Saint Wulstan
naquit à Icentum, dans le comté de Warwick. La vue d'une femme qui
dansait lui ayant
suscité quelques tentations dans sa jeunesse, il
alla se coucher sur un buisson, où il gémit amèrement de ses misères
et du danger qu'il avait couru. Depuis ce temps-là, Dieu lui fit la
grâce de veiller si exactement sur ses sens, qu'il n'éprouva plus de
semblables tentations, il commença ses études dans le monastère d’Evesgam,
et les finit à Péterborough. Après la retraite de son père et de sa
mère, qui, d'un consentement mutuel, embrassèrent l'état monastique,
il se mit sous la conduite de Brithège, évêque de Worcester, qui
l'éleva au sacerdoce. Cette dignité lui parut un nouvel engagement à
la perfection ; il tâcha de prier avec encore plus de ferveur
qu'auparavant. Les austérités des moines n'approchaient point de
celles qu'il pratiquait dans le monde. Il s'était d'abord permis
l'usage de la viande, mais il ne tarda pas à se l'interdire. Quelque
temps après, il entra dans la grande abbaye de Worcester, qu'il
édifia par l'innocence et la sainteté de sa vie. On lui confia le
soin d'instruire les enfants ; on le fit ensuite précepteur, puis
trésorier de l'église. Dans ces deux dernières places, il se
sanctifiait surtout par la prière et par de longues veilles :
souvent il lui arrivait de passer les nuits entières dans l'église.
Malgré son humilité, qui lui faisait toujours rechercher les plus
bas emplois, il fut élu prieur du monastère, puis évêque de
Worcester, en 1062, après la translation d'Aldred à l'archevêché
d'York.
Notre Saint
remplit avec édification tous les devoirs de l'épiscopat, et
quoiqu'il parût le céder à plusieurs du côté du savoir, il ne
laissait pas d'annoncer la parole de Dieu avec une dignité et une
onction qui attendrissaient ses auditeurs jusqu'aux larmes. Le
psautier était son livre favori; aussi avait-il coutume de le
réciter, même dans ses voyages. S'il passait devant une église ou
une chapelle, il y entrait pour répandre son âme en la présence de
Dieu ; et sa prière était si fervente, qu'elle était toujours
accompagnée d'une grande abondance de larmes.
Guillaume-le-Conquérant, qui ne comptait que sur la fidélité des
Normands, leur donna les premières places de l'Église et de l'Etat,
après en avoir dépouillé le clergé et la noblesse d'Angleterre; mais
notre Saint conserva son siège par un miracle ; voici comment la
chose est racontée. Dans un synode tenu à Westminster, et où
présidait Lanfranc, archevêque de Cantorbéry, on obligea
Wulstan de comparaître pour rendre sa crosse et son anneau; on
alléguait pour prétexte sa simplicité et son incapacité dans les
affaires. « Il est vrai, dit le Saint, que l'épiscopat est au-dessus
de mes forces ; mais ce fardeau m'ayant été imposé par le Roi
Edouard, de concert avec le Saint-Siège, c'est à lui que je dois
remettre ma crosse. » Il part aussitôt, et va l'enfoncer dans la
pierre du tombeau d'Edouard, enterré dans l'église même de
Westminster, après quoi il se retire parmi les moines. On veut
arracher cette crosse, mais on ne peut en venir à bout ; on rappelle
Wulstan, et on lui dit de la reprendre. A peine y eut-il porté la
main, qu'elle sortit comme d'elle-même. Guillaume, frappé de ce
prodige, honora toujours le Saint depuis ce temps-là. Lanfranc, de
son côté, non-seulement lui laissa son évêché, mais le chargea
encore de faire pour lui la visite de son diocèse.
Lorsque les
Anglais se plaignaient au Saint de l'oppression sous laquelle ils
gémissaient, il avait coutume de leur dire : « C'est un fléau
que Dieu vous envoie pour vous » punir de vos péchés ; vous devez
donc le souffrir avec » patience. » Il avait une tendresse
singulière pour son troupeau, et surtout pour les pécheurs
pénitents. Quand ils venaient lui faire l'aveu de leurs désordres,
il les recevait avec des entrailles de père, et mêlait ses larmes
avec les leurs. Il mourut en 1095. Il avait été évêque 32 ans, et en
avait vécu 87. Il fut canonisé en 1203.
Alban Butler : Vies
des pères, des martyrs, et des autres principaux saints…
traduction de
Jean François Godescard. |