
si le Christ ne t'avais jugé digne de sa grâce.
Qu'avons-nous donc fait samedi ?
L'ouverture. Ces mystères de l'ouverture, on les a célébrés quand le prêtre t'a
touché les oreilles et les narines. Qu'est-ce que cela veut dire ?
Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans
l'évangile, quand on lui eut présenté un sourd et muet, lui toucha les oreilles
et la bouche : les oreilles parce qu'il était sourd, la bouche parce qu'il était
muet et il lui dit : « Effata. » C'est un mot hébreu qui signifie «ouvre-toi».
C'est donc pour cela que le prêtre t'a touché les oreilles, pour que tes
oreilles s'ouvrent à la parole et au discours du prêtre.
Mais tu me demandes : « Pourquoi
les narines ? » Parce que c'était un muet, il lui toucha la bouche : ainsi,
parce qu'il était incapable de parler des mystères célestes, il recevrait du
Christ la parole. Et là c'était un homme, ici on baptise des femmes, et la
pureté du serviteur n'est pas aussi grande que celle du maître, — puisque
celui-ci pardonne les péchés, tandis qu'on les remet à celui-là, comment peut-on
les comparer ? — aussi, par respect pour l'acte et la fonction, l'évêque ne
touche pas la bouche, mais les narines. Pourquoi les narines ? Afin que tu
reçoives la bonne odeur de la bonté éternelle, afin que tu dises : « Nous sommes
la bonne odeur du Christ pour Dieu », comme l'a dit le saint apôtre, et qu'il y
ait en toi tous les parfums de la foi et de la dévotion.
Nous sommes arrivés à la fontaine,
tu es entré, tu as été oint. Pense à ceux que tu as vus, pense à ce que tu as
dit, rappelle exactement tes souvenirs. Un lévite est venu t'accueillir, un
prêtre est venu t'accueillir. Tu as été oint comme un athlète du Christ, comme
si tu allais te livrer à une lutte profane, tu as fait profession de t'adonner à
la lutte. Celui qui lutte sait ce qu'il peut espérer : là où il y a combat, là
il y a une couronne. Tu luttes dans le monde, mais tu es couronné par le Christ,
et c'est pour des combats soutenus en ce monde que tu es couronné. Car, bien que
la récompense soit au ciel, ce qui mérite cette récompense se trouve pourtant
ici.
Quand on t'a demandé : «
Renonces-tu au diable et à ses œuvres ? » qu'as-tu répondu ? « J'y renonce. » —
« Renonces-tu au monde et à ses plaisirs ? » qu'as-tu répondu ? « J'y renonce. »
Souviens-toi de ta parole et ne perds jamais de vue les conséquences de la
garantie que tu as donnée. Si tu signes une reconnaissance à quelqu'un, tu es
considéré comme obligé à recevoir son argent, tu es considéré comme lié
strictement et le créancier te contraint. Si tu contestes, tu vas trouver le
juge, et là tu es convaincu par ta garantie.
Pense à l'endroit où tu as promis
ou à ceux à qui tu as promis. Tu as vu un lévite, mais c'est un ministre du
Christ. Tu l'as vu exercer son ministère devant les autels. Ta garantie n'est
donc pas gardée sur terre, mais au ciel. Pense à l'endroit où tu reçois les
sacrements célestes. Si le corps du Christ se trouve ici, les anges y sont aussi
établis. « Là où est le corps, là sont les aigles», as-tu lu dans l'Évangile. Là
où est le corps du Christ, là sont aussi les aigles qui ont coutume de voler
pour fuir ce qui est terrestre, s'élancer vers ce qui est céleste. Pourquoi
dis-je cela ? Parce que tous les hommes qui annoncent le Christ sont eux aussi
des anges et semblent appelés à tenir la place des anges.
Comment ? Écoute. Le Baptiste était
Jean, né d'un homme et d'une femme. Pourtant, écoute, il est un ange lui aussi :
« Voici que j'envoie mon ange devant ta face et il préparera ta route devant
toi. » Voici une autre preuve. Le prophète Malachie dit : « Les lèvres du prêtre
sont gardiennes de la science et c'est de sa bouche qu'on réclame la loi, parce
qu'il est l'ange du Dieu tout-puissant. » C'est dit pour que nous proclamions la
gloire du sacerdoce, non pour qu'on attribue quoi que ce soit à nos mérites
personnels.
Tu as donc renoncé au monde, tu as
renoncé au siècle. Sois vigilant. Celui qui doit de l'argent tient toujours
compte de sa garantie. Et toi, qui es redevable au Christ de la foi, garde la
foi qui est bien plus précieuse que l'argent, car la foi est une richesse
éternelle, l'argent une temporelle. Rappelle-toi, toi aussi, ce que tu as
promis, tu seras plus prudent. Si tu gardes ta promesse, tu garderas aussi ta
garantie.
Tu t'es ensuite approché, tu as vu
la fontaine, tu as vu aussi le prêtre près de la fontaine. Je ne puis pas non
plus douter que la même pensée ne vous soit venue qu'à ce Naaman le Syrien. Car,
bien qu'il ait été purifié, il douta cependant tout d'abord. Pourquoi ? Je vais
le dire, écoute.
Tu es entré, tu as vu de l'eau, tu
as vu le prêtre, tu as vu le lévite. Je crains que quelqu'un n'ait dit peut-être
: « C'est tout ? » Bien sûr c'est tout, c'est vraiment tout, là où est toute
innocence, toute piété, toute grâce, toute sainteté. Tu as vu ce que tu as pu
voir des yeux du corps et avec des regards humains ; tu as vu non ce que cela
produit, mais ce qui se voit. Ce qu'on ne voit pas est bien plus grand que ce
qu'on voit, parce que ce qu'on voit est temporel, ce qu'on ne voit pas éternel.
Disons tout d'abord : « Garde la
garantie de ma parole et réclames-en l'exécution. » Nous admirons les mystères
des Juifs qui ont été donnés à nos pères. Ils sont excellents tout d'abord par
l'ancienneté de leurs sacrements, puis par leur sainteté. Voici ma promesse :
les sacrements des chrétiens sont plus divins et plus anciens que ceux des
Juifs.
Quoi de plus extraordinaire que le
passage des Juifs à travers la mer, pour parler à présent du baptême ? Pourtant
les Juifs qui l'ont traversée sont tous morts au désert. Par contre, celui qui
passe par cette fontaine-ci, c'est-à-dire des choses terrestres aux choses
célestes, — car c'est là un passage et donc la Pâque, c'est son passage, celui
du péché à la vie, de la faute à la grâce, de la souillure à la sainteté, —
celui qui passe par cette fontaine ne meurt pas, mais ressuscite. Naaman était
donc lépreux. Une esclave dit à sa femme : « Que mon maître, s'il veut être
purifié, aille au pays d'Israël et il y trouvera celui qui pourra le débarrasser
de sa lèpre. » Elle dit cela à sa maîtresse, cette femme le dit à son mari,
Naaman le dit au roi de Syrie. Celui-ci, parce qu'il l'avait en grande faveur,
l'envoya au roi d'Israël. Le roi d'Israël apprit qu'on lui avait envoyé
quelqu'un qu'il aurait à débarrasser de la lèpre, et il déchira ses vêtements.
Alors le prophète Élisée lui fait dire : « Qu'y a-t-il que tu as déchiré tes
vêtements, comme s'il n'y avait pas de Dieu capable de purifier un lépreux.
Envoie-le moi. » Il le lui envoya. A son arrivée, le prophète lui dit : « Va,
descends dans le Jourdain, baigne-toi et tu seras guéri. »
Il se mit à réfléchir et à se dire
: « C'est tout ? Je suis venu de Syrie en Judée et on me dit : Va au Jourdain,
baigne-toi et tu seras guéri. Comme s'il n'y avait pas des fleuves meilleurs
dans mon pays I » Ses serviteurs lui dirent donc : « Maître, pourquoi ne fais-tu
pas ce que dit le prophète ? Fais-le plutôt et essaie. » Alors il se rendit au
Jourdain, se baigna et en sortit guéri.
Qu'est-ce que cela signifie donc ?
Tu as vu de l'eau. Cependant toute eau ne guérit pas, mais l'eau qui a la grâce
du Christ guérit. Il y a une différence entre l'élément et la sanctification,
entre l'acte et l'efficacité. L'acte s'accomplit avec de l'eau, mais
l'efficacité vient de l'Esprit-Saint. L'eau ne guérit pas si l'Esprit n'est
descendu et n'a consacré cette eau. Tu l'as lu : quand Notre-Seigneur
Jésus-Christ a institué le rite du baptême, il vint à Jean, et Jean lui dit : «
C'est moi qui dois être baptisé par toi, et c'est toi qui viens à moi ! » Le
Christ lui répondit : « Laisse seulement, car c'est ainsi qu'il convient
d'accomplir toute la justice. » Vois que toute la justice est placée dans le
baptême.
Pourquoi donc le Christ est-il
descendu, sinon pour que la chair fût purifiée, cette chair qu'il a prise de
notre condition ? Le Christ n'avait pas besoin qu'on le purifiât de ses péchés,
lui qui n'a pas commis de péché, mais nous en avions besoin, nous qui restons
sujets au péché. Si c'est donc pour nous qu'a été institué le rite du baptême,
c'est à notre foi que ce rite a été proposé.
Le Christ descendit, Jean était là
qui baptisait. Et voilà que l'Esprit-Saint descendit comme une colombe. Ce n'est
pas une colombe qui descendit, mais comme une colombe. Souviens-toi de ce que
j'ai dit: le Christ a pris une chair, non pas comme une chair, mais la réalité
de cette chair, le Christ a vraiment pris chair, tandis que l'Esprit-Saint
descendit du ciel sous l'apparence d'une colombe ; non pas dans la réalité d'une
colombe, mais sous l'apparence d'une colombe. Jean vit donc et il crut.
Le Christ descendit, l'Esprit-Saint
descendit aussi. Pourquoi le Christ est-il descendu le premier et ensuite
l'Esprit-Saint, alors que le rite habituel du baptême comporte que la fontaine
soit d'abord consacrée, puis que celui qui doit être baptisé y descende ? Car,
dès que le prêtre entre, il fait aussitôt l'exorcisme sur la créature qu'est
l'eau, puis il fait l'invocation et la prière pour que la fontaine soit
sanctifiée et qu'il y ait là la présence de la Trinité éternelle, tandis que le
Christ est descendu d'abord, que l'Esprit-Saint l'a suivi. Pour quelle raison ?
Pour que le Seigneur Jésus n'eût pas l'air, pour ainsi dire, d'avoir besoin du
mystère de la sanctification, mais pour qu'il sanctifiât lui-même et que
l'Esprit sanctifiât aussi.
Ainsi donc le Christ descendit dans
l'eau et l'Esprit-Saint descendit comme une colombe. Dieu le Père, à son tour,
parla du ciel. Tu as la présence de la Trinité.
Qu'il y ait eu dans la mer Rouge
une figure de ce baptême, l'apôtre le dit en ces termes : « Nos pères ont tous
été baptisés dans la nuée et dans la mer.» Et il ajouta : « Tout cela s'est fait
pour eux en figure. » Pour eux en figure, mais pour nous en vérité. Alors Moïse
tenait son bâton, le peuple juif était coupé de toute part : l'Égyptien en armes
le pressait d'un côté et de l'autre les Hébreux étaient arrêtés par la mer. Ils
ne pouvaient ni passer la mer, ni retourner en arrière pour attaquer l'ennemi.
Ils se mirent à murmurer.
Prends garde de te laisser séduire
par le fait qu'ils furent exaucés. Bien que le Seigneur les ait exaucés, ils ne
sont pourtant pas exempts de faute, eux qui ont murmuré. Quand tu es dans
l'angoisse, tu as à croire que tu en sortiras, non pas à murmurer ; à demander,
à prier, non à faire entendre des plaintes.
Moïse tenait son bâton et
conduisait le peuple des Hébreux, la nuit dans une colonne de lumière, le jour
dans une colonne de nuée. La lumière, qu'est-elle d'autre que la vérité, car
celle-ci répand une lumière visible et claire. La colonne de lumière,
qu'est-elle d'autre que le Christ Seigneur qui a chassé les ténèbres de
l'incroyance et a répandu dans le cœur des hommes la lumière de la vérité et de
la grâce spirituelle ? Mais la colonne de nuée, c'est l'Esprit-Saint. Le peuple
était dans la mer et la colonne de lumière le précédait, puis venait la colonne
de nuée comme l'image de l'Esprit-Saint. Tu vois donc qu'on nous a montré dans
l'Esprit-Saint et dans l'eau le type du baptême.
Dans le déluge aussi il y eut alors
déjà une figure du baptême, et les mystères des Juifs n'existaient certes pas
encore. Si donc le rite du baptême a précédé, tu vois que les mystères des
chrétiens sont plus anciens que ceux des Juifs.
Mais pour le moment, étant donné la
faiblesse de notre voix et le cours du temps, qu'il suffise aujourd'hui encore
d'avoir puisé quelque peu des mystères à la fontaine sacrée. Demain, si le
Seigneur nous accorde le pouvoir de parler ou même de le faire avec abondance,
je compléterai mon enseignement. Il faut que Votre Sainteté ait les oreilles
attentives, le cœur mieux disposé, pour que vous puissiez garder ce que j'aurai
pu recueillir de la suite des Écritures et que je vous aurai enseigné, afin que
vous ayez la grâce du Père et du Fils et du Saint-Esprit, cette Trinité à qui
appartient un règne sans fin, depuis toujours, maintenant et à jamais dans tous
les siècles des siècles.
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