Wulfran
était fils d'un officier qui servait dans les armées du
roi Dagobert. Il passa quelques années à la cour, sous Clotaire
III, et Ste
Bathilde sa mère. Mais il n'échoua point contre les écueils où
la vertu des
courtisans
fait si souvent naufrage; il sut allier les devoirs de son état
avec la pratique des maximes de l'Évangile. Il avait une estime
particulière pour les vrais serviteurs de Dieu, et surtout pour
les religieux de Fontenelle ou de Saint-Vandrille, en Normandie,
auxquels il donna sa terre de Maurilly.
Ayant été élevé sur
le siège de Sens en 682, il se livra tout entier aux fonctions
de l'épiscopat. Mais à peine eut-il gouverné son diocèse deux
ans et demi, qu'il résolut de le quitter pour aller prêcher la
foi dans la Frise, à l'exemple de plusieurs missionnaires
anglais qui travaillaient de ce côté-là. Il fit, avant de
partir, une retraite dans le monastère de Saint-Vandrille. Ses
prédications dans la Frise eurent les plus heureux succès. Un
grand nombre de personnes, parmi lesquelles on comptait le fils
du roi Radbod, se convertirent et reçurent le baptême.
C'était la coutume
des peuples dé la Frise d'immoler des hommes à leurs idoles. Ils
choisissaient les victimes parla voie du sort; et ceux, qui
avaient été désignés étaient ou pendus, ou noyés, ou mis en
pièces. Un jour qu'on allait attacher à la potence un de ces
malheureux, nommé Ovon, le saint se fit son intercesseur auprès
du roi, et demanda instamment qu'on lui sauvât la vie. Le peuple
accourut en foule et s'y opposa, sous prétexte que l'honneur de
ses dieux y était intéressé. Tout ce qu'on put obtenir d'eux,
fut que si le Dieu des Chrétiens pouvait sauver Ovon, celui-ci
aurait la liberté de l'adorer et de suivre la volonté de son
ministre. Il fut donc pendu, et resta deux heures à la potence,
de sorte que tout le monde le croyait mort. Mais la corde ayant
cassé parla vertu des prières de Wulfran, il tomba par terre, et
se trouva plein de vie. Le saint, auquel on le donna, comme on
en était convenu,: l'instruisit des vérités de la religion
chrétienne. Ovon fut depuis moine et prêtre de Saint-Vandrille.
Wulfran rendit aussi la vie à deux enfants qu'on avait jetés
dans la mer en l'honneur des idoles du pays.
Radbod, qui avait
été témoin oculaire du second miracle, promit d'embrasser le
christianisme, et se fit instruire. Il entra même dans le
baptistère pour être régénéré avec les autres catéchumènes. Mais
il se rendit indigne de cette grâce par une question déplacée.
Il demanda au saint où était le plus grand nombre de ses
ancêtres : « L'enfer, répondit Wulfran, est le partage de tous »
ceux qui sont morts dans l'idolâtrie. » A cette réponse, Radbod
se retira sans vouloir être baptisé. Il invita depuis S. Wulfran
à venir l'instruire conjointement avec S. (Willibrord; mais il
mourut avant son arrivée. Ce fut ainsi qu'à force .de temporiser
par une criminelle indolence, il alla paraître devant Dieu, sans
avoir renoncé au culte superstitieux des idoles.
Notre saint se
retira ensuite au monastère de Saint-Vandrille, où il mourut le
20 mars 720. Il se fit, en 1027, une translation solennelle de
ses reliques dans l'église de Saint-Vandrille, ainsi que de
celles de S. Erembert, évêque de Toulouse, de S. Condé,
solitaire du pays de Caux, et des saints martyrs Maxime et
Vénérand. S. Wulfrand est patron d'Abbeville, où ses reliques
furent transférées au commencement du treizième siècle.
SOURCE : Alban Butler : Vie
des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction :
Jean-François Godescard. |