Yves naquit dans
le Beauvoisis, de parents distingués par leur naissance ; après ses
premières études, il fit son cours de théologie sous le célèbre
Lanfranc, puis devint abbé des chanoines réguliers de. Saint-Quentin
de Beauvais. Par suite de la déposition de Geoffroy, évêque de
Chartres, accusé de simonie, il fut élu son successeur d'une voix
unanime. Pour le déterminer à accepter, il ne fallut rien moins que
les instances du roi lui-même, Philippe I", et les ordres du pape
Urbain II, qui voulut être le consécrateur du nouveau pontife.
Dès le
commencement de son pontificat, il eut bien des peines à éprouver;
mais il semble que la Providence n'a suscité ces obstacles que pour
faire paraître tout à la fois la prudence, la sagesse et la fermeté
de son serviteur.
On sait toutes
les démarches qu'il fit auprès du roi Philippe, pour l'engager à
mettre fin à une vie scandaleuse, et l'intrépidité qu'il montra dans
cette circonstance, au milieu même des persécutions qu'on lui
suscita.
Quand il s'agit
de procéder à la consécration de Guy, successeur de Hugues III,
évêque de Nevers, Richer, archevêque de Sens, souleva quelques
difficultés ; alors le légat du Saint-Siège, Hugues de Die, convoqua
à Autun les évêques co-provinciaux,
pour faire la cérémonie. Yves crut que ce serait agir contre la
discipline de l'Église, et il représenta au légat avec respect et
fermeté qu'il n'était pas d'usage de traiter les affaires d'une
province ecclésiastique dans une autre province, et déclara, en
conséquence, qu'il ne se rendrait pas à son invitation; c'était en
1095.
Deux ans plus
tard, le 13 décembre 1097, il consacra l'église de Saint-Étienne de
Nevers, accompagné de Guy, évêque de Nevers; de Gauthier, évêque de
Châlons, et de Humbault, évêque d'Auxerre. Cette église avait été
reconstruite en 1063, et le comte Guillaume l'avait complétée en y
faisant élever trois tours, en même temps qu'il construisait les
cloîtres et les laboratoires du monastère.
Yves était l'âme
de la province de Sens. Dans les circonstances difficiles, il
guidait par ses conseils les autres prélats de cette province. Guy
était mort; le siège de Nevers était vacant, et les partis étaient
divisés sur le choix d'un nouvel évêque. Yves, dans cette
circonstance, crut devoir écrire à l'archevêque de Sens :
Les exemples que
nous ont laissés les Pères, lui disait-il, doivent régler votre
manière d'agir : choisissez sans balancer celui qui l'emporte sur
l'autre par sa science et sa vertu. Mais si vous ne pouvez encore
porter un jugement certain, ne vous pressez pas de procéder a
l'imposition des mains ; il sera plus sage, selon moi, d'attendre
jusqu'au prochain concile provincial ; on examinera alors et les
intentions des électeurs et les mérites des candidats ; de cette
manière, votre conscience sera parfaitement éclairée. On suivit le
conseil d'Yves, et Hervé fut sacré au concile de Sens, en 1099.
Après une vie
plein* de mérites, Yves alla recevoir la récompense de ses, travaux
le 23 décembre 1115. Il fut enterré dans l'église de
Saint-Jean-en-Vallée, abbaye qu'il avait fondée. Son corps y demeura
jusqu'au seizième siècle. Les huguenots le déterrèrent pour la
brûler, et jetèrent ses cendres au vent.
Le pape saint Pie
V permit à tous les chanoines réguliers de faire l'office en
l'honneur du bienheureux Yves de Chartres, le 20 mai ; ce pieux
évêque avait été prévôt des chanoines réguliers de Saint-Augustin.
Cet office se faisait dans les abbayes de Saint-Martin de Nevers et
de Saint-Laurent-des-Aubats, près Cosne. L'ancien Bréviaire de
Nevers en faisait aussi mémoire.
Alban Butler :
Vies des pères, des martyrs, et des autres principaux saints… traduction
de
Jean François Godescard. |